Étant passionné et curieux de ce petit coin des États-Unis d’environ 500 000 habitants, je me suis demandé : pourquoi pas une franchise NBA à Baltimore ? Surtout qu’elle a plusieurs arguments à faire valoir : la ville est un emblème de la côte Est américaine, chargée d’histoire, avec une économie maintenant stable, une large diversité culturelle, mais aussi un patrimoine sportifs très riche. Baltimore se classe parmi les villes oubliées mais qui peuvent prétendre à une nouvelle chance dans la Grande Ligue américaine.
Dans une NBA en pleine expansion, l’avenir de la ligue pourrait bien trouver bon port dans le Maryland.
De gros calibre à 9mm
La bien modeste ville portuaire de Baltimore a accueilli durant son histoire deux franchises NBA, les « Baltimore Bullets » dans les années 40 et les « Baltimore Bullets » (oui le même nom…) dans les années 60, les seconds deviendront par la suite les biens connus Wizards après un déménagement de quelques kilomètres vers la capitale américaine. Étant donné que la seconde existe toujours, concentrons-nous plutôt sur les Bullets premiers du nom ! Fondé en 1944, c’est sur des débuts prometteur que sont tirés les premières balles de la franchise, des balles qui finissent aisément dans le panier puisque Harry Edward «Buddy» Jeannette et ses hommes ne mettent que 3 ans ans avant de remporter leur premier titre ABL (American Basketball League) en 1947.

Suite à leurs bonnes performances, la franchise du Maryland est invitée à rejoindre la BAA (Basketball Association of America), une nouvelle ligue pleine d’ambition qui cherche à s’imposer dans ce grand pays qu’est celui de l’oncle Sam. Même face à une concurrence plus relevée, Baltimore tire toujours en plein dans le mille, Paul Hoffman (élu Rookie of the Year) et ses coéquipiers termineront l’exercice 1947-1948 avec un joli bilan de 28 victoires pour 20 défaites, mais également, à la surprise générale, avec le titre BAA en poche pour leur première participation dans la ligue, qui deviendra la NBA (National Basketball Association) deux ans plus tard.

Mais malheureusement, après ce magnifique débuts pour la franchise, les années suivantes vont toutes être de plus en plus compliquées les unes que les autres et de nombreux facteurs vont justifier cette chute : la BAA qui devient la NBA pour avoir une portée plus nationale et donc attirer toujours plus de franchise et de joueurs; la fin de carrière en tant que joueur de Buddy Jeannette après la saison 1949-1950, puis sa démission en tant que coach l’année suivante; et enfin, des problèmes économiques vont venir vider les dernières balles d’une arme autrefois létale. C’est avec le chargeur vidé et un canon enrayé que l’histoire se termine, au beau milieu de la saison 1954-1955.
Les Baltimore Bullets restent encore la seule équipe de l’histoire à combiner un démantèlement et un titre national.
Une culture sportive bien « Ancré » dans le Maryland

Testudo : La mascotte de l’université de Maryland. – Crédit : T.Warner

Le Maryland est une véritable terre ferme du sport, qu’il soit professionnel ou universitaire. Et cette histoire va commencer avec un chapitre sur le baseball en 1882, avec le débarquement des premiers Orioles qui ne dureront malheureusement que 18 ans, jusqu’en 1899. S’en suit alors un bon demi siècle avant de revoir une équipe professionnelle à l’horizon.
Ce n’est qu’en 1954, grâce à la franchise des Browns de Saint-Louis qui déménage à Baltimore, que l’Etat va retrouver une équipe dans une ligue majeure. Ils vont reprendre le nom de leurs ancêtres pour recréer les « Baltimore Orioles« , un nom qui va, cette fois, devenir historique et respecté dans les eaux tumultueuses de la MLB, en particulier dans les années 60, jusqu’au début des années 1980. Sur cette période, les Orioles remporteront 7 titres de division, 7 titres nationaux, mais aussi et surtout 3 « World Series » en 1966, 1970 et 1983.

Un nouveau chapitre s’ouvre en 1953, cette fois si sur le football américain. Baltimore a pu accueillir la franchise des Colts pendant 30 ans, jusqu’en 1983. Tout comme les Orioles à la même période, ils connaîtront un certains succès en remportant 3 titres nationaux et le Super Bowl V (1970). Les Colts déménageront et poseront leurs valises en 1983 dans la ville d’Indianapolis.
S’en suivent alors près de 15 années sans aucune franchise NFL représentant la ville. Ce n’est qu’en 1996 qu’une équipe professionnelle refait surface : les « Ravens« , sans doute l’équipe sportive la plus populaire de l’État, elle connaîtra un succès immédiat puisqu’elle remportera le Super Bowl XXXV seulement 4 années après sa création, en l’an 2000. Mais ça ne s’arrête pas la, un nouveau trophée sera posé dans la vitrine 12 ans plus tard, le Super Bowl XLVII, en 2012.

Tout comme le sport professionnel, le sport universitaire de la région joue un rôle clé dans le développement des talents et dans l’animation de la culture sportive locale. Notamment grâce à des programmes compétitifs qui rivalisent tant bien que mal avec les plus grandes universités de leurs divisions, de leurs conférences, et même du pays. Bien que le succès ne soit pas régulier, les différentes équipes du programme restent tout de même respectées dans tout l’atlantique.
Au football américain les Terrapins remporteront 8 titres de conférence ACC et un titre national en 1953. Ils jouent actuellement au sein du Big Ten, l’une des conférences les plus relevées du pays.
Au Basketball, les équipes masculine et féminine auront toutes deux bien performé durant leurs histoires. Les 2 équipes du Xfinity Center cumuleront 2 titres nationaux NCAA en 2002 et 2006, mais aussi 3 titres de conférence ACC.
Récemment, c’est l’équipe de Basketball des « Retrievers » qui a fait sensation lors de la March Madness 2018 en devenant la première équipe de l’histoire à être classé tête de série n°16 à battre une équipe n°1 : les Cavaliers de Virginie.
Entre les docks, un incendie et les gradins, la ferveur n’auras jamais pris le large
Comme beaucoup de villes américaines, la vie n’a pas toujours été facile. 120 ans en arrière, le 7 février 1904, le grand incendie de Baltimore détruisit la quasi-totalité du centre-ville, en ne faisant heureusement qu’une seule victime. Peu après la catastrophe, la presse interrogea le maire de Baltimore Robert McLane :
Supposer que les âmes de nos concitoyens ne sortiront pas grandies de cette épreuve, c’est supposer qu’ils ne sont pas de véritables Américains. Nous nous devons de travailler à ce qu’on ne se souvienne pas du feu de 1904 comme de la marque d’un déclin mais bien d’un progrès. Étant à la tête de cette municipalité, je ne peux qu’être reconnaissant de la sympathie et de l’assistance matérielle qui nous ont été proposées. Mais à toutes ces propositions, je réponds à peu près en ces termes : Baltimore prendra soin d’elle-même, merci.

Grâce à la coopération et la solidarité des « Baltimoreans », la reconstruction fût rapide et permit à la ville de devenir l’une des plus moderne des États-Unis.
Cet événement marquant pour les habitants illustre parfaitement l’esprit de résilience qui définit la ville de Baltimore. Malgré le désespoir, les découragements et les dégâts, la communauté toute entière s’est rapidement mobilisée pour reconstruire la ville avec solidarité et coopération. Le courage et le cœur de celles et ceux qui ont vécu ce désastre continuera d’inspirer, de soutenir et d’accompagner les générations futures, quels que soient leur âge, leur origine, leur condition sociale ou leurs aspirations. Des enfants aux sportifs, des personnes dans des situations plus compliquées jusqu’à celles plus favorisées, en passant par les communautés marginalisées comme les Afro-Américains ou les Latino-Americains.
Cet esprit communautaire se reflète aujourd’hui dans le fervent soutien des supporters des Franchises ou Université de Baltimore, comme les Ravens, les Orioles, les Retrievers et les Terrapins. Leurs fans sont connus pour leur fierté, leur énergie, leur loyauté inébranlable mais aussi et surtout pour l’amour qu’ils ont envers les équipes de leur terre natale. Nul doute que si une franchise NBA faisait surface, les supporters locaux sauraient l’accueillir et la soutenir comme il se doit.

L’incendie de 1904 est en quelques sortes l’histoire d’une ville qui se relève après une catastrophe qui n’arrive que très rarement, un mal donc qui a permis de renforcer l’esprit communautaire de la ville. Les supporters de Baltimore puisent dans cet héritage, dans cet exemple de solidarité et de bravoure pour soutenir leurs équipes même dans des moments difficiles. Ce lien puissant entre la ville, son histoire et les habitants est la preuve vivante de la force de Baltimore.
Ce mal est devenu le symbole de l’unité et de la détermination qui continuent d’agiter l’eau pure des cœurs « Baltimoreans », qu’ils soient sur le terrain, ou dans les gradins.
Un raz-de-marée économique ?
Au delà de l’impact sportif et culturel, une franchise NBA serait un moteur économique majeur pour la ville, comme dans tous les autre marchés de la Grande Ligue, une équipe attirerait des investissements, du tourisme, des secteurs privés, etc. Une franchise NBA à Baltimore signifierait la construction, ou la rénovation, d’une salle et d’un campus pour l’équipe, générant donc de l’emploi dans le bâtiment pour une ville qui en a bien besoin (taux de chômage à 4,5% en 2024).
En plus du secteur de la construction, lors des jours de match de nombreux emplois seraient créés comme la maintenance, la sécurité, l’animation, la billetterie, la vente (goodies, spécialités locales) et bien sur la restauration, qui pourraient profiter de cette arrivée. Avec 41 matchs à domicile par saison, nul doute que l’activité des bars et commerces environnants serait dynamisée, grâce à la masse de spectateurs et consommateurs qui viendraient profiter des matchs. Ensuite, lors des jours d’avant et d’après match, des emplois dans le marketing, la communication, l’administration et la santé seraient créés.

L’arrivée d’une franchise NBA et de tout ce qui s’en suit serait un « Catalyseur de Revitalisation Urbaine” (C’est un projet qui a pour but de rénover, construire des quartiers résidentiels ou commerciaux pour améliorer le cadre de vie des habitants), à l’image des Lakers quand ils ont rénové et renommé le Staples Center en Crypto.com Arena. Cette action a permis de donner une seconde vie au quartier de Downtown LA. Avec la construction d’un nouveau stade à Baltimore on pourrait imaginer les opportunités de rénovation des quartiers sulfureux de la ville.

Baltimore est déjà une ville au riche patrimoine culturel et sportif, mais une équipe NBA lui donnerait une nouvelle visibilité sur la scène nationale et internationale. Des fans de basket viendraient non seulement de la région, mais aussi d’autres États pour voir leur équipe jouer à Baltimore (d’autant que la ville est relativement proche de Washington et de Philadelphie), boostant ainsi la fréquentation des hôtels et les infrastructures touristiques.
De plus, les sponsors et les entreprises locales auraient une nouvelle vitrine médiatique pour s’associer à la franchise, renforçant le dynamisme économique du territoire. En plus de tout l’impact touristique, Baltimore pourrait encore plus marquer son nom sur la carte des États-Unis, en accueillant des événements sportifs, culturels ou caritatifs, comme la Ravens Foundation.
A l’heure actuelle d’après la NBC, une franchise NFL vaudrait en moyenne $6,5B (les Ravens se classent 21e/32 avec $6,03B), selon Statista.com une franchise en MLB serait côté à $2,41B (Les Orioles sont 18e/30 avec $1,72B). Et d’après le magasine Forbes, une franchise NBA serait côté à $4,4B. Si on suit la logique des marché sportifs américains, une équipe à Baltimore aurait une valeur qui se situerait entre le second et troisième tiers de sa ligue respective. On peut donc imaginer une valeur d’environ $3,8B dans les 10-15 années après sa création si on part du principe que les valeurs n’évoluent pas, ce qui aurait un impact conséquent sur l’économie locale.
La partie immergé de l’iceberg ?
Il y aurait potentiellement deux freins, ou problèmes, à l’arrivée d’une franchise à Baltimore : la concurrence régionale et l’impact sur le tissu local. En effet, Baltimore est très proche de deux franchises NBA : les Washington Wizards à 60km et les Philadelphie 76ers à 160km. Le gros défi d’une nouvelle franchise c’est de réussir à se différencier des autres, qu’elles soient en NBA, MLB, NHL ou NFL, parce que oui, ce n’est pas parce que les Ravens, les Orioles, les Wizards, les Commanders, les Flyers ou les Eagles naviguent aisément dans les eaux agitées du sport professionnel américain, avec de bons équipages de supporters, qu’il en serait de même pour une autre franchise dans la région.
Elle devra se démarquer pour perdurer, que ce soit dans son identité, ses performances et ses actions, sans pour autant tenter de voler la vedette et l’attention qui est portée aux autres franchises de la ville. L’autre effet secondaire que peut avoir cette expansion, c’est l’augmentation des loyers et du prix moyen de la vie à cause du développement économique de Baltimore. Une mauvaise chose quand on sait que les habitants font partie des plus pauvres et violents du pays (taux de pauvreté de 20,4%… soit 58,59% de plus que la moyenne nationale).

La revitalisation urbaine devra également être contrôlée, modérée et lente pour éviter la gentrification des populations modestes, ce qui va les pousser hors de leurs quartiers à cause de l’augmentation du loyer par exemple. Il faut aussi faire attention à ce que le développement ne soit pas inégal entre les quartiers de Baltimore, où seuls certains bénéficient des investissements au détriment des autres.
Le dernier point à prendre en considération, pour ne pas qu’il se produise, c’est d’avoir une économie qui ne profite pas à tous au risque d’aggraver encore plus les fractures sociales. Certes l’arrivée d’une franchise va créer de l’emploi, mais s’il n’est pas accessible aux habitants actuels faute de logistique, formation ou qualification, il n’y a pas d’intérêt hormis séparer la franchise des communautés locales.

La gestion d’une ville est intéressante mais pour y installer une franchise qui perdure, il faut obligatoirement que les administrations et institutions impliquent les habitants dans les décisions du navire, pour que le projet devienne inclusif et progressiste.
Edgar Allan Poe dans la tête, l’identité se trouve dans la tempête
Je me suis amusé à imaginer les identités que pourrait avoir la franchise, et c’est pas facile. Il y a beaucoup de critères à respecter : il faut trouver un nom, un logo, des couleurs, des maillots tout en prenant en compte le fait que la franchise doit se démarquer et ne pas copier les autres de la région, de la conférence et même de la ligue.

Il faut aussi que l’identité soit fidèle à l’histoire, aux cultures ou aux communautés de la ville : comme les Celtics, qui ont ce noms en référence aux nombreux ressortissants irlandais de Boston, ou 76ers en référence à la signature de la Déclaration d’indépendance des États-Unis qui a eu lieu au sein de la ville de Philadelphie le 4 juillet 1776.
Si on ne regarde que les identités en NBA on remarque que beaucoup de design se ressemblent (8/30 ont un animal comme tête de proue, 16/30 ont un ballon de basket etc..). En faisant des recherches sur la ville, j’ai appris que le grand écrivain et poète Edgar Allan Poe avait vécu à Baltimore. On pourrait donc s’inspirer de lui pour la création de cette nouvelle identité, d’autant que durant sa vie, il a écrit un poème nommé « Le Corbeau” et on sait bien que le volatile fait partie des emblèmes de la région.
Niveau couleurs on pourrait utiliser le bleu marine, le noir et le doré, pour rappeler le côté maritime, la couleur du corbeau, et la richesse culturelle et historique de la ville :

En plus du logo et des couleurs on pourrait facilement imaginer le style de jeu de l’équipe : une équipe dure et physique, marquée par une forteresse défensive, le tout porté par une fan base de supporters loyaux et énergétiques. L’identité de la franchise serait représentée par l’entièreté de la ville et de ses habitants.
L’arrivée d’une franchise à Baltimore peut être possible, l’idée n’est pas folle du tout. La ville s’appuie sur des fondations solides : les fans, les infrastructures, l’économie, l’histoire… Malheureusement son dossier est beaucoup trop en retard actuellement, surtout si on le compare à d’autres villes nord-américaines comme Las Vegas, Seattle ou Montréal. Mais rien n’est jamais trop tard, un Baltimorean le sait très bien, peut-être qu’un jour la NBA va se mettre à quai dans sa petite crique du Maryland !