Run and Gun Era est une série d’articles dédiée à une des périodes les plus mythiques de l’histoire de NBA. Quand certains jugent cette époque comme celle des plombiers, d’autres y voient une ère où évolue de véritable dieu du basketball aux talents inégalables. Ces deux camps se trompent. Sortons des jugements péremptoires hâtifs, des mythes érigés sur des statistiques, pour découvrir ce que cache ces années au jeu complètement fou. Dans cet épisode, on découvre comment le rythme de jeu du Run and Gun fausse notre regard sur le scoring de l’époque.
P.O.S.S.E.S.S.I.O.N
On l’a vu dans les deux premiers épisodes, il est souvent question de possessions. Rien de plus normal dans l’ère du Tempo roi. La barre des 50 points est dépassée par un joueur à 194 reprises durant cette période. Pour comparer, de 1980 à 1997, elle ne l’est que 100 fois. Un grand merci à Wilt Chamberlain qui à lui seul compte 118 performances au-delà de cette marque. Michael Jordan se place loin derrière avec « seulement » 30 matchs du genre.
La saison 1961/62 est le plus bel exemple de l’inflation statistique qu’apporte un pace aussi élevé. On y voit l’ogre des Philadelphia Warriors scorer 50.4 points par soir. Dans l’inconscient collectif cette campagne fait de Chamberlain le meilleur scoreur de l’histoire. Est-ce vraiment le cas ?
Seulement deux joueurs affichent plus de 30 points de moyenne en carrière. Il s’agit de l’arrière des Bulls, Michael Jordan, et bien entendu de Wilt Chamberlain. La plus haute marque de Jordan sur une saison est réalisée en 1987. Il affiche 37.1 points au bout de 82 matchs et 40 minutes de temps de jeu. Ainsi il score 35% des points de sa franchise avec 1.33 points par tirs tentés.
Du côté du Stilt, c’est donc 50.4 points en 80 rencontres et 48.5 minutes de jeu. Il inscrit 40% des points de son équipe avec 1.27 points par tentatives. Des chiffres relativement similaires alors que sur le papier la saison de Chamberlain semble bien supérieure. Poussons le bouchon encore plus loin. L’arrière de Chicago joue cette année-là environ 79 possessions et score 0.46 points lors de chacune d’elles.
Wilt lui, joue la quantité outrageusement exagéré de 132.4 possessions par rencontre avec 0.38 points lors de chacune d’elles. Grâce au rythme de jeu fou du Run and Gun, Chamberlain peut réaliser des chiffres imbattables pour les générations suivantes. Du coup, si on souhaite faire des comparaisons entre les époques il est plus judicieux d’effectuer cela en alignant le scoring sur 75 possessions.
La saison 86/87 de Jordan tombe à 34.8 points, quand celle de Chamberlain en 61/62 chute à 28.5 . Prenons ces chiffres à l’échelle de leur carrière. MJ affiche alors une moyenne de 30.3 points sur 75 possessions, et Wilt environ 19. Comme nous manquons d’images et de matières pour juger les stars de l’époque du Run and Gun, nous avons tous fait l’erreur de nous baser sur les statistiques pour le faire. Wilt Chamberlain devient ainsi aux yeux de tous, l’archétype du scoreur dominant. Dans les faits, c’est beaucoup plus compliqué que cela. Mais on y viendra plus tard quand nous traiterons plus particulièrement de son cas.
Nous venons de prendre un exemple, mais ce petit jeu de calcul fonctionne avec tous les joueurs. D’autant plus avec ceux qui ont des temps de jeu élevés. Elgin Baylor, Jerry West, Oscar Robertson, Bill Russell, tous affichent des lignes de stats tronquées par notre habitude des chiffres du jeu moderne. Spoiler, il en de même avec les passes et les rebonds mais cela on le verra également dans un prochain épisode.
Pour la suite
En parlant des articles à venir, nous allons beaucoup utiliser les stats par 75 possessions. Elles vont permettre de mieux jauger les performances effectuées dans cette ère. On va également le voir, si elles font tomber les mythes bâtis autour des stars des 60/70’s, elles n’enlèvent rien à l’impact de ces dernières. Même mieux, elles permettent de voir avec plus de précisions les évolutions de certains joueurs comme c’est le cas avec Wilt Chamberlain.
Le Run and Gun génère des chiffres en trompe l’œil qui nous donne une image faussée de l’époque. Si Wilt peut scorer 50 points par match c’est certainement parce qu’il jouait dans une ligue faible. Une NBA faite de plombiers et de pompiers. Non, non, et non. Le jeu est différent, pas facilement déchiffrable si on ne s’y penche pas sérieusement. Mais vous savez quoi ? C’est exactement ce qu’il se passe en 2020.
L’ère du 3 points que nous vivons en ce moment nous fait connaître le même problème. Quand je dis nous, je parle de vieux fans comme moi. Nous avons des repères statistiques assez anciens, mais le code à changé. C’est toujours du basketball, cependant il a suffisamment mué pour devenir autre chose. Les premiers bénéficiaires sont les stars de la ligue, qui dans ces conditions peuvent battre records sur records.
Alors le vieux fan comme moi, peut dans un premier temps trouver de quoi redire sur notre époque avant d’en saisir toutes les nuances et enfin l’apprécier. C’est exactement la même chose avec le Run and Gun. C’est du basketball, mais suffisamment éloigné des repères des plus vieux comme des plus jeunes pour que nous soyons tous dans la difficulté lorsqu’il faut le juger.
Si vous décidez de balayer d’un revers de la main le Run and Gun en disant que c’est un autre sport, vous prenez le risque qu’un jour on dise la même chose de la Three Points Era. Ces deux périodes espacées de 50 ans ont pourtant plus de points communs qu’on ne peut l’imaginer. Les deux époques les plus offensives de l’histoire bien que différentes dans la forme, ont parfois des similitudes.
C’est tout le but de cette série d’articles, tenter de vous faire découvrir cette époque au jeu débridé sans sombrer dans les clichés habituels. En faire ressortir le bon et le moins bon. En essayant le plus possible d’être proche du texte et en donnant des repères plus simples à comprendre pour nous qui sommes habitués au basketball moderne.
[…] du dernière épisode nous avons évoqué la saison 1961/62 de Wilt Chamberlain en nous intéressant au scoring. […]
[…] ce chiffre tombe à moins de 15%. Pourtant on l’a vu dans les épisodes précédents sur le scoring et les rebonds, jouer beaucoup de possessions permet d’avoir des stats folles. Prenons comme […]