Mais que devient Johnny Davis ?

À l’approche du début de la saison NBA se déroule le classique Media Day. Une journée plaisante, où l’on découvre notamment les rookies sous leurs nouvelles couleurs, posant fièrement avec l’espoir de lancer leur carrière NBA sur de bonnes bases. Malheureusement, pour certains, rien ne se déroule comme prévu : niveau de jeu insuffisant, contexte défavorable, blessures ou affaires extra-sportives… Ces joueurs, parfois draftés très haut, finissent vite par être associés au terme “busts”. Aujourd’hui, intéressons-nous à l’un d’entre eux, du côté de la capitale : Johnny Davis, un jeune joueur dont la carrière NBA semble déjà tourner court.

Johnny Davis : deuxième meilleur guard de la cuvée 2022 ?

Photo officielle du roster américain de la Coupe du monde U19 2021 avec Johnny Davis, deuxième en bas en partant de la droite / Source : USA Basketball

Pour comprendre le contexte de la carrière NBA de Johnny Davis, il faut remonter à la Coupe du Monde U19 en 2021. Une équipe américaine particulièrement compétitive (qui remportera d’ailleurs le tournoi) menée par Chet Holmgren, Jaden Ivey, avec bien sûr la présence de Johnny Davis. Pour les plus “hipsters”, on retrouvait aussi des noms comme Peyton Watson, Kenneth Lofton Jr. ou encore Ryan Kalkbrenner, aujourd’hui rookie chez les Hornets.

Un tournoi finalement assez anecdotique dans l’impact et le minutage, mais révélateur : Johnny Davis confirme son statut de jeune espoir en pleine ascension. Lui qui n’était pas projeté à la Draft grimpe dans les mocks, passant à une projection au second tour en sortie de compétition. Une dynamique que le natif de La Crosse va poursuivre tout au long de la saison universitaire 2021-2022 sous le maillot des Badgers du Wisconsin.

C’est dans ce contexte qu’il va se distinguer comme un des joueurs les plus complets de la cuvée à venir. Il est un joueur au gabarit solide : 1,96 m pour 92 kg et une envergure impressionnante de 2,08 m, soit un physique idéal pour exister au plus haut niveau.

Johnny Davis sous le maillot des Badgers/Source : David Stluka

Offensivement, il se montre capable de sanctionner à mi-distance avec un bout de tir à trois points et son physique lui permet de finir près du cercle (un gros tomar envoyé sur Trayce Jackson-Davis est notamment disponible sur les réseaux sociaux). Il est aussi un joueur intelligent, qui sait créer, gérer un pick-and-roll tout en limitant les pertes de balle au vu des responsabilités que son coach Greg Gard lui donne lors de cette campagne.

En parallèle, il se montre très habile sans le ballon et cela des deux côtés du terrain : cuts, aides défensives, anticipation des lignes de passe. Et surtout, défensivement, il saute aux yeux : souvent sur le meilleur joueur adverse, il sait miser sur sa mobilité, sa longueur et son sens de l’anticipation développé.

Et dans une Draft 2022 qui manquait de profondeur mais surtout de certitude sur les postes de meneur et d’arrière, il apparaissait comme un choix fiable. Il existait d’ailleurs des débats avec son coéquipier de la Coupe du Monde 2021, Jaden Ivey, sur la question de savoir qui était le meilleur guard de cette cuvée.

À l’issue de cette saison, Johnny Davis est donc considéré comme un lottery pick évident. Dans certaines mock drafts, on le projette même dans le top 5, certaines franchises pouvant être tentées de parier sur son leadership et l’expérience qu’il a acquise sur le circuit universitaire.

Johnny Davis : victime collatérale de la fin de l’ère Bradley Beal ?

La poignée de main symbolique avec le commissionnaire pour Johnny Davis, dixième choix de la Draft 2022 / Source : Compte Twitter des Wizards

Le 23 juin 2022 au Barclays Center de Brooklyn, le jeune arrière de 22 ans est sélectionné en dixième position par les Washington Wizards.

Sur le papier, le fit paraît intéressant : un jeune arrière, athlétique, capable de contribuer dans de nombreux aspects du jeu. Une situation qui n’est pas sans rappeler Bradley Beal, drafté dix ans plus tôt en 3e position. Ce dernier, justement, s’apprête à signer un contrat supermax de 251 millions de dollars sur 5 ans, assorti d’une no-trade clause. Un engagement sur le long terme, avec des promesses de victoires sous le maillot des Wizards.

Johnny Davis arrive donc dans une équipe qui se veut compétitive mais qui sort d’une saison 2021-2022 pour le moins mouvementée sur et en dehors des terrains. Un coaching qui se cherche malgré un bon départ sous Wes Unseld Jr., un vestiaire rapporté comme toxique (avec notamment des altercations entre Davis Bertāns et Deni Avdija, ou encore l’absence prolongée de Rui Hachimura pour raisons personnelles) et surtout un bon nombre de joueurs présents sur le poste du jeune arrière.

En effet, les Wizards entament la saison 2022-2023 avec pas moins de six joueurs capables de jouer sur les postes 1 et 2 et d’offrir des minutes de qualité : Delon Wright, Monte Morris, Will Barton, Bradley Beal (#contratmax), Kendrick Nunn ou encore Corey Kispert.

Ce contexte global est important, car il illustre bien la manière dont le management des Wizards, alors dirigé par Tommy Sheppard, naviguait quelque peu à vue. Depuis la tentative, plus ou moins réussie, d’associer Beal à Russell Westbrook (dont le passage fut tout de même marquant), Washington peinait à se construire une identité et à entourer correctement celui qui était alors considéré comme l’un des meilleurs arrières de la ligue.

Photo de famille des Wizards version 2022/2023 avec Johnny Davis au premier plan à droite/Source : Chaîne Youtube des Wizards

Entre perte de confiance, G-League et désillusion

Dès ses premiers pas en NBA, Johnny Davis semble perdre ce qui faisait sa force à l’université, et que l’on a développé ci-dessus. Son tir mi-distance devient hésitant et plus lent, incapable de surprendre des défenseurs NBA plus rapides. Alors qu’il avait montré un potentiel à trois points, il présente un manque d’adresse et ne dispose pas de l’explosivité nécessaire pour attaquer le cercle, se retrouvant ainsi sans véritable arme offensive.

Johnny Davis contre le Miami Heat le 7 Avril 2023/Source : AP Photo/Nick Wass

À cela s’ajoute un contexte de plus en plus défavorable. Les Wizards montrent une nouvelle fois, avec Davis, leurs difficultés à développer de jeunes talents (Hachimura, Avdija qui explosera plus tard, voire même Troy Brown Jr et Daniel Gafford). Le tout couplé à ce backcourt déjà saturé, Davis n’a pas de rôle clair ni de continuité de minutes pour s’installer.

De ce fait, l’équipe reste moyenne et ne se qualifie pas pour les playoffs lors de la saison rookie de Johnny Davis. Pour sa part, il ne dispute que 28 matchs, avec une moyenne de 15 minutes par rencontre, et seulement 6 points, 2 rebonds et 1 passe par match, le tout avec des pourcentages de 38,6% au tir et un très moche 24,3% à trois points.

La saison suivante semblait offrir de meilleures perspectives en termes de minutes et de responsabilités, les Wizards ayant tourné la page Beal (envoyé aux Suns) et Porzingis (envoyé aux Celtics). Pourtant, la mèche ne prend toujours pas et même ses passages en G-League, qui ont permis à certains jeunes picks récents de progresser, n’ont pas suffi à lancer sa carrière.

Malgré quelques éclairs laissant entrevoir son talent brut, Davis n’a jamais réussi à enchaîner les performances ni à retrouver l’agressivité qui le caractérisait à Wisconsin. De plus, le style de jeu des Wizards ne l’aide pas : les mauvais tirs fréquents et un système inspiré de ce que font Jordan Poole ou Kyle Kuzma ne permettent ni à l’équipe de gagner, ni aux jeunes joueurs déjà présents de progresser (hormis Bilal Coulibaly).

Et comme on dit, jamais deux sans trois : la saison 2024/2025 n’est guère plus glorieuse pour Johnny Davis. Avec un nouveau management, les Wizards cherchent à tourner une page, et malgré la jeunesse de l’arrière, il fait désormais partie du passé, incarnant l’une des dernières décisions des anciens dirigeants. Il est ainsi inclus dans le package qui permet à Washington d’acquérir Marcus Smart et est envoyé aux Grizzlies, aux côtés de Marvin Bagley (aujourd’hui de retour).

Un joueur et une franchise directement impactés

L’aventure aux Wizards s’est donc terminé cet hiver et l’expérience aux Grizzlies a tourné court puisqu’il a été coupé dans la foulée de son arrivée. Depuis ? Il est retourné là où il a eu le plus de temps de jeu : en G-League.

En effet, aujourd’hui, Johnny Davis évolue du côté des Westchester Knicks, la franchise affiliée aux New York Knicks. En sept matchs, il affiche des moyennes intéressantes de 13 points, 5 rebonds et 3 passes. Mais cela suffira-t-il pour lui offrir une nouvelle chance en NBA ?

Trois ans après sa Draft, le profil de Johnny Davis reste flou et inquiétant. Il ne dispose pas d’une force marquante, et pour un jeune joueur drafté haut dans une franchise instable ou peu compétitive, c’est souvent la clé du succès. À l’inverse, des joueurs comme Jeremy Sochan ou Dyson Daniels, eux aussi choisis relativement tôt dans des contextes pas toujours faciles, ont su s’imposer en offrant des minutes de qualité grâce à leur défense, même s’ils n’ont peut-être pas le niveau d’un top 10 de Draft.

Il semble donc peu probable que l’on revoie Johnny Davis en NBA, malgré son jeune âge, ce qui peut créer une certaine frustration tant son profil paraissait prometteur en sortie d’université. Les questions habituelles se posent alors : et s’il avait été drafté ailleurs ? Et si les Wizards avaient choisi un autre joueur ? Là où ces hypothèses paraissent parfois caricaturales, elles prennent ici tout leur sens.

En effet, dans le contexte des Wizards de l’époque, la draft auraient pu être un bon moyen d’avoir certaines bases. Un choix bien senti pour des équipes dans des situations instables mais qui veulent gagner peut faire pencher la balance et dans ce cas ci, les Wizards ont tapé à coté et en paye aujourd’hui encore les conséquences.

La cuvée 2022, riche en talents dont faisait partie Johnny Davis / Source : Brian Babineau/NBAE

Ce 10ᵉ choix de la Draft 2022 était charnière : il aurait pu envoyer le bon signal à Bradley Beal tout en montrant le potentiel du futur autour de lui. Aujourd’hui, on peut se demander si Beal ne s’en mord pas les doigts… Jalen Williams, Jalen Duren, Christian Braun, Tari Eason (qui a d’ailleurs effectué un workout avec les Wizards) ou encore Walker Kessler sont tous des joueurs qui semblent promis à de belles carrières en NBA, avec même des sélections All-Star pour certains.

Ainsi, à l’aube de la saison 2025/2026, les Wizards se retrouvent toujours sans véritable assurance. Bilal Coulibaly, Alexandre Sarr, Kyshawn George ou Bub Carrington sont des joueurs prometteurs, mais aucun n’a encore suffisamment prouvé pour s’assurer une place clé dans le futur de l’équipe.

Toute cette situation s’inscrit dans un contexte beaucoup plus large, mais il est clair que Johnny Davis est au cœur d’un cercle vicieux qui influence directement l’avenir des Wizards. Une promesse déchue, aggravée par un environnement instable et sans vision, qui entraîne une perte de confiance et une régression de son niveau global, le tout se terminant par un transfert et, malheureusement, l’étiquette de l’un des plus gros “busts” des dernières Draft, seulement trois ans après sa sélection.

Johnny Davis va donc tenter de relancer sa carrière en G-League, dans l’espoir de retrouver un roster NBA et qu’une équipe décèle enfin une partie du joueur qu’il aurait pu devenir. Du côté des Wizards, la page est tournée, et la seule chose qu’on peut leur souhaiter, c’est qu’un certain Tre Johnson, certes très différent de Davis, ne suive pas le même chemin.