Dans un Jazz qui attire peu les projecteurs, Keyonte George progresse dans l’ombre. Après une saison rookie prometteuse, où en est-il aujourd’hui ?
Un shooteur avec une marge de progression
Depuis le début de sa carrière, Keyonte George est un combo qui prend beaucoup de jumpshoots. Preuve étant, il prenait 51% de ses tirs à trois points la saison dernière. Malgré une taille normale pour son poste (1,93m), il possède une très grande envergure de 203cm qui lui permet d’avoir un tir qui part très haut. Cela est notamment très utile car il n’a pas besoin de se créer énormément d’espace pour prendre sa chance. Il possède également une mécanique de tir assez fluide, preuve qu’il a une grande confiance en son shoot.
Pourtant, si l’on en croit les statistiques, George est un piètre shooteur. En effet, il tourne à 33,9% à trois points depuis son arrivée dans la Grande Ligue, sur plus de 900 tentatives (on estime que l’échantillon est suffisant pour tirer quelques conclusions à partir de 800 tentatives). On remarque d’ailleurs que déjà à l’université il n’était pas un shooteur d’élite, tournant à 33,8% de loin lors de sa seule saison à Baylor.
En réalité, ces chiffres s’expliquent par la grande quantité de pull-up à trois points contestés qu’il prend après de la création individuelle. 35% de ses tirs à trois points n’étaient pas assistés cette saison, ce qui le plaçait dans le 84ᵉ centile à son poste, au même niveau que Kyrie Irving par exemple. Même s’il n’est pas encore élite sur pull-up (32,6% de réussite cette saison), il arrive tout de même à se créer de bons tirs, notamment pour punir les drops.
Preuve supplémentaire qu’il n’est pas un mauvais shooteur, il tourne à 36,4% sur les trois points en C&S, et 36% sur les trois points ouverts. Par ailleurs, son pourcentage de réussite aux lancers francs (83,1% en carrière) est très rassurant, et laisse présager qu’il possède une marge de progression, qui viendra sûrement avec une meilleure sélection de shoot.
La force de son profil est qu’il a justement cette capacité à punir via son shoot, que ce soit à la fois on-ball, mais aussi off-ball. Il n’est d’ailleurs pas vraiment étonnant de voir un jeune joueur « abuser » du pull-up, puisqu’on rappelle qu’il est encore dans une phase de découverte et d’apprentissage.

Un driveur qui peine à aller au bout
Il faut clairement dire les choses : Keyonte George n’est pas un bon driveur. Et il y a de grandes chances pour qu’il ne devienne jamais un très driveur pour accéder au cercle à sa guise dans sa carrière.
Le combo-guard ne possède pas un premier pas très explosif, ce qui le limite dans sa capacité à faire la différence en un-contre-un. Par ailleurs, il a un handle encore perfectible qui le limite pour le moment dans sa capacité à créer la séparation avec son adversaire. Cela explique la raison pour laquelle il n’a pris que 13% de ses tirs au cercle durant sa saison sophomore (16ᵉ centile), un phénomène que l’on avait déjà pu apercevoir lors de sa saison rookie.
Cette saison, parmi les joueurs à minimum 8 drives par match, Keyonte George se classe dans le 36e centile à l’efficacité sur ce type d’action (56ᵉ sur 86), avec notamment la 5ᵉ pire efficacité au tir sur ce type d’action. Cela s’explique notamment par le fait qu’il ne possède pas un très grand toucher de balle près du cercle, la faute à l’absence d’une main gauche efficace (il finit presque exclusivement ses layups main droite). Son utilisation de la planche est encore perfectible, lui qui a du mal à trouver les bons angles sur ces finitions-là.
Il arrive néanmoins à « limiter la casse » par sa capacité à provoquer un grand nombre de lancers (4,3 tentatives par match), lui qui n’a pas peur d’aller au contact pour finir au panier. Il possède d’ailleurs un haut du corps capable d’absorber le contact (toutes proportions gardées bien évidemment). Ce n’est d’ailleurs pas étonnant s’il est dans le 83ᵉ centile à son poste dans la provocation de fautes sur ces tentatives de tirs, soit la même sphère que Devin Booker ou Jaden Ivey.
George est néanmoins un combo-guard qui privilégie davantage les finitions sur le short mi-distance puisqu’il n’est pas un finisseur d’élite au cercle. Sauf que là encore, ce n’est pas non plus excellent, puisqu’il tourne autour de la moyenne de la ligue sur sa réussite des floateurs.
De par ses limitations sur drive, Will Hardy l’utilise pas mal sur des Zoom Action ou des Get Action pour lui permettre d’arriver en mouvement. Ce sont des situations excellentes pour lui car cela lui permet d’accentuer le premier décalage créé off-ball. On a d’ailleurs pu observer une progression dans la gestion de sa vitesse, lui qui avait encore un peu de mal à décélérer en début de saison.

Un passeur sous-estimé
On est ici sur la partie du jeu de Keyonte George que je préfère le plus : son playmaking. Le combo-guard a montré depuis sa draft qu’il était un bon (voir très bon) passeur dans différentes séquences. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il est autant responsabilisé dans l’attaque du Jazz.
Sans dire qu’il est un grand manipulateur de défense, il a montré quelques instincts très intéressants sur pick-and-roll, notamment pour renverser vers le corner opposé en cas d’aide de la défense adverse. Son passing game s’illustre à merveille dans l’attaque en mouvement d’Utah, où il y a beaucoup de mouvement et de cut vers le cercle. Des déplacements que George anticipe très bien pour trouver un coéquipier qui se démarque (5,6 assists par match).
Au sein d’une équipe qui joue assez vite, avec pas mal de semi-transitions, Keyonte George est celui qui impulse le mouvement vers le panier adverse. Dès qu’il réceptionne le ballon, il a cette volonté de trouver un coéquipier ouvert ou dans une situation avantageuse. On voit clairement chez lui cette volonté de trouver un coéquipier ouvert, ce qui explique qu’il se situe dans le 71ᵉ centile au ratio de playmaking.
On peut bien évidemment regretter quelques pertes de balles préjudiciables, lui qui tourne cette saison à 2,7 turnovers par rencontre (26ᵉ centile au tov%). Cela est imputable à la prise de risque de son passing, lui qui tente encore pas mal de passes risquées, mais aussi à son handle. Il est néanmoins important de prendre en compte le contexte collectif du jazz, qui est une équipe encore jeune sans réel gros talent autour du combo-guard. Quand on regarde dans le détail, on voit d’ailleurs qu’il a progressé dans sa gestion du ballon, avec des pertes de balles moins grossières que lors de son année rookie.

Une défense qui laisse perplexe
On touche ici à l’un des défauts qui me préoccupent le plus concernant Keyonte George. Même si le contexte collectif du Jazz ne l’aide pas (29ᵉ defensive rating cette saison), l’ancien de Baylor reste une cible à la fois on-ball et off-ball.
En effet, il n’est pas un bon défenseur sur le point d’attaque, lui qui est facilement mis en difficulté sur pick-and-roll. On en compte plus le nombre de fois où il abandonne complètement la défense dès qu’il se retrouve bloqué dans l’écran. Mais même sur sa défense en isolation, on a pu le voir à de trop nombreuses reprises être battu facilement, et ce même face à des joueurs qui ne sont pas spécialement explosifs sur le premier pas ou sur drive. C’est d’ailleurs pour cette raison que Will Hardy le fait défendre la majorité du temps sur le joueur le moins offensif on-ball afin de le protéger.
Sauf que même loin du ballon, George a montré quelques limites. Il a tendance à facilement se déconcentrer en regardant la balle sans garder du coin de l’œil son adversaire. Ce faisant il concède un nombre de cuts bien trop important, ou bien il est en retard pour suivre son joueur en mouvement. Même sur les rotations, on voit qu’il hésite souvent, preuve que ce n’est pas un automatisme pour lui et qu’il va avoir besoin de travailler dessus afin de progresser.
Cela est d’autant plus frustrant que son envergure pourrait être une force pour défendre off-ball, notamment avec des stunts. Sauf que le joueur ne semble pas vraiment savoir comment les faire dans le bon timing. Preuve étant, il fait assez peu d’interceptions (3e centile au stl%), signe d’une certaine limite de ce côté-là du terrain.

Quel rôle pour lui dans le futur ?
Par sa capacité à être un très bon passeur en mesure d’évoluer à la fois on-ball et off-ball, le profil de Keyonte George est assez valuable. S’il parvient à progresser au shoot, notamment en améliorant sa sélection de tir, il peut être intéressant en tant que 2ᵉ-3ᵉ option. Le combo-guard présente bien évidemment des limites, que ce soit sur drive ou en défense. Il ne sera d’ailleurs jamais un franchise player, pouvant à l’heure actuelle espérer être au mieux un border All-Star.
Néanmoins il ne faut pas négliger qu’il possède une grande marge de progression, lui qui n’a que 21 ans. D’ailleurs, il ne faut pas oublier qu’il est commun pour les jeunes porteurs de balle d’être inefficaces en début de carrière, avant d’ensuite progresser avec le temps et les répétitions.
Même si je ne suis pas le plus grand fan du jeu des comparaisons, je peux voir quelques similitudes avec Jamal Murray, tout en étant moins scoreur et davantage passeur. Un point sur lequel Gorge pourrait s’inspirer du Canadien, et notamment son footwork, qui lui permet de faire la différence sur drive alors même qu’il manque également d’explosivité.
Toujours est-il que dans le contexte du Jazz, Keyonte George a encore le temps pour se développer. Il sera d’ailleurs intéressant de voir son duo avec Ace Bailey, tout juste drafté en 5ᵉ position à la draft et qui possède un profil davantage scoreur. Le départ de Collin Sexton devrait également responsabiliser davantage le combo-guard.
Il faudra surveiller d’un œil la progression de Keyonte George la saison prochaine, lui qui pourrait bien être l’une des belles surprises dans les années à venir à Utah.