Que ce soit dans les contes pour enfants, la mythologie, l’histoire ou sur les terrains de sport, le géant fascine. C’est bien connu, le basket-ball est un sport de grand. Les plus immenses des basketteurs (par la taille), atteignent des dimensions hors normes. Évidemment, la NBA voit tout au long de son existence certains des plus beaux de ces spécimens fouler ses parquets. Voici leur histoire.
Au Commencement
1946, la NBA s’appelle encore BAA, le joueur le plus haut perché est Ralph Siewert, il mesure 2m16. On l’appelle Sky, mais notre géant a ses limites. Il ne reste qu’une saison dans la ligue pour seulement 21 matchs. Son passage est anecdotique, son niveau de jeu est médiocre, il demeure néanmoins le premier spécimen de son genre.
C’est en 1948 que George Mikan, le Godfather de tous les pivots, fait son apparition. Avec ses 2m08 et surtout 111 kg, il fait figure de véritable ogre des raquettes. C’est un règne de courte durée puisque Don Otten, affublé du surnom original de « Big Don », est mesuré à 2m11. Il est ainsi le plus grand joueur de cette fin des années 40. C’est un basketteur correct, il n’est pourtant en rien comparable avec le pivot des Lakers. Il est la preuve que dans l’ère des plombiers, la taille ne suffit pas pour être dominateur.
On doit attendre l’année 1955 pour revoir entrer en scène un seven footers. Pour ceux qui n’ont pas la réf, on parle là d’un joueur de sept pieds, soit 2m13 dans notre bon vieux système métrique. Il se nomme Walter Dukes, il est le pivot des New York Knicks. Sans être une star de premier plan, il est une valeur sûre, il devient même par deux fois All Star sous le maillot des Detroit Pistons. C’est le premier seven footers avec un réel impact.
Un individu l’éclipse et fait également de l’ombre à tous ses adversaires. Il est le Gargantua de la NBA, c’est Wilt Chamberlain. Avec ses 2m16, il gagne le sobriquet de « The Stilt », littéralement, l’échassier. Sans aucun respect pour la condition humaine, le géant des Philadelphia Warriors fracasse la ligue et établit des records autrefois impensables et aujourd’hui inégalables.
Pourtant, lui aussi voit le ciel s’assombrir lorsqu’il affronte les Syracuse Nationals. Un colosse au nom de Swede Halbrook lui masque les rayons du soleil. Avec ses 2m21, la tour des Nats lui pose même des problèmes.
Le Premier Géant
On relate dans les journaux de l’époque que Wilt Chamberlain se sent inquiet lorsqu’il doit faire face à Halbrook. Les deux joueurs s’affrontent à 23 reprises et le bilan est de 12 victoires et 11 défaites pour l’homme aux 100 points. Malgré sa taille, Swede Halbrook est une catastrophe en attaque. Il a les mains carrés et affiche un bien morose 35 % de réussite aux tirs. Mais il arrive que la l’adresse soit au rendez-vous, quand c’est le cas c’est un succès pour les Nationals de Dolph Schayes.
Heureusement pour Wilt la foudre n’est tombée que trois fois sur le paratonnerre de Syracuse. Le reste du temps, il se montre inexistant en attaque. Il permet malgré tout de voir, que même s’il est dénué de talent, le géant est une arme utile. Il gêne ses adversaires par sa simple présence, grâce à son envergure et son poids.
Halbrook n’est pas intéressé par la vie de basketteur, il n’est pas rare qu’il disparaissent pendant plusieurs semaines sans qu’on ne sache où il est. C’est finalement après 143 matchs qu’il quitte définitivement la ligue, laissant ainsi Wilt Chamberlain reprendre sa place de plus haut sommet de NBA entre 1962 à 1969.
C’est d’ailleurs lors de cette année 1969, qu’un nouveau visage apparaît, il devient le plus grand joueur de NBA au sens propre comme au figuré. Lew Alcindor, qu’on connaît mieux aujourd’hui sous le nom de Kareem Abdul-Jabbar écrase la concurrence du haut de ses 2m18. C’est la plus haute marque des années 70, qui est égalé par Tom Burleson et Artis Gilmore.
1980, l’Attaque des Titans
Dans les années 50, on ne dénombre que deux 7 footers, puis 11 dans les 60’s, et 22 dans les années 70. La NBA compte plus d’équipes, a un réservoir de joueurs plus conséquent et elle s’ouvre de plus en plus sur le monde. Logiquement, le contingent de géants explose lors de la décennie suivante. Avec environ 4 milliards d’habitants sur terre, on estime qu’il y a un peu plus d’un millier d’hommes mesurant 2m13 ou plus sur la planète(+/- 2500 aujourd’hui). Ils sont maintenant 61 à peupler la NBA dans les années 80.
La loterie de 1982 marque un tournant, car ce n’est pas un, mais bien deux pivots qui arrivent en prenant respectivement la première et deuxième place des NBAers les plus grands de tous les temps. Ce sont d’abord les Houston Rockets qui avec le 63ème choix sélectionnent Chuck Nevitt. Avec ses 2m26, il devient la plus haute tour de contrôle jamais vu. Sa carrière est néanmoins des plus oubliables avec seulement 155 rencontres en 9 saisons.
L’autre géant de cette cuvée est plus connu. La montagne humaine des Utah Jazz, Mark Eaton, dont le sommet culmine à 2m24. Avec lui, on franchit un cap dans le domaine du gigantisme. Si Swede Halbrook et Chuck Nevitt dépassent eux aussi la barre des 2m20, ils demeurent médiocres. Mark Eaton est lui capable de jouer. Il n’est certes pas très doué en attaque, mais il montre des aptitudes défensives que seul un tel mont peut produire. Son arme ? Le contre ! Avec ses longs segments, il conteste un nombre de tirs indécents et atteint la moyenne stupéfiante de 5,6 blocks par match en 1985, c’est encore à ce jour la plus haute marque enregistrée.
Freak of Nature
Désormais, les géants dépassent les 2m20, et on prend conscience avec Eaton que ces derniers peuvent jouer. La draft de 1983 ne fait qu’appuyer encore plus cette constatation. Il y a d’abord les Milwaukee Bucks qui sélectionnent Randy Breuer mesuré à 2m20. Sans être exceptionnel, il accomplit une carrière universitaire et NBA des plus honorables. Mais c’est Houston qui s’oriente une nouvelle fois vers un pivot hors norme avec le premier choix de loterie, qui est une vraie anomalie de la nature.
Ralph Sampson culmine à 2m24, et avec lui la question ne se pose plus, les géants peuvent définitivement jouer. Ils peuvent même produire un jeu qu’un corps si grand ne devrait, en théorie, pas être capable de réaliser. Il shoote, court, dribble, passe et se déplace comme s’il ne mesurait que 2 mètres.
C’est d’ailleurs pour cela qu’on le considère à l’époque, comme le plus incroyable prospect de l’histoire. Malheureusement, avec lui on se rend compte qu’ils sont des colosses fragiles. La moindre blessure fait l’effet d’un coup de fronde sur ces Goliath des temps modernes. Il en subit les conséquences et sa carrière qu’on annonçait glorieuse se voit cruellement écourtée.
All Over The World
Jusqu’à présent, nos géants sont tous des Américains. La NCAA, qui n’hésite pas à recruter hors des terres étasuniennes, révèle un jeune (pas sûr) africain qui évolue au sein de l’université de BridgePort. Le joueur soudanais aligne 22 points et 13 rebonds par rencontre. Pas mal, mais pas incroyable non plus pour un pivot évoluant dans un petit programme. Ce sont plutôt ses 7 contres de moyenne envoyés du haut de ses 2m31 qui poussent les Washington Bullets à le choisir en 31ème position de la draft de 1985.
Le maigrichon Manute Bol, toise désormais la NBA d’une hauteur inédite. La barre des 2m30 est dépassée et une fois encore et malgré son allure dégingandée à cause de sa frêle ossature, ce géant peut jouer. Il devient une des attractions de la ligue et au même titre que Mark Eaton, il est une muraille infranchissable. Manute Bol s’octroie le titre de meilleur contreur dès sa saison rookie avec 5 bâches par rencontre en seulement 26 minutes. Il prend part à 624 matchs et ne joue que 32 fois plus de 36 minutes dans sa carrière pour les stats suivantes : 4,6 points, 9,1 rebonds et 7 contres de moyenne.
L’homme est on ne peut plus attachant et lorsqu’il met dedans à 3 points (son péché mignon) le public se régale. Avec lui, on réalise que le monde à des géants à offrir. C’est même hors de ses frontières que la NBA déniche maintenant la plupart de ces rares spécimens.
Grands Blonds
Du haut de ses 2m24, Rik Smits est différent de Bol et Eaton. Avec sa taille, il reste gênant pour les autres pivots, mais c’est en attaque qu’il se montre à son avantage. Avec sa carcasse étonnement mobile, il est une force de premier choix au poste bas. Le hic, ses pieds lui sont extrêmement douloureux et son temps de jeu évolue en fonction de sa forme.
Il ne dépasse que rarement les 30 minutes de présence sur le terrain en saison régulière. En playoff, il s’avère être un des poils à gratter les plus fameux de la conférence Est. Patrick Ewing, où encore Shaquille O’neal, on souffert face au talent de celui qu’on surnomme « The Dunking Dutchman ».
L’attaque des Titans continue dans les 90’s, c’est désormais 91 joueurs de 2m13 où plus qui foulent les parquets. Lors de la saison 1993/94, deux immenses pivots rejoignent la NBA. Le premier est Germano-Américains, il est drafté en seconde position par les Philadelphia Sixers. Il se nomme Shawn Bradley, mesure 2m30 et porte le numéro 76 en référence à sa taille, 7 pieds et 6 pouces.
Bien que n’étant resté qu’un an à la fac avant de vivre 2 ans de mission avec les mormons, les Sixers n’hésitent pas à en faire un top choix de loterie. Le highlight de Bradley captant un rebond suivi d’un coast-to-coast terminé par un dunk passe en boucle dans les clips NBA. Mobile et possédant des skills intéressant en attaque, on croit fort en son talent dans la cité de l’amour fraternel. On déchante rapidement à Philly, mais la carrière de Bradley est pourtant des plus solides. Souvent moqué pour sa tendance à finir sur des posters en compagnie des meilleurs dunkeurs de la ligue, il était bien plus que cela.
Gentil Géant
On file en Roumanie, avec le 30ème choix de cette draft 93, les Washington Bullets mettent la main sur le pivot du club de Pau Orthez, Gheorghe Muresan. Il utilise le même stratagème que Shawn Bradley et se pare du numéro 77, également en rapport à sa taille, 2m32. Il est encore aujourd’hui le joueur le plus grand de l’histoire du championnat nord-américain.
Mais il pose question, il est lourd et lent, il semble donner tout ce qu’il a dans le moteur pour traverser le terrain. On se demande s’il est capable de pouvoir évoluer en NBA, lui qui domine dans le basket FIBA. Les interrogations s’évaporent au cours de la campagne 1995/96. Cette année-là, il remporte le trophée de Most Improved Player en récompense d’une progression constante lors de ses deux premières saisons.
Il aligne 15 points, 10 rebonds et 2 contres de moyenne, en 29 minutes et 76 rencontres. Grâce à de bonnes mains, il devient le joueur le plus adroit avec 59 % de réussite aux tirs. Malgré sa lourdeur, il s’impose finalement dans cette NBA faite pour lui, le tempo s’étant sensiblement ralenti lors des 90’s.
Tenir le rythme s’avère compliqué pour lui sur le long terme. La saison suivante son temps de jeu diminue, et il se retrouve pris dans le tourment des blessures à répétitions. Sa carrière prend fin à 28 ans malgré plusieurs tentatives de come-back. Chouchou du public, il fait l’acteur au côté de Billy Crystal dans le film « My Giant ». Tel Boban Marjanovic aujourd’hui, « Gidza » Muresan était le gentil géant de la ligue.
Géant d’Europe
Arvydas Sabonis, n’est lui pas vraiment un gentil. Puisqu’il vient de passer plus d’une décennie à martyriser les parquets de FIBA du haut de ses 2m21. C’est pourtant la NBA qu’il aurait dû maltraiter, étant donné qu’il fût drafté par les Portland Trail Blazers en 1985, soit 10 ans avant son arrivée sur le sol américain.
La guerre froide et les blessures ont empêché « Sabas » de devenir un des plus grands joueurs de l’histoire. Car qu’on le veuille ou non, il est un des meilleurs pivots à avoir posé un pied sur un terrain de basket-ball. Son génie est indéniable et sa domination réelle.
Il commence sa carrière NBA à 31 ans. Amoindri, plus lourd, il signe une saison à 15 points et 8 rebonds de moyenne en seulement 24 minutes. Sur 36 minutes, on est sur un 22/12 qui montre bien le talent immense du géant lituanien. Un des plus grands « What If », mais néanmoins un des plus beaux palmarès et un des plus formidables pivots de notre sport.
Pour en finir avec les années 90, on reste en terre balte avec Zydrunas Ilgauskas. Lui aussi mesure 2m21, et lui aussi a du basket plein les mains. Les choses démarrent mal pour lui et les Cleveland Cavaliers. Sur ses quatre premières saisons, il ne joue qu’une campagne complète, une de 5 matchs, et deux saisons blanches. Mais à Cleveland on a « Trust the Process » et finalement le lituanien fait partie du cercle fermé des géants qui comptent plus de 800 matchs en carrière, en compagnie de Shawn Bradley, Rik Smits et Mark Eaton. Il a aussi son jersey numéro 11 accroché au plafond de la salle des Cavs.
La Muraille de Chine
Il faut attendre 2003 pour qu’un joueur de plus de 2m20 soit à nouveau choisi à la loterie. L’histoire se répète, et les Houston Rockets se servent encore du premier pick pour signer le chinois Yao Ming et ses 2m29. Tel un jardinier qui sélectionne ses plus grosses tomates pour créer une variété anormalement grande, le gouvernement chinois favorise la rencontre de ses athlètes les plus hauts perchés afin que des couples se forment en espérant voir des petits géants naître de ses unions.
La manœuvre fonctionne plutôt bien, car Yao devient un talent qui défie les lois de la génétique. Comment un homme si grand et si fort peut-il se mouvoir de la sorte ? Il ne tarde pas à s’imposer comme un pivot dominant et passe plus de 33 minutes sur le terrain, avec 19 points, 9 rebonds et 2 contres de moyenne.
On a peut-être pas assez ménagé cette machine de guerre à Houston. Si le corps de Yao tient pendant ses trois premières campagnes, il enchaîne trois exercices ou il ne participe qu’à 50 matchs. On le pense revenu en grâce lors de la saison 2008/09, il joue 77 rencontres, mais se blesse à nouveau, sa carrière prend fin deux ans plus tard.
Colosse Fragile
Une fois de plus la fragilité des géants est flagrante et aucun autre joueur de plus de 2m20 ne s’illustre dans les années 2000. Pourtant il n’y a jamais eu autant de 7 footers en NBA, 106 pour être exact, mais l’ère du « Tall Ball » semble s’essouffler. Pour la première fois, ce chiffre se voit à la baisse dans les années 2010, avec seulement 94 big men de plus de 2m13.
Parmi les plus notables on trouve le letton Kristaps Porzingis, et ses 2m21. Le quatrième choix de la draft 2015 se fait dans un premier temps hué par le public de New York, avant de devenir le chouchou du Garden. On lui donne même un surnom en rapport avec son talent si inattendu, « The Unicorn ». La licorne en français, l’animal symbolise la rareté que représente un joueur avec tant de capacité pour une telle taille.
Il surprend par sa mobilité et sa faculté de shoot. Susceptible de dégainer à 3 points, il tente jusqu’à 5 tirs par rencontre avec 39 % de réussite. Mais le sobriquet de licorne se trouve être finalement plus en rapport avec la rareté de sa présence sur les parquets. Avec 50 matchs en moyenne par saison est une d’elle totalement blanche, le géant letton perpétue la légende du colosse aux pieds d’argiles.
Le Futur du Géant
En 2020, le jeu des géants évolue encore, ils se permettent même des folies. Certains pivots mènent le jeu et d’autres pratiquent leur sport comme s’ils étaient des arrières ou des ailiers. Dans ce contexte, on voit le fiston de Manute Bol devenir un des prospects les plus intriguant. Les vidéos Youtube des highlights de Bol Bol, montrent un gamin de 2m18 aux skills inhabituels. Le jeune homme semble être tout droit sorti de l’atelier création du jeu NBA 2K.
Il souffre également de blessures et sa carrière tarde à décoller, cependant depuis son arrivée à Orlando la liane atypique surprend son monde. Âgé de 23 ans, il a encore besoin de progresser, et on attend de voir si son corps va tenir le rythme de la grande ligue.
Comme son père, il ouvre la voie à une nouvelle génération de géants. Plus mobile, plus talentueux balle en main et doté d’un shoot digne d’un guard. Un géant sans complexe, qui refuse le rôle du pivot classique d’antan. Si le géant veut s’imposer, il lui faut désormais un tel arsenal offensif, le géant à l’ancienne comme Boban Marjanovic souffre dans cette NBA qui va vite.
Le Géant Ultime
C’est là qu’entre en jeu Victor Wembanyama, le prospect le plus médiatique depuis LeBron James. Les américains n’ont pas caché leur intérêt pour le joueur français. Deux rencontres ont suffi pour rendre fou les experts et les fans d’outre-Atlantique. On l’annonce à toutes les tailles entre 2m20 et 2m30, une chose est sûre c’est un géant, un vrai.
Il est capable de placer un dunk entre les jambes appel deux pieds avec une aisance folle. C’est dire à quel point il repousse les limites physiques d’un joueur de sa taille. Du côté de San Antonio, on salive déjà à l’idée de voir cet échassier capable de tout faire sur un parquet. Avec Wemby tous les potards sont au maximum, taille, skills, shoot, protection du cercle, le géant ultime.
D’ores et déjà, et tout le long de sa carrière, le spectre des blessures flottera au-dessus de sa tête. Son deuxième prénom est devenu « s’il ne se blesse pas », aux vues de l’historique des géants de la ligue, la question est des plus légitimes.
Certains sont parvenus à durer, malgré les blessures et les opérations. Souhaitons lui de ne jamais connaître ces turpitudes et d’atteindre son plein potentiel. Il deviendrait ainsi et sans aucun doute, le plus grand joueur parmi les géants.
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