À quelques semaines du début des JO 2024, Marine Johannès s’est confié aux côtés de Alain Weisz sur la préparation pour l’événement, sa vision du basket professionnel féminin ainsi que sur son aventure aux États-Unis. Elle revient également sur les conflits passés avec la sélection, l’occasion de mettre les choses au clair.
Les Jeux en ligne de mire
Comment se passe la préparation pour les Jeux Olympiques ?
Ça va pour le moment. Là c’était beaucoup d’entrainement individuel, sachant que j’ai été arrêté avec ma commotion il y a quelques mois, donc c’était beaucoup d’entrainement physique pour le moment. On se verra toutes demain (ndlr : le jeudi 6 juin) à l’INSEP pour commencer la préparation […] On voit partout Paris 2024 donc on ne peut pas l’oublier !
Quels sont les objectifs ?
Une médaille à nouveau. On espère une plus belle que la bronze (en 2021). Ce sera vraiment l’objectif et on va tout faire pour. On a une préparation qui va être assez longue donc on va avoir le temps de se préparer et de mettre de bonnes choses en place. On a toutes hâte que ça commence.
Comment s’est passée votre mise à l’écart de l’Équipe de France quand vous êtes partie aux États-Unis ?
Cela a forcément été une période difficile, mais au final plus courte que ce que les gens ont vécu. Après la saison avec Lyon, j’ai pu partir directement à New York (où) je me suis entrainé vingt-quatre heures après. C’était une nouvelle équipe, un nouveau staff, donc complètement différent de Lyon, et très différent de l’Équipe de France. J’ai aussi essayé de suivre le Championnat d’Europe parce que j’ai quand même des amis et des joueuses avec qui j’ai joué. Après tout cela, on a beaucoup échangé avec Aimé Toupane, avec Celine Dumerc, avec Jean-Pierre Siutat. Maintenant, on est d’accord sur le fait que l’on veut juste passer à autre chose. On veut juste penser aux JO, car on sait que c’est l’objectif premier. Pour être honnête, j’ai une très bonne relation avec Aimé, je me suis entrainé hier avec lui avant le rassemblement de l’Équipe de France. On est passé à autre chose […] et pour la suite on verra.
Sa vision du basket professionnelle
Il y a sur les réseaux sociaux une forme d’individualisme exacerbé. Que pensez-vous de cela ?
Je ne suis pas trop dans ce truc-là, car je suis assez discrète par rapport aux réseaux sociaux, mais c’est vrai que la nouvelle génération est habituée aux réseaux sociaux. C’est un nouveau monde, mais je pense que ces réseaux aident à promouvoir le basket de manière générale. Quand on entend une joueuse faire un super match, on parle certes de la joueuse, mais au final on parle aussi de l’équipe et du collectif.
Est-ce que parfois ce n’est pas difficile à vivre étant donné qu’on est assujettie à la critique ?
C’est vrai que ce n’est pas évident, car on voit les commentaires, que ce soit des bons ou des mauvais. Mais il ne faut pas s’arrêter sur cela. Je pense que le plus dur est pour nos proches (car) ça leur fait du mal aussi. Je pense que pour nous les athlètes, cela ne nous attriste pas forcément. Après ça peut être une source de motivation, de prouver à la personne et d’utiliser cela pour les prochains matchs et les prochains entrainements.
Comment se vit la gestion d’un groupe à l’intérieur des vestiaires ?
J’ai eu la chance de tomber sur de bonnes capitaines qui arrivait à réunir tout le monde sur le terrain et en dehors. C’est vrai que la vie de groupe est spéciale. Mais parfois se réunir, faire une petite sortie en équipe, permet de rassembler tout le monde. Après on sait très bien qu’il y a forcément des rôles dans une équipe, qu’il y a des joueuses cadres et d’autres qui vont moins jouer à certaines périodes de l’année. Mais chacune a un rôle et le plus important est que tout le monde l’accepte. C’est dans ces moments-là où l’équipe fonctionne le mieux.
Vous aimez l’aventure collective ?
Oui oui ! Je ne ferais pas de basket si je n’aimais pas ça ! (Rires) Forcément, j’adore rencontrer de nouvelles personnes, avoir de nouvelles coéquipières — que ce soient des françaises ou des internationales — donc c’est enrichissant. On apprend beaucoup de chacune et on vit des moments assez incroyables. Parfois on vit vingt-quatre heures sur vingt-quatre ensembles, donc c’est quelque chose de spécial et j’adore forcément.
Est-ce que vous pouvez parler du rapport psychologique qu’il peut y avoir entre un entraineur et ses joueurs ?
Il y a des hauts et des bas, mais le plus dur reste de l’accepter et de continuer à travailler, d’évoluer. Il y aura forcément des moments très compliqués, mais on n’oublie pas qu’à la fin il peut y avoir de très bons moments. Par exemple, ce n’est pas parce que tu gagnes le titre à la fin que la saison a été parfaite. Je pense que dans le sport de manière générale il y a beaucoup de doutes, que ce soit après un entrainement (ou) après un match. On se remet beaucoup en question, mais le plus important est de continuer à travailler, de penser à ses objectifs, et on sait qu’au bout du tunnel quelque chose de positif arrivera.
Est-ce que ce qui se passe dans le vestiaire doit rester dans le vestiaire ?
Il y a forcément des choses qui sont gardées dans le vestiaire. On sait très bien qu’on ne peut pas tout dire dans les médias, mais c’est normal, car il y a des choses qui doivent rester professionnelles. On a des contrats avec nos clubs ou même avec des marques (donc) ça doit rester professionnel jusqu’au bout.
Quel est votre rapport avec les coachs ?
C’est parfois compliqué, et des fois ce n’est pas le cas (rires). Après ça arrive que des coachs n’aiment pas certaines joueuses. Je vais parler pour moi, mais ça arrive (à cause de) mon style de jeu, ma personnalité. Après il faut faire avec. C’est forcément notre passion en premier, mais c’est notre métier. Je préfère forcément avoir une bonne relation avec mon coach. Je pense être plus efficace dans un collectif où je me sens très bien.
Quelle est votre définition d’un champion ou d’une championne ?
J’ai eu la chance de jouer avec Breanna Stewart (ndlr : 4 titres NCAA ; 2 titres WNBA ; MVP de la saison en 2018 et vainqueur de l’EuroLigue en 2021), et j’ai vraiment vu ce que c’était d’être l’une des meilleures joueuses du monde. Être une championne qui travaille tous les jours, qui répète sans cesse matin, midi et soir. C’est vraiment un style de vie. Elle a une personnalité à elle, un mental incroyable et vivre cela tous les jours a été très impressionnant et inspirant.
Le rêve américain de Marine Johannès
Vous venez de passer cinq années à l’ASVEL, et vous jouez l’été à New York en WNBA. Pouvez-vous nous parler de cette expérience ?
J’adore jouer là-bas. C’est vraiment une autre culture, un autre monde. Il y a également beaucoup de moyens. C’est une ligue que j’apprécie beaucoup sur le style de jeu qu’elle propose (car) ça va vraiment vite, c’est intense, et c’est aussi un rythme de saison assez intense. C’est plus court et forcément on enchaîne les matchs. On a parfois trois matchs par semaine, donc c’est beaucoup de voyage, surtout aux États-Unis. C’est un autre monde que j’aime beaucoup !
Est-ce que vous allez continuer ?
Oui j’espère. Pas cet été, car il y a les JO, mais j’aimerais bien y retourner pour les prochaines saisons.
Quel est votre meilleur souvenir de la saison dernière avec New York ?
Quand on a remporté la Commissioner’s Cup. Cela a été un match assez spécial, et en plus on était à l’extérieur (donc) c’était une difficulté supplémentaire. Mais c’était un super match. On a aussi bien fêté après donc c’était vraiment un moment incroyable. Car il faut savoir célébrer parfois !
La WNBA gagne en popularité aux États-Unis. Que pensez-vous du basketball féminin en France ? Est-ce qu’il faut en faire davantage ?
On peut toujours en faire plus, mais oui ça évolue forcément. On voit très bien que rien qu’aux États-Unis la WNBA est beaucoup plus suivie. Et j’ai l’impression qu’en France cela commence à suivre aussi. Il y a beaucoup plus de médias qui en parlent et donc tout cela est forcément bien pour le basket féminin en général. Après il y a pas mal de joueuses américaines qui jouent en Europe, ce qui est une bonne chose. Plus on parle de n’importe quelle ligue, et plus cela est positif pour le basket féminin.
(Propos recueillis sur place)
[…] les Bleues ont été très maladroites de loin à l’image de Marine Johannès, 1/10 au tir ce soir, elles ont su profiter de leurs nombreux voyages sur la ligne. Il faut dire […]