EuroBasket années 70 : Yougoslavie vs URSS

Depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, l’URSS a remporté 10 EuroBaskets en 11 participations, ainsi que tous les tournois des années 60. Mais la fin de cette décennie a vu une autre nation monter en puissance, avec l’espoir d’enfin détrôner l’Union Soviétique. La Yougoslavie pourra-t-elle continuer son ascension durant les années 70?

EuroBasket 1971, direction l’Allemagne de l’Ouest

 The Grugahalle > Histrocial impressions
Le Grugahalle d’Essen, hôte de la finale de l’EuroBasket 1971. Crédit : grugahalle.de

Le 17e Championnat d’Europe de basket-ball masculin s’est déroulé pour la première fois en Allemagne de l’Ouest du 10 au 19 septembre. Deux salles sont utilisées pour accueillir l’EuroBasket 1971 : la Grugahalle d’Essen avec une capacité de 10 000 places et la Sporthalle de Böblingen pouvant accueillir 8 000 personnes.

Le tour préliminaire s’est déroulé en deux groupes de six équipes chacun. Le groupe A à Essen et le groupe B à Böblingen. Les équipes classées première et deuxième de chaque groupe ont été qualifiées pour les demi-finales et ont déjà assuré leur 4e place au Championnat d’Europe.

Les équipes classées 3e et 4e se sont qualifiées pour les petites demi-finales et ont joué pour la 5e place au Championnat d’Europe. Les équipes classées 5e et 6e de chaque groupe ont dû disputer les matchs pour la 9e place au Championnat d’Europe.

La Yougoslavie sort du Championnat du Monde 1970 où elle a été sacrée pour la première fois de son histoire. Qualifié automatiquement pour la phase finale en tant qu’hôte, le pays des Balkans a remporté le tournoi avec un bilan de 5-1 et Krešimir Ćosić étant nommé dans le 5 majeur. Quelle équipe a battu la Yougoslavie?

L’URSS, qui a fini 3e du tournoi avec le duo Modestas PaulauskasSergei Belov, ce dernier étant le MVP de la Coupe du Monde. L’Union Soviétique reste sur 7 EuroBaskets remportés à la suite, mais est aussi plus vulnérable que jamais. La preuve étant que la Yougoslavie a brisé la série de 55 victoires à l’EuroBasket lors de l’édition précédente. Il est clair que le titre cette année-là se joue entre les Soviets et les Yougoslaves, qui seront sans Ivo Daneu, ce dernier ayant pris sa retraite en 1970.

Parmi les outsiders, on retrouve l’Italie. 6e de l’EuroBasket 1969 et 4e au Championnat du Monde, l’équipe est menée par Massimo Masini, meilleur marqueur italien lors du précédent Mondial. Ayant affiché un net progrès en 1970, les Azzurri comptent aller sur le podium cette fois-ci. Enfin, la Pologne, 4e du dernier EuroBasket, compte obtenir une place sur le podium cette fois-ci. Avec Edward Jurkiewicz, nommé dans le 5 majeur de l’édition précédente, elle est une équipe à ne pas sous-estimer.

L’URSS résiste encore à la pression

Même si l’équipe n’est plus aussi dominante qu’auparavant, l’URSS a réussi à remporter son 11e EuroBasket en 1971. Placé dans le groupe A, l’Union Soviétique a remporté ses 5 matchs sans grandes difficultés. Son match le plus difficile fut contre la France, une victoire 75-63 qui a vu les Bleus tenter une remontée en vain durant la 2e mi-temps. Paulauskas fut le meilleur marqueur Soviétique durant la phase de groupe et a montré l’exemple pour son équipe.

En demi-finale, l’URSS a vaincu l’Italie sans grande difficulté, 93-66 grâce aux 36 points cumulés de Paulauskas et Alzan Zarmuhamedov. Après cette victoire, l’Union Soviétique allait devoir faire face à son plus grand défi de la compétition : la Yougoslavie.

Les Yougoslaves avaient l’avantage en première mi-temps, menant 33-37 à la pause grâce à un Žarko Knežević qui surprend les attentes et finit la rencontre avec 14 points, tandis que le futur MVP Ćosić a inscrit 12 au total durant cette finale.

L'équipe nationale de l'URSS avec les médailles de l'EuroBasket 1971 (de gauche à droite) : rangée supérieure — Vladimir Andreev (57 points/7 matchs), Alexander Boloshev (26/6), Alexander Belov (36/5), Anatoli Polivoda (53/7), Mikhaïl Korkia (31/6), Sergueï Belov (73/7), Modestas Paulauskas (115/7) ; deuxième rangée : l'entraîneur Sergueï Bashkin, l'entraîneur principal Vladimir Kondrashin et deux fonctionnaires inconnus ; rangée inférieure : Alzhan Zharmukhamedov (90/7), Ivan Edeshko (58/7), Zurab Sakandelidze (31/7), Priit Tomson (36/7), Alexei Tammiste (17/7)
Encore un titre pour l’URSS. Crédit : photographe inconnu

Mais grâce au duo Belov-Paulauskas ainsi que les 16 points de Zarmuhamedov, l’URSS réussit à renverser la tendance en deuxième mi-temps et à l’emporter 69-64. Depuis 1951, aucune équipe n’a été aussi proche de vaincre l’Armée Rouge en finale, mais malgré tout, ils triomphent encore. Mais combien de temps peuvent-ils encore rester au sommet?

Enfin une médaille pour l’Italie

Début septembre, peu avant l’EuroBasket, l’entraîneur de l’URSS Vladimir Kondrashin a emmené l’équipe nationale disputer deux matchs amicaux à Azzata. Il y a accordé une interview à des journalistes italiens. On lui a notamment demandé quelles équipes monteraient sur le podium lors des Championnats d’Europe à Essen. Il a répondu : “L’Italie, la Yougoslavie et l’Union soviétique, mais dans quel ordre, je ne saurais le dire.”

Kondrashin ne s’était pas trompé. Pour la première fois depuis 1946, l’Italie a obtenu une médaille au basket, confirmant ses progrès sur la fin des années 60, et le nouvel élan avec le coach Giancarlo Primo, en place depuis 1969.
Le noyau d’une fiabilité absolue choisi par Primo a remporté quatre victoires consécutives à Böblingen lors de la première phase contre Israël (87-68), la Bulgarie d’Atanas Golomeev (78-69), la Tchécoslovaquie (74-60) et la Turquie (67-53), ne cédant la tête du groupe qu’au dernier tour contre la Yougoslavie (68-79).

Le tournant de la compétition fut contre la Tchécoslovaquie. Menée 31-32 à la mi-temps, les Azzurri se sont rattrapés en deuxième période grâce à Renzo Bariviera et ses 18 points. Renzo s’est démarqué très rapidement dans cet EuroBasket et fut le meilleur marqueur de l’Italie durant ce tournoi.

Vient ensuite la mission impossible contre l’URSS qui écrasa l’Italie avec Paulauskas, Bolev et Anatoly Polivoda. L’Italie décrocha quant à elle la 3e place du podium grâce à une victoire écrasante 85-67 contre la Pologne de Jurkiewicz, avec 28 points de Bariviera et 21 d’un Dino Meneghin de 21 ans. Si l’Italie semble loin des deux géants européens, elle semble maintenant être en place pour jouer les demi-finales pour les années à suivre.

EuroBasket 1973, un automne en Catalogne mémorable

Palacio Municipal de Deportes - Arquitectura Catalana .Cat
Le Palais des sports de Barcelone avant la rénovation de 1999. Crédit : Pere Sender Terés

Direction l’Espagne pour le Championnat d’Europe, qui s’est déroulé du 27 septembre au 6 octobre. Deux salles sont utilisées pour accueillir l’EuroBasket 1973 : le Palais des sports de Barcelone, avec une capacité de 8 000 places, et le Pavillon Ausias March de Badalone, pouvant accueillir 5 000 places.

Le tour préliminaire s’est déroulé en deux groupes de six équipes chacun. Le groupe A à Badalone et le groupe B à Barcelone. Les équipes classées première et deuxième de chaque groupe ont été qualifiées pour les demi-finales et ont déjà assuré leur 4e place au Championnat d’Europe.

Les équipes classées 3e et 4e se sont qualifiées pour les petites demi-finales et ont joué pour la 5e place au Championnat d’Europe. Les équipes classées 5e et 6e de chaque groupe ont dû disputer les matchs pour la 9e place au Championnat d’Europe.

L’Union Soviétique, 10 fois champion d’Europe consécutif, ressort également de son plus grand triomphe. L’URSS a vaincu les Etats-Unis en finale des Jeux Olympiques de 1972, dans ce qui reste le match le plus controversé de l’histoire du sport. Les circonstances mises à part, cette équipe semble de nouveau au sommet de sa forme, avec des victoires sur ses principaux rivaux européens. La paire Belov-Paulauskas est encore une fois attendue à cet EuroBasket.

Finaliste du précédent EuroBasket et 5e aux Jeux Olympiques de Munich, Ćosić et ses coéquipiers sont toujours à la recherche de son premier sacre de champion d’Europe. Avec un nouvel entraîneur, Mirko Novosel, l’équipe peut peut-être enfin passer un cap.

3e à l’EuroBasket et 4e aux JO de 1972, l’Italie a continué de démontrer qu’elle était maintenant une équipe compétitive sur la scène européenne et compte enchaîner deux podiums consécutifs. En outsider, on retrouve la Tchécoslovaquie. 5e du dernier EuroBasket et 8e des Jeux Olympiques, l’équipe possède toujours le duo des Jiří, Zídek Sr. et Zedníček, et peut faire très mal dans cet EuroBasket.

Le moment de gloire pour la Yougoslavie

Après 4 médailles d’argent en 6 éditions, la Yougoslavie est enfin sacrée champio d’Europe pour la première fois de son histoire. Un triomphe important pour un pays passionné du sport qui a été si proche si souvent sans pouvoir l’emporter.

Mirko Novosel avait auparavant mené l’équipe cadette yougoslave au titre de champion d’Europe à Gorica en 1971, et en 1972, la même génération avait remporté le titre de champion d’Europe junior à Zadar. Il allait donc faire confiance à Dragan Kićanović et Željko Jerkov, tous deux âgés de 19 ans. Il fait également appel à Dražen Dalipagić, âgé de 20 ans, qui n’avait disputé que deux saisons en première division avec le Partizan.

La route vers l’or a commencé contre l’Espagne, pays hôte dans le groupe B. La Yougoslavie l’a emporté 65-59. Le lendemain, la Grèce est battue 84-68, puis la Bulgarie 76-65 (avec 87 fautes au total), et l’adversaire le plus coriace du groupe, l’Italie. Les Yougoslaves l’ont emporté 73-71, mais seulement après prolongations. À la fin du temps réglementaire, le score était de 67-67.

La victoire a été assurée par Kićanović avec deux lancers francs et Jerkov a intercepté la dernière attaque des Azzurri. Lors du dernier match du groupe, la France est battue 80-70 et en demi-finale, la Tchécoslovaquie, après un match d’exhibition, 96-71. Sur les 12 joueurs yougoslaves, seul Rato Tvrdić n’a pas marqué.

6 octobre 1973 : L'or de Barcelone
A jamais les premiers pour la Yougoslavie. Crédit : photographe inconnu

Dans la deuxième demi-finale, l’Espagne a créé la sensation en battant l’URSS 80-76. Ainsi, la finale garantie qu’une équipe sera champion d’Europe pour la première fois de son histoire, une première depuis 1947. Il n’y a pas eu de suspense en finale. L’équipe yougoslave était meilleure, menant du début à la fin. A la mi-temps le score était de 43-31. Au début de la seconde mi-temps, l’avantage était de +20, 51-31. Victoire 78-67 pour la Yougoslavie. La Yougoslavie a imposé sa qualité et son physique. Une équipe formidable menée par Ćosić, 23 points et 13 rebonds, pour les débuts de Mirko Novosel en tant que sélectionneur.

Ćosić s’est classé parmi les cinq meilleurs joueurs avec Sergei Belov, Francisco Buscat, Wayne Brabender et Atanas Golomeev (meilleur marqueur du tournoi avec une moyenne de 22,3 points). Avec ce sacre tant attendu pour la Yougoslavie, le pays des Balkans peut-il continuer sur sa bonne lancée et confirmer son sacre? Ou est-ce que cette gloire restera éphémère?

Le retour de l’Espagne

Lors du premier EuroBasket en 1935, l’Espagne avait réussi à obtenir sa première médaille dans son histoire en finissant 2e du Championnat d’Europe. Il aura fallu attendre 38 ans pour que la nation ibérique revienne enfin à ce stade. Une prouesse majeure qui a divisé ce premier siècle en deux, marquant un avant et un après. Après l’Eurobasket 1973, le basket-ball prend une nouvelle dimension en Espagne.

Une fois les quatre têtes de série réparties, le sélectionneur espagnol, en tant qu’hôte, avait le pouvoir de choisir son groupe et son premier adversaire. Et Antonio Díaz-Miguel a choisi de se retrouver avec la Yougoslavie et l’Italie dans le groupe B plutôt qu’avec l’Union soviétique et la Pologne, la bête noire de notre équipe nationale à l’époque, qu’elle n’avait encore jamais battue (12-0). De plus, le technicien originaire d’Alcázar de San Juan a choisi la Yougoslavie comme premier adversaire.

Cuando España ganó a la URSS: 50 años del Eurobasket de 1973
Cette équipe a changé l’histoire du basket espagnol. Crédit : FEB

“Si nous pouvons les surprendre un jour, c’est bien le premier ; ensuite, ils seront sur leurs gardes”, expliquait-il. Hélas, il n’y a pas eu de surprise lors du match d’ouverture: 59-65 avec une défense balkanique exemplaire. Mais heureusement pour l’Espagne, la première phase s’est terminée par quatre victoires consécutives. Bulgarie 85-69 (et 87 fautes au total!), Italie 77-65, France 80-85 alors que les hôtes étaient menés de sept points en deuxième mi-temps après le retour des Français et Grèce 74-86. Deuxièmes du groupe, l’Espagne avait maintenant rendez-vous avec le titan soviétique.

Le début de match était en faveur des visiteurs : 10-17 à la 6e minute lorsque Francisco “Nino” Buscató, 6e homme tout au long de l’EuroBasket, est entré en jeu. Et l’excellent tireur catalan a directement changé la dynamique, exhibant son adresse privilégiée, et a contenu les Soviétiques. Ses tirs à longue distance ont donné de l’oxygène sur le terrain et dans les tribunes.

Mais en imposant sa plus grande force intérieure et en forçant les fautes personnelles des pivots locaux, l’URSS ne lâchait rien : de 20-23 à 28-39 à la 13e minute. Brabender avec 20 points et Vicente Ramos 16 ont stoppé l’envolée rouge pour arriver à la mi-temps sur un score de 40-45.

À la reprise, l’Espagne n’arrivait toujours pas à repasser devant. La 4e faute de Clifford Luyk, héros de l’Eurobasket 1969, dès le début de la deuxième mi-temps n’était pas de bon augure. L’Union soviétique a de nouveau accumulé un avantage de onze points, 44-55 à la 24e minute.

C’est précisément à ce moment de doute que Miguel Ángel Estrada, 4e pivot, est entré sur le terrain et s’est révélé providentiel. Díaz-Miguel a déployé un large éventail de variantes défensives (zones 1-2-2 et 2-3, mixtes…) et l’Espagne a réagi alors qu’elle était au bord du gouffre.

Une série d’actions favorables a resserré le score à 62-63. Les tribunes ont retrouvé la foi et sont devenues un facteur essentiel dans une issue incertaine. Un incroyable 12-0, de 66-70 à 78-70, a renversé le score et a mis le Palais sens dessus dessous. Un miracle qui a déclenché la folie générale. L’inspiré Estrada a égalisé à 70 et un tir en coin de Buscató après seulement cinq secondes de possession a donné l’avantage à l’Espagne pour la première fois à 72-70.

Une dynamique imparable pour se qualifier pour la finale. La cerise sur le gâteau a été le bras roulé avec lequel Estrada a clôturé le score à 80-74. Remettons les choses dans leur contexte pour mesurer la véritable ampleur de l’exploit dont nous parlons.

Deux ans plus tôt, à l’EuroBasket en Allemagne de l’Ouest, l’URSS avait écrasé l’Espagne 118-58. L’Union soviétique de Vladimir Kondrashin avait débarqué à Barcelone en tant que championne olympique en titre. Six joueurs étaient de retour, même si Aleksandr Belov, le héros de Munich, et Alzhan Zharmukhamedov ont été écartés pour des problèmes à la douane.

De plus, les Soviétiques étaient champions des huit derniers EuroBaskets. Leur bilan historique dans les championnats continentaux avant de s’incliner face à l’équipe de Díaz-Miguel était de 106-3 avec 11 médailles d’or en 12 participations.

Depuis 1947, ils n’avaient échoué qu’une seule fois, à Budapest en 1955. Vingt-cinq ans de domination incontestable. Et de toutes les équipes qui pouvaient mettre un terme à ce règne, ce fut l’Espagne, une équipe qui n’avait pas connu la demi-finale de l’EuroBasket depuis 1935.

El podium del Eurobasket 1973
Le podium de l’EuroBasket 1973. Crédit : photographe inconnu

Certes la défaite en finale peut être décevante, mais l’Espagne venait tout juste de sortir le match de sa vie quelques jours plus tôt. Ils pouvaient être fiers de ce parcours improbable. Nino Buscató fut nommé dans le 5 majeur du tournoi et Wayne Brabender fut nommé MVP de la compétition. A partir de 1973, plus rien ne sera jamais comme avant pour l’Espagne. La montée pour devenir l’une des plus grandes puissances de l’histoire du sport vient alors tout juste de commencer.

La chute de la Pologne

Depuis 1963, la Pologne s’est installée confortablement dans le top 4 européen, avec 5 demi-finales et 3 médailles lors des éditions précédentes. Mais après l’absence de ses cadres, notamment Edward Jurkiewicz et Mieczysław Łopatka, ce dernier ayant pris sa retraite internationale, l’EuroBasket 1973 allait être difficile. Mais peu de monde pouvait s’attendre à une chute si brutale.

Placée dans le groupe A, la Pologne a fini avec un bilan de 1-4. Une seule victoire, 60-66 face à la Roumanie qui finit derrière eux. Parmi les 4 défaites, 2 furent difficiles à avaler. La première fut contre la Turquie. Menant 33-28 à la mi-temps, la Pologne s’écroule en deuxième période et finit par perdre 64-65.

La deuxième fut contre la Tchécoslovaquie. Encore une fois, la Pologne menait à la pause, 39-41 cette fois-ci. Malgré 39 points combinés de Eugeniusz Durejko et Grzegorz Korcz, la Pologne a encore une fois la victoire s’échapper, finissant par perdre 81-79. 5e de son groupe, les Polonais espéraient alors finir au moins 9e.

Hélas, une défaite contre la France 62-67 puis contre la Grèce 64-65 place la Pologne 12e et bon dernier de l’EuroBasket 1973, alors le pire classement de l’histoire de la sélection au Championnat d’Europe. Dans les éditions suivantes, Jurkiewicz fera son retour et sera accompagné par une nouvelle génération, mais il faudra attendre 2022 pour enfin revoir la Pologne en demi-finale de l’EuroBasket. Cette édition de 1973 marque ainsi le début d’une très longue traversée du désert.

EuroBasket 1975, une nouvelle formule

Prvo evropsko zlato košarkaša na domaćem parketu | SPORTSKA KUPUSARA
La Hala Pionir de Belgrade. Crédit : photographe inconnu

L’EuroBasket fait son retour en Yougoslavie en 1975, ce championnat d’Europe se déroulant du 7 au 15 juin dans 4 salles différentes. La Hala Pionir de Belgrade avec une capacité de 7 000 personnes, la petite salle du Centre des Sports Gripe à Split, pouvant accueillir 1 000 personnes, Salle de sport de Mladost à Karlovac avec 4 000 places et la Salle Dinko Lukarić de Rijeka avec ses 2 000 sièges.

Les équipes ont été réparties en 3 groupes de 4 équipes. Les équipes qui ont terminé à la 1re et à la 2e place dans les groupes du tour préliminaire ont participé à une phase finale pour déterminer le vainqueur, tandis que les autres se sont affrontées pour la 7e place. Les matchs entre les équipes qui faisaient partie du même tour préliminaire ont été pris en compte.

Championne en titre et médaillée d’argent au Championnat du Monde 1974, la Yougoslavie faisait partie des équipes favorites pour cette édition à domicile. Avec Krešimir Ćosić mais aussi le MVP du Mondial 74 Dragan Kićanović et Vinko Jelovac, nommé dans le 5 majeur de la compétition, l’équipe possède un groupe très difficile à battre.

L’Union Soviétique est champion du monde en titre, mais a notamment perdu contre la Yougoslavie lors de la phase finale. Si cette équipe reste donc très forte, avec Sergei Belov toujours présent ainsi que le retour d’Aleksandr Belov et l’arrivée d’Aleksander Salnikov, ces derniers étant nommés dans le 5 majeur du Mondial 74, l’équipe n’est pas invincible comme elle l’a pu l’être par le passé. D’autant plus qu’il manque Paulauskas, le capitaine depuis 1969 ayant pris sa retraite internationale l’été dernier. Quoiqu’il en soit, il est clair que le titre en 1975 reviendra entre les mains de soit la Yougoslavie, soit l’URSS.

En tant qu’outsider, on retrouve l’Espagne. Médaillée d’argent au précédent EuroBasket, elle a par la suite fini 5e du Championnat du Monde 1974. Toujours menée par Wayne Brabender, MVP du précédent Championnat d’Europe et nommé dans le 5 majeur du dernier Mondial, l’équipe compte bien revenir sur le podium en 1975. Enfin, la Tchécoslovaquie, 4e du dernier EuroBasket et 10e en 1974 compte revenir en demi-finale en 1975. Avec le trio Jiří Zídek Sr., Jiří Pospíšil et Kamil Brabenec, excellents lors des derniers tournois, cette équipe n’est pas à sous-estimer.

Le doublé pour la Yougoslavie

En 1975, la Yougoslavie est devenue le 3e pays après la Lituanie et l’Union Soviétique à remporter 2 EuroBaskets consécutivement. Un sacre qui confirme que désormais, il y a deux géants dans le basket continental et que l’ère de l’hégémonie soviétique touche à sa fin.

Le noyau dur de l’équipe est composé des joueurs de Barcelone qui ont remporté la médaille d’or, renforcés par Mirza Delibašić et Rajko Žižić, futures stars du basket-ball yougoslave. Avec Mirko Novosel toujours aux commandes, cette équipe est inarrêtable.

La Yougoslavie a débuté le championnat à Split par des victoires contre les Pays-Bas (102-76), la Turquie (92-65) et l’Italie (83-69). Elle s’est ensuite déplacée à Belgrade pour disputer la phase finale. Elle a d’abord battu l’Espagne (98-76), puis la Tchécoslovaquie (84-68), mais au prix fort, puisque Dragan Kićanović s’est blessé. Même sans Kića, les hôtes ont battu la Bulgarie d’Atanas Golomeev, qui sera nommé dans le 5 majeur du tournoi, 105-76. Puis est arrivé le 15 juin, jour du match décisif contre l’URSS.

Les deux équipes avaient un bilan de 4-0 à l’approche de la dernière journée de l’EuroBasket. Kićanović s’était remis et jouait selon les observateurs avec une attelle autour de la cuisse blessée. J’avoue qu’en revoyant les images je ne suis pas sûr, mais c’est peut-être dû à la qualité. Dans tous les cas, il n’était pas à 100%.

Les Soviétiques menaient, et c’est Kićanović qui a pris les choses en main. À la 8e minute, il a égalisé le score à 18-18, puis a marqué pour donner l’avantage à son équipe, 20-18. Slavnić a enchaîné avec deux lancers francs, puis Ćosić et à nouveau Kićanović ont porté le score à 26-18 à la 12e minute, sous les acclamations du public de la Hala Pionir. Nikola Plećaš, Ćosić et Damir Šolman ont augmenté leur avance à +13 (34-21), mais la fin était encore loin.

Les moments critiques sont survenus au début de la seconde mi-temps, lorsque l’URSS, grâce à Sergei Belov et Korkija, est revenue à 45-48, mais Kićanović et Jelovac ont rétabli une belle avance de 10 points, 59-49. Alors que tout semblait joué, Aleksander Salnikov est entré en jeu, marquant 10 points consécutifs. À la 35e minute, le score était de 77-73 pour l’équipe locale, puis de 82-78 à la 38e minute. À la 40e minute, après un panier de Alzhan Zharmukhamedov, le score était de 86-84.

Dans le money time, le ballon se retrouve dans les mains de Dragan Kićanović fait un crossover sur Valeri Miloserdov dans une action solo inoubliable pour les Balkans et, depuis le haut de la raquette, il a marqué sans difficulté pour prendre une avance insurmontable. La médaille d’or a été confirmée par Dalipagić avec deux lancers francs pour une victoire 90-84, le match rêvé par toute une nation a bel et bien eu lieu. La Yougoslavie bat l’URSS devant son public en finale de l’EuroBasket.

Krešimir Ćosić fut nommé MVP du tournoi tandis que Dražen Dalipagić a obtenu une place dans le 5 majeur de l’EuroBasket 1975. Il ne fait plus aucun doute, la Yougoslavie était définitivement devenue une superpuissance du basketball.

Une première décevante pour l’URSS

Pour la première fois dans l’histoire, l’équipe de l’URSS a perdu deux éditions du championnat d’Europe consécutifs et a remporté pour la première fois la deuxième place de l’EuroBasket. L’équipe avait commencé par trois victoires dans le groupe B, même si deux d’entre-elles ont été poussives. 79-72 face à la Pologne et 91-81 face à la Tchécoslovaquie avant de battre l’Israël 85-71 pour être en tête de la poule de Karlovac. Puis vient la phase finale où l’URSS a failli se faire surprendre par le futur médaillé de bronze, l’Italie qu’elle bat seulement 69-65. Arrivent ensuite des victoires plus simples contre la Bulgarie (94-79), et contre l’Espagne (94-80).

La finale du point de vue soviétique fut très frustrante. Après avoir mené au score rapidement, ils ont passé le reste de la rencontre à essayer de remonter la pente, étant proches par moments mais sans hélas pouvoir y parvenir. Pour Sergei Belov, nommé dans le 5 majeur de l’EuroBasket, et ses partenaires, c’est une défaite qui fait mal.

Selon Sergei et Ivan Edeshko, l’URSS a été battu par l’arbitre canadien, qui aurait favorisé les hôtes tout au long du match. Apparemment, dans la dernière minute, alors que l’écart était de 2 points, il aurait accordé à Ivan sa 5e faute sur une décision douteuse.

Cependant, après avoir visionné les images, je reste sceptique, car la 5e faute semblait avoir été sifflée dans les dernières secondes, alors que le score était de 88-84. Quoi qu’il en soit, Vladimir Zhigili et Aleksander Sidjakin se souviennent que l’arbitrage était normal, mais que les Yougoslaves étaient tout simplement plus forts que les Soviétiques. Deux EuroBaskets consécutifs sans triomphe représentent une anomalie pour l’URSS, qui doit maintenant réagir afin de ne pas perdre définitivement sa place de meilleure nation de basket européenne.

EuroBasket 1977, le retour de la formule classique

Bureau greisch - Country hall du pays de Liège au Sart-Tilman
Le Country Hall du Sart Tilman. Crédit : GREISCH

La Belgique est hôte de l’EuroBasket pour la première et à ce jour seule fois de son histoire en 1977, le tournoi se déroulant entre le 14 et 24 septembre. Deux salles accueillent les 12 équipes de cette édition : le Sportcentrum d’Ostende avec une capacité de 2 000 places et le Country hall de Liège avec une capacité de 5 000.

Après un bref retour, la formule classique de l’EuroBasket fait son retour en 1977. Le tour préliminaire s’est déroulé en deux groupes de six équipes chacun. Le groupe A à Liège et le groupe B à Ostende. Les équipes classées première et deuxième de chaque groupe ont été qualifiées pour les demi-finales et ont déjà assuré leur 4e place au Championnat d’Europe.

Les équipes classées 3e et 4e se sont qualifiées pour les petites demi-finales et ont joué pour la 5e place au Championnat d’Europe. Les équipes classées 5e et 6e de chaque groupe ont dû disputer les matchs pour la 9e place au Championnat d’Europe.

La Yougoslavie, double champion d’Europe en titre et médaillée d’argent aux Jeux Olympiques de Montréal, fait office de favorite pour cette édition de l’EuroBasket. Avec le duo Ćosić-Dalipagić, ce dernier étant le meilleur joueur Yugoslave lors des derniers JO, le pays semble très difficile à battre. Cet été voit notamment le retour de Aleksandar Nikolić, lui qui était sélectionneur de 1951 à 1965 et est considéré comme le père du basketball yougoslave et serbe.

Double médaillée d’argent et médaillée de bronze lors des derniers Jeux, l’URSS veut retrouver la plus haute marche du podium. Sergei Belov, le leader de l’équipe, est toujours là, mais Alexander Belov, le meilleur joueur soviétique à Montréal, a pris sa retraite internationale. Il faudra voir qui saura endosser ce rôle.

L’URSS possède également un nouveau sélectionneur : Alexander Gomelsky, connu comme le père du basketball soviétique. Il était à l’origine l’entraîneur principal de l’équipe nationale soviétique en 1972 et devait entraîner l’équipe aux Jeux Olympiques, mais le KGB lui a confisqué son passeport, craignant que, étant juif, Gomelsky ne fasse défection en Israël.

En tant qu’outsider, on retrouve l’Italie. 3e en 1975 et 5e en 1976, Gianni Bertolotti et ses coéquipiers comptent bien remporter une nouvelle médaille durant cet EuroBasket. La Tchécoslovaquie, 6e au dernier EuroBasket et aux derniers Jeux Olympiques, n’est pas une équipe à sous-estimer. Stanislav Kropilak et ses partenaires veulent aller plus loin lors de ce Championnat d’Europe. Enfin, l’Espagne, avec l’inévitable Wayne Brabender, a fini 4e lors du précédent EuroBasket et compte bien rester parmi les meilleures équipes de basketball sur le continent européen.

Le triplé de la Yougoslavie

Représentation de la Yougoslavie à l'EuroBasket 1977Champion d'Europe🏆🥇
Debout, de droite à gauche : Ratko RADOVANOVIĆ , Duje KRSTULOVIĆ , Krešimir ĆOSIĆ , Vinko JELOVAC , Željko JERKOV , Anto ĐOGIĆ , Žarko VARAJIĆ , Dražen DALIPAGIĆ Assis : Dragan KIĆANOVIĆ , Zoran SLAVNIĆ , Mirza DELIBAŠIĆ , Joško PAPIČ
Basket-ball ex-Yougoslavie
3 médailles d’or consécutives pour la Yougoslavie. Crédit : photographe inconnu

Pour la 2e fois de l’histoire de l’EuroBasket, un pays réussit à remporter 3 fois consécutivement le Championnat d’Europe. Après l’URSS, c’est au tour de la Yougoslavie, confirmant son statut au sommet du continent. Avant d’atteindre la finale, la Yougoslavie a battu l’Espagne (79-76), la Finlande (88-80), la Belgique (111-83) et les Pays-Bas du meilleur marqueur du tournoi, Kees Akerboom, (111-75) dans le groupe à Ostende, puis a perdu contre la Tchécoslovaquie (103-111) lors du dernier tour.

Une atmosphère désagréable régnait avant le match, car certains pensaient que l’équipe allait perdre exprès pour affronter l’Italie en demi-finale plutôt que l’Union soviétique. En effet, l’URSS avait perdu contre Gli Azzurri en phase de groupe à la surprise générale et allait donc finir 2e.

Que cela soit dû à un certain relâchement ou que le match ait été perdu exprès, le public yougoslave n’a pas apprécié la performance de ses joueurs. Un article est paru dans le quotidien yugoslave Politika avec le titre “La mauvaise voie vers le titre” et le sous-titre “Pourquoi les basketteurs nous ont-ils déçus”. Cette critique était prématurée.

Après le match, l’entraîneur Nikolić a démenti les rumeurs de défaite délibérée, affirmant qu’il avait demandé à ses joueurs de donner le maximum et que peu importait l’adversaire en demi-finale, car “pour remporter la médaille d’or, nous devons battre à la fois l’Italie et l’URSS”. Les demi-finales ont démontré la supériorité de l’équipe yugoslave. l’Italie est battue 88-69 et le tandem Kićanović-Dalipagić combine 56 points ensemble.

La finale a démontré que l’ordre des adversaires n’avait vraiment aucune importance, notre équipe était tellement supérieure que peu importait qui elle affrontait. Les Soviétiques n’ont mené qu’au début (6-2, 3e minute), mais après cela, les joueurs en blanc ont fait une démonstration.

À la 11e minute, Kićanović a porté l’avance à 9 points (21-12) et la voie vers la victoire était ouverte. Les Soviétiques n’ont marqué que 27 points contre la Yougoslavie au cours des 20 premières minutes, ce qui témoigne clairement de leur défense impeccable.

Les pivots ont fait un excellent travail en freinant le colosse Vladimir Tkachenko, meilleur marqueur de son équipe durant la compétition, malgré ses 16 points et 18 rebonds. Salnikov a également été bien défendu, ne marquant que deux fois sur 10 tentatives.

Les Yougoslaves célébrant un nouveau triomphe

L’avantage a été maintenu en deuxième mi-temps, même si l’URSS est revenue à -5 (48-43) à la 7e minute de la deuxième période. Grâce à une attaque bien organisée, la Yougoslavie a porté son avantage à 70-55 à la 35e minute. Score final 74-61. La domination en demi-finale et en finale était si convaincante que personne ne mentionnait plus la défaite “planifiée” contre la Tchécoslovaquie.

Ćosić a excellé en défense, captant pas moins de 19 rebonds, dont 16 en défense. Il a surpassé Tkachenko, qui mesurait 9 centimètres de plus que lui, d’un rebond. Le géant soviétique a marqué 16 points, mais n’a réussi que 6 tirs sur 13, ce qui est trop peu pour un joueur qui évolue près du panier. Cela témoigne de la qualité du jeu de Ćosić contre lui. L’entraîneur de l’URSS, Alexander Gomelsky, a admis après le match : “Mes joueurs ont un complexe vis-à-vis de la Yougoslavie.”

Dans les anciens pays yougoslaves, cette finale est restée dans les mémoires pour une seule action: “le volley-ball”. Zoran Slavnić et Dragan Kićanović ont commencé à se passer le ballon comme dans un match de volley-ball dans la dernière minute de la finale, alors que la victoire était déjà assurée. Cette action était le symbole de la Yougoslavie à son apogée.

Seul l’entraîneur était en colère, car il pensait que les joueurs soviétiques étaient sous-estimés, mais ce moment est resté à jamais gravé dans les mémoires du sport yougoslave. Dražen Dalipagić est nommé le MVP de la compétition tandis que “Moka” Slavnić, un des meilleurs meneurs de son époque, est enfin récompensé et le rejoint dans le 5 majeur de l’EuroBasket 1977. Plus rien ne semble arrêter la Yougoslavie.

Le faux pas de l’Espagne

Après de bonnes performances en 1973 et 1975, il était attendu que l’Espagne réponde encore une fois présent et soit une équipe à craindre dans la phase finale de l’EuroBasket. Hélas, cela ne s’est pas passé comme prévu. L’Espagne s’est retrouvée dans le groupe B, où elle espérait décrocher la deuxième place qui lui permettrait de rêver au podium. Le tournoi a commencé par une défaite encourageante à la Yougoslavie (79-76), après avoir remonté un score défavorable de 46-27 à la mi-temps grâce à un excellent pressing.

La déception est venue ensuite, avec des défaites contre les Pays-Bas (114-94, avec 38 points d’Akerboom) et la Tchécoslovaquie (73-70). Les victoires difficiles contre la Belgique (94-93) et la Finlande (85-78) n’ont servi à rien. Une égalité à trois avec les Belges et les Néerlandais a condamné les Espagnols, qui finissent 5e de leur groupe.

La 5e place du groupe les obligeait à se battre dans la phase pour les places 9 à 12. La démotivation était palpable, mais ils ont au moins pu terminer avec deux victoires supplémentaires et se classer 9e : 88-84 contre l’Autriche et 106-89 à nouveau contre la Finlande.

Les conséquences de cet échec furent graves. Tout d’abord, l’équipe est reléguée dans une “deuxième division” théorique où se jouait la qualification pour le prochain championnat continental. Ensuite, la Fédération espagnole elle-même renonça à l’invitation qu’elle avait reçue pour la Coupe du monde 1978 aux Philippines, car elle considérait qu’il n’était pas éthique de l’accepter après avoir été si loin derrière dans le championnat européen.

Antonio Díaz-Miguel a retardé le renouvellement complet de l’équipe nationale, qui n’a eu lieu qu’en 1979 en Italie. Cette future édition marque le début d’un nouveau cycle avec l’espoir de renouveler avec le succès connu plus tôt dans la décennie.

EuroBasket 1979, à nouveau un changement de formule

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Le Palais des sports Ruffini de Turin. Crédit : photographe inconnu

10 ans après l’édition précédente, l’Italie accueille une nouvelle fois l’EuroBasket en 1979. Cette fois-ci, 4 salles sont retenues pour l’occasion : le Palais des sports Giuseppe Taliercio de Mestre avec 4 000 places, le Palais des sports Achille Sclavo de Sienne avec une capacité de 5 000 places, le Palais des sports Grappate de Gorizia pouvant accueillir 5 500 personnes, et le Palais des sports Ruffini de Turin ses 10 000 sièges.

Lors du tour préliminaire, les 12 équipes ont été réparties en trois groupes de quatre équipes chacun. Les deux meilleures équipes de chaque groupe se sont qualifiées pour le tour final, leur score étant également pris en compte dans le tour final, tandis que les deux dernières équipes ont été envoyées au tour de classement pour disputer les places 7 à 12.

Les équipes qui terminent les phases préliminaires à la 1re et à la 2e place se qualifient pour la phase finale. Les équipes classées 1re et 2e de ce groupe se qualifient pour la finale, tandis que les équipes classées 3e et 4e disputent le match pour la 3e place.

Triple champion d’Europe et champion du monde en titre, la Yougoslavie paraît plus forte que jamais. Krešimir Ćosić, Dragan Kićanović et Dražen Dalipagić ont brillé lors du Mondial 78, étant tous les trois nommés dans le 5 majeur de la compétition. Dalipagić a même été nommé MVP.

La Yougoslavie a également un nouveau sélectionneur, Petar Skansi, médaillé d’argent en tant que joueur aux JO 1968, puis entraîneur-joueur avec Jugoplastika. Champion de Yougoslavie en tant qu’entraîneur tout court en 1977, il est un coach avec une bonne réputation.

Médaillée d’argent aux deux derniers EuroBaskets ainsi que lors du dernier Championnat du Monde, l’URSS avec un Vladimir Tkachenko qui continue de monter en puissance veut retrouver la plus haute marche du podium, sa place naturelle à ses yeux.

L’Italie, 4e en 1977 et 1978, reste une équipe à surveiller en tant qu’outsider. Sans Renzo Bariviera, le 9e meilleur marqueur de la Coupe du Monde qui vient de prendre sa retraite internationale, cela va être difficile. La pression est sur Lorenzo Carraro qui doit maintenant assumer le rôle de patron devant son public.

Enfin, la Tchécoslovaquie, 3e de l’EuroBasket 1977 et 9e du Mondial 1978, est une équipe à ne pas sous-estimer. Avec Kamil Brabenec, le meilleur marqueur de la précédente Coupe du Monde, l’équipe compte bien jouer pour une place sur le podium une nouvelle fois.

Le retour triomphant de l’URSS

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L’URSS conclut la décennie avec un nouveau titre. Crédit : photgraphe inconnu

Après trois échecs consécutifs en Europe, ainsi que les déceptions aux Championnats du Monde et aux Jeux Olympiques, l’Union Soviétique devait réagir et affirmer une nouvelle fois sa domination sur le basket européen. En 1979, l’URSS est parvenue à conclure sa décennie la plus difficile avec un 12e sacre.

Pourtant celui-ci paraissait loin d’être évident. Après 2 victoires dans le groupe B face à la Bulgarie et face aux Pays-Bas, l’URSS se fait surprendre par l’Espagne : 101-90, qui leur prend la première place. “Le plus grand triomphe de l’histoire”. C’est ainsi que La Vanguardia a intitulé son article sur la victoire de l’équipe nationale espagnole contre l’URSS.

Juan Domingo de la Cruz, qui mesurait près de 20 cm de moins et pesait environ 30 kilos de moins que son rival direct Tkachenko, avait la tâche ingrate de devoir contenir le pivot européen le plus dominant de son époque, alors qu’il était titulaire surprise ce jour-là.

Il a joué le match de sa vie, non seulement en rendant la tâche difficile à son rival direct en défense, avec l’aide précieuse du reste de l’équipe, mais aussi en marquant 23 points, soit trois de plus que Tkachenko lui-même. L’Espagne menait 46-43 à la mi-temps.

Un détail révélateur de l’évolution du sport : Díaz Miguel n’a effectué qu’un seul remplacement pendant tout le match, celui de Joaquin Costa à la place de José Luis Llorente à 10:17 de la deuxième mi-temps. Avec le public debout, la fin fut indescriptible, tous les Espagnols, joueurs, entraîneurs et supporters, s’étreignant autour du terrain. Pour l’URSS, une humiliation. Désormais, plus le droit à l’erreur.

La phase finale s’est très bien déroulée pour l’Union Soviétique, avec 4 victoires consécutives, même si les deux premières contre la Tchécoslovaquie et l’Italie furent assez difficiles (66-71 et 84-90 respectivement). Il semblait que rien ne pourrait empêcher l’URSS et la Yougoslavie de s’affronter deux fois : dans le groupe et dans le match pour la médaille d’or. Cependant, les Yougoslaves, après avoir subi une défaite contre Israël lors de la phase préliminaire (76-77, qui comptait pour le tournoi de la phase finale) et avoir perdu contre l’URSS (77-96), ont finalement concédé la 2e place à l’Israël.

En conséquence, le match final entre l’URSS et Israël s’est terminé sur un score de 98-76. Après le match, les joueurs des deux équipes étaient heureux : l’URSS parce qu’elle avait enfin remporté l’Eurobasket après 8 ans, ses adversaires parce qu’ils avaient obtenu un succès sans précédent.

Sergei Belov et Vladimir Tkachenko furent tous les deux nommés dans le 5 majeur de la compétition. D’après les témoignages oculaires, les joueurs ont fait la fête et bu du champagne ensemble. Cependant, si l’équipe de l’URSS avait battu la Yougoslavie en finale, elle aurait été beaucoup plus heureuse.

Le miracle israélien

Mickey Berkowitz Photo: Moshe Shai
Miki Berkovich a été le héros d’un parcours miraculeux. Crédit : Moshe Shai

Une défaite en finale n’est jamais agréable, mais pour l’Israël, ce parcours était déjà un succès. N’ayant raté aucun EuroBasket depuis 1959, les Bleus et Blancs n’avaient cependant jamais une équipe véritablement dangereuse. Si la 5e place en 1977 indiquait un certain progrès, personne ne pouvait s’attendre à un tel parcours en 1979.

Pour son match d’ouverture, l’Israël a battu la Pologne 78 à 86, avec Boaz Yanai et ses 19 points permettant de tenir bon dans une atmosphère terrible. Une chaleur étouffante dans la salle, avec plus de 90 % d’humidité, et la climatisation n’était pas au programme. Le lendemain, un moment frustrant a failli ruiner tout le tournoi. Israël a laissé filer une avance prometteuse de 14 points, avec un grand Miki Berkovich qui finit le match avec 33 points et a perdu 92-83 contre la France.

Si nous avions perdu par 30 points d’écart, cela ne m’aurait pas fait autant mal”, a réagi le défunt entraîneur Ralph Klein. “C’est fini, nous allons jouer pour les places 12 à 7 et nous ferons de notre mieux. Mais je dois dire que nous n’abandonnerons pas avant le match contre la Yougoslavie.”

Vingt-quatre heures plus tard, les Bleus et Blancs se présentaient pour la dernière soirée de la phase préliminaire, sachant que seule une victoire sensationnelle contre les champions du monde leur permettrait de se classer parmi les six premiers. La citation quelque peu défaitiste de Klein n’était pas une simple déclaration en l’air ; il pensait vraiment ce qu’il disait et envoya son assistant Bob Gonen à Mestre pour observer les adversaires potentiels dans les matchs des perdants.

Le prestigieux journal italien “Tuttosport” n’a même pas attendu le résultat final pour annoncer en une les équipes qualifiées pour les matchs 1-6, dont l’Israël n’en faisait pas partie. C’est dire à quel point personne ne croyait en une victoire des Bleus et Blancs.

“Nous n’avons rien à perdre, nous allons viser la victoire”, a déclaré Avigdor Moskowitz à la radio avant le match, sans doute sans vraiment y croire. La salle était pleine à craquer et les spectateurs agitaient des centaines de drapeaux yougoslaves. Les médias israéliens ont rapporté que beaucoup d’entre eux étaient ivres, et le public italien les a raillés en criant “El El Israël”. Le match a été interrompu au moins 20 fois à cause de sacs de boissons et d’autres objets jetés depuis les tribunes, et toutes les quelques minutes, le ballon, rendu glissant par l’humidité insupportable, était remplacé.

À un peu plus de deux minutes de la fin, la Yougoslavie menait 71-76. C’est alors qu’Israël entame une remontée spectaculaire. Pourtant, avec 15 secondes à jouer, la Yougoslavie menait encore 75-76… et là le désastre pour les champions en titre arrive. Une simple passe va trop haut et file en touche. Celle-ci est jouée rapidement vers Moskowitz, qui fait la passe à la star Berkovich qui fait le lay-up. 77-76, 10 secondes à jouer.

Dragan Kićanović rate son tir sous le panier, rebond israélien, le ballon est envoyé loin devant, et c’est terminé. L’Israël a vaincu le triple champion d’Europe et le champion du monde en titre. Yanai a marqué 18 points et Berkovich en a ajouté 17. À la fin du match, une bagarre générale a éclaté entre les supporters yougoslaves et italiens, mais cela n’a pas empêché les célébrations. Grâce à Gonen, qui a été informé par des journalistes grecs que son voyage avait été vain, l’équipe a découvert qu’il y avait une discothèque dans le sous-sol de l’hôtel, et les joueurs y ont bu et dansé jusqu’au petit matin.

C’est le plus grand jour de ma vie”, s’est exclamé Klein. “La victoire contre la Yougoslavie est plus importante que celle du Maccabi contre le CSKA à Virton. Nous avons fait honneur à Israël. Cet esprit combatif est la plus belle chose que j’ai vue au cours de mes années en tant qu’entraîneur.”

Avec cette victoire, l’Israël termine donc premier du groupe C et se rend à Turin pour la phase finale. L’Israël renoua avec la victoire en battant l’Espagne 84 à 88 avec 33 points de l’inévitable Berkovich et se hissa à la première place du groupe final. Personne ne savait encore où le vent allait souffler. Le lendemain, la presse locale titrait : “Les Israéliens ont augmenté leurs chances de remporter la médaille de bronze s’ils battent la Tchécoslovaquie samedi soir”.

Et samedi soir, l’équipe a effectivement battu les Tchécoslovaques, 93-94 après prolongation, le duo Yanai et Lou Silver marquant 27 points tous les deux. Israël a terminé ses performances dans la phase finale par une défaite 92-71 contre l’Union soviétique, et est arrivée à la dernière soirée de matchs sans plus rien à jouer et sans dépendre d’elle-même. Elle avait besoin d’une victoire soviétique contre les hôtes italiens pour achever son incroyable parcours et se qualifier pour la finale. L’Union soviétique a gagné 84 à 90 et s’est qualifiée pour la finale avec Israël.

Nous avons aussi joué pour vous”, a déclaré l’entraîneur juif de l’Union soviétique, Gomelsky. “Je suis, comme vous le savez, un supporter de l’État d’Israël. Vous avez fait preuve d’un excellent niveau de basket-ball pendant le championnat et vous méritez d’être avec nous en finale.”

Le jour de la finale, le 20 juin 1979, Israël était en fête. À midi, un vol charter direct d’Arkia a décollé de Lod à destination de Turin, avec à son bord environ 180 supporters. Pour la première fois, un événement sportif était retransmis en couleur en Israël.

Tout à coup, tout Turin s’est rempli d’Israéliens.” se rappelle le capitaine Barry Leibowitz. “Je suis descendu dans un café, je suis entré dans un magasin, et tout le monde parlait hébreu. J’avais l’impression d’être à Tel-Aviv. Le problème, c’est que tout le monde pensait que nous allions gagner la finale.”

Sur le terrain à Turin, il s’est avéré que même l’esprit israélien avait ses limites. L’équipe n’est restée dans la course que pendant 11 minutes, avant d’être battue 98 à 76 par l’Union soviétique, emmenée par les 29 points du colosse Vladimir Tkachenko. “Tkachenko est le meilleur joueur que j’ai vu de ma vie. On ne pouvait rien faire contre lui.” a déclaré Leibowitz.

Une manifestation israélienne à Turin contre le rideau de fer. Crédit : photographe inconnu

Dans les tribunes, les Israéliens ont mené une action de protestation politique et brandi une banderole contre la politique du rideau de fer soviétique : “Laissez mon peuple partir”. Le réalisateur de la télévision italienne a ignoré cet acte et ne l’a pas filmé. La défaite n’a pas assombri la joie. L’Israël est monté sur le podium et a reçu la médaille d’argent. Mais il y avait également une personne inattendue qui s’est présentée lors de la remise des médailles.

À la fin de la cérémonie de remise des médailles, un homme âgé s’est approché de moi et s’est présenté : “Bonjour M. Berkovitz, je suis Hubie Brown, l’entraîneur des Atlanta Hawks”. Je n’avais jamais entendu parler de lui, car à l’époque, il n’y avait pas de retransmissions de la NBA.

Je lui ai répondu : “Enchanté, je m’appelle Miki”. Il m’a dit qu’ils m’avaient suivi tout au long du tournoi et qu’ils me voyaient comme un candidat pour jouer dans leur équipe. Il m’a proposé de venir passer des tests aux États-Unis et m’a dit qu’à mon retour en Israël, un billet d’avion m’attendrait dans un bureau à Tel-Aviv. Je me suis dit : “Pourquoi pas, ça ne coûte rien d’aller à Atlanta. Je ne pensais pas que cela aboutirait à une proposition de contrat professionnel.”

Le vice-champion d’Europe a atterri en Israël le lendemain de la finale, dans l’après-midi. Les employés de l’aéroport se sont rassemblés sur la piste d’atterrissage et ont applaudi les joueurs à leur descente de l’avion. Les familles des joueurs attendaient dans le hall d’accueil. La fédération de basket-ball a offert aux joueurs des montres de luxe gravées de la mention “juin 1979”.

Le capitaine de l’Israël sur le podium de l’EuroBasket 1979. Crédit : photographe inconnu

Ce fut de loin le plus grand exploit du basket israélien, et encore aujourd’hui, cela reste la seule médaille dans un tournoi majeur pour les Bleus et Blancs. Une gloire éphémère, mais une performance qui aura marqué l’histoire de l’EuroBasket.

Si les années 60 furent marqués par un pays, les années 70 furent marqués par deux. Mais alors qu’une nouvelle décennie arrive, ces géants du sport semblent de plus en plus prenables. Est-ce qu’une nation hors du bloc communiste arrivera enfin à triompher?