Je fais partie d’une génération bénie. Celle qui a commencé à suivre la NBA grâce aux folies de Steph Curry, grâce à l’avènement des réseaux sociaux. J’ouvrais Facebook, trop tôt le matin, et cherchais le compte officiel des Golden State Warriors. Ils avaient gagné, comme souvent. Klay Thompson avait pris feu, comme souvent. Steph Curry avait humilié un innocent père de famille, comme souvent. Les premières finales que j’ai suivies sont celles de 2016 au dénouement historique. C’est donc tout naturellement que je suis devenu fan… des Pistons.
Quand on commence à s’intéresser de près à l’histoire de la NBA, les mêmes adjectifs, les mêmes anecdotes, les mêmes noms reviennent en boucle. Chacun décide, de son propre chef et via sa sensibilité, ce qui le touchera le plus. Pour moi, c’était la défense, la hargne, les méchants et bagarreurs Pistons de Detroit.
Un glorieux passé, une identité marquée et reconnue, une ville décimée et décriée, une équipe qui vise les Play-Off. Ça me suffisait. Mais rapidement, je me suis rendu compte que je n’avais pas ce sentiment d’appartenance envers la franchise. Si la box internet de mes parents se cassait, je perdais 100% de mes liens avec les Pistons. Puis, en 2020, un jeune joueur français est arrivé.
Killian Hayes, the 7th pick
Avant sa Draft, je suivais Killian Hayes de loin. Je lisais les articles que je trouvais sur lui et matais des highlights. Tout ce que je voyais à cette époque suffisait pour me convaincre d’une chose : il devait venir à Detroit.
Ce vœu fut réalisé à l’automne 2020 lors de la Draft la plus étrange de tous les temps. Les joueurs écoutaient Adam Silver en visio et la Summer League était annulée. Rapidement, des images du français ont été publié sur les réseaux sociaux, des témoignages de ses coéquipiers aussi. Je me souviens très bien des déclarations de Derrick Rose à son sujet. Là où certains voyaient un joueur d’expérience encourager une jeune pousse, je voyais le futur meilleur backcourt de la ligue.
J’ai regardé tous les matchs de pré saison des Pistons. Vous pourriez dire que j’avais du temps à perdre ? C’est pire que ça. Je bossais en usine de nuit, je retournais des meules de raclette et rentrait chez moi à 5h30. Au lieu de dormir, je regardais la pré saison des hommes de Casey en replay et tombait sous le charme d’un Killian Hayes hésitant et maladroit.
Sa saison rookie fut très compliquée. Sur le terrain, ses performances n’étaient pas au niveau. Dans un Detroit qui entamait son processus de reconstruction en se débarrassant de son ex franchise player, Blake Griffin, et du mentor de Killian Hayes, Derrick Rose, le jeune français brillait à cause de ses highlights. Je m’en foutais. Qu’il perde trop de ballons, qu’il ne rentre pas un shoot, je m’en foutais. L’équipe ne jouait plus rien alors la patience était de mise. Malheureusement, sa saison se stoppe après 26 matchs à cause d’une blessure à la hanche. Un mal pour un bien, pensais-je, il allait avoir du temps pour travailler et s’habituer à la Grande Ligue.
Les doutes et les espoirs
Au fil des mois, les doutes sur son niveau réel s’installaient de plus en plus. Killian Hayes n’affichait pas de progrès réguliers, était très inconstant. De plus, sa complémentarité avec Cade Cunningham ne sautait pas aux yeux et j’avais parfois l’impression que la présence du 1st pick freinait sa progression. Encore une fois, je continuais de croire en lui. Plus que ça même. Les embûches qu’il trouvait sur son passage, les blessures, la concurrence, la saison COVID, le coach, ne faisaient qu’augmenter mon espoir sur son explosion future. Je me disais : le jour où la malchance le laissera tranquille, on aura droit à un grand Killian Hayes.
Parce qu’au-delà du fait qu’il soit français et porte les couleurs des Pistons, j’appréciais le joueur pour des tas d’autres raisons :
Déjà, son profil de jeu. Les meneurs passeurs et bons défenseurs ont toujours été mes joueurs favoris au basket-ball et Killian Hayes rentre parfaitement dans cette catégorie. Il préfère passer que marquer et ça se ressent. C’est un joueur d’équipe, un chien de garde capable d’excellents flashs défensifs. Le soir où il a foutu une mandale à l’aîné des Wagner, j’ai su qu’il était fait pour Detroit.
Il a un côté flashy parfois. Il a, dans son sac, quelques moves qui font de lui un joueur télégénique. Des steps back, aux poucentages douteux certes, mais aussi passes dans le dos, bounce passes en transition ou passes lobées pour des alleys oop.
Il est gaucher, comme Ginobili, Harden, Nadal, Messi, Fekir. Tout le monde le sait, dans le sport, les gauchers ont parfois ce truc en plus. Ils font lever les foules plus fort car c’est de ce coté que penche le cœur.
Il porte le numéro 7. Rien à voir avec Cristiano Ronaldo, mais avec Brandon Roy. The Natural a toujours été mon chouchou parmi les joueurs que je n’ai pas eu le temps de voir évoluer en direct. Styles de jeu totalement différents, mais la filiation numérologique hasardeuse suffisait à mon bonheur de fan.
Le haut, et le très bas
La suite de sa carrière fut une alternance entre le bon et le moins bon. Quelques blessures par-ci par-là, des relégations sur le banc, des air ball qui font le tour des réseaux. Lorsque j’ai découvert que Killian Hayes était l’une des coqueluches du twitter américain à cause de ses mauvaises performances, ça n’a fait que renforcer mes espoirs encore une fois. Comme les aficionados d’Apple en 2012, plus tu critiques, plus je me conforte dans mes choix.
Sa meilleure période fut celle entre novembre 2022 et janvier 2023. Il était le meneur titulaire à cause de l’absence de Cade et enchaînait les performances très propres. Detroit ne gagnait toujours pas mais j’étais content. Ça y est, Killian Hayes est en train de confirmer mes attentes, de justifier mes débuts de matinée d’hiver devant de vieux sites de streaming en puant le fromage. Quelques personnes, hors de la communauté des Pistons, commençaient même à se dire : s’il continue comme ça encore plusieurs semaines, pourquoi ne pas l’inclure dans la discussion pour le MIP ? J’étais plus heureux que le jour où j’ai obtenu le bac.
Et puis il y a eu le match à Paris. Killian Hayes était dans sa meilleure forme, était un des trois meilleurs joueurs de l’effectif. Ça me faisait rire de le voir en promo sur toutes les chaînes de télé et partout sur YouTube. Cependant, malgré tout cet engouement médiatique et le fait de jouer dans son pays, je savais que ce match serait un tournant. Car c’est un fait avéré depuis ses débuts dans la Grande Ligue, le meneur n’a jamais su gérer les attentes et la pression. Lorsqu’il était sous le feu des projecteurs, il manquait son rendez-vous. Résultat, hormis quelques passes flashy, son match dans l’enceinte de Bercy n’est pas bon et il ne parviendra plus à atteindre ce niveau de régularité.
Aujourd’hui, Killian Hayes n’est plus un joueur des Pistons. Il a été coupé le 7 février, dernier jour de la NBA Trade Deadline. Son absence de progrès au shoot est la principale cause de son échec. Jamais, en 4 saisons, il n’a su devenir une menace derrière l’arc et pour un meneur, c’est rédhibitoire dans la NBA moderne. Pourtant, la saison dernière, il a commencé à développer un tir à mi-distance intéressant. Cette saison, c’est le joueur qui a la fréquence la plus elevée à son poste. Mais encore une fois, comme à 3 points, ses pourcentages lui font défaut.
La suite et les souvenirs
Depuis son éviction de la Grande Ligue par la petite porte, les news autour de Killian Hayes se font discrètes. Aucune rumeur sur un potentiel retour en NBA n’a vu le jour, ni en Europe, ni en Australie, ni ailleurs. Le meneur français a disparu des radars durant de longs mois. Ce n’est que très récemment, mi mai, que son nom est réapparu dans l’espace médiatique.
Il a été sélectionné dans la liste élargie de Vincent Collet pour les Jeux Olympiques de Paris à la surprise générale. Ce choix en a étonné plus d’un, moi y compris. Désormais, Killian Hayes va devoir montrer que sa présence au sein du groupe France est justifiée et que son printemps passé à s’entraîner en Floride a porté ses fruits. Il a jusqu’au 5 juillet, date à laquelle Collet dévoilera sa liste définitive, pour s’imposer aux côtés de Wemby.
Quant à la suite de sa carrière en club, le flou règne toujours. L’été apportera son lot de réponse mais en attendant, c’est l’heure des spéculations. En tant que fan assidu, mon souhait est simple : je veux le voir retourner en Europe. Il a eu le temps de faire ses preuves en NBA et je crains qu’en souhaitant persévérer au pays de l’Oncle Sam, le fil de sa carrière suive celle de Frank Ntilikina. Un joueur de bout de banc, visitant l’Amérique via ses grandes villes comme un touriste russe souhaitant découvrir Starbucks. Killian Hayes n’a que 22 ans et la NBA n’est pas une fin en soi. Demandez à Guerschon Yabusele.
Je finis cet article par mon meilleur souvenir de Killian Hayes sous le maillot des Pistons, car oui, tout ne fut pas qu’une long périple semé d’embuches.
On est en novembre 2021, c’est sa deuxième saison en NBA. Les Pistons affrontent Toronto en arborant ce maillot city edition absolument exceptionnel. Ce soir-là, il réalisera son premier double double en carrière dans une superbe victoire des hommes du Michigan. Au-delà des chiffres, Killian Hayes est très clutch. Dans mes souvenirs, il plante deux importants 3 points en fin de quatrième quart temps qu’il agrémentera d’une célébration d’archer. Je l’ai vu en voiture sur la banquette arrière, perdu entre Digne les Bains et Sisteron, je ne sais pas comment j’ai fait pour capter. Je me rappelle simplement que c’était génial.
Everything about Killian Hayes’ first career double-double last night showed why many people had him as a top 5 prospect in 2020. At 6’5, he used his size to his advantage on defense, hit contested threes confidently, and really showed off his vision with 10 AST. pic.twitter.com/R6tZw51XYn
— Sharperz (@sharperzus) November 15, 2021
Pour toutes ces raisons, merci Killian Hayes. J’espère que la suite s’écrira en bleu, blanc, rouge et doré.
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