Steph Curry aujourd'jui, avec un bonnet des Wildcats, à gauche, et à droite, Steph Curry jeune joueur.

Stephen Curry : Underrated : le docu, le sujet, le titre

J’avais prévu de le regarder, parce qu’il s’agit d’une légende absolue du jeu. Ni fan, ni hater, je sais ma chance de suivre en direct la carrière d’un des joueurs les plus impactants de l’histoire de la NBA. Je ne boude pas mon plaisir, heureux de contempler ses exploits, de voir la qualité de basketball dont fait preuve Stephen Curry du côté de la Bay.

On peut regretter bien des choses dans la sport-culture, pour un peu qu’on soit un vieux con comme moi. Les narratives et les contenus toujours plus nombreux pour créer du storytelling, de la romance, du récit. Des mises en perspective particulières pour forger encore plus une légende, avec ce désir assoiffé d’histoire et d’empreinte bien propre à la culture US. Un entertainment sans nuance, qui dépasse parfois le sport. Est-ce le cas ici ? Après visionnage du documentaire, je n’en ai pas vraiment la sensation.

Après visionnage du documentaire, je suis relativement surpris. Parce que rien, de son titre aux débats hargneux de Twitter, ne me laissait imaginer de quoi aller parler ce docu. La sensation que les perroquets s’agitent pour autre chose, presque. Pourquoi ce décalage ?

Cet article comporte de nombreux spoilers. Il est fortement recommandé de regarder le documentaire avant de poursuivre la lecture.

affiche du documentaire UNDERRATED.

De quoi ça parle ?

On va couper court au suspens tout de suite : le documentaire raconte le parcours des équipes de collège et d’université (Davidson) de Stephen Curry. Évidemment, le meilleur shooter de l’histoire est la locomotive du documentaire. Mais on est davantage dans un hors-série de Last Chance You que dans une biographie 100% centrée sur Steph.

Peut-être parce que ces équipes lui ressemblent. Peut-être parce qu’elles sont les témoins d’un parcours bien à lui, des endroits, des gens et des moments qui lui ont permis de devenir qui il est aujourd’hui. Et c’est bien le propos d’un documentaire.

Pendant 2 heures, on suit particulièrement le parcours de son équipe des Wildcats de Davidson, menée par Coach McKillop. En tant que dévoreur de Last Chance You : basketball, j’admets y avoir trouvé mon compte. J’ai clairement passé un excellent moment à découvrir les ficelles psychologiques et tactiques avec lesquelles cette équipe d’outsiders a réussi à monter son niveau, corriger ses faiblesses, et péter des cadors de NCAA.

Il est là, l’environnement dans lequel Steph a commencé à devenir le Chef Curry. Dans cette équipe underrated, que personne n’attendait à ce niveau, et qui a su déjouer les pronostics avec trois bouts de ficelle… et Stephen Curry. Parce qu’on le veuille ou non, le documentaire montre aussi une chose, peut-être plus en filigrane certes, mais la montre bien tout de même : Stephen Curry n’est pas underrated.

Underrated ?

A vrai dire, ce titre, on s’en fiche. On peut le juger autant qu’on veut, comme on veut. Il est peut-être maladroit dans sa façon de poser ce terme, qu’on attribuerait davantage à Jimmy Butler ou Nikola Jokic, plutôt que sur un joueur comme Stephen Curry. Mais il est en tout cas le témoignage d’un sentiment vécu par Steph pendant son parcours. Le documentaire nous éclaire sur ce sujet. Steph était trop petit, trop mince, perdait trop de balles, pour que de grosses équipes s’intéressent à lui. Il finit donc avec une seule offre en sortie de collège, celle des Wildcats de McKillop.

Pour autant, on entend un autre mot résonner sur la première demi-heure du documentaire. Un mot percutant et qui symbolise peut-être mieux encore Stephen Curry : différent. Steph se sent différent, ses parents sentent qu’il est différent, Coach McKillop sait qu’il est différent, le sélectionne parce qu’il est différent. Sa différence en fait un joueur unique, mais pas un joueur underrated pour autant. Il ne rentre dans aucun moule sportif universitaire. Davidson voit toute sa génération précédente se barrer, et va donc en profiter pour construire un moule presque sur-mesure pour Steph.

Check tes privilèges

Si on élargit la perspective, la différence de Steph dépasse aussi ses attributs basket. Steph est le fils d’un des plus soyeux shooters que la league ait connu. Il est élevé dans un environnement sain et riche à millions. Le haut-niveau, la NBA, les caméras, les journalistes, les critiques, les analyses, les commentaires, l’entraînement, la rigueur, les sacrifices, sont autant de choses quotidiennes et basiques chez lui.

Steph est le fruit chanceux de cet environnement. S’entraîner tout un été avec les darons, dont Dell Curry, pour modifier en profondeur sa mécanique de shoot, et muscler son corps en conséquence, ce n’est pas accessible à n’importe quel John Doe…

La question des opportunités

La NBA est un endroit où saisir une opportunité demande de croiser le fer avec une adversité ultra-violente. Choper un contrat, gagner des minutes, devenir starter, obtenir des résultats, survivre au rythme des 82 matchs, des entraînements, des voyages, de la concurrence, de la demande médiatique, gagner, des récompenses individuelles, collectives, un titre… Les fenêtres sont étroites. Beaucoup s’y engagent, tous ou presque échouent. Quant à nous, on voit ceux qui réussissent avec les œillères des matchs et de l’actualité de ceux qui sont là.

Steph a évidemment eu des opportunités que d’autres non pas eues. Son seul travail n’en est pas la raison. Sa famille, son héritage, son milieu, l’ont évidemment aidé. Ça ne remet jamais en question la qualité de son basketball. Convertir des opportunités, c’est aussi un talent, que beaucoup d’autres n’ont pas. Steph, lui, il l’a pour deux. Sans problème.

What they gonna say now ?

Stephen Curry étudie la sociologie. Dans le documentaire, on le voit bosser les premières grandes lignes de sa thèse sur la place des femmes dans le sport. A ce titre, la Pr Kaufman qui dirige sa thèse, lui dit : « Vous avez un très bon matériau… Vous avez la chance d’être au cœur du milieu que vous étudiez… ». Son étude des préjudices vécus par les femmes dans le sport est autant un miroir des privilèges dont il a hérité, que du parcours atypique qu’il a dû arpenter pour arriver là où il est aujourd’hui.

Parti verni par la vie, Steph a dû se remettre en question de A à Z, très tôt. De l’ADN de son shoot, à sa courbe de croissance inquiétante, en passant par le désintérêt général des meilleures facs pour son profil et ses qualités. Difficile pour moi d’imaginer un autre parcours comme celui du Chef cuisiner de la NBA avec les Warriors. Privilégié et différent, à n’en pas douter. Son identité est là. Finalement, c’est ce que raconte ce documentaire, par le prisme du parcours des Wildcats. A coup sûr, son titre fera davantage jaser que le contenu. Mais après tout : « What they gonna say now ? ». Chef, t’as ta réponse.

Ne manque pas un article !

Rejoins la communauté Le Roster en t'abonnant à notre newsletter !

Damian Lillard indique l'heure