Elles dirigent, elles arbitrent, elles entraînent. Mais souvent dans l’ombre. Dans un monde du basketball nord-américain encore largement dominé par les hommes, les femmes peinent à franchir les dernières barrières vers l’égalité. Même si la NBA et la WNBA affichent une volonté de progrès, la route vers une représentation équitable sur les bancs et sur les parquets est encore longue.

Becky Hammon, symbole d’un plafond de verre bien réel

Après plus de 20 ans d’expérience en tant qu’entraîneur de basket-ball universitaire féminin, Lisa Boyer est devenue la première femme entraîneur adjoint de la NBA en 2001. Elle n’aura fait qu’une saison en tant “qu’assistante bénévole” avant de revenir au basket-ball universitaire.

Puis, il aura fallu attendre Becky Hammon, qui est officiellement devenue en 2014 la première femme à intégrer le staff d’un coach NBA, en tant qu’assistante aux Spurs de San Antonio. Beaucoup y ont vu un acte fondateur où le changement pouvait enfin avoir lieu. 

Issue d’une brillante carrière en WNBA, six fois All-Star, Hammon a gravi les échelons en NBA aux côtés de Gregg Popovich. En 2020, elle est même devenue la première femme à diriger une équipe NBA lors d’un match, après l’expulsion de son mentor. 

Mais alors qu’elle semblait en lice pour plusieurs postes de coach principal, notamment avec les Bucks, le Magic et les Blazers, aucun propriétaire ne va lui donner sa chance. C’est finalement en WNBA qu’elle s’est imposée à la tête des Las Vegas Aces, remportant deux titres consécutifs en 2022 et 2023.

« Certains gars, les exemples sont nombreux, se retrouvent directement au poste d’entraîneur principal. Ils n’ont jamais entraîné de leur vie », a déclaré Hammon via ESPN

Pour elle, le plafond de verre est bien réel. « Si vous me donnez mes 16 ans de carrière comme vous le faites à n’importe lequel de ces autres, je me retrouve immédiatement en tête de liste », a déclaré Hammon au Time en 2023. « Si j’avais eu 16 ans de carrière en NBA et que je m’appelais Brian, j’aurais probablement été embauchée et licenciée plusieurs fois. » Elle a également déclaré lors de cette interview : « Je ne vais plus mendier pour un emploi. » 

Son parcours illustre à la fois les avancées récentes et les résistances persistantes d’un système encore largement masculin.

En NBA : des progrès, mais une hiérarchie verrouillée

Aujourd’hui, seulement une dizaine de femmes sont membres de staffs NBA, souvent en charge du développement des joueurs, de l’analyse vidéo ou des performances. Jenny Boucek est actuellement en finale NBA avec les Pacers en tant qu’assistant coach. Ces postes sont très rares pour les femmes. Dans l’histoire de la NBA, seules 15 femmes ont occupé un rôle d’assistant coach dont 12 ayant été embauchées après 2017.

Mais aucune femme n’a encore été nommée entraîneuse principale d’une franchise masculine. Et les entretiens menés par les franchises pour ces postes sont souvent perçus comme symbolique. La NBA promeut pourtant la diversité via son programme NBA Coaches Equality Initiative, lancé en 2019 elle ouvre la voie de la ligue à des talents traditionnellement sous représentés, sans recourir à des quotas. Malgré une forte progression des entraîneurs noirs, et une plus grande reconnaissance des femmes et membres de la communauté LGBTQ+, celle-ci tarde à se concrétiser dans les postes haut placé.

Jenny Boucek, assistant coach des Pacers, considéré comme une pionnière “qui a marqué à jamais la profession d'entraîneur NBA” d’après Rick Carlisle - crédit : Tim Heitman/GettyImages
Jenny Boucek, assistant coach des Pacers, considéré comme une pionnière “qui a marqué à jamais la profession d’entraîneur NBA” d’après Rick Carlisle – crédit : Tim Heitman/GettyImages

Les arbitres, un parcours tout aussi compliqué

Sur le terrain, les femmes ont connu une percée plus notable même si les aménagements mis en place sont très récents. La NBA a embauché en 1997, Dee Kantner et Violet Palmer, devenant ainsi les premières arbitres féminines de la ligue. Très rapidement, elles vont devenir des pionnières dans l’inclusion des femmes en tant qu’arbitre. 

Il faudra attendre 17 ans pour qu’une troisième femme soit recrutée en tant qu’arbitre NBA. D’après Monty McCutchen, vice-président de la NBA chargé des arbitres, « Lauren Holtkamp-Sterling (la 3e arbitre féminine de l’histoire) a joué un rôle prépondérant pour faire tomber les croyances et les barrières qui ont permis à un plus grand nombre de personnes de se voir sous l’angle de “moi aussi, je peux le faire“ »

Aujourd’hui, la NBA continue ses efforts et compte 8 femmes arbitres évoluant à temps plein, un record dans l’histoire de la grande ligue. En 2024, la NBA comptait également une personne non binaire et 65 hommes arbitre. 

C’est seulement en 2024 que l’arbitre Ashley Moyer-Gleich va entrer dans l’histoire des officielles féminines en arbitrant un match de playoffs. Elle ne devient que la deuxième femme après Violet Palmer en 2012. Un souvenir qui restera longtemps dans sa mémoire. « C’est surréaliste », a déclaré Moyer-Gleich. « Voir mon nom sur la liste des arbitres de terrain… Ma mère était avec moi, elle m’a accompagné lors de mes deux derniers matchs pour une petite escapade. Ouvrir cet e-mail, la voir à mes côtés et m’annoncer la nouvelle, c’était vraiment incroyable. »

Et en WNBA ? Un miroir (presque) plus juste

La WNBA a toujours été en avance sur la question de la représentation féminine. Cependant on peut observer qu’il y a presque autant de coachs masculin que féminin. En 2025, 7 des 13 équipes sont dirigées par des entraîneuses. Les raisons sont multiples : certains postes sont attribués à d’anciens joueurs NBA ou à des coachs masculins qui voient la WNBA comme un tremplin.

Pour Lisa Boyer, rejoindre la WNBA est une décision logique. “Vous demandez à une femme de potentiellement rester à un poste [en NBA] où personne n’a réussi à franchir le cap pour devenir entraîneur principal, et puis vous avez quelqu’un d’autre qui veut littéralement que vous deveniez son entraîneur principal et qui est prêt à vous payer.” déclare la coach de Caroline du Sud.

Che Flores est devenu en 2023, le premier arbitre trans non binaire dans le sport professionnel américain : crédit (Megan Briggs/Getty Images)
Che Flores est devenu en 2023, le premier arbitre trans non binaire dans le sport professionnel américain : crédit (Megan Briggs/Getty Images)

Des freins systémiques… et culturels

L’un des principaux obstacles reste la perception du leadership féminin dans un sport historiquement masculinisé. Les anciennes joueuses qui se reconvertissent dans le coaching sont souvent cantonnées à des rôles subalternes. Et les préjugés sexistes persistent. Certains médias ou supporters doutent encore de la légitimité des femmes dans un rôle d’autorité, surtout en NBA.

Des structures comme la Women’s National Basketball Coaches Association ou la National Association of Basketball Coaches travaillent à fournir des formations, des réseaux et du mentorat pour les femmes aspirant à ces fonctions. Mais le manque de visibilité et les biais d’embauche restent des freins majeurs.

Vers un vrai changement ?

Les sports américains sont en pleine évolution. La NFL n’a vu sa première femme sur le banc de touche qu’en 2015, l’année dernière, on comptait 10 femmes assistantes-entraîneures à temps plein en NFL. En MLB, 19 femmes occupaient des postes d’entraîneurs sur le terrain ou de formatrices au début de la saison 2023. 

On peut aussi remarquer que la NBA continue ses progrès d’inclusion. En 2023, le bureau de la NBA a enregistré son plus fort pourcentage de femmes occupant des postes professionnels depuis plus de dix ans, avec 43,3 %. On compte actuellement plus de 50 femmes dans les opérations basket et les rôles liés au basket au sein des équipes NBA.

Malheureusement, être entraîneur en NBA est un combat pour tous. Les postes sont difficiles à décrocher et encore plus faciles à perdre. Les chances de devenir entraîneur adjoint NBA, et encore moins l’un des 30 entraîneurs principaux, sont minces. L’ascension repose sur un mélange complexe de relations, de talent, de connaissances et de chance.

La pression publique, les mouvements féministes et les prises de parole de joueuses stars comme Sue Bird ou Diana Taurasi contribuent à faire bouger les lignes. Et la NBA, toujours soucieuse de son image progressiste, sait que la diversité est un enjeu central de son avenir.

Il ne manque plus que des actes forts : la nomination d’une femme à la tête d’une franchise NBA serait un symbole puissant. Mais pour que l’égalité devienne une norme et non un événement, il faudra encore bien plus que des exceptions. Becky Hammon était la femme la plus proche pour obtenir un poste de coach principal en NBA. Aujourd’hui, la nomination d’une femme à ce poste semble plus proche que jamais mais toujours trop loin.

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