Thurl Bailey Jazz Crooner

Thurl Bailey, Jazz Crooner

Cette série s’ambitionne en excavatrice des décombres des décennies 80 et 90 : l’antichambre de la NBA à la lumière des soutiers et besogneux des temps anciens. Aujourd’hui, sixième coup de pelle avec Thurl Bailey.

Leader du Wolfpack de NC State, surprenant champion NCAA 1983, ayant battu les terribles Cougars de Houston menés par Hakeem Olajuwon et Clyde Drexler, Thurl Bailey aura connu par la suite une belle carrière NBA, pilier d’une forte équipe du Jazz des années 80. Portrait de l’une des plus belles voix que la NBA ait jamais connues.

De débutant laborieux au titre universitaire suprême 

Ghetto de Capitol Heights, Maryland, milieu des années 70. De rigueur et d’époque, c’est via un tube cathodique éclairant le salon familial de son émission noir et blanc que le jeune Thurl Bailey connaît ses premiers émois avec le basket-ball, via les arabesques du génial Julius Erving. Malgré le double-mètre atteint alors qu’il n’a pas 15 ans, le sport n’est guère dans ses préoccupations quotidiennes, accaparé par la réussite scolaire, poussé par des parents ne voyant le salut de leur progéniture que par l’éducation, c’est donc sur le tard qu’il se lance au basket, avec beaucoup de difficultés :

Au collège, le même entraîneur m’a coupé de l’équipe deux années de suite, c’était décourageant. La troisième année, un nouveau coach est nommé, et m’a pris sous son aile : en plus de l’entraînement collectif, il me prenait individuellement, en spécifique, 1h avant et 1h après l’entraînement d’équipe. J’avais énormément de lacunes. L’entraîneur précédent ne me faisait jouer qu’une minute par mi-temps, pour l’entre-deux, alors que celui-ci me donnait 4h de son temps, 2 avec l’équipe et 2 en solo. 

Pas du temps perdu, car Thurl a du potentiel, qu’il développe très vite, et atteint sa taille finale de 211 cm. Il obtient une bourse pour l’université en Caroline du Nord, d’où ses parents sont originaires. Un salut lui permettant de s’extraire du ghetto natal, direction NC State (à ne pas confondre avec les Tar Heels de UNC), coaché par le mythique Norm Sloan, en poste depuis 1966, qui avait conduit l’université d’Etat au titre NCAA en 1974, avec comme joueur vedette David Thompson. Ils ne passèrent qu’une saison ensemble, Sloan, après 15 ans de bons et loyaux services, retournant à ses premières amours pour coacher les Gators de Florida.

1982 Thurl Bailey et Jim Valvano, le duo de choc de NC State. Crédit : Atkinson for NYTimes Magazine

C’est Jim Valvano qui prend la relève, en 1980. Un inconnu de 34 ans, mais déjà fantasque. Une allure de second rôle dans Les Affranchis, une assurance et une gouaille de vendeur de piscine, et une aisance naturelle de comédien de stand-up. Tout autant de particularités qui lui ouvriront plus tard les portes d’ABC, ESPN, du Hall of Fame et divers scandales de corruption. Valvano mériterait un article entier, alors restons évasif.

Lors de sa première prise de parole devant ses joueurs, Valvano assure que l’équipe va prochainement gagner le titre NCAA. Thurl Bailey, qui hésite même à changer de fac avec l’arrivée de cet hurluberlu (fort heureusement ses parents l’en empêcheront), est dubitatif :

Nous le prenions pour un fou. Nous n’étions pas parmi les meilleures équipes du pays, ni même la meilleure équipe de la région. À UNC, ils avaient James Worthy, Brad Daugherty, Michael Jordan, Sam Perkins… Nous n’avions aucune individualité de ce niveau là. Et pourtant, deux ans et demi plus tard, on peut dire qu’il avait vu juste.

Valvano fait de Bailey son leader, devenant le meilleur marqueur, rebondeur et contreur de l’équipe sur ses trois dernières années universitaires. Pour leur première saison commune (1981-82), NC State rate de peu le tournoi NCAA, et s’en fait sortir dès le premier tour l’année suivante.

Rien n’annonçait le Wolfpack de NC State comme favori lors de cette saison 1982-83, et pourtant : après avoir battu en prolongation les rivaux de North Carolina en phase de qualification, l’équipe accède au Final Four, éliminant notamment les Cavaliers de Virginia de Ralph Sampson et Rick Carlisle, annoncés comme candidats au titre. En finale, c’est un gros morceau qui se présente avec les Cougars de Houston, menés par Akeem Olajuwon (qui ne portait pas encore le H), Clyde Drexler, Michael Young (la future star du CSP Limoges) et Larry Micheaux. Houston a gagné 33 de ses 35 rencontres, et fait figure de favori incontesté. 

Thurl Bailey Jazz Crooner
1983 Thurl Bailey face à « Akeem » Olajuwon lors de la finale NCAA. Crédit : NCSU

Drexler prend rapidement des fautes et se retrouve sur le banc. Young et Micheaux ne rentrent pas leurs tirs, seul Olajuwon porte les Cougars, terminant avec 20 points, 18 rebonds et 7 contres (rien que ça). NC State bataille, Thurl sort un match solide avec 15 points, et le score est de 52 partout lors de la dernière possession, balle pour le Wolfpack. Houston défend en zone et trap le porteur, NC State est perturbé, la balle atterrit dans les mains de Dereck Whittenburg qui envoie une prière du logo, un magnifique air-ball atterrissant comme par miracle dans les mains de Lorenzo Charles qui dunk pour le panier de la gagne.

Score final 54-52, NC State est champion pour la deuxième fois de son histoire, 9 ans après le titre de 1974, et ne le sera plus jamais ensuite. Il faudra même attendre cette année 2024 pour voir le Wolfpack retrouver le Final Four. La surprise est immense, et ce titre de 1983 est toujours considéré comme le titre universitaire le plus improbable de l’histoire, avec celui de Villanova en 85.

Une aventure à découvrir avec l’incroyable documentaire Survive and Advance de la série 30 for 30, produite par ESPN.

De cette équipe championne, seul Bailey fera carrière en NBA. Le petit meneur Sidney Lowe, drafté lui aussi en 83, fera bien quelques piges ici et là (essentiellement à Indiana et Minnesota), mais ne sera jamais considéré comme un joueur établi dans la ligue. Whittenburg (cousin de David Thompson) fera carrière en tant qu’assistant-coach dans plusieurs universités. Lorenzo Charles, après quelques matchs NBA à Atlanta, écumera les ligues mineures avant de décéder tragiquement dans un accident de bus en 2011. Le pivot Cozell McQueen fera carrière en Europe (il jouera notamment à Tours à la fin des années 80).

1983 Le Wolfpack en Une de Sports Illustrated. Crédit : Andy Hayt

Drafté en 1983 par le Jazz, le début d’une belle histoire

Auréolé du titre NCAA, élu dans l’équipe du tournoi NCAA (Olajuwon en sera malgré tout le MVP), celui que l’on surnomme désormais Big T. est tout naturellement considéré comme un joueur appelé en bonne position pour la draft 83. 

Un corps de pivot, une âme d’ailier

Thurl Bailey, c’est pourtant un physique atypique : une taille de pivot (211 cm pour rappel), longiligne (90 kg lors de son année rookie, et jamais plus de 100 kg par la suite), et dont le tropisme naturel se trouve loin du cercle : bon contreur, il est moins gaillard lorsqu’il s’agit de batailler aux rebonds, et développe un tir fiable à mi-distance, là où il devra partir lancé et non figé au poste bas pour faire la différence sur un dunk.

Un poste 4 souvent utilisé poste 3 pendant son cursus universitaire, une configuration qu’il retrouvera pendant une bonne partie de sa carrière chez les pros. Un moyen-courrier du rebond malgré une taille avantageuse, à plus forte raison dans la NBA des années 80.

Un glissement naturel vers ce poste de small forward, favorisé deux ans après son arrivée en NBA par la draft de Karl Malone, l’ailier puissant par définition, le power forward par excellence. En défense, on lui confie des Larry Bird (le joueur le plus difficile à défendre de toute ma carrière), Dr. J ou Magic, mais rarement des intérieurs, lui rendant la plupart du temps 15 ou 20 kg.

Larry O’Brien entouré d’une partie des draftés de la cuvée 1983. Crédit : Andrew D. Bernstein

Mais revenons à cette draft 83. Une cuvée communément reconnue comme décevante, pour diverses raisons (Ralph Sampson, Steve Stipanovich, Rodney McCray forment le top 3 ; drogue, blessure, inconstance : choisissez votre poison) mais qui aura tout de même sorti Clyde Drexler, Dale Ellis, Derek Harper, Jeff Malone, Byron Scott ou Doc Rivers.

Pour Thurl Bailey, l’entrée en NBA se fera en septième position par le Jazz, qui s’apprête à lancer sa cinquième saison à Salt Lake City, suite au déménagement de 1979 depuis la Nouvelle-Orléans. Thurl est le second rouage d’une reconstruction intelligente de la franchise, via la draft : Mark Eaton l’année précédente, Bailey en 83 donc, puis Stockton en 84 et enfin Malone en 85.

Une arrivée en 1983 pour Thurl, qui coïncide avec le début d’une incroyable série de qualification en playoffs pour le Jazz, sous le règne de Frank Layden dans un premier temps, puis de Jerry Sloan : de 1984 à 2003, Utah fera systématiquement les playoffs. Dans les années 80, le patron est Frank Layden, double-casquette de directeur sportif et d’entraîneur, une figure respectée en NBA.

L’objectif est clair : atteindre les playoffs pour la première fois depuis l’arrivée en terre mormone. Aux côtés d’Adrian Dantley, John Drew, Rickey Green, Darrell Griffith et le sophomore Mark Eaton, Big T. trouve rapidement sa place, alternant entre titulaire et remplaçant, jouant 25 minutes de moyenne par match et termine élu dans l’équipe All-Rookie de l’année. Objectif atteint avec une qualification facile en playoff, Utah s’offrant même Denver au premier tour avant de tomber face aux Suns.

Goggles sur le nez, Thurl Bailey faisait parti du club très fermé de James Worthy, Horace Grant, Kurt Rambis et Kareem Abdul-Jabbar. Crédit : Rocky Widner

Lors de son année sophomore, il bénéficie de la mise à l’écart par la ligue de John Drew, junkie devant l’éternel, et de la blessure d’Adrian Dantley pour passer titulaire à temps plein, doublant presque ses points par match (8 l’année rookie, 15 la suivante), et brillera surtout lors des playoffs, où Utah éliminera les Rockets de… Ralph Sampson et Olajuwon.

Une série à 18 points et 10 rebonds de moyenne, prometteuse pour le sophomore, devenant la deuxième option offensive du Jazz derrière Dantley. Il marque les esprits en inscrivant 15 points dans le quatrième-temps du match 5 décisif de la série, face à un Ralph Sampson dépité. Un parcours stoppé au tour suivant par des Nuggets revanchards. Une seconde saison réussie pour Bailey, déjà considéré comme l’un des meilleurs shooteurs extérieurs parmi les big men de la ligue.

La saison 1985-86 marquera un tournant pour Utah, et pour Thurl. Avec l’arrivée du Mailman, Bailey retrouve un rôle de sixième homme, qu’il gardera pour l’essentiel du reste de sa carrière NBA. S’il sort du banc, il n’en reste pas moins le quatrième temps de jeu de l’équipe, qui a désormais, avec Eaton, Stockton, Malone, son trio de choc pour plusieurs saisons. Il reçoit en fin de saison, pour la première fois mais pas la dernière, des voix pour être élu meilleur sixième homme de la ligue, trophée honorifique qui reviendra à Bill Walton cette fois-ci.

 

La présentation de Big T. par TCHPB en 1987, avec le petit tacle à Ralph Sampson

De 1987 à 1989, Thurl Bailey propose probablement ses deux meilleures saisons NBA, toujours en sortie de banc : avec près de 20 points de moyenne, il est le deuxième marqueur de l’équipe derrière Malone, en ne joue plus qu’en poste 3. Ses playoffs 88 sont le sommet de ses dix ans au Jazz.

Lors du premier tour remporté 3-1 face aux Trail Blazers de Clyde Drexler, Thurl tourne à 28 points de moyenne, avec une pointe lors du match 3 à 39 points 8 rebonds et 4 contres dans une victoire 113-108. Utah sera finalement sorti au tour suivant, en 7 manches, par les Lakers, futurs champions, avec un Big T. tournant à 20 points de moyenne, donnant le change face au tout meilleurs joueurs de leur époque, s’offrant même un beau poster dunk à deux mains sur Kareem Abdul-Jabbar.

Deux saisons où il ratera de peu le trophée de sixième homme de l’année, au profit de Roy Tarpley en 88 et d’Eddie Johnson en 89, à sept voix près. Un statut qu’il conservera sous la houlette de Jerry Sloan, arrivé fin 88 à la place de Layden, qui garde uniquement ses fonctions de directeur sportif, laissant le banc à Mr. Chicago Bull

1990 Thurl Bailey avec un tir mi-distance, sa marque de fabrique. Crédit : Andrew Bernstein

Avec le recrutement de l’arrière Jeff Malone en 1990, Thurl perd progressivement de son importance offensive, tombant à 12 points de moyenne en 30 minutes, bien qu’il soit toujours considéré comme l’un des meilleurs 6th man de la ligue et un soldat du Jazz à l’hygiène de vie irréprochable ; il disputera 734 matchs sur les 738 possibles en saison régulière lors de ses neuf premières saisons.

1991, fin de l’aventure Jazz, direction l’une des plus faibles équipes NBA

Fin novembre 91, Utah décide de le transférer à Minnesota, en échange de Tyrone Corbin, du poste pour poste qui ne donnera au final pas satisfaction au Jazz, Corbin ne confirmant jamais son bon passage chez les Wolves. À 30 ans, Thurl Bailey se retrouve dans cette toute nouvelle franchise des Timberwolves (expansion de 1989), l’une des pires de la ligue. 

C’était une grande déception, d’autant que ce n’était pas le choix de Jerry (Sloan), mais du GM, Scott Layden, le fils de Frank. On ne choisit pas de son transfert. Je sortais de l’entraînement avec Utah, et j’apprends mon transfert en mettant la radio pour rentrer chez moi. C’était un passage compliqué, passer d’une franchise solide d’Utah, systématiquement en playoff, à Minnesota, qui n’arrive pas à gagner 20 matchs par an… On ne s’habitue jamais à perdre. Mais j’estime avoir fait le boulot pendant ces trois ans là-bas.

Dans une équipe où les meilleurs joueurs sont Scott BrooksTony Campbell et Pooh Richardson, Thurl Bailey fait le boulot malgré une année de tanking évidente (15 matchs gagnés), Christian Laettner, Alonzo Mourning et Shaquille O’Neal étant les gros poissons universitaires annoncés pour la cuvée de draft à venir, celle de 1992. Une année sans playoff pour Big T., la première fois depuis son arrivée en NBA en 83.

1993 Thurl avec le magnifique maillot d’entraînement des Timberwolves. Crédit : Nathaniel S.Butler

À Minnesota, Thurl Bailey retrouve la position d’ailier fort, où il devient en 92 le remplaçant de l’ancienne star de Duke, Christian Laettner, drafté l’été en troisième position par les Wolves, se montrant déjà très fort son année rookie. Minnesota reste dans les bas-fonds de la ligue, ne gagnant que 19 matchs. La draft 93 leur donnera le choix numéro 5, pas assez haut pour prendre Chris Webber ou Penny Hardaway, mais suffisant pour sélectionner ce jojo d’Isaiah Rider, qui ne changera rien à l’état moribond des Wolves.

À 32 ans, Thurl Bailey est en perte de vitesse à Minnesota, et ce n’est pas son (relatif) petit salaire d’un million de dollars la saison, (le huitième de l’équipe malgré son statut de vétéran et ses 69 matchs de playoffs, soit 69 de plus que la franchise à l’époque) qui le font envisager l’avenir dans le Midwest. Fait cocasse de ce passage à Minnesota : il y retrouvera Sidney Lowe, son ancien coéquipier de NC State, devenu entre-temps entraîneur, sur le banc des Wolves.

1993 Thurl Bailey prenant un tir sur ce pauvre Byron Houston. Crédit : Carte Upper Deck

1995-1998 : L’Europe, pour quelques dollars de plus

Agent libre à l’issue de la saison 1993-94, Bailey se voit proposer de très beaux contrats dans les clubs européens. Quitter la NBA n’a pas été un choix facile, mais de son propre aveu, l’argument financier a été décisif. Dans des équipes européennes où seuls deux américains sont autorisés, Thurl, salaire moyen en NBA (environ un million de dollar l’année entre 1989 à 1994), part pour un continent pouvant offrir le double, voire le triple aux étrangers (Dominique Wilkins a pris sept millions de dollars sur deux ans au Panathinaikos en 1995, soit près de 15 millions de dollars de nos jours, inflation aidant).

Direction le Panionios pour Bailey, pour une saison décevante collectivement, avec une élimination en quart de finale de la coupe Korac par Milan, mais où il brillera individuellement, terminant l’année parmi les All-Star du championnat grec.

À l’instar d’un Jeff Turner ou d’un Bill Wennington, il fera lui aussi une escapade italienne, à Cantù pour deux saisons, où il sera MVP du All-Star Game, puis à Milan.

J’ai adoré mes années italiennes. La vie locale, la flânerie, la culture de la table, la douceur de vivre… Sportivement, c’était un cran dessous de la NBA, et même si j’y suis allé au départ pour des raisons financières, ce sont probablement trois de mes plus belles années en terme de qualité de vie.

1996 Thurl Bailey avec le maillot de Cantù. Crédit : cantubasketcamp.com

1999 : Retour au Jazz pour l’année du lock-out

À bientôt 38 ans, et après avoir quitté la NBA pendant 4 ans, Thurl revient au bercail pour le début de la saison du lock-out, amputée de 32 matchs et démarrant seulement début février 99. Un petit contrat de six mois pour un salaire largement inférieur à ceux touchés en Europe, et même en deçà de ses prétentions NBA de l’époque, et ce malgré l’effet positif de l’incroyable bascule de la grève des joueurs sur le salaire moyen NBA.

Entre-temps, Utah a connu les sommets, avec les deux finales en 97 et 98. Il y retrouve l’inséparable trio Jerry Sloan, John Stockton et Karl Malone, pour devenir cette fois-ci le remplaçant attitré du Mailman sur le poste d’ailier-fort : King Karl ne ratant jamais une rencontre tout en passant 37 minutes sur le parquet, cela laisse quelques miettes à Big T., qui n’est de toute façon plus en mesure d’offrir davantage.

Une équipe annoncée une nouvelle fois prétendante après ces deux accessits successifs, emmené par un trio de sémillants anciens (Stockton 36 ans, Malone et Hornacek 35), et qui rendra un chantier propre en saison régulière avec le meilleur bilan de toute la ligue (37 victoires en 50 matchs), à égalité avec San Antonio, le futur champion.

Mais le rythme effréné de cette saison raccourcie et surtout condensée à outrance finira par peser sur les organismes de la vieille garde. Après un premier tour éprouvant face aux Kings, éliminés péniblement en cinq manches, (Karl Malone mettra dans sa poche un Chris Webber de dix ans son cadet), le Jazz chutera au tour suivant face à d’insolents Trail Blazers, dont le meilleur joueur de la série sera… Isaiah Rider.

Thurl tiendra durant ces playoffs le même rôle qu’en saison régulière, à savoir : donner une bonne dizaine de minutes de répit à Malone, le temps qu’il souffle sur le banc. Un dernier tour de piste signant une retraite définitive, malgré l’offre du Jazz pour une nouvelle année de contrat pour la saison 99-00. Fin d’une carrière professionnelle riche de douze saisons NBA et quatre en Europe, dont 997 matchs sous le maillot du Jazz.

Thurl Bailey, le crooner

1999 Faith In Your Heart, le premier album de Thurl Bailey

J’étais ce mec un peu bizarre qui jouait à la fois au basketball, dans le groupe des mecs « cools », mais qui était également dans le groupe des « nerds » car je jouais du tuba. Pour les matchs à l’école, je faisais partie de la troupe qui jouait l’hymne national, puis je me changeais en vitesse pour rejoindre mes coéquipiers et jouer le match.

Musicien complet, Thurl se mettra par la suite aux cours de chant. Un simple échantillon vocal du Big T. est suffisant pour admettre que l’ailier a une voix qui vient du froc. Une tessiture vocale basse, la plus grave chez l’homme. L’authentique crooner. Une voix charismatique le poussant à s’essayer au jazz, à la soul et même à la country, pour celui qui ne jurait que par Earth, Wind & Fire étant adolescent. Une carrière musicale riche de plusieurs disques, concerts et comédies musicales.

Avec Craig Bolerjack, il forme depuis des années le duo de commentateur du Jazz. Une des voix les plus appréciées du NBA League Pass. Une reconversion pensée et anticipée depuis des années :

J’ai très vite compris que ma carrière sportive n’allait durer une quinzaine d’année tout au mieux, et qu’il fallait se préparer à l’avenir, pour subvenir à mes besoins et ceux de ma famille. Dès le milieu des années 80, j’ai su que je voulais devenir analyste NBA, c’est ce que j’étudiais à l’université.  

Un joueur qui aura effleuré à plusieurs reprises le titre de meilleur sixième homme de l’année, respecté par ses pairs (en 1989 il sera auréolé du J. Walter Kennedy Citizen Award), avec un style de jeu et un physique atypique pour l’époque. Une carrière de soldat n’ayant raté que 15 matchs lors de ses 16 années pro (12 en NBA et 4 en Europe), dont le climax aura été cet incroyable titre de champion NCAA, qui, selon ses dires, n’échangerait pour rien au monde contre une bague de champion NBA.