Avec le départ de Chris Boucher pour Boston cet été, les Raptors de Toronto n’ont officiellement plus aucun joueur de leur sacre de 2019. Une page historique du basket canadien se tourne définitivement, 6 ans après un exploit aussi exceptionnel.
Ils étaient 20 joueurs et membres du staff confondus, à figurer sur la photo du titre. 6 ans plus tard, plus aucun ne porte encore les couleurs de Toronto. Cet été, Chris Boucher quitte la franchise pour rejoindre les Celtics, tirant un trait sur le dernier lien vivant avec l’effectif champion. Pour la première fois depuis le 13 juin 2019, les Raptors ne comptent plus le moindre visage de ce parcours exceptionnel. Le souvenir reste présent mais l’équipe, elle, appartient désormais à l’histoire.
Au cœur de cette saison, Masai Ujiri, alors directeur général de Toronto, mise sur Kawhi Leonard, joueur hors-norme mais en fin de contrat en échange de DeMar DeRozan et de Jakob Poetl. Ce transfert bouleverse un effectif solide mais plafonné, et déclenche une campagne construite pour durer une seule année. Aujourd’hui, le départ du dernier survivant referme un chapitre mais l’épopée, elle, ne s’effacera pas.

La construction éclair de Toronto
La saison 2018-2019 débute dans l’incertitude. Toronto vient d’échanger DeMar DeRozan, visage historique de la franchise, pour faire venir Kawhi Leonard. Le deal envoie également Jakob Poeltl à San Antonio, en échange du double All-Star et de Danny Green. Leonard avait joué seulement 9 matchs la saison précédente, souvent blessé et mécontent de son traitement à San Antonio où il arrivait à 1 an de la fin de son contrat. Il débarque à Toronto avec une réputation de joueur blessé mais Masai Ujiri voit en lui un profil qui, entouré d’un effectif aussi fort qu’il était, peut porter la franchise au sommet du basket américain.
Nick Nurse, nommé entraîneur principal après plusieurs saisons en tant qu’assistant, met en place un système offensif fluide et rapide. L’équipe repose toujours sur son capitaine Kyle Lowry, mais s’appuie de plus en plus sur la montée en puissance de Pascal Siakam. Ce dernier passe de 7 à 17 points par match en une saison, avec 6,9 rebonds et 3,1 passes, tout en assurant un rôle défensif majeur. Il décroche logiquement le trophée de MIP (Most Improved Player), symbole de la transformation de l’effectif.

Kawhi Leonard, ménagé sur 22 matchs en saison régulière dans une logique assumée de gestion physique, finit avec 26,6 points et 7,3 rebonds en moyenne. Il affiche un pourcentage de réussite de 49,6 % au tir, tout en dictant le tempo dans les moments clés. En février, Marc Gasol rejoint l’équipe, apportant sa vision et son expérience en échange de Jonas Valančiūnas.
Les Raptors bouclent la saison régulière avec 58 victoires, le deuxième meilleur bilan à l’Est derrière Milwaukee. 5ème attaque et 5ème défense de la ligue, Toronto monte en puissance et gère les temps forts avec une précision clinique.
Des playoffs exceptionnels
La campagne de playoffs débute face à Orlando. Une défaite au premier match lance une série pourtant rapidement maîtrisée. Toronto enchaîne 4 succès pour clore le premier tour sans trembler avant un second tour face à Philadelphie, qui entre immédiatement dans la légende.
7 matchs d’une intensité folle, 2 effectifs équilibrés et une tension maximale emmenés par un immense Kawhi Leonard. Il inscrit 41 points lors du match 7, dont le tir le plus célèbre de l’histoire des Raptors. À deux secondes de la fin, il s’élève dans le coin du terrain. Le ballon touche l’arceau à 4 reprises avant de rentrer et que le Scotiabank Arena explose.
En Finales de Conférence contre Milwaukee, emmené par le MVP Giannis Antetokounmpo, Toronto perd les deux premiers matchs puis Leonard prend le contrôle. Il défend Giannis, attaque en isolation et fait preuve de sang-froid en fin de match. Les Raptors renversent la série et remportent les quatre suivants. L’équipe atteint alors les Finales NBA pour la première fois de son histoire.
En face, la dynastie Golden State, en quête d’un triplé, fait figure de favori malgré une infirmerie remplie. Kevin Durant revient brièvement lors du match 5, avant de se rompre le tendon d’Achille et Klay Thompson se blesse gravement lors du match 6. Malgré ces blessures, Toronto reste concentré avec Pascal Siakam qui brille dès l’ouverture avec 32 points, Kyle Lowry joue juste toute la série, Fred VanVleet qui se révèle déterminant dans les moments chauds, Serge Ibaka, en sortie de banc, pèse lourd dans la raquette et enfin Marc Gasol qui verrouille la raquette.

Leonard est sacré MVP des finales et termine la série avec 28,5 points, 9,8 rebonds et 4,2 passes de moyenne. Toronto s’impose 4-2 et signe un exploit historique. La franchise devient la première équipe non-américaine à remporter un titre NBA. Le pays tout entier entre dans l’histoire du basket, 1 million de personnes sont descendues dans les rues pour célébrer.

Un groupe rapidement séparé
Dès l’été suivant, le groupe se défait. Kawhi Leonard choisit de rejoindre les Clippers, Danny Green part aux Lakers. Marc Gasol suit l’année suivante, tout comme Serge Ibaka et Norman Powell. Kyle Lowry reste deux saisons, puis prend la direction de Miami Heat. OG Anunoby est échangé à New York en 2024, Pascal Siakam, dernier All-Star du groupe, est aussi échangé en 2024, aux Pacers et Chris Boucher, le dernier vestige discret, quitte à son tour la franchise en août 2025.
La page se tourne totalement. Nick Nurse est viré depuis 2 ans à la suite d’une mauvaise saison, l’architecte Masai Ujiri est évincé en juin dernier, il ne reste donc plus aucune trace active de la saison 2019 dans l’organisation actuelle. Un effacement rapide, à l’image d’un projet conçu pour un objectif immédiat.
Pourtant personne n’a oublié cette épopée. Kawhi Leonard, interrogé par ESPN en 2020, racontait :
« Les gars, le chemin parcouru, c’est quelque chose que je n’oublie pas par rapport à cette saison à Toronto. Et aussi le pays. La ville était incroyable. Il y a tellement de choses, je pourrais continuer à en parler encore et encore »
Pascal Siakam, lui, confiait quelques jours après le titre au micro de VOA Afrique :
« Ce que j’ai vécu cette saison va me servir toute ma vie. Il y a eu des jours où je me suis senti comme le meilleur joueur du monde et le lendemain, j’avais l’impression d’être le pire ».
Cette ambivalence résume parfaitement l’intensité de cette aventure. Ce fut une course contre la montre avec l’objectif d’établir une saison historique. Tout s’est passé à la perfection pendant 8 mois avec la prise de risque d’Ujiri, la rigueur de Nurse, la domination de Leonard, la progression de Siakam, la constance de Lowry et la révélation VanVleet puis tout s’est effacé.
Aujourd’hui Toronto se reconstruit. La franchise mise sur Brandon Ingram, RJ Barett ou encore Scottie Barnes. Elle tente de trouver une nouvelle identité, plus durable mais l’ombre de 2019 plane toujours, non comme un poids mais comme une référence. Ce modèle court mais triomphant a montré qu’une franchise pouvait tout miser sur une période d’1 an et l’emporter, à condition de bien choisir ses joueurs et de les faire cohabiter au bon moment.
L’histoire retiendra que cette équipe n’a pas duré mais elle a marqué. Elle a offert au Canada une bannière, mis fin à l’hégémonie des Warriors et a changé le destin de plusieurs joueurs.
Avec le départ de Chris Boucher, c’est un lien émotionnel qui se casse mais son souvenir lui reste.gravé dans les murs de la Scotiabank Arena et dans la mémoire de tous ceux qui ont vu, vécu ou admiré cette équipe des Raptors 2019.
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