Les Philadelphia 76ers sortent d’une fin saison frustrante, avec un record all-time de 54 cinq majeurs alignés différents sur une saison, des matchs où 94% de la masse salariale était à l’infirmerie, et seulement 4 victoires depuis le All-Star Game. Au cœur de ce marasme sous anxiolytiques, une lueur : le pick 3 de la draft 2025. Mais comme souvent dans la ville de l’amour fraternel, rien n’est simple.

Cet article a été écrit par Douanier Médoc.

Une lottery sous haute tension

Pendant quelques minutes, tout le petit monde de la NBA a retenu son souffle. La lottery, événement le moins mis en valeur de la Grande Ligue avec un show de 25 minutes montre en main, allait se tenir. Quatre tirages de quatre boules aléatoires allaient déterminer qui aurait le privilège de choisir en premier Cooper Flagg, le plus grand prospect américain depuis Zion Williamson. Le Jazz, les Wizards, les Hornets et les Pelicans étaient sur les starting blocks avec les 76ers à la loterie et avaient des chances supérieures de capturer le drapeau.

La seule incertitude avant le tirage tombe évidemment pour les 76ers. La possibilité de perdre ce pick, planait au-dessus de la tête des fans à cause d’un trade datant de 2020 — Danny Green contre Al Horford (encore lui). Ce transfert avait laissé au Thunder le premier tour de draft protégé top 6 en 2025, puis top 4 en 2026 et 2027, avant de se transformer en second tour en 2027 si jamais le pick ne tombait jamais. C’est quasiment mission impossible que ce pick ne soit pas envoyé à OKC à l’avenir. Mais le plus tard sera le mieux, surtout lors de la première fois en 10 ans que les 76ers ne sont pas en playoffs.

C’est avec toute cette tension électrique que la loterie a débuté et … Les 76ers ont été annoncés à la septième place (synonyme de perte du pick) puis dans le Top 4, la pièce est finalement retombée du bon côté après des excuses en direct de l’annonceur. Cet imbroglio a fait, en partie, oublier aux fans que presque toutes les autres équipes attendues dans le top 4 ont été déçues. Après une courte page de publicité, et de changement de slip pour les Pennsylvaniens encore tout ébahis d’avoir eu enfin de la chance, deux équipes au potentiel de play-in cette année se sont retrouvées aux picks 1 et 2, les Mavs et les Spurs. Il n’y aura pas de Cooper Flagg pour Philly mais un soulagement et un répit de courte de durée.

La Draft 2025 : sans hiérarchie claire

En temps normal, décrocher un pick top 3 est une aubaine. Mais 2025 n’est pas une année comme les autres. Sans surprise Cooper Flagg est attendu en numéro 1 et son concurrent direct Dylan Harper sera attendu en numéro 2. Ce sont des choix logiques au talent et on va éviter de parler de Len Bias ou de Markelle Fultz pour ces deux joueurs, ce sont les prospects suivants qui nous intéressent. Et quel champ de mines.

À première vue, le pick 3 semblait tout tracé pour Ace Bailey, considéré comme le favori des Sixers, et même le protégé de Paul George, qui l’annonçait au-dessus de Cooper Flagg dans son podcast. Mais les premiers retours du Draft Combine au matin de la loterie ont considérablement refroidi l’ardeur des GMs : annoncé à 6’10, Bailey n’a finalement été mesuré qu’à 6’8, réduisant sa polyvalence défensive tant attendue. Pire encore, ses entretiens avec les franchises n’ont pas rassuré. On parle d’un tempérament plus proche de la tête brûlée d’un jeune Anthony Edwards qui n’est pas forcément aligné avec la culture de travail que les Sixers tentent de construire autour de Jared McCain, Adem Bona ou Justin Edwards.

Dans une cuvée déjà réputée pour son manque de star évidente, les Sixers doivent désormais trancher entre une galerie de profils imparfaits, chacun soulevant autant de promesses que d’interrogations. VJ Edgecombe, par exemple, possède un physique défensif explosif sur les postes 2-3, mais reste une énigme sur son développement offensif entre un Jimmy Butler et un Oladipo. Kon Knueppel, lui, est un role player intelligent, doté d’un bon tir et d’un excellent QI basket, mais son manque d’explosivité interroge et pourrait poser problème au plus haut niveau.

D’autres noms sont aussi à apercevoir dans les différentes mock draft qui pourraient prétendre à ce pick 3 : Collin Murray-Boyles, perçu comme le “potentiel Draymond Green” de cette draft grâce à sa polyvalence défensive et sa lecture du jeu, à condition qu’il parvienne à développer un shoot crédible. Derik Queen, intérieur offensif talentueux, souffre de son manque de mobilité latérale, notamment sur les premiers pas défensifs. Khaman Maluach, le pivot sud-soudanais de 2m16, impressionne par sa taille, sa mobilité et son toucher, faisant inévitablement penser aux débuts de Joel Embiid, mais reste encore brut dans sa compréhension du jeu. Enfin, cocorico, le Français Noah Essengue, joueur complet de l’équipe d’Ulm, véritable 6’10 mobile, a séduit plusieurs scouts par son activité des deux côtés du terrain. Il lui manque encore un tir extérieur régulier, mais le potentiel est réel.

Enfin, certains meneurs talentueux sont volontairement laissés de côté dans cette analyse, non pas par manque de qualité, mais en raison du contexte spécifique de l’effectif. Des profils comme Kasparas Jakucionis, mesuré à 1m95 au Combine, séduit par sa vision de jeu fluide et son aisance balle en main. À court terme, il projette comme un gestionnaire en sortie de banc, mais son profil de créateur intelligent à taille NBA pourrait évoluer en premier attaquant crédible s’il progresse physiquement et dans les petits espaces, ou Jeremiah Fears, joueur capable de jouer efficacement le pick and roll et de contribuer des deux côtés du terrain, n’ont pas été mis en avant ici. La raison de ces omissions ? Tyrese Maxey (24 ans), entre dans son prime, Jared McCain (20 ans), potentiel Rookie of the Year avant sa blessure, et Quentin Grimes (24 ans), l’espoir dans une fin de saison atroce, semblent déjà poser les fondations du backcourt des prochaines années à Philadelphie.

Choisir ou ne pas choisir en 3 ?

Dans ce flou artistique, Daryl Morey, peu habitué à drafter aussi haut, va devoir trancher dans une draft sans leaders évidents, où les scouts eux-mêmes peinent à s’accorder. Et dans un contexte où la fenêtre de titre pourrait se refermer très vite, faire le bon choix au pick 3, ou choisir de le monnayer, pourrait tout changer pour les Sixers.

Il faut le rappeler : depuis son arrivée, les Sixers version Morey n’ont jamais pu choisir dans le top 15, et cela ne les a pas empêchés de faire mouche. Les choix récents, Jared McCain (16) Adem Bona (41) et Justin Edwards (Non-drafté), sont aujourd’hui perçus comme de véritables réussites à bas coût, capables de contribuer en rotation malgré leur statut de picks hors de la loterie.

Cette compétence à dénicher de la valeur parmi les erreurs des autres managements pourrait de nouveau arriver, que ce soit pour renforcer l’effectif en cas de trade ou pour descendre à la draft avec des franchises se sentant lésées par un système de tanking infructueux. Ce pick 3 potentiellement alléchant pourrait se transformer en cheval de Troie le jour de la draft.

La pression du CBA et les opportunités qui en découlent

Avec déjà plus de 144 millions garantis sur 2025-2026 (sans compter les 16,79 millions des player options de Drummond, Oubre et Gordon), et des contrats massifs comme ceux de Joel Embiid, Tyrese Maxey et Paul George, le front office doit naviguer en eaux peu profondes de ce nouveau CBA.

Même si le salary cap devrait augmenter d’environ 10 % par an d’ici 2029 grâce aux nouveaux contrats TV, les règles durcies autour des « aprons » (seuils financiers limitant la flexibilité des équipes) commencent déjà à faire sentir leurs effets en playoffs. Certaines franchises en payent le prix fort : entre la blessure de Jayson Tatum au moment critique de son extension aux Celtics, ou le titre de Défenseur de l’Année 2025 qui a alourdi la masse salariale des Cavaliers au point de les mettre dans une impasse financière.

Pour une franchise qui n’a jamais payé la luxury tax depuis l’arrivée de Josh Harris en 2011 cela semble presque irréaliste d’imaginer un changement au niveau de la direction. Le premier apron 2025-26 à 195 millions de dollars sera la cible du management à éviter de dépasser avec idéalement 34 millions à dépenser pour cet été.

Or, un pick numéro 3 coûte plus de 9 millions la première année de contrat, une somme non négligeable dans un effectif qui vise le titre dès maintenant. Surtout que le management doit se retrousser les manches sur les potentielles prolongations de Grimes (RFA) et Yabusele (UFA) cet été.

Les rumeurs s’intensifient à juste titre autour d’un trade down, que ce soit sportivement comme annoncé précédemment ou pour créer de la place financière pour resigner les agents libres, par plusieurs manières différentes comme dumper plusieurs joueurs expirants en 2026, voir même dans des scénarios extrêmes où le pick serait intégré à un package pour Paul George. Ces options montrent que le pick semble être plus perçu comme un levier qu’un joyau, à manipuler avec soin. Surtout attention à ne pas enclencher le bouton rouge involontairement.

Qui veut venir à la table du poker menteur ?

Plus que jamais, l’intersaison s’annonce étouffante à Philadelphie. Si la loterie a évité le pire, elle n’a pas dissipé les nuages. Le projet Morey reste en quête d’un équilibre, entre compétitivité immédiate et construction d’un noyau plus jeune autour d’Embiid, Maxey et PG. Les prochaines semaines diront si ce pick 3 restera bel et bien en Pensylvannie.

Le soir de la loterie, Daryl Morey, s’est voulu rassurant en déclarant que « le plan est de garder ce troisième choix ». Une affirmation claire, mais à prendre avec une certaine prudence tant le dirigeant est coutumier des coups de Trafalgar et des échanges de dernière minute. l’homme aime tester les limites du marché, parfois avec humour. À la deadline 2024, il a sondé la disponibilité de LeBron James après un post sur les réseaux, avant de se heurter à un non ferme de Pelinka, qui a même demandé Embiid en retour. Même tentative, même réponse avec Durant : refus net. Ces appels audacieux ne sont pas des exceptions dans la méthode Morey, mais bien une partie intégrante de sa stratégie — toujours en quête de la vague, tel un certain Brice. Cette saison, cependant, un virage est annoncé : “L’année prochaine, notre rotation sera de 25 ans ou moins”, a-t-il affirmé, annonçant ainsi une volonté claire d’intégrer la jeunesse au cœur du projet suite à des signatures de vétérans infructueuses.

Dans cette dynamique, les Nets semblent être la destination préférentielle pour ce pick 3, eux qui ont perdu deux places à la loterie et qui cherchent à être agressifs cet été pour attirer une ou plusieurs stars. Avec près de 125 millions de dollars de cap disponible, Brooklyn pourrait se montrer particulièrement actif sur le marché. Un contrat comme celui de Cam Johnson, d’une composition aléatoir avec un salaire dégressif pour 2026 puis une revalorisation en 2027 (23M$ en 2024-25, 21M$ en 2025-26, puis à nouveau 23M$ avant expiration en 2027), représente une option intéressante pour un salary dump, surtout si les 76ers cherchent à se délester d’un contrat plus imposant tout en récupérant de la flexibilité. Cela dit, les player options cumulées à Philly (Gordon, Oubre, Drummond) ne dépassent pas ce montant, ce qui pourrait limiter la nécessité d’un tel dumping.

Attention toutefois à ne pas considérer les Nets comme des vaches à lait : l’affaire Ben Simmons a laissé des traces dans la relation commerciale entre les deux franchises. D’autant plus que Quentin Grimes, qui entrera en restricted free agency, pourrait voir Brooklyn se montrer agressif — au risque de faire monter les enchères pour les 76ers s’ils veulent le conserver à un prix raisonnable.

Un autre joueur de poker menteur à surveiller de près dans cette équation : le Utah Jazz, qui a connu une loterie cauchemardesque. Avec un bilan de 17-65, le pire de la NBA, la franchise du lac salé espérait un retour en grâce avec la dernière star blanche américaine, mais s’est vue rétrogradée de quatre places pour finalement hériter du cinquième choix. Un affront, surtout pour une équipe qui ne peut espérer recruter des talents générationnels seulement par la draft, et non par le marché des agents libres.

Le front office du Jazz est désormais sous pression. Depuis les départs de Donovan Mitchell et Rudy Gobert, la reconstruction avance à petits pas, frustrant une fanbase patiente mais de plus en plus lassée. Si Ace Bailey ou V.J. Edgecombe sont perçus comme des potentiels leaders de demain, le troisième choix des Sixers pourrait représenter un pont d’or. Et Daryl Morey le sait.

Utah possède en plus du pick 5, le pick 21, ainsi que deux choix de second tour cette année. Mais c’est surtout leur arsenal de picks futurs qui pourrait faire pencher la balance : plusieurs choix issus des trades de Gobert et Mitchell, parfois non protégés. Parmi eux, le Premier tour non protégé de Phoenix en 2031 attire déjà les regards, tant la trajectoire des Suns pourrait s’effondrer d’ici là. Un échange structuré autour du pick 5 + un futur premier tour pourrait donc permettre aux Sixers de glisser tout en conservant de la valeur.

Les relations entre le Jazz et les Sixers ont été quelques peu tendues depuis l’été 2023, quand Danny Ainge avait piégé Philadelphie avec une offer sheet de 3 ans pour Paul Reed, incluant une clause inédite : les deux dernières années devenaient garanties si les 76ers atteignaient le deuxième tour des playoffs. Une manœuvre perçue comme un coup bas, qui pourrait compliquer les discussions, malgré l’appétit habituel d’Ainge pour améliorer son équipe.

Et dans un scénario encore plus audacieux, mais rapporté par ESPN, certaines franchises s’attendent à ce que Morey tente de packager Paul George avec le pick 3 pour viser Kevin Durant… ou Lauri Markkanen. Un échange Markkanen–George, combiné à un swap 3 contre 5, paraît néanmoins complexe : Markkanen est le visage actuel du projet Jazz, et les 76ers pourraient difficilement justifier un tel mouvement un an après avoir signé Paul George blessé toute la saison. Mais avec Morey, il ne faut jamais rien exclure, c’est un menteur après tout selon un barbu.

Paul George connaît un début d'aventure très compliqué chez les 76ers. Crédit : Brock Williams-Smith/Getty Images
Paul George connaît une aventure très compliqué chez les Sixers. Crédit : Brock Williams-Smith/Getty Images

Dans ce climat de rumeurs, les équipes qui ont glissé à la loterie, comme les Pelicans ou les Wizards, sont aussi attendues sur le répondeur des 76ers. Tous savent que Philly détient désormais leur dernière carte des 7 familles dans cette draft.

Dans tous les cas, la séance de poker menteur interposé dans les médias avant le 25 juin est belle et bien lancée. Et les 76ers sont globalement en bien meilleure position de force qu’avant la loterie. Les heures d’écrans et de téléphone explosent dans le bureau de la direction des sports des 76ers mais l’asthme et le stress continuent de toucher la banlieue de South Philly. Fraternellement.

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