Les Jeux Olympiques de 1988 à Séoul ont marqué une période charnière dans l’histoire du basketball masculin. La compétition fut intense et mémorable, caractérisée par la domination de l’Union Soviétique qui a su s’imposer avec brio, tout en annonçant la fin d’une ère avant le début de la « Dream Team » américaine en 1992.
Contexte historique
Lors de la préparation des Jeux olympiques de 1988, le Comité international olympique s’est efforcé d’éviter un nouveau boycott olympique par le bloc de l’Est, comme cela s’était produit lors des Jeux olympiques d’été de 1984 à Los Angeles. L’absence de relations diplomatiques entre la Corée du Sud et les pays communistes a rendu cette tâche plus difficile. Cette situation a incité le président du CIO, Juan Antonio Samaranch, à s’engager en faveur de la participation de ces pays.
Ainsi, lors de l’Assemblée des Comités Nationaux Olympiques à Mexico en novembre 1984, la « Déclaration de Mexico » a été adoptée. Cette déclaration offre un soutien à la participation de tous les membres de l’Association des Comités Nationaux Olympiques aux Jeux Olympiques de 1988. L’accord avec l’Union soviétique a été conclu en 1987. Après les Jeux de Los Angeles, l’Allemagne de l’Est avait déjà décidé de participer à nouveau à Séoul.
Un autre point de conflit était la participation de la Corée du Nord à l’organisation des Jeux, ce qui avait été encouragé par le président cubain Fidel Castro, qui avait demandé que la Corée du Nord soit considérée comme l’hôte conjoint des Jeux. En conséquence, les 8 et 9 janvier 1986 à Lausanne, en Suisse, le président du CIO préside une réunion des comités olympiques de Corée du Nord et du Sud.
La Corée du Nord exigeait que 11 des 23 sports olympiques soient pratiqués sur son territoire, ainsi que des cérémonies d’ouverture et de clôture spéciales. Elle souhaitait un comité d’organisation commun et une équipe unie. Les négociations se sont poursuivies lors d’une autre réunion, mais n’ont pas abouti.
Les Jeux sont boycottés par la Corée du Nord et son allié Cuba. L’Albanie, l’Éthiopie et les Seychelles n’ont pas répondu aux invitations envoyées par le CIO. Le Nicaragua n’a pas participé pour des raisons sportives et financières. Madagascar devait participer mais s’est retiré pour des raisons financières.
Malgré ces absences, cette édition olympique réunit à nouveau les meilleures équipes de basketball masculin du monde, offrant un spectacle de haut niveau. Le tir à 3 points a fait ses débuts olympiques aux Jeux de Séoul en 1988. La FIBA a suivi les traces de la NBA (1979-80) et de la NCAA (1980-81 uniquement pour les matchs de conférence) en adoptant la ligne des 3 points.
La compétition de 1988
Le tournoi de basketball masculin s’est déroulé du 17 au 30 septembre 1988, avec la participation de 12 équipes : l’Allemagne de l’Ouest, l’Australie, le Brésil, le Canada, la Chine, la Corée du Sud, l’Égypte, l’Espagne, les États-Unis, Porto Rico, l’Union Soviétique et la Yougoslavie Les matchs se sont tenus au Gymnase couvert de Jamsil.
Des qualifications automatiques ont été accordées au pays hôte et aux vainqueurs de l’édition précédente. Les équipes restantes ont été déterminées par les championnats continentaux d’Asie, d’Océanie, d’Afrique et des Amériques, ainsi que par le tournoi de qualification européen. Les champions d’Asie et d’Océanie, les deux meilleures équipes d’Afrique et les trois meilleures équipes des Amériques ont obtenu une qualification directe. Les trois dernières places sont attribuées à l’issue du tournoi de qualification européen, qui s’est déroulé aux Pays-Bas.
Les quatre premiers de chaque groupe du tour préliminaire se sont qualifiés pour la phase à élimination directe à huit équipes, où les équipes du groupe A ont rencontré les équipes du groupe B, tandis que les autres équipes ont participé aux tours de classement.
Champions olympiques et du monde en titre, les États-Unis arrivent en tant que favoris en Corée du Sud. Avec une équipe composée de Mitch Richmond, consensus second-team All-American en 1988 et futur sextuple All-Star, co-meilleur joueur et marqueur universitaire de l’année ainsi que futur All-Star Hersey Hawkins, 3 fois First-team All-MAC et futur triple All-Star, Dan Majerle, co-meilleur joueur universitaire, MVP du Final Four et Champion NCAA ainsi que futur double All-Star Danny Manning et joueur universitaire de l’année 1987 et futur MVP David Robinson.
Finaliste des derniers Jeux Olympiques, l’Espagne a dû passer par le tournoi de qualification pour obtenir sa place. Bien que n’étant plus aussi forte qu’il y a 4 ans, la nation ibérique compte à nouveau sur Juan Antonio San Epifanio, 6e meilleur marqueur au dernier mondial et sur Andrés Jiménez nommé dans l’équipe du dernier Championnat d’Europe. Médaillée de bronze aux Jeux de Los Angeles, au mondial en Espagne et au Championnat d’Europe en Grèce, la Yougoslavie veut retrouver le goût d’une finale. Pour cela, Dražen Petrović, le MVP du dernier Championnat du Monde, va devoir réaliser un excellent tournoi et galvaniser son équipe.
Après avoir boycotté les Jeux de 1984 et avoir fini 3e en 1980 à domicile, l’URSS veut récupérer sa médaille d’or en 1988. Pour cela, les finalistes des derniers championnats du Monde et d’Europe peuvent compter sur Arvydas Sabonis et Valeri Tikhonenko, nommés dans l’équipe du mondial 1986, ainsi que Šarūnas Marčiulionis et Alexander Volkov, nommés dans l’équipe de l’EuroBasket 1987.
Chez les outsiders, on retrouve notamment le Canada, demi-finaliste des derniers Jeux Olympiques, qui peut toujours compter sur Jay Triano et Gerald Kazanowski. Enfin, le Brésil, champion des Amériques et vainqueur des Jeux panaméricains de 1987 après avoir battu les États-Unis à Indianapolis, peut potentiellement créer la surprise. Oscar Schmidt, nommé dans l’équipe du mondial 86, a un rôle très important à jouer dans cette équipe.
Les moments clés
La phase de groupes de 1988 vit des matchs captivants, avec les États-Unis qui ont fini invaincu dans leur groupe B. Comme en 1984, le jeu américain se base sur un jeu rapide et de la défense rugueuse. Cela ne fut pas toujours facile cela dit. Le Canada menait à la mi-temps 42-40, grâce à un excellent Alan Kristmanson qui finit à 25 points et Eli Pasquale qui a eu 17 points, 5 passes décisives et 2 interceptions durant la rencontre.
Mais la Team USA s’est rattrapé à la mi-temps, avec le quatuor d’Hawkins, Manning, Majerle et Charles Smith qui combine avec 46 points tandis que Robinson verrouille la raquette. Victoire 70-76, mais attention à ne pas se faire peur.
Le Canada quant à lui a fini 4e de son groupe. 2 défaites d’entrée, contre le Brésil 125-109, puis contre les États-Unis, avant d’écraser l’Égypte 64-117. Continuant sur cette belle dynamique, le Canada avait bien entamé son match face à l’Espagne, menant 51-45 à la mi-temps grâce à un Karl Tilleman exceptionnel, qui a fini avec 37 points, en plus de Pasquale qui a eu 19 points et 2 interceptions durant le match. Hélas, une remontada est arrivée en deuxième mi-temps.
Grâce au quatuor de Jiménez, 23 points, 9 rebonds et 2 interceptions, Josep Maria Margall, 21 points, 2 interceptions et 2 contres, Antonio Martín, 17 points et 9 rebonds et Ignacio Solozábal, 8 points et 7 passes décisives, l’Espagne a gagné 84-94.
Avec 1 victoire et 3 défaites, le dernier match contre la Chine qui a le même bilan devient capital. Ce match est serré de bout en bout. Triano, Wayne Yearwood, David Turcotte, John Hatch et Dwight Walton ont porté l’équipe, marquant ensemble 76 points pour mener à la victoire 99-96. Le Canada est qualifié pour la phase à élimination directe en 1988, mais la performance n’est pas très rassurante pour des outsiders.
L’autre outsider, le Brésil, a fini 3e avec un Oscar inarrêtable, tournant à 41 points de moyenne durant la phase de groupe. 36 points face au Canada, 44 lors d’une victoire 130-108 face à la Chine, 31 lors d’une défaite 87-102 face à la Team USA, 39 face à l’Égypte dans une victoire 138-85 et enfin 55, un record toujours inégalé, dans une défaite 110-118 face à l’Espagne. Schmidt n’est pas tout seul évidemment, Marcel de Souza a été une très bonne deuxième option, marquant même 30 points face au Canada. Mais l’attaque du Brésil en 1988 est très dépendante de son ailier de 30 ans.
Enfin en deuxième position du groupe, on retrouve l’Espagne, qui avait pourtant très mal commencé avec une défaite 53-97 lors du match retour de la finale de 1984. Mais suite à cela, les ibériques ont enchaîné 4 victoires pour se qualifier sans problème pour le prochain tour en 1988.
Pendant ce temps dans le groupe A, la Yougoslavie a terminé en première position. L’équipe des Balkans avait commencé la compétition de 1988 avec une victoire marquante, battant l’URSS 79-92 grâce aux 25 points de Petrović, les 20 points et 11 rebonds de Žarko Paspalj et les 13 points et 9 rebonds d’un jeune Toni Kukoč. La Yougoslavie était désormais lancée et inarrêtable…
Sauf pour le dernier match de groupe, où Porto Rico, le vice-champion des Amériques, a surpris la nation européenne avec une victoire 74-72 pour le territoire américain. En cause, un Petrović qui n’était pas dans le match, tandis que pour Porto Rico, Angelo Cruz a réalisé son meilleur match du tournoi avec 18 points et 9 rebonds et Raymond Gause a apporté 11 points et 5 rebonds. La Yougoslavie conserve sa première place, mais attention à un faux pas face au Canada.
Porto Rico était déjà qualifié pour le prochain en tant que 4e, mais cette victoire, la troisième de leur groupe, leur fait un grand bien avant d’affronter la Team USA en quart de finale. Porto Rico a eu un tournoi de 1988 très stressant jusque-là. Mené 50-36 à la mi-temps par l’Australie dans le match d’ouverture du tournoi, Los Gallos ont ensuite entamé une remontée, lancée par José Ortiz qui a fini avec 18 points, Jerome Mincy et ses 17 points, 8 rebonds et 2 interceptions et Mario Morales et ses 13 points et 7 rebonds. Hélas, ce fut insuffisant, et les Boomers s’imposent 81-77.
Lors du match suivant face aux hôtes, c’était le scénario inverse. Porto Rico commence bien, se fait rattraper au cours de la deuxième mi-temps, mais conserve son avantage pour s’imposer 74-79. Encore une fois, Ortiz a été crucial avec 14 points et 9 rebonds, et il fut accompagné cette fois-ci par Ramón Ramos et ses 12 points et 8 rebonds. Dommage pour des hôtes qui ne gagneront aucun match durant la phase de poule. Le troisième match fut contre l’URSS et contre un des géants du sport, Los Gallos ont réussi à aller jusqu’en prolongations où malheureusement, l’équipe fut à court d’énergie. Les belles performances de Morales, Ramos, Cruz, Gause, Ortiz et Mincy furent en vain. Défaite 81-93.
Leur quatrième match voit Porto Rico affronter la République Centrafricaine, qui après sa victoire 73-70 en match d’ouverture, est devenue la première équipe africaine à avoir remporté un match de groupe depuis l’Égypte en 1952. Les champions d’Afrique en titre avaient une opportunité de se qualifier pour la phase à élimination directe, mais pour ça, il fallait d’abord battre l’île des Caraïbes.
A la mi-temps, l’équipe africaine semblait être sur le point de réaliser un exploit. Avec le trio de Frédéricque Goporo, Anicet Lavodrama et François Naoueyama qui termine avec 44 points cumulés, la République Centrafricaine menait 41-27 à la mi-temps. C’est alors que Porto Rico entame une remontée spectaculaire. Cruz, Ortiz et Mincy ont tous marqué 13 points, et avec l’aide de Roberto Ríos et ses 10 points et 3 interceptions, la nation des Caraïbes s’est imposée 67-71. Avec cette victoire, leur place au prochain tour était garantie.
Juste devant Porto Rico était l’Australie, avec le même bilan de 3 victoires et 2 défaites. 2 lourds échecs face à la Yougoslavie et l’URSS, la victoire serrée face à Porto Rico, et deux matchs remportés sans grandes difficultés face à la République Centrafricaine et la Corée du Sud. Pas exactement le bilan le plus convaincant avant d’affronter l’Espagne.
Enfin en 2e position on retrouve l’URSS, qui après sa défaite contre la Yougoslavie, a enchaîné 4 victoires où seul Porto Rico et la République Centrafricaine leur a tenu tête. Une défaite 78-87 très honorable, avec notamment Lavodrama qui a joué les 40 minutes sans interruption et a fini avec 27 points, 10 rebonds et 6 passes décisives. Marčiulionis et Sabonis, les deux Lituaniens, ont été les patrons de cette équipe en 1988, et il faut continuer à ce niveau, car le match contre le Brésil ne sera pas facile avec Schmidt en face.
Malgré un parcours difficile après la défaite lors de la première journée, l’URSS a su remonter ses manches pour atteindre la finale. Il n’a pas été possible de faire face directement à Oscar Schmidt, qui a marqué 46 points durant la rencontre tandis que le Brésil menait 53-58 à la mi-temps. Cependant, grâce à la profondeur du banc et au jeu collectif, l’équipe soviétique a pris l’initiative à la fin.
Les autres Brésiliens n’ont pas réussi à soutenir leur leader fatigué. Israel Andrade aura fait de son mieux avec 22 points et 11 rebonds, idem pour Marcel et ses 16 points, mais ce fut insuffisant. Pour ce match-là, ce fut d’autres joueurs, Rimas Kurtinaitis et Volkov qui ont mené l’URSS, combinant pour 44 points.
Arriva ensuite la finale avant l’heure, les USA contre l’URSS. La dernière fois que les États-Unis et l’Union soviétique se sont affrontés en basket-ball olympique, c’était en 1972. Les Soviétiques l’avaient emporté 51 à 50, infligeant aux Américains leur seule défaite en 86 matchs olympiques. En 1988, il n’y a pas eu de remise à zéro du chronomètre à deux reprises dans les trois dernières secondes, comme cela s’était produit 16 ans plus tôt. Les Soviétiques remportent cette demi-finale sur le fil, 82-76, grâce aux 28 points et 7 rebonds de Kurtinaitis et aux 13 points et 13 rebonds de Sabonis.
Les Soviétiques, une équipe posée et bien entraînée, ont battu la presse par des passes précises, plutôt que par des dribbles inconsidérés. Bien qu’ils aient essayé de mettre la pression, les Américains ont semblé frustrés, poursuivant le ballon autour du périmètre et incapable de mettre en place son jeu de transition. Ils n’ont pas été agressifs au rebond. Manning, en particulier, a été décevant. L’ailier qui a mené le Kansas au titre de champion national au printemps dernier n’a pas marqué le moindre point dans le pire match qu’il ait jamais joué.
Ainsi, les Américains, qui abordent le match après avoir remporté 21 matchs olympiques d’affilée depuis leur défaite contre les Soviétiques à Munich, ne peuvent faire mieux qu’une médaille de bronze, la pire performance de leur histoire. Ils obtiendront cette médaille dans un match qui a été remporté sans problème face à l’Australie.
Pas de médailles pour les Boomers, mais une impressionnante performance après avoir éliminé l’Espagne en quart après une victoire 77-74 grâce à un Andrew Gaze héroïque, lui qui a fini avec 28 points. Aucun panier n’a été marqué durant les deux dernières minutes, et après un tir raté espagnol à 10 secondes de la fin, l’équipe d’Océanie a atteint le dernier carré pour la première fois de son histoire.
Hélas, les Australiens n’avaient aucune chance face à une équipe de Yougoslavie emmenée par le duo Petrović et Vlade Divac qui a gagné 91-70. Pour les Yougoslaves, c’est une première finale depuis 1981, et après un parcours en phase à élimination directe parfaitement maîtrisé, l’équipe pouvait maintenant rêver d’une médaille d’or, la deuxième de son histoire.
La finale, disputée le 30 septembre 1988, opposa l’Union Soviétique à la Yougoslavie. Ce fut un match intense, où l’expérience, la motivation et la stratégie soviétiques firent la différence. Arvydas Sabonis, avec ses capacités exceptionnelles à la fois offensives et défensives, domine la rencontre, finissant avec 20 points et 15 rebonds. Šarūnas Marčiulionis contribua également de manière significative avec ses performances offensives.
L’Union Soviétique remporta la victoire avec un score de 76-63, décrochant ainsi leur deuxième médaille d’or olympique en basketball masculin, la première ayant été remportée en 1972 à Munich. Même si personne ne le savait à l’époque, ce sera la dernière fois que nous verrons l’URSS et la Yougoslavie sur un podium olympique. Les Jeux de 1988 furent les derniers avant un grand changement dans le monde sportif et géopolitique.
Impact et héritage
Les Jeux Olympiques de 1988 eurent un impact durable sur le basketball masculin. La domination soviétique met en lumière le talent et la qualité de leur programme de formation des joueurs. Cette victoire fut particulièrement significative dans le contexte de la fin de la Guerre froide et de la dissolution imminente de l’Union Soviétique.
Pour les États-Unis, la défaite en demi-finale fut un coup dur, mais elle servit également de catalyseur pour des changements majeurs. Cette défaite conduisit à la formation de la « Dream Team » en 1992, marquant le début de l’ère des professionnels de la NBA dans le basketball olympique. Sans la défaite de Team USA à Séoul, il n’y aurait sûrement pas eu de Dream Team à Barcelone. Cette demi-finale de 1988 est peut-être le match international le plus important de l’histoire.
Le basketball masculin aux Jeux Olympiques de 1988 à Séoul représente une époque de compétition intense et de transition. La victoire de l’Union Soviétique marqua la fin d’une ère, tandis que l’échec des États-Unis préfigura des changements significatifs dans la composition des équipes olympiques.
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