Entre médiatisation précoce et grande discrétion, les frères Ball et les frères Holiday ont des carrières NBA opposées, bien qu’elles se croisent. Les deux fratries n’ont jamais eu les mêmes attentes, ni le même succès collectif.
Les frères Ball : le pari réussi du père ?
Pour les trois frères Ball, on est obligé de tricher un peu et de commencer par parler du père LaVar. Sa carrière de basketteur est famélique avec quelques matchs en première division NCAA. En réalité, il est plutôt du genre football américain, même s’il ne jouera jamais un match avec les pros. Plus connu pour ses frasques et déclarations polémiques, LaVar a, de son gré, mis une pression supplémentaire sur ses trois fils.
Sa famille commence à être médiatisé durant l’année 2016, alors que les frères Ball jouent au lycée Chino Hills. Lors de la saison 2015-2016, l’équipe des Huskies réalise une année parfaite avec 35 victoires – 0 défaite et décroche le titre national. Plus impressionnant encore, au total sur l’année, l’équipe remporte chaque match avec 30 points d’écart en moyenne.
Les matchs sont assez simplistes : le 5 majeur joue globalement l’intégralité des matchs avec une pression tout terrain, du jeu rapide et du 3 points à outrance. Pour faire simple, Chino Hills 2016 est souvent considéré comme l’une des deux meilleures équipes lycéennes de l’histoire du basket récent. Pour l’anecdote, un des joueurs complétant l’équipe est Onyeka Okongwu, maintenant pivot des Hawks, drafté la même année que LaMelo.

L’histoire commune des trois frères s’arrête globalement là. Lonzo, le plus en vue, rejoint UCLA et est projeté pour être un lottery pick. LiAngelo rejoint également cette université un an plus tard mais n’y mettra jamais les pieds.
En voyage en Chine, il est accusé par l’état chinois d’avoir volé des affaires. L’histoire s’emballe, monte jusqu’au président américain de l’époque avec qui LaVar s’embrouille. Alors que LiAngelo est suspendu, lui, son père et LaMelo partent en Europe pour kidnapper un club lituanien qui ne jouera que des matchs d’exhibition sponsorisés par la marque familiale Big Baller Brand.
Rapidement de retour aux US, LaVar crée la Junior Basket Association pour donner une alternative au college pour les autres joueurs, ou plutôt pour faire briller son fils LiAngelo qui a dû mal à avoir un avenir en NBA. D’ailleurs, il ne foulera jamais les parquets de la grande ligue et passe plusieurs années en G-League avant de devenir une star de la musique.
Parlons maintenant de vrai basketteurs.
Comme mentionné plus tôt, Lonzo arrive à UCLA en 2016, et sa seule saison à l’université est assez impressionnante. 35 minutes de temps de jeu, le plus haut de l’équipe, et 7.6 passes, le meilleur de tout le pays. Couplé avec une excellente efficacité au shoot extérieure malgré une mécanique peu orthodoxe, il se voit honoré d’être dans la All-American Team. Sa côte reste donc très haute, le potentiel défensif et offensif étant assez hors-norme.
Après une saison médiocre, les Lakers héritent du 2ème choix de draft, et on sait rapidement qu’il n’y aura pas trop de suspense. Enfant de la région, Lonzo Ball est officiellement un Laker à compter de la saison 2017-2018. Il arrive dans une équipe encore jeune, bourrée de talents. Sa saison rookie est plutôt bonne où il montre son jeu très complet : un 10-7-7 classique, avec de la vista et de la défense. Mais ses pourcentages sont douteux, relançant les questions sur son efficacité en attaque.
En réalisant un triple double à 20 ans et 15 jours, il devient, à l’époque, le plus jeune joueur à réaliser cet exploit. Il dépasse LeBron James, son nouveau partenaire arrivant en tant qu’agent libre. Cela rajoute encore plus de pression, l’équipe étant en obligation de performer. Le début est plutôt intéressant avec un bilan de 20 victoires – 14 défaites à Noël. Sauf que les blessures s’enchaînent pour tous les joueurs, Luke Walton compose comme il peut, mais à l’arrivée l’équipe manque les playoffs.
A l’été, après des semaines de rumeur, le transfert d’Anthony Davis est officialisé. Forcément, en échange, les Pelicans reçoivent une grande partie des jeunes talents, dont Lonzo. A New Orleans, dans un petit marché, on se dit que le meneur a le temps de se développer. Mais il ne restera que deux ans là-bas, alors que les prémices de son duo avec Zion nous auront bien fait saliver. Il retrouve son shoot, qui n’est plus une question pour les fans, avec 38% en 7 tentatives (!).

Après ses quatre premières années, il sort de son contrat rookie et est agent libre. Il accepte l’offre des Bulls de 80 millions sur 4 ans, et son début de saison individuel comme collectif est sublime. Chicago fait la course en tête à l’Est et Zo est le maître à jouer de cette équipe, composée de Zach Lavine et DeMar DeRozan. Malheureusement, il se blesse au genou gauche et doit déclarer forfait pour le reste de la saison, alors que l’équipe en est à 27 victoires en 40 matchs.
S’en suit une traversée du désert terrible pour lui, avec des rechutes. Il subit 4 opérations en tout, dont une transplantation de cartilage. Dès qu’on entend parler de Lonzo Ball, c’est rarement bon signe, et on a même peur de ne plus jamais revoir le grand frère sur un terrain. Après 1006 jours sans jouer un match NBA, il remet les pieds et les genoux sur le terrain pour le plus grand plaisir des fans de la planète basket.
Une reprise en douceur, avec 2 gros mois de compétition loupée pour blessures aux poignets, mais rassurante quant à l’état physique de ses jambes. Son comeback a conquis le front office des Bulls qui l’a prolongé pour deux années. Pour son retour, il a même pu affronter son petit frère LaMelo en janvier, dans une défaite, avec en tribune LiAngelo fraîchement après avoir signé un contrat avec Def Jam.

Juste avant de monter en NBA, LaMelo décide d’arrêter de suivre son père et de se préparer sérieusement pour la draft. Pour ça, il part en Australie en NBL où il sera élu meilleur rookie avec 17 points, 7 rebonds et 7 passes. Malgré la saison raccourcie par la crise du COVID, il est choisi en 3ème position par les Charlotte Hornets, qui entament une reconstruction.
Connu pour son attitude nonchalante, son agilité offensive et ses passes depuis qu’il est adolescent, LaMelo a complètement réussi à transposer son jeu en NBA. Il est élu rookie de l’année, devant Anthony Edwards, et on comprend assez rapidement qu’il est prévu pour être le nouveau visage de cette franchise. Il bat même son frère en devenant le joueur le plus jeune à réaliser un triple double à 19 ans et 140 jours.
Lors de la saison 2021-2022, les Hornets surprennent et finissent avec un bilan positif (43-39). Le meneur monte à 20 points et 8 passes de moyenne et il se voit récompensé d’une sélection au All-Star Game, à 20 ans seulement. L’avenir semble radieux à Charlotte.

Mais la suite est moins joyeuse. Victime de grosses blessures à répétition, LaMelo n’a pas du tout su enchaîner les matchs : 36, 22 puis 47 matchs sur les trois dernières saisons. Et comme il n’est pas souvent présent, les Hornets sont l’une des pires équipes de ces dernières années.
Toujours aussi populaire auprès des fans, en étant le guard à l’Est avec le plus de votes pour le All-Star Game 2025, LaMelo n’a pas su séduire les coachs et les autres joueurs. Solide quand il joue, il a montré qu’il peut assumer de fortes responsabilités en tant que joueur. Avec des passes folles et des prises de shoots compliquées, le plus petit des trois frères a un jeu séduisant, qui attire les foules.
Cependant son leadership ne semble pas exceptionnel et on se demande s’il peut vraiment faire office de franchise player. Souvent cité comme la future star à demander son transfert, il faudrait que LaMelo soit là pour arriver à construire un vrai projet aux Hornets, et voir si, oui ou non il peut porter une équipe.
Le pari du père Lavar, aura été finalement payant après une décennie de sorties médiatiques. Ses 3 fils sont devenus des stars et font la couverture du 255ème SLAM. Mais les deux basketteurs ont, pour l’instant, des carrières complètement gâchées par des blessures et ne peuvent pas exprimer pleinement leur talent.

Les frères Holiday : la réussite en silence
La famille Holiday est une grande famille de basketteur, les deux parents Shawan et Taya ayant eu une bonne carrière à l’université, très certainement influençant leurs enfants dans ce formidable sport. Dans l’ordre d’apparition, on retrouve Justin, Jrue, Lauren (la soeur) et Aaron.
Débutons avec Aaron qui après 3 ans à UCLA où il cotoie Lonzo Ball, est drafté en 23ème position par Indiana en 2018. C’est la saison suivante qu’il retrouve son frère Aaron avec qui il partage deux saisons aux Pacers. C’est donc en 2019, que pour la première fois en NBA, 3 frères jouent au même moment sur le terrain. Cela ne sera pas la seule fois car en 2022-2023, Aaron et Justin sont encore présents dans la même équipe à Atlanta et affrontent Jrue et les Bucks.
Pour résumer qui est Aaron Holiday, c’est une deuxième voire troisième rotation sur le poste de meneur/arrière. Il est plutôt un créateur offensif pour lui-même et bon shooteur à 3 points (38% en carrière en 2.5 tentatives). Sans jamais dépasser les 10 points de moyenne, il a toujours apporté une certaine stabilité dans les équipes qu’il a connues. Sur la dernière saison avec les Rockets, il a nettement amélioré son efficacité lui permettant de conserver son rôle dans une équipe très compétitive.
Justin n’est pas allé à UCLA, contrairement à ses deux frères, et après 4 ans de fac à Washington, il est non-drafté en 2011 et doit actionner le parcours en mode difficile. Passant par la Belgique, la G-League puis la Hongrie, il est conservé dans un effectif NBA pour la saison 2014-2015. Cette équipe est tout simplement Golden State avec qui il est champion NBA en 2015, jouant 59 matchs de saison régulière. C’est en 2016, que les Knicks lui font vraiment à confiance alors qu’il a déjà 27 ans. Il joue les 82 matchs à 20 minutes de moyenne mais dans une équipe qui ne gagne pas.
Il continue dans cette dynamique en partant à Chicago qui lui offre une place de titulaire et où il marque 12.2 points de moyenne, son record. Après de nouveaux transferts, c’est Indiana qui lui propose un contrat de 3 ans. Excellent défenseur avec une grande longueur de bras et une bonne rapidité, on peut aisément le qualifier de 3 and D, bien que son adresse à 3 points varie avec les saisons.

Sa fin de carrière ressemble à ses débuts et il repart dans plein d’équipe avec des rôles de plus en plus limités. Après la saison 2023-2024 avec les Nuggets, aucune franchise ne lui offre un nouveau contrat.
Justin est un journey men, ayant connu 10 équipes plus ou moins performantes, en 11 saisons et 680 matchs. Il est l’exemple même des joueurs qui s’accrochent à leurs rêves et finissent par avoir une longue carrière NBA malgré des débuts compliqués.
Passons maintenant, au plus connu de la famille, j’ai nommé Jrue Holiday. Après une saison à UCLA, il est drafté aux Sixers où il restera 4 ans. Arrivé dans une équipe assez complète mais sans talent majeur, il se développe tranquillement mais le projet ne mène nulle part. Honoré d’une sélection au All-Star Game en 2013, il est échangé durant l’été contre Nerlens Noël qui vient d’être drafté. Le début du process pour Philadelphie et d’un nouveau projet pour le meneur.
Il débarque donc à la Nouvelle-Orléans, où il est longtemps le lieutenant d’Anthony Davis. Mais l’équipe a dû mal a performer collectivement, exceptées les saisons avec des bilans positifs en 2015 et 2018. C’est cette fameuse saison où l’équipe est composée du duo Anthony Davis-DeMarcus Cousins, qui secoue la NBA mais qui s’arrête rapidement à cause de la longue blessure de Boogie en janvier.
Cette saison, les Pelicans terminent tout de même 6ème de la conférence Ouest et affrontent Portland mené par Damian Lillard. Holiday se met en valeur et va complètement éteindre son vis-à-vis. C’est un upset et un sweep cinglant, Dame ne marque que 19 points de moyenne sur la série alors Jrue en plante presque 29 ! Au second tour, ils se feront malheureusement sortir par les Warriors, imbattables cette année-là.

La famille c’est important pour les Holiday. Lorsque sa femme, Lauren, footballeuse professionnelle doit se faire soigner d’une tumeur bénigne au cerveau tandis qu’ils attendent leurs premiers enfants, Jrue s’éloigne quelques semaines des parquets pour rester avec sa famille.
Après la saison à jouer les mentors avec Brandon Ingram, Zion Williamson mais surtout Lonzo Ball, il est transféré aux Bucks et rejoint Giannis Antetokounmpo, en quête d’un titre.
Dans le Wisconsin, il est dans la continuité de ce qu’il faisait déjà : de l’apport en attaque, au scoring comme à la passe ; mais surtout de la défense. Effectivement, il faut noter qu’il est dans des NBA All-Defensive Team depuis 2018, exceptée 2020.
Dès son arrivée, l’équipe signe une grosse saison collective, finissant 3ème de la conférence, puis en se défaisant en 7 match des Nets de Kevin Durant, et en atteignant les finales NBA. Face à Phoenix, il défend le plomb face à Devin Booker et Chris Paul, et se paie même des highlights défensifs, dont cette interception à l’origine d’une action mythique de Giannis. Acteur majeur du succès, et pour sa première saison avec les Bucks, il est sacré champion NBA à 30 ans.
Les deux saisons d’après se suivent et se ressemblent pour les Bucks, éliminés rapidement en playoffs, notamment à cause de blessures des cadres de l’équipe. D’un point de vue individuel, Jrue se voit honoré d’une sélection au All-Star Game en 2023. Et alors qu’il semble installé à Milwaukee, il est transféré à Boston, dans l’échange amenant Damian Lillard aux Bucks. D’abord choqué, Jrue sait que la NBA est un business et repart tout de même de la ville avec un titre en poche et d’excellents souvenirs.
Dans un nouveau rôle à Boston, il diminue largement sa charge offensive et se fond dans le collectif, mais est toujours aussi précieux. Son back court avec Derrick White est un cauchemar pour tous les guards adverses et est peut-être l’un des duos meneur-arrières, les plus forts défensivement de ces dernières années.
Durant les finales 2024, il est utilisé dans le dunker spot pour punir la défense des Mavericks et ça marche plutôt bien. Dans un succès bien collectif, les Celtics remportent leur 18ème titre NBA. Le deuxième de la carrière de Jrue Holiday.
Cette dernière saison, les Celtics visent encore, à l’heure d’écrire ces lignes, un back-to-back et le meneur est toujours aussi précieux à bientôt 35 ans.

Comme on peut le voir sur cette photo, Jrue est un garçon en or. Premièrement car, il est double-médaillé olympique (2021 et 2024). Deuxièmement, ses qualités humaines sont exceptionnelles. En témoignent tous les gens qui l’ont côtoyé de près ou de loin, ainsi que ses trois trophées de Teammates of the year (2020, 2022 et 2023) et les Sportmanship Award (2021, 2025).
Entre grosse défense et passes flashy, il y a du choix entre ces deux différentes fratries. Famille discrète mais victorieuse, les trois frères Holiday sont assez loin du bling bling des frères Ball. Ces derniers restent tout de même des joueurs de basket très talentueux qui ont encore le temps de conquérir des récompenses individuelles et collectives … si les blessures les laissent tranquilles.