À seulement 21 ans, Luca Mathieu rejoint le staff de Murray State en tant que Graduate Assistant. Entre entraînements des joueurs, scouting international et philosophie de jeu à l’européenne, il raconte pour Le Roster son immersion à venir dans l’univers hyper-professionnalisé du basket NCAA. Il revient aussi sur l’ »exode » de plus en plus fréquent des jeunes Français vers les États-Unis

Paul : Vous rejoignez le staff de Murray State en tant que Graduate Assistant. Qu’est-ce que ce rôle implique concrètement et qu’est-ce qui vous attire dans cette mission ?

Tout d’abord, ça dépend vraiment du staff, parce que dans certains staffs, les assistants n’ont pas tous le même rôle. On a d’autres assistants qui n’auront pas du tout le même rôle que moi, qui seront beaucoup plus dans la logistique, l’intendance, etc. Souvent, c’est des jeunes qui sont là pour faire leur master. Ils ont un temps illimité sur le terrain avec les joueurs, donc ça permet de pouvoir faire beaucoup de workouts.

Et vous concernant ?

M’occuper des joueurs au quotidien, surtout sur les entraînements, sur la muscu, faire le lien entre les joueurs et le coach. Et beaucoup de vidéo pour préparer les matchs, beaucoup de rapports et beaucoup de scouting aussi. Ce que je fais en plus, c’est aussi le recrutement, vu que j’ai un vrai regard par rapport aux Américains sur le groupe. Je peux vraiment apporter sur le recrutement international.

Qu’est-ce qui vous a motivé à quitter la France pour cette aventure outre-Atlantique ? Comment le choix s’est-il fait ?

Il s’est fait assez naturellement, parce que j’ai toujours rêvé de partir aux États-Unis pour le basket. J’ai vu que c’était compliqué de travailler en tant que scout en France, et j’ai vu que c’était une perspective qui n’avait pas forcément d’avenir dans les années à venir. Je n’allais pas pouvoir en vivre convenablement. Donc j’ai tout de suite voulu m’orienter vers l’international, et les États-Unis, c’est la référence. Ils ont tellement d’années d’avance sur leur manière de travailler, sur leur vision du scouting. Je peux vraiment avoir une plus-value avec mon parcours d’Européen.

Vous avez évolué dans plusieurs environnements : quels éléments de votre parcours en France vous semblent aujourd’hui essentiels pour affronter ce nouveau défi ?

La connaissance. Tous les tournois européens d’été, tous les étés, les connexions que j’ai pu faire ces dernières années. En me rendant à ces tournois-là pour connaître les joueurs et connaître les coachs, des agents… C’est ça qui va vraiment faire la différence, parce que je vais pouvoir apporter ça et me démarquer des autres membres du staff.

 « Je vais essayer d’apporter une touche européenne à Murray State »

Avez-vous déjà pu observer des différences majeures entre les approches américaines et françaises en matière de coaching, de gestion d’équipe ou de développement des joueurs ?

Oui. De ce que j’ai vu, les coachs américains sont beaucoup plus dans le positif. Je ne dis pas que tous les coachs français sont ceux qui se basent seulement sur le négatif, mais on (aux USA, NDLR) cherche d’abord à mettre le joueur en avant, à l’encourager au quotidien, et ensuite à travailler ses faiblesses. Même le staff, on essaie de vraiment créer un groupe, on est tous ensemble, on travaille tous pour un projet commun. Après, ça a déjà des côtés négatifs aussi : c’est beaucoup moins honnête. La vérité prend plus de temps à arriver. Donc parfois, quand il y a besoin d’entendre du négatif, ils ne vont pas être capables de le dire.

Quelle est votre philosophie du basket aujourd’hui ? Y a-t-il des principes de jeu, de gestion ou de formation qui vous tiennent particulièrement à cœur ?

Clairement, je vais essayer d’apporter une touche européenne, avec beaucoup de jeu sans ballon. L’avantage, c’est que le coach n’est pas un stéréotype de coach américain qui va faire que du un contre un, que du jeu basé sur l’individuel. L’objectif, c’est vraiment de créer un collectif, d’avoir beaucoup de jeu sans ballon aussi. Un jeu avec une touche de modernité, qui met l’accent sur le shoot à trois points, et qui met un peu de côté le shoot à mi-distance. Et vraiment, beaucoup de jeu sans ballon. Un jeu collectif, une équipe qui joue ensemble. C’est vraiment ça qu’on va essayer de créer.

Comment allez-vous la compléter avec la vision américaine ?

On va travailler collectivement, créer un groupe, mais tout en mettant l’accent quand même sur la progression individuelle et sur le fait de progresser dans son rôle, pour que l’individuel puisse apporter au collectif.

« Les moyens qui sont mis en place , c’est juste dingue. » 

Comme je vous l’ai vaguement évoqué dans mon message LinkedIn : on observe une tendance — de plus en plus de jeunes Français tentent l’aventure NCAA, que ce soit comme joueurs ou encadrants. Selon vous, que dit cet exode du système sportif français ? Est-ce un problème ou une opportunité ?

Pour moi, je vois plus ça comme une opportunité, parce que c’est une catégorie d’âge où, en France, tu peux vite tomber dans un creux où tu étais au-dessus du niveau Espoirs, mais tu n’es pas assez bon pour jouer en pro. Donc certains vont partir pour avoir un encadrement, vivre une expérience. Et surtout, je pense que c’est révélateur du manque de possibilité de faire des études en même temps que le sport.

Et aussi, on ne va pas se mentir, c’est l’opportunité de vivre cette expérience-là et de jouer devant des dizaines de milliers de personnes, alors qu’en Espoirs tu joues devant 30-40 personnes. Là, à chaque match, le gymnase sera rempli, toute la ville sera derrière l’équipe. C’est surtout la culture du basket là-bas qui est différente de celle en France. Il y a beaucoup moins d’engouement, même si ça évolue énormément ces dernières années.

Men's Basketball - Murray State University AthleticsLa salle de Murray State peut accueillir plus de 8500 personnes. Crédit : Murray State

La NCAA attire souvent les regards pour son intensité, son professionnalisme, et ses débouchés. Quels aspects de cette structure vous fascinent le plus aujourd’hui ?

Les moyens qui sont mis en place pour les jeunes, c’est juste dingue. Tu as des staffs pros où il y a trois ou quatre personnes qui seront là pour t’aider : le coach principal, les deux assistants, un troisième assistant parfois, et un préparateur physique. À Murray State, on est 17 dans le staff.

Et c’est la grande différence avec la France ?

Vraiment, c’est ça la grande différence. C’est que tu as un spécialiste pour tout. Tu as toujours quelqu’un qui sera là. Même si ça commence à se répandre de plus en plus. En France, il y a des équipes professionnelles qui ne peuvent pas s’entraîner quand elles veulent parce que le gymnase ne leur appartient pas. Alors qu’aux États-Unis, si tu as envie de t’entraîner, il est 3 h du matin, tu viens, tu appelles un assistant, tu allumes les lumières et vous vous entraînez. C’est surtout ça : le staff est beaucoup plus conséquent. Les moyens investis sont beaucoup plus importants. On peut parler de plus de 2 millions d’euros pour des petites facs.

Quelles sont vos ambitions à moyen terme ? Vous voyez-vous construire votre carrière aux États-Unis ou revenir transmettre ce que vous avez appris ici ?

L’ambition, c’est toujours de gagner, de réussir à créer un collectif. C’est une nouvelle équipe, avec beaucoup de nouveaux joueurs, un nouveau coach, un nouveau staff. Tout est nouveau, en réalité. Donc notre premier défi, ce sera de créer un collectif. Et pour moi, si on réussit à atteindre cet objectif, le reste viendra tout seul.

Et à long terme ? Vous voyez-vous construire votre carrière aux États-Unis ou revenir transmettre ce que vous avez appris ici ?

Je pense qu’il me faudrait une très grosse opportunité pour revenir en France. La seule contrainte que j’aurais, c’est la vie aux États-Unis. Ça dépendra de ma vie là-bas, mais aussi si, du côté personnel, ça se passe bien. Il me faudrait une énorme opportunité pour que je revienne en France

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