Les Jeux Olympiques de 1980 à Moscou ont été marqués par une compétition de basketball masculin pleine de défis et de performances remarquables. Dans un contexte géopolitique tendu dû au boycott de nombreux pays occidentaux, c’était l’heure aux pays de l’Europe de l’Est de s’imposer.
Contexte historique
80 nations étaient représentées aux Jeux olympiques de Moscou, le plus petit nombre depuis 1956. Les Jeux de Moscou se déroulèrent dans un climat de tensions politiques intenses. 29 pays avaient boycotté les précédents Jeux olympiques d’été de 1976 pour protester contre le CIO qui n’avait pas expulsé la Nouvelle-Zélande, qui avait autorisé une tournée de rugby dans l’Afrique du Sud de l’apartheid. Les Jeux olympiques d’été de 1980 ont été perturbés par un autre boycott, encore plus important, initié par les États-Unis, en protestation contre l’invasion soviétique de l’Afghanistan. Au total, 65 comités olympiques nationaux invités aux Jeux ont décidé de ne pas participer aux Jeux olympiques d’été de 1980.
Un autre groupe a invoqué des raisons économiques pour ne pas participer. L’Iran, sous l’égide de l’ayatollah Khomeini, hostile aux deux superpuissances, décide de boycotter l’événement lorsque la Conférence islamique condamne l’invasion.
À la suite de la scission sino-soviétique en 1961, la République populaire de Chine choisi de boycotter également les Jeux, de la même manière que le Taipei chinois boycotta les Jeux pour protester contre la signature de la déclaration de Nagoya l’année précédente, qui interdisait à l’île de s’appeler République de Chine pendant les Jeux olympiques. De nombreuses nations boycottées ont participé à la Liberty Bell Classic, également connue sous le nom de « Jeux olympiques du boycott », à Philadelphie.
La compétition de 1980
Le tournoi de basketball masculin s’est déroulé du 20 au 30 juillet 1980, avec la participation de 12 équipes. Les matchs ont eu lieu au Palais des Sports du CSKA Moscou et à l’Olympiiski. Trois groupes à la ronde de quatre équipes ont été constitués, les deux premiers de chaque groupe accèdent à la phase finale et les autres à la phase de classement.
Les groupes de la phase finale et de la phase de classement étaient constitués d’un autre tournoi à la ronde de six équipes chacun, où les résultats entre les équipes d’un même groupe préliminaire étaient reportés. Les deux premières équipes du tour final se sont disputées la médaille d’or, tandis que les troisième et quatrième places se sont disputées la médaille de bronze. À l’exception des quatre premières places, le classement final était déterminé par les places correspondantes dans chaque groupe.
Avec l’absence des États-Unis, champions en titre et dominants historiques, ainsi que l’Israël, vice-champion d’Europe, le tournoi était ouvert à de nouvelles prétentions pour la médaille d’or. La Yougoslavie, médaillée d’argent en 1976 et championne du monde en titre, est l’une des deux grandes favorites du tournoi. Le trio nommé dans l’équipe du tournoi en 78, Dragan Kićanović, Krešimir Ćosić et le MVP Dražen Dalipagić sont les leaders d’une équipe ambitieuse. L’Union Soviétique, championne d’Europe en titre et médaillée de bronze aux derniers Jeux, fait partie des favoristes à domicile. Le tandem Sergei Belov et Vladimir Tkachenko, nommés dans l’équipe de l’EuroBasket 1979, forme la base d’une belle équipe.
Le Brésil fait office d’outsider du tournoi. 3e du dernier Championnat du Monde, la nation sud-américaine espère pouvoir faire la surprise et remporter sa première médaille olympique depuis 1964. Pour cela, le scoreur inarrêtable Oscar Schmidt, nommé dans l’équipe du mondial 78, devra donner tout ce qu’il a.
Les moments clés
La compétition de 1980 fut intense dès les premiers tours. L’URSS, jouant à domicile et bénéficiant du soutien de son public, montra une détermination et une cohésion d’équipe impressionnantes. Les joueurs soviétiques, dirigés par l’entraîneur Aleksandr Gomelski, démontrèrent une maîtrise technique et une stratégie collective qui leur permettent de surmonter leurs adversaires. 3 victoires assez confortables pour les soviétiques grâce à Belov, mais aussi Nikolay Deryugin qui s’est démarqué dans la première phase.
Le Brésil s’est qualifié du groupe A avec eux, grâce à une victoire 72-70 lors de la première journée contre la Tchécoslovaquie. Les européens ont failli combler un déficit de 9 points de retard à la mi-temps, mais grâce aux 23 points et 9 rebonds de Schmidt, les 18 points et 11 rebonds de Marcel de Souza et les 17 points de Milton Setrini Jr.. L’équipe sud-américaine confirme son statut d’outsider en 1980.
Pendant ce temps dans le groupe B, la Yougoslavie s’est qualifiée en remportant ses trois matchs en 1980, même si le dernier face à son dauphin, l’Espagne, fut très compliqué. Menée 50-45 à la mi-temps, le pays des Balkans est revenu pour l’emporter 91-95 grâce aux 25 points de Kićanović et 24 points de Dalipagić. La performance espagnole reste admirable, et les ibériques ont alors pu afficher leurs ambitions au reste du monde.
Le groupe C fut très tendu, avec l’Australie, Cuba et l’Italie qui ont chacun gagné 2 matchs et perdu 1. Au final, les points marqués lors des matchs entre les équipes ont départagé qui allaient au tour suivant, et malheureusement pour les champions d’Océanie, c’est l’Australie qui est passée à la trappe en 1980.
Les résultats de Yougoslavie – Espagne, Italie – Cuba et Union soviétique – Brésil ont été reportés du tour préliminaire pour la deuxième phase de groupe. L’URSS a continué sa série de victoires en battant l’Espagne, et là, c’est le drame. L’Italie mène 39-47 à la mi-temps, avec Renato Villalta qui mène les troupes, lui qui finit à 21 points. L’URSS tente de revenir en deuxième mi-temps, mais c’est insuffisant. 85-87. Plus le droit à l’erreur pour les soviétiques, il faut gagner le prochain match face à la Yougoslavie pour avoir une place en finale des Jeux Olympiques 1980.
Mais encore une fois, l’URSS entâme mal le match et se retrouve menée à la mi-temps, 42–48. Belov, Aleksandr Belostenny et Tkatchenko font tout ce qui est possible, mais la Yougoslavie semblait tenir la victoire, menant 77-81 à 27 secondes de la fin mais le pivot Ratko Radovanović a manqué trois lancers francs consécutifs. À l’époque, un joueur pouvait manquer le premier de deux lancers francs et avoir encore deux tentatives.
L’URSS ensuite marque un panier, fait une interception sur une remise en jeu, et Sergei Iovaisha obtient la faute. Il marque les deux lancers francs et égalisent. La Yougoslavie tente d’aller chercher le panier de la gagne, mais une faute offensive est sifflée. Au tour de l’URSS d’avoir une chance de marquer, mais ils n’y parviennent pas.
Les Soviétiques ont égalisé à 81-81, ce qui a fait bondir les supporters locaux. Hélas, Dalipagić est venu à la rescousse en marquant six points consécutifs et les hôtes n’avaient plus d’énergie pour la suite. Dalipagić finit avec 28 points et 5 rebonds, Kićanović avec 22 points et Ćosić avec 14 points, 8 rebonds et 2 interceptions, et la Yougoslavie l’emporte 91-101. Coup de tonnerre à Moscou. Maintenant, il faudrait un miracle pour se qualifier pour la finale de 1980.
Mais coup de chance pour l’URSS, l’Italie perd 77-90 face au Brésil plus tard dans la soirée grâce aux 33 points de Schmidt. Maintenant, il faut une nouvelle défaite italienne et une victoire soviétique lors de la dernière journée pour atteindre la finale. Hélas, l’Italie s’impose 89-95 face à l’Espagne grâce à 29 points et 11 rebonds de Dino Meneghin et l’URSS se dirige vers la petite finale de 1980 où l’attend la sélection ibérique qu’elle bat 117-94.
Après une grosse victoire 110-81 sur le Brésil et une victoire en prolongations 95-96 sur Cuba, l’Espagne accède donc à une opportunité de remporter une médaille pour la première fois de son histoire. A l’aide d’un Cándido Sibilio époustouflant lors de la deuxième phase, notamment avec ses 26 points qui ont permis à l’Espagne de combler 7 points de retard sur Cuba et de l’emporter de justesse en prolongations, les ibériques peuvent rêver. Hélas, avec un Sibilio incapable de marquer et de belles performances de Belov, Aleksandr Salnikov et Andrei Lopatov, l’URSS remporte sa médaiille de bronze de 1980 sans grande difficulté.
Les italiens eux attendent en finale une équipe de Yougoslavie qui arrive dans la dernière phase invaincue, justifiant son statut de favori. Pourtant, les yougoslaves auraient pu subir une défaite lors de la dernière journée. Le Brésil avait besoin d’une victoire pour avoir une place pour la petite finale, et grâce à Schmidt alors que Kićanović était en difficulté, l’équipe d’Amérique du Sud était en tête à la mi-temps, 49-47. Mais, c’est alors que le tireur bosnien Mirza Delibašić a sorti sa meilleure performance du tournoi avec 21 points. Combinés aux 26 de Dalipagić, et la Yougoslavie a pu arracher la victoire 95-96 tandis que le Brésil a dû se contenter d’une 5e place. en 1980
La finale, disputée le 30 juillet 1980, oppose la Yougoslavie à l’Italie. Une blessure de Kićanović, qui était le meilleur marqueur de son équipe avec 22 points, l’a obligé à quitter l’arène et à se rendre dans un hôpital de la région, mais malgré cela, la Yougoslavie a gagné, 86-77. Delibašić est encore sorti de sa boite pour marquer 20 points, ce qui permis à son équipe de résister aux 29 points de Villalta.
La Yougoslavie devient la 3e nation de l’histoire à remporter les Jeux Olympiques, le point d’orgue d’une grande génération et d’une grande nation du sport. L’Italie peut être déçue, mais elle fait partie du cercle fermé des finalistes olympiques avec les États-Unis, l’URSS, le Canada, la France et la Yougoslavie. Une performance admirable pour une équipe dont l’heure de gloire approchera.
Impact et héritage
Les Jeux Olympiques de 1980 eurent un impact durable sur le basketball masculin. La victoire de la Yougoslavie met en lumière la force de leur programme de développement et de formation des joueurs. Elle démontra également que, malgré l’absence de certaines grandes équipes, le niveau de compétition restait élevé et que de nouveaux talents émergeaient sur la scène internationale.
Le boycott eut également des répercussions importantes. Il souligna les tensions géopolitiques de l’époque et leurs effets sur le sport, tout en offrant une opportunité aux équipes présentes de se distinguer. Les performances des équipes comme l’Italie et l’Espagne contribuèrent à populariser le basketball dans leurs pays respectifs, inspirant de nombreux jeunes à pratiquer ce sport.
Le basketball masculin aux Jeux Olympiques de 1980 à Moscou représente un moment clé de l’histoire de la Yougoslavie, son apogée à bien des égards. Mais avec les Jeux Olympiques se déroulant à Los Angeles dans 4 ans, les américains pourront-ils retrouver leur place ?