Pas forcément le plus impressionnant, Matisse Thybulle s’impose tout de même comme un défenseur élite qui n’est pas apprécié à sa juste valeur. Si sa carrière en dent de scie explique quelque peu le fait qu’il soit méconnu, cela n’enlève rien au talent intrinsèque du joueur. Une vision du jeu hors du commun et des réflexes sous estimés, l’Australien de 27 ans est un bon rôle player qui peut rentrer dans la rotation de 90 % des effectifs en NBA. La plupart du temps, tout ce dont une équipe a besoin est l’addition d’un joueur prêt à se donner à fond et c’est ce genre de profil qui fait bien souvent gagner des titres…
Un défenseur aux talents multiples
Drafté par les Boston Celtics en 2019 à la 20ème position, Matisse Thybulle est tradé contre Ty Jerome (24e) et Carsen Edwards (33e) pour finalement s’envoler du côté de Philly. Si l’ailier n’est pas forcément connu pour ses talents de scoreur, il peut tout de même, de temps en temps, se montrer un peu plus offensivement et lâcher des matchs à 15/20 points.
Mais lui, son truc, c’est plutôt la défense. Utilisé dans un premier temps comme ‘énergizer’ et remplir un rôle de 7e ou 8e joueur dans la rotation, ses qualités sont rapidement reconnues dans sa franchise. Si la première saison de Matisse Thybulle se passe sans accrocs mais avec certains flashes de son talent, il explose réellement lors de sa seconde saison (2020-2021).
Il dispute 65 matches et termine avec une moyenne de 3.9 points et 1.6 interception en 20 minutes de temps de jeu. Contrairement à la grande majorité des défenseurs, Matisse Thybulle joue plutôt haut sur le terrain. Probablement dû au fait qu’il soit ‘undersize’ (1m96), le boomer excelle dans un compartiment du jeu, l’interception.
Matisse Thybulle reaches a speed of 18.4 mph on this recovery and steal, tracked by #NBACourtOptix powered by Microsoft Azure! pic.twitter.com/es0Ec4AOH3
— NBA (@NBA) November 4, 2021
Il se trouve systématiquement là où on ne l’attend pas. Se faisant régulièrement oublier par ses adversaires, il bondit pour couper les trajectoires de passes et tout ça dans un timing proche de la perfection. Quand il ne peut pas contrôler le ballon, il se rabat sur son autre qualité principale, la déviation. Il sauve régulièrement les Sixers dans des possessions délicates et où l’équipe adverse a de grandes chances de marquer, mais ça, c’est avant que Matisse Thybulle mette en place sa magie.
Autre élément qui est bien trop souvent oublié mais, qui dit interception haute sur le terrain dit aussi un replacement plus compliqué pour l’équipe adverse. En fonction de sa confiance du moment, l’australien mène la contre-attaque ou laisse la balle à son compatriote Ben Simmons qui attend le bon moment pour envoyer l’ailier sur orbite et le laisser finir au cercle.
En bref, quand Matisse Thybulle est sur le terrain, on observe une défense plus mobile, dynamique et qui par extension, permet à l’attaque d’exploiter son plein potentiel. Si l’équipe en 2021 est aussi bonne sur attaque placée qu’en ‘fast-break’, les 76ers deviennent réellement inarrêtables lorsqu’ils jouent vite. A la fin de la saison, ‘Tisse est récompensé pour sa qualité défensive et intègre la NBA All Defensive Second Team, fait d’armes qu’il répète l’année suivante.
Un profil rare perdu à Portland
Encore plus en vue lors de la saison 2021-2022, Matisse Thybulle prend en importance dans la rotation. Promu de temps en temps à une place de titulaire, son impact fluctue un peu plus du fait de son temps de jeu plus conséquent et d’un rythme auquel il n’est pas habitué. Avec sa promotion, le coaching staff lui demande d’en faire un peu plus, notamment offensivement et c’est à ce moment précis que tout bascule. Ne répondant pas aux exigences de Doc Rivers, à l’époque coach des 76ers, Matisse Thybulle est écarté de la rotation…
En février 2023, il est tradé aux Blazers de Portland dans le cadre d’un échange à plusieurs équipes. S’il continue à contribuer grandement au niveau défensif, il stagne du côté offensif. Davantage considéré comme un réel 3nD de nos jours, le talent de Matisse Thybulle est travesti, ce qui l’empêche d’exprimer son plein potentiel. À deux doigts de partir pour les Dallas Mavericks à l’intersaison 2023 suite à son statut d’agent libre protégé, les Blazers ont finalement matché l’offre de la franchise texane pour conserver l’ailier australien. Dommage, Matisse Thybulle se serait probablement bien amusé aux côtés de Luka Doncic…
Matisse Thybulle is one of the best defensive playmakers I've ever seen, and probably the best playing right now. pic.twitter.com/sSSSa98RNV
— ZERO (@KingZero___) September 2, 2024
Si Matisse Thybulle n’est pas exempt de tout reproche notamment du point de vue offensif, où sa moyenne à 3 points en carrière est de 33.8 %, il ne faut pas omettre l’autre côté du terrain pour autant. Voulant probablement le faire rentrer dans un moule et canaliser le joueur pour le faire défendre plus proche du cercle, il a un peu perdu de sa superbe depuis son passage à Portland, dans une équipe qui manque d’ambition…
Matisse Thybulle : l’archétype du défenseur moderne
La ligue américaine depuis quelque années est bien trop portée sur l’attaque. Bon certes, on a eu le droit à des highlights offensifs mémorables mais pour autant, si l’on réfléchit bien, on assiste plus souvent à un shoot à longue distance qu’à une action défensive pour clore un match.
Mais comment définir un réel défenseur moderne ? A vrai dire, c’est plutôt simple. Un défenseur 2.0 est un joueur qui généralement est ‘undersize’, avec un poste de jeu pas forcément défini et une défense qui peut souvent s’éloigner du cercle. Si toutes ces qualités semblent décrire plutôt bien ce que représente Matisse Thybulle, il existe d’autres profils qui rendent de loyaux services partout où ils passent :
José ‘Grand Theft’ Alvarado (26 ans, 1m83, poste 1/2, New Orleans Pelicans)
Bien que sa taille soit le premier élément qui saute de suite aux yeux, Alvarado est une vraie teigne en défense. Il peut défendre au large du fait de sa petite taille, de sa mobilité et de son coup d’œil mais également au poste où il excelle pour provoquer ses adversaires et les passages en force. ‘GTA’ est souvent ciblé en défense et pourtant prend rarement des fautes bêtes. S’il n’a pas l’étoffe d’un réel titulaire en puissance, il sort souvent son équipe de mauvaises périodes en apportant son impact physique et une capacité de tir plutôt correcte. José Alvarado est littéralement un profil unique mais qui conserve sa place grâce à un cœur immense.
Herbert Jones (25 ans, 2m01, poste 3/4, New Orleans Pelicans).
Lui, ne rentre pas dans la catégorie des joueurs de petite taille mais plutôt dans les anomalies physiques. Jones possède une envergure de 2m13, ce qui le rend littéralement tentaculaire. Doté d’un sens du timing divin au block contre la planche, il laisse bien souvent passer sa proie devant lui pour mieux la contrer ensuite. Très mobile, il peut également voler la balle dans des zones assez inhabituelles pour partir seul en contre-attaque (1.4 int de moyenne). Au delà même de l’aspect défensif, Jones est un excellent 3nD qui progresse d’année en année (41 % à 3 points et 49.8 % au tir la saison passée).
Derrick Jones Jr. (27 ans, 1m98, poste 3/4, Los Angeles Clippers)
Plutôt similaire à notre candidat précédent, c’est pourtant lui qui a les meilleurs références en playoffs (Finales NBA avec Dallas la saison passée). En terme de joueur explosif, Derrick Jones Jr se trouve vraiment tout en haut de l’échelle. Une détente hallucinante que ce soit pour dunker sur les autres ou empêcher l’équipe adverse de marquer, ‘Airplane Mode’ porte bien son nom. L’ailier fort a énormément progressé sur la défense en mouvement sur les dernières années. En s’améliorant également de l’autre côté du terrain, Derrick Jones Jr est en train de se construire une sacrée réputation. Longtemps considéré comme un simple dunker élite, il est aujourd’hui devenu un joueur plus que complet.
Si les profils défensifs modernes, sachant un peu tout faire sont plus nombreux que les quatre joueurs précédemment cités, ils représentent bien cette nouvelle génération. Matisse Thybulle est l’un d’eux. En alliant la défense agressive du basket des années 90 et l’intelligence de placement du jeu moderne, la NBA pourrait peut être tendre vers un basket davantage défensif et des matches encore plus divertissants…