J’ai un vertige éditorial : avec la peur que ce que la league a de plus moche, nous l’ayons aussi.
Il y a des jours où honnêtement, en regardant dans les yeux cette league, je me demande si je n’arrêterais pas de lui donner tout cet amour. Parce que la lassitude est réelle.
Ce qui est triste aujourd’hui, c’est que l’affaire qui précipite quelques fans comme moi dans ce genre de doute, n’est pas encore jugée qu’on en connaît déjà l’issue. C’est précisément ça qui me saoule.
On apprenait tout récemment qu’un énième joueur était accusé de violences conjugales. On va même pas citer son nom, ni celui de sa franchise. On va en revanche envoyer toute notre fore à cette femme qui a subit, comme beaucoup d’autres, ces violences.
Il y a quelques longs mois, un autre joueur était devant la justice pour avoir frappé sa compagne devant ses enfants. Et si on remonte en arrière, dans l’histoire récente ou non de cette league, on trouve pléthore de cas de ce type. S’agit-il de cas isolés ? S’agit-il de quelque chose d’inéluctable, contre lequel on peut rien faire ?
Il s’agit en tout cas de choses qui arrivent, et dont on commence presque à savoir qu’elles reviendront sans aucun doute. Y’a comme une certitude qui plane. C’est terrifiant de s’avouer que bientôt, une autre femme sera victime des violences d’un athlète de cette league. Terrifiant mais bien réel. La seule chose qu’on ne sait pas, c’est qui, quand et où. mais ça finira par revenir encore et encore. C’est bien le témoignage de la médiocrité des instances de cette league à lutter fermement contre les comportements violents de ces joueurs. Ce n’est pas même pas un échec : la league a t’elle seulement déjà essayé ?
Ce que la league fait, c’est gérer l’image de ses athlètes. Des assets à protéger et à utiliser parce qu’ils sont la source qui génèrent la thune. Pas d’athlètes, pas d’entertainment, donc pas de revenus. Elle se farde bien, de temps en temps, des drapeaux de luttes sociales ou écologiques de son continent. Elle encourage, aussi, ses joueurs à lisser leur communication et à proposer un contenu fun et jovial au public.
Mais que fait-elle quand une femme est rouée de coups par un de ses athlètes ?
Période de suspens pendant l’enquête. Sanction symbolique. Retour à la case départ dans une franchise. Le futur oubliera bien ce qu’il s’est passé, et quelques highlights font toujours passer la pilule. Il y aura aussi des échos sourds, dont personne ne mentionnera l’impact. Ils sont eux aussi bien réels pourtant, et il va falloir les regarder en face à un moment ou à un autre.
La victime, elle, va garder son trauma. Elle recevra éventuellement une somme d’argent compensatrice lui permettant de couvrir les soins passés et à venir, et de trouver refuge si, par exemple, elle devait changer de domicile, de ville.
Le coupable, lui, va faire profil bas. pendant quelques mois, bien aidé par la league qui ne voudra pas trop que son nom soit sur l’affiche. Et puis il va retrouver un contrat, continuer d’être millionnaire. Parce que rien dans nos sociétés, pas même ce type de violences, ne saurait se mettre entre un homme riche et sa thune. Il va retrouver du boulot donc. La cancel-culture restera ce fantasme des réactionnaires masculinistes, alors qu’en vérité, cet athlète va recevoir le soutien de ses collègues, de ses camarades de league, dès l’annonce de son retour. Cercle concentrique qui se berce dans les illusions des brotherhoods et d’une masculinité toxique carabinée.
Pourtant, les joueurs savent être cohérents et unis face à d’autres combats. On se souvient des différentes grèves, on se souvient des différentes prises de positions : ne pas aller visiter Donald Trump à la maison blanche après un titre, arborer des slogans BLM suite au meurtre de George Floyd, ou même, simplement, se battre pour leurs propres droits via le syndicat des joueurs. Il y a donc un moteur moral, une capacité à produire du changement ou à vouloir l’accompagner. Sauf lorsqu’il s’agit de violences faites aux femmes, force est de constater. L’intersectionnalité doit être le cadet de leur soucis…
La league, elle, ne prendra pas acte publiquement comme légalement. Ces violences ne seront jamais le point de départ de quelque chose de sain : on souhaite le bannissement à vie de ces joueurs, on a entre 15 et 30 matchs de sanction, dont XX déjà joués par l’équipe en l’absence du coupable… Ça pisse dans un violon à grand jet.
Et puis nous, observateurs du spectacle, on en dit quoi, on en fait quoi ? Les camps s’opposent et c’est clairement pas le All Star Game. Hier, à l’annonce de cet énième affaire, il y avait davantage de commentaires sur Twitter qui parlaient d’un trade, que de soutien affiché à la victime. On trouve davantage de commentaires sexistes, ou d’autres qui demandent la fin de l’enquête et le jugement rendu, que de réactions choquées. Au milieu, celles et ceux qui ne se sont jamais trop plu en eaux cyniques, essaient de regagner le rivage. Mais je l’avoue : moi, j’étais dans un vertige de l’espace. Cette somme de conneries croisées sur les réseaux sociaux après cette nouvelle histoire aura eu raison de moi le temps d’une soirée. Et le peu que j’ai lu ce matin n’a pas aidé. La nausée.
Rien ne va.
Cette histoire m’a rappelé qu’il est plus facile de perdre son taf dans ces leagues pour avoir levé le point et posé le genou pendant l’hymne nationale, que pour avoir frappé ou violé une femme.
Il est plus facile de ne parler que du sport, comme s’il était exempté de toute imbrication politique ou sociale. « Reste dans ton sport » entendent souvent les comptes FR de franchises. Le couplet préféré des fafs. C’est aussi celui qui est bel et bien là, implicite mais structurant jusqu’à la moelle les réactions face à des affaires de violences faites aux femmes.
Mince, on perd tel joueur parce que c’est un bolosse trop jeune et pas encore mature. Comment on va faire pour continuer le projet de l’équipe ?
Ça en dit long sur nous.
Imaginons qu’une chose comme ça arrive dans nos cercles. Un collègue, un pote, se retrouve devant la justice après avoir été violent vis à vis d’une femme. Nos premières questions existentielles, c’est de savoir qui va assumer sa charge de travail ? S’il va quand même pouvoir payer sa part du AirBnB pour les vacances ? Peu importe, hâte qu’il soit de retour, il est quand même sympa ce gars là…
Vertige.
[…] une ligue qui nous apporte des nouvelles plutôt mauvaises, les belles histoires font toujours plaisir à lire. Et c’est à ce moment que les Kings […]