Derrick Rose prend sa retraite
Derrick Rose s'en va. Un joueur de génie stoppé par les blessures. Crédit: Mike Ehrmann-Getty Images

Derrick Rose, une carrière remplie de hauts et de bas

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« Pooh ». Tel était le surnom que lui donnait sa grand mère en référence au personnage animé de Winnie l’Ourson, en raison de son attirance pour les aliments sucrés et de son teint un peu « jaune ». Plus jeune MVP de l’histoire de la NBA, Derrick Rose a su conquérir le cœur des fans, et ce, à peine après avoir posé un pied sur un parquet NBA.

Le 26 septembre 2024, cette légende de la NBA quitte définitivement le monde du basketball. En passant d’une enfance dans le quartier le plus dangereux et le plus craint du Sud de Chicago au plus jeune MVP de l’histoire de la ligue avant de sombrer dans la mélancolie, Derrick Rose tire sa révérence. Afin de bien se remémorer qui était « Pooh », intéressons-nous à la carrière de la légende des Bulls qui aura ému toute la ligue a maintes reprises et ce sans oublier l’accusation de viol dont il a pu faire l’objet.

L’enfance de Derrick Rose

Enfant, le jeune Derrick Rose passait son temps sur les terrains extérieurs d’Englewood, réputé pour être un des endroits les plus terrifiants et meurtriers des Etats Unis. Le joueur déclarait :

« Généralement, quand il y a des coups de feu, les gens courent. Mais chez nous, c’était tellement fréquent que l’on continuait à jouer. Tu entends des coups de feu, tu es dehors en train de jouer au basket ou au craps, tu sais instinctivement à quelle distance sont les coups de feu ».

Confronté dès le plus jeune âge à la pauvreté, le jeune Derrick avait pour ambition de suivre les pas de son idole de toujours : Michael Jordan et de ne pas suivre la voix facile en sombrant dans la violence, la drogue et les gangs. Accompagné d’une grande appétence pour le sport de la balle orange, l’enfant voulait par dessus tout donner à sa famille et à ses proches un avenir loin de la triste vie qu’est la pauvreté. Lou Topps, ancien entraîneur du joueur l’aurait même entendu dire « je vais sauver ma famille ».

Cet attrait pour le jeu et l’argent, Derrick les a développé très tôt lorsque des paris faisaient leur apparition sur les bitumes du South Side de Chicago. Avec une soif de vaincre, le jeune garçon a appris à développer un jeu dur, explosif, et intelligent !

Ces qualités se sont vu être par ailleurs des éléments phare de sa future domination.

Au lycée, le joueur remporte deux championnats d’Etat. Puis une fois venue l’heure de partir à l’université, le joueur fit ses valises pour jouer avec les Tigers de l’Université de Memphis tandis que de nombreuses équipes, à l’image de UCLA semblaient intéressés par son profil.

Avec le coach John Calipari, Derrick Rose devient rapidement le joueur cadre de l’équipe en s’imposant des deux cotés du terrain, le tout accompagné d’un leadership conséquent. La saison est un succès puisque l’équipe termine avec un bilan de 38 victoires en 40 matches. Les Tigers atteignent le Final Four 2008, malheureusement perdue face à l’université de Kansas.

John Calipari Comments on Derrick Rose's Pain Threshold | News, Scores, Highlights, Stats, and Rumors | Bleacher Report
Derrick Rose et son coach John Calipari. Eric Gay-Associated Press

Au vu de ses performances, Derrick Rose est donc logiquement considéré comme l’un des prospects les plus intéressant de sa génération. C’est en cela que le jeune joueur se présente à la draft 2008, lui qui souhaitait arriver dans la grande ligue le plus tôt possible afin d’assurer à sa famille la stabilité financière qu’il s’était promis.

Le talent le plus convoité de l’Illinois devait cependant faire profil bas afin d’éviter les problèmes au sein de son quartier. Reggie, son frère déclarait : « S’il allait quelque part et qu’aucun d’entre nous n’était dispo, on envoyait des gars de confiance pour le surveiller ».

Les débuts en NBA

1,7%. Ce chiffre représente le pourcentage de chance qu’avaient les Chicago Bulls de remporter le premier choix de la draft 2008. Comme pour LeBron James 5 ans auparavant, une équipe NBA obtient un premier choix de draft avec dans la cuvée un joueur provenant de ses terres. Derrick était aux anges bien qu’il était conscient que les Bulls pouvaient choisir un autre joueur.

Cet autre joueur portait le nom de Michael Beasley, dont les performances universitaires et le potentiel intéressaient également les dirigeants des Bulls. Afin de les départager, les Bulls auraient organisé un entretien pour chacune de ces pépites. À la question « qu’est ce que vous avez le plus énervé en NCAA ? », Beasley se serait plaint de l’arbitrage tandis que Derrick Rose aurait répondu brièvement « lose ».

À partir de ce moment précis, le futur premier choix de draft était choisi. Enfin, hormis un petit bémol : Allan Rose, le frère du joueur dont le passif semblait inquiéter les dirigeants. « Il aurait pu ne pas être le premier choix à cause de bêtises que j’ai faites dans ma vie. ». Derrick Rose, attaché aux valeurs familiales aurait dès lors répondu : « Si vous n’acceptez pas mon frère, ne me prenez pas. »

Le 26 juin 2008, Derrick Rose est donc drafté par les Bulls en première position et après une Summer League 2008 complément à coté de la plaque pour le meneur, les performances impressionnantes s’enchainent jusqu’à son titre de Rookie of the Year le 22 avril 2009.

Champion du monde 2010 (aussi 2014), All Star 2010-11 (aussi en 2012), tout semble réussir pour le jeune prodige. Le peuple l’acclame, lui qui semble pour autant détester la popularité. Avec un mental irréprochable, la star montante n’hésite pas à attiser l’étonnement parmi la horde de journalistes siégeant devant lui en déclarant : « Why can’t I be the MVP of the League ». Porté par la tête des journalistes surpris et les fans des Bulls : il devient le plus jeune MVP de l’histoire en rajoutant que « ce trophée est pour la ville de Chicago plus que tout ».

Durant la saison 2011-12, Derrick Rose prolonge avec sa franchise de coeur pour un contrat de 5 ans à hauteur de 95 millions de dollars, représentant l’extension maximale de l’époque avant de signer un contrat avec Adidas. Son avenir financier et celui de ses proches est assuré. Il ne manque plus qu’un élément pour arriver à ses fins : le titre.

Les débuts de la fin

« Sauf blessure, il sera votre meneur pour le quinze prochaines années » affirmait John Calipari.

28 avril 2012, Chicago Stadium. Il ne reste plus qu’une minute et vingts secondes à jouer dans le premier match de playoffs face aux Sixers. Malgré la victoire assurée, le coach de l’époque Tom Thibodeau décide de conserver des joueurs du 5 dont le meneur. Le reste appartient à l’histoire. Après un mauvais appuie, le joueur se tort de douleur en se tenant le genoux droit… C’est ainsi qu’on comprend que quelque chose de grave vient de se dérouler sous nos yeux : une rupture du ligament croisé.

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Une des images les plus marquantes de la carrière de Derrick Rose. Crédit: Tannen Maury-European Pressphoto Agency

Après l’opération et une rééducation tourmentée par les débats sur le fait qu’il revienne en forme, Derrick Rose revient finalement en 2013 avec « la hargne de prouver » selon les dires de son coéquipier de cœur, Joakim Noah. Mais tout ne se passe pas comme prévu étant donné que d’autres blessures vont malheureusement faire leur apparition.

La saison 2014-15 aura vu les Bulls terminer 3ème de la Conférence Est. Tout semble plus ou moins réussir à ces Bulls et au revenant. Mais sur leur chemin se dresse une montagne devant eux : les Cleveland Cavaliers menés par un LeBron James en mission. C’est ainsi que le 8 mai 2015, dans un Game 3 très serré, Derrick Rose inscrit un buzzer-beater derrière l’arc décisif.

Malheureusement, LeBron James inscrit un tir similaire quelques jours après pour revenir à 2-2 dans cette série de demies finales de conférence EST, perdue par Chicago 2-4.

Puis en juin 2016, le monde s’écroule pour Derrick. En pleine interview pour un documentaire nommé « Pooh » il reçoit un appel de son agent « BJ Armstrong » lui annonçant qu’un trade vient de se finaliser l’envoyant aux New York Knicks. Sonné par ce que vient de lui dire son agent, il ne s’agit pas d’une simple colère mais bel et bien d’un coeur qui se déchire pour le natif de Wendy City. Dévasté sur le moment, le « Chicago guy » part de la ville au sein de laquelle il se voyait terminer sa carrière.

En huit saisons avec les Chicago Bulls, Derrick Rose a manqué 256 matchs à cause de blessures, élément justifiant le choix de la direction, mais qui constitue malgré tout un sentiment de trahison et de déchirement.

À cela s’ajoutent des accusations de viol de la part d’une de ces anciennes relations. Selon les dires de la plaignante, « Jane Doe » puisqu’elle n’a jamais accepté de dévoiler son identité à l’administration judiciaire américaine, elle aurait subi un viol par le joueur et deux de ses amis en aout 2013. Une affaire qui éclate dans le contexte d’une relation asymétrique, dans laquelle Derrick Rose demandait des choses intimes à cette femme qu’elle ne souhaitait pas faire pour lui, alors qu’elle s’imaginait avoir une relation romantique avec la star NBA. Le parti de la jeune femme soutiendra alors qu’elle était dans un état second au moment des faits visés par l’enquête.

Les trois accusés ont démenti l’accusation de viol (sexual assault) en insistant sur le fait que ces relations étaient « consenties » mais qu’elles avaient bien eu lieu, « chacun son tour ». La cour a dès lors délivré un arrêt décrétant que le camp Derrick Rose ressortait « cleared’, une notion judiciaire américaine statuant que les éléments de l’accusation ne sont pas suffisant pour prouver la culpabilité des accusés. Aujourd’hui encore, de nombreux doutes persistent sur la neutralité du jugement.

Fin de carrière

Suite à son trade et à cette affaire judiciaire, Derrick Rose a ressenti la nécessité de se concentrer un moment pour réfléchir et se poser, ce qui lui a valu de disparaitre des radars quelques temps au cours de la saison 2016-17. Derrick Rose court toujours après son passé victorieux. En neuf saisons, Derrick Rose a subi quatre opérations.

Il rejoint les Cleveland Cavaliers en 2017 où il joue 16 matchs avant d’être transféré au Utah Jazz en février 2018 puis coupé. Il signe dès lors avec les Minnesota Timberwolves où il retrouve son ancien entraîneur aux Bulls, Tom Thibodeau. Au sein d’un effectif bien construit et d’une atmosphère chaleureuse, Pooh semble retrouver la joie de vivre. Au point de scorer son record en carrière, 50 points, le 31 octobre 2018, face au Utah Jazz avec un discours émouvant et rempli de larmes, après la confrontation.

Par la suite, le joueur a pu s’exprimer à Detroit, puis une nouvelle fois à New York où il aura su s’imposer comme un des meilleurs 6ème homme de la ligue durant la saison 2020-21 avant de terminer sa carrière en bout de banc aux Memphis Grizzlies en ayant joué 24 matchs.

Ces dernières années, le natif de Chicago continuait de s’engager pour des associations et poursuit sa volonté de développer des infrastructures autour des personnes ayant eu un passif similaire au sien.

« J’essaie de montrer aux gamins qu’ils peuvent s’en sortir en choisissant le droit chemin, pour qu’ils ne passent pas le reste de leur vie à regarder constamment par dessus leur épaule. »

Plus jeune MVP de l’histoire de la ligue, double champion du monde (2010 et 2014) et idole de nombreux fans à travers le monde dont Antoine Griezmann avec son « I love Derrick Rose » durant la Coupe du Monde de football 2018, « The Pooh » aura conquis le cœur de nombreux fans NBA avec son histoire touchante. Une histoire qui ne pouvait s’écrire sans Chicago.

Alors certes, l’homme ne correspond probablement pas au modèle idéal, et a ses contrastes, mais en ce qui concerne le joueur, de par sa détermination et son style de jeu, Derrick Rose restera, et ce à jamais, l’un des joueurs les plus captivants que la NBA ait pu connaitre. « Avant, tout le mode voulait être comme Michael Jordan. Maintenant, les petits répètent les mêmes mouvements que Derrick Rose ».

Deux questions se posent désormais : Derrick Rose est-il un futur Hall of Famer et aura t-il son maillot retiré aux Chicago Bulls ?

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