Co-leader de l’Euroleague avec 11 victoires et 6 défaites, Monaco a pourtant connu un début de saison contrasté. Mais depuis l’arrivée de Spanoulis au coaching, l’équipe a évolué. Au point de devenir un des favoris pour la qualification au Final Four.
Une attaque plus collective et rapide
C’était l’une des ambitions affichées d’entrée par Vasílis Spanoulis, à savoir proposer un jeu plus collectif. Ce qui est logique compte tenu du fait que Monaco était l’une des équipes à faire le moins d’assists en Euroleague. Or dès la première rencontre contre le Panathinaïkos, on a vu une équipe complètement métamorphosée. Avec 26 assists, Monaco a battu son record de la saison (détrôné depuis par les 28 contre le Bayern). C’est d’ailleurs quelque chose dont le nouveau coach a immédiatement discuté en conférence de presse.
Quand je suis arrivé à Monaco, je leur ai dit qu’avec le talent dont ils disposent, ils doivent partager davantage le ballon. Nous étions l’un des plus faibles [du championnat] en termes de passes décisives. Il faut donc créer, jouer ensemble et créer un environnement propice à la victoire.
Spanoulis, via Euroleague TV
En termes d’assists par rencontre, Monaco est passé de la 14e à la 2e place de l’Euroleague avec 22,7 passes décisives par rencontre, contre 16,0 quand Saša Obradović était le coach. On observe également une tendance similaire au niveau de l’AST%, puisque les Monégasques sont passés de la 16e à la 3e plus haute moyenne depuis ce changement d’entraîneur (de 54,1% à 69,4%). Cela est d’autant plus intéressant que, dans le même temps, c’est toujours l’équipe qui perd le moins de ballons par match, tant en volume qu’en pourcentage.
Si un joueur a bien modifié son jeu, c’est bien Mike James. Depuis l’arrivée de Spanoulis, le meneur américain a réduit sa charge offensive, notamment au scoring, pour impliquer davantage ses coéquipiers. Il a par exemple réalisé deux performances à 10 et 12 assists contre le Panathinaïkos et l’Olympiacos.
L’adaptation de Mike James illustre à la perfection le changement dans l’approche des leaders de l’équipe. Autrefois créateurs sur des phases statiques, ces derniers sont désormais davantage impliqués dans des démarquages off-ball, recevant la balle en mouvement après des zooms action par exemple. Cela permet notamment d’avoir une attaque moins statique, et donc moins prévisible.
Bien évidemment, le jeu de Monaco repose principalement sur l’efficacité du pick-and-roll. Et Spanoulis aurait tort de s’en priver tant James et Elie Okobo sont des maestros sur ces situations. Le fait de leur permettre de jouer davantage de PnR en mouvement leur permet d’être encore plus dangereux, ce qui profite à l’ensemble de l’effectif.
Un autre aspect important de l’évolution de Monaco est l’attaque de closeout des role players. En effet, alors qu’on avait l’habitude de voir beaucoup de drive-and-kick, on remarque que Spanoulis demande de punir les stunts adverses en étant agressif sur drive plutôt que de prendre un jumpshoot. On a vu des joueurs comme Jordan Loyd être efficaces dans ces situations, que ce soit pour finir dans la raquette (62% ; 57e centile) ou pour accentuer le décalage en trouvant un autre coéquipier démarqué.
Ce mouvement offensif permet notamment de corriger l’un des problèmes majeurs de l’ASM ces dernières saisons : le spacing. Sans pour autant avoir métamorphosé l’équipe en termes de fréquence à trois points, le coach grec propose des schémas offensifs avec une meilleure occupation du terrain, facilitant l’accès et l’efficacité près du panier.
Enfin, l’autre souci majeur des Monégasques jusqu’ici était cette incapacité à jouer rapidement. Sous Obradovic, l’équipe était adepte du demi-terrain, avec assez peu de transition. Or Spanoulis est à contre-courant et demande à ses joueurs de courir dès la récupération du ballon, notamment après un panier raté de l’équipe adverse. Et cela se matérialise dans les chiffres, puisque Monaco est passé de 9% à 13% de panier marqué en transition depuis la nomination de la légende grecque !
Cette tendance se remarque surtout en première mi-temps, où l’équipe du Rocher a l’habitude de proposer un rythme de jeu très intense, affichant d’ailleurs la 2e pace la plus élevée. Il reste pourtant encore du travail pour Spanoulis, puisque son équipe possède la dernière pace en seconde mi-temps.
Comme quoi, fuyez le naturel, il revient au galop…
Une amélioration défensive
De ce côté-là du terrain, il n’a pas réellement révolutionné son équipe, s’appuyant sur des préceptes déjà assez efficaces jusqu’ici. En effet, Monaco est l’une des équipes qui propose les schémas défensifs les plus agressifs, que ce soit en blitzant le porteur de balle ou en faisant des hedges pour protéger Donatas Motiejūnas sur pick-and-roll. Ce n’est d’ailleurs pas étonnant si c’est l’équipe qui inflige le plus de pertes de balle à ces adversaires (1er au TOV% provoqué).
Monaco est également une équipe qui réalise beaucoup de switchs de manière à ne pas concéder de décalage. Si cela est plutôt efficace, notamment pour défendre les tirs extérieurs, il n’en reste pas moins une stratégie qui présente des limites. Cela est notamment observable aux rebonds, où l’équipe a été mis à mal à plusieurs reprises, notamment contre le Pana. Mathias Lessort s’est régalé en finissant la rencontre avec 22 points et 11 rebonds, dont 4 offensifs.
Les Monégasques sont par ailleurs une équipe assez agressive sur les closeouts. L’objectif est en effet de forcer l’équipe adverse à prendre soit un tir contesté, soit à driver vers le cercle. Cela semble fonctionner pour le moment, puisque les adversaires de Spanoulis ne shootent qu’à 32,3% à trois points (5e meilleure moyenne depuis sa nomination).
Et en cas de drive vers le panier, les défenseurs off-ball viennent beaucoup en aide afin de forcer une autre passe, et donc de ne pas concéder de panier facile. On verra néanmoins si cette stratégie sera efficace à long-terme, surtout que cela force Monaco à faire des rotations, offrant des mismatchs ensuite.
Cette défense aggressive de Monaco se manifeste surtout sur le backcourt, où l’on a une équipe très haute pour gêner la mise en place adverse. Cela permet notamment de créer le chaos dans l’attaque adverse, exploité par la suite sur transition. Si Matthew Strazel a déjà prouvé qu’il était très bon sur le point-of-attack, d’autres joueurs ont émergé, à commencer par Terry Tarpey.
— Lukas (@Lukas_Fkw) December 22, 2024
Ce dernier est l’incarnation de cette volonté, lui qui profite à merveille de l’absence d’Alpha Diallo pour se montrer à son avantage. Grâce à sa mobilité latérale et ses lectures, le Franco-Américain provoque de nombreuses pertes de balles, comme contre le Bayern où il a été partout, que ce soit on-ball ou off-ball. Il excelle à la fois dans la dissuasion des lignes de passes et dans la circulation des écrans.
Enfin, Monaco est une équipe qui accorde assez peu d’importance aux rebonds offensifs. L’objectif est avant tout de privilégier le repli de manière à ne pas concéder de panier facile en transition. Une stratégie qui paie, puisque Monaco affiche la 3e meilleure défense d’Euroleague depuis la nomination de Spanoulis.
Quelle est la suite ?
Malgré son inexpérience à ce niveau, Spanoulis semble faire l’unanimité dans le vestiaire monégasque. La légende grecque est parvenue à fédérer un groupe qui semblait perdu, affichant par exemple le meilleur net rating à la mi-saison.
Il est bien évident que tout n’est pas encore parfait dans le jeu de Monaco, en particulier en attaque où l’on peut regretter que l’équipe ne prenne pas davantage de tirs à trois points, nuisant par conséquent à son spacing. Si la défaite contre le Real Madrid est une déconvenue, l’équipe n’ayant jamais vraiment été dans le coup dans la rencontre, cela s’apparente pour le moment davantage à un accident de parcours. Les belles victoires contre le Panathinaïkos, le Bayern Munich et le Fenerbahce tendent d’ailleurs à confirmer cela.
Ce n’est d’ailleurs pas une surprise si Monaco est actuellement en tête de l’Euroleague (à égalité avec Paris), surtout que l’équipe possède le meilleur net rating de toute la compétition !
Comme je l’ai dit à mes joueurs, s’emparer de la première place nous a peut-être fait penser que nous étions une super équipe. Nous avons été un peu trop arrogants à penser que l’on pouvait gagner sans vraiment jouer au basket. On est retombé dans nos mauvaises habitudes et il s’est passé ce qui devait se passer…
Spanoulis via BeBasket
Il sera intéressant de voir comment Spanoulis parviendra à intégrer Nick Calathes à cet effectif. Le légendaire meneur grec devrait normalement revenir début janvier de sa blessure au genou contractée en début de saison.
Des questions se posent néanmoins concernant sa complémentarité à l’effectif actuel. Il est en effet un créateur qui a besoin d’avoir la balle en main pour être efficace, en particulier sur demi-terrain. Il sera alors de voir comment il fonctionnera aux côtés de Mike James et Elie Okobo, qui sont tous deux des joueurs avec des usages importants (respectivement 91e et 84e centile à l’USG% en Euroleague). Je ne serais personnellement pas étonné de voir de nombreuses lineups à trois guards.
Avec 3 victoires en 4 matchs en championnat – la défaite étant survenue contre le Paris Basketball – Monaco doit rattraper son début de saison manqué. Mais avec son bilan de 8-4, l’équipe qui pointe actuellement à la 6ᵉ place de la Betclic Elite devrait vraisemblablement être de la partie pour la Leader Cup qui se jouera à Caen le week-end de la Saint-Valentin. Une occasion parfaite pour juger Spanoulis dans des matchs à gros enjeux.
Le calendrier à venir se montre plutôt clément pour l’équipe monégasque, qui ne rencontrera qu’une seule équipe du top 6 en Euroleague jusqu’au mois de mars. L’occasion parfaite pour Spanoulis de continuer à développer son système, tout en (ré)incorporant les blessés à cet effectif qui vise à minima une place au Final Four à Dubaï.