Adam Silver during NBA Paris Games

Pourquoi la NBA s’intéresse-t-elle au marché européen ?

Le président de la NBA Adam Silver multiplie les sorties médiatiques adressées à l’Europe. Il veut une nouvelle expansion de la grande ligue. Est-ce vraiment réalisable ?

La NBA qui veut s’étendre, ce n’est pas nouveau. Depuis 2019, la grande ligue a lancé un championnat en Afrique : la BAL (Basketball Africa League). À la tête de ce projet, le vice-président de la NBA Amadou Gallo Fall (en charge du département NBA Afrique), et cette nouvelle association repose sur un modèle bien différent de celui de la NBA, même si elle possède une identité graphique similaire. 

La Basketball Africa League a un championnat beaucoup plus court. La saison régulière se déroule dans 6 villes : Le Caire, Dakar, Lagos, Luanda, Rabat et Monastir, avec 12 équipes réparties en 2 conférences.  À la fin de la saison, les équipes s’affrontent une nouvelle fois pendant les playoffs, qui donnent suite au Final Four, qui se déroule à Kigali (Rwanda). 

La BAL, une ligue qui se développe

Plateforme de développement économique pour ces clubs africains, la BAL permet aussi aux « espoirs » des différents pays de se mettre en valeur. La médiatisation du championnat a été réfléchie et est désormais optimisée.  Chaque équipe doit compter dans ses rangs la moitié des joueurs de la nationalité du pays hôte de l’équipe. Par exemple, l’AS Douanes (Dakar) doit avoir dans son effectif au moins 8 joueurs sénégalais.

Petro de Luanda (Angola), BAL champions in 2024
Petro de Luanda (Angola), les champions de l’édition 2024 de la BAL. Crédit : NBA.com

L’image de la BAL s’est exportée dans le monde grâce à des anciens joueurs NBA comme Joakim Noah ou Luol Deng. Ce dernier a été nommé ambassadeur international du championnat à sa création.  En plus des sportifs, le projet a reçu le soutien de l’ancien président des Etats-Unis, Barack Obama, largement impliqué dans le développement des activités de la NBA en Afrique. 

Ce n’est pas tout, car les équipementiers Nike et Jordan Brand ont aussi suivi le mouvement, équipant chacun la moitié des équipes en lice. La BAL entame sa cinquième saison en avril et a déjà bien grandi. La NBA a déjà réussi un bout de son pari : mettre en avant le basketball en Afrique, et éclairer des équipes largement sous-médiatisées dans le paysage du basket mondial de nos jours. 

Ce modèle est une base solide sur laquelle la grande ligue, et l’ensemble des investisseurs peuvent s’appuyer. Mais le marché européen du basketball est très différent et déjà bien médiatisé.

Mais alors, pourquoi l’Europe ?

C’est notamment le cas de l’Euroleague. La compétition majeure en Europe semble s’affirmer de plus en plus comme un incontournable, notamment grâce à sa montée en puissance dans les médias. Alors, cela pose question : la NBA a-t-elle vraiment sa place sur ce territoire ?

Les championnats européens ont des codes biens à eux, avec des principes de jeu loin de ceux pratiqués en NBA. Mais il y a surtout un mode de fonctionnement différent, avec des règles héritées du règlement FIBA, et non du règlement de la ligue nord-américaine. Au vu des différences notables dans la culture basket, mais aussi de la place dans le paysage médiatique des différentes coupes d’Europe déjà présentes (EuroLeague, EuroCup, BCL, FIBA Europe Cup), c’est difficile de concevoir la tenue d’une cinquième compétition intercontinentale. 

Evan Fournier et Elie Okobo
L’EuroLeague, une compétition largement implantée en Europe – IconSport

Cela paraît même contre-productif pour la NBA de développer une énième ligue européenne, alors que d’autres marchés, beaucoup moins développés d’un point de vue international, mériteraient une médiatisation supérieure.  C’est le cas de l’Asie ou de l’Amérique du Sud par exemple. Toutefois la stratégie de la NBA se porte vers l’Europe, en vertu de toutes ces contraintes, avec une raison plutôt logique derrière : le marché européen a déjà fait ses preuves ! 

Les gens se déplacent pour voir les matchs, ce qui facilite la prise de décision pour les dirigeants, qui n’investissent pas dans une zone dépourvue de fans, et surtout d’engouement pour la discipline.  C’est dans cette logique que s’inscrivent aussi les NBA Paris Games. Cela fait quelques années que la grande ligue sonde le marché et surtout l’engouement autour de la tenue de matchs en Europe. Les résultats obtenus, notamment avec l’édition 2025 semble conforter cette opinion.

Alors que l’Europe continue de développer certains des meilleurs joueurs du monde, on estime que les opportunités commerciales ne suivent pas le rythme imposée par le développement du jeu. » – Adam Silver (Conférence de Presse)

Adam Silver souligne le fait que par rapport à la quantité de talents produits sur le sol européen, les investissements entrepris sont insuffisants. Le dirigeant de la NBA estime que le marché européen devrait être enclin à une exposition encore plus prononcée. Et ce notamment d’un point de vue commercial, puisqu’il est largement sous représenté face à l’écrasante domination du football.

De plus, lorsque l’on observe le championnat nord-américain, il est clair que l’Europe a pris une place très importante. Les deux derniers First Pick de la Draft sont français et sur les 6 derniers MVP, 5 d’entre eux ont été attribués à des joueurs qui sont originaires d’Europe (Giannis Antetokounmpo – Grèce, Nikola Jokic – Serbie). La ligue s’internationalise, et l’Europe est le fer de lance de la stratégie de la NBA.

NBA viewership in the US, in China and in Europe

L’Europe représente aussi un marché beaucoup plus jeune, car l’accès aux matchs est assez récent. La jeune génération s’intéresse de plus en plus à la NBA, et cet engouement rend encore une fois l’Europe très attractive aux yeux des Américains

Quand on observe que 57% des personnes qui regardent et suivent la NBA en Grande-Bretagne ont moins de 35 ans, la NBA a tout intérêt à se positionner sur le marché. D’autant plus qu’en Angleterre, il n’y a pas d’équipe engagée en EuroLeague (les London Lions évoluent en EuroCup). Les Européens s’intéressent aussi en majorité au basketball parmi l’ensemble des sports majoritaires aux Etats-Unis. Seule la NFL réalise des audiences intéressantes en Europe, avec la tenue de matchs de saison régulière en Angleterre ou en Allemagne. 

Il faut néanmoins évoquer le fait que la NBA ne s’intéresse pas qu’à l’Europe au sens restreint du terme mais à un territoire un peu plus large qui devrait s’étendre jusqu’aux Etats du Golfe, avec le Qatar ou les Émirats arabes unis.  Ces derniers se voient attribuer des matchs de présaison, qui attirent un public, qui bien que (très) fortuné, semble intéressé. Il s’agit donc d’une sorte de continuité pour la NBA d’approfondir le marché oriental, avec un pays comme l’Arabie saoudite qui figure aussi parmi les grands intéressés d’une ligue européenne.

Alors, quelle composition pour cette NBA en Europe ?

Lors de son passage à Paris, Adam Silver a révélé ses envies européennes, mais a surtout dévoilé que des discussions ont lieu entre le board de la grande ligue et certains clubs européens. Ce sont des clubs déjà implantés dans les ligues européennes existantes, mais aussi d’autres structures sportives bien connues des suiveurs de sport en Europe : des clubs de football.

En France, plusieurs clubs de Betclic ont fait part de leur intérêt pour le projet, notamment l’ASVEL de Tony Parker. Le club villeurbannais est une grande figure du basketball français, avec 21 titres de champion de France et compte en son sein quelques anciens pensionnaires de la NBA (Théo Maledon, Andre Roberson).  Après un léger déclassement à l’échelle nationale et européenne, l’arrivée de la NBA pourrait permettre au club de remonter la pente pour définitivement s’imposer comme un « gros » d’Europe.

Un autre club attiré par cette arrivée de la NBA en Europe est le Paris Basket, un club assez récent qui a connu une ascension fulgurante, vainqueur de l’EuroCup, finaliste de Betclic Elite la saison passée et bien positionné en EuroLeague cette saison (4e/18). Le club s’appuie sur une fanbase jeune et veut incarner un renouveau du basket à l’échelle nationale, avec une DA et un style de jeu propre à l’équipe. S’aligner sur une ligue organisée par la NBA leur permettrait aussi de développer la marque Paris Basket à l’international.

Le Paris Basket, ou la volonté d’incarner la nouvelle génération du basketball au niveau européen – Getty Images

Toutefois la NBA ne s’est pas seulement intéressée aux équipes françaises. Elle semble aussi avoir entamé des discussions avec des grands noms du basketball européen, comme le Real Madrid ou le FC Barcelone, des clubs multi-titrés en EuroLeague. 

Des négociations seraient aussi mises en œuvre avec le Bayern Munich, pensionnaire d’EuroLeague également. En s’appuyant sur de tels clubs, la NBA s’accorde une certaine légitimité à constituer une ligue en Europe, car leur présence assurerait un niveau de jeu et de compétitivité élevé.

Malgré tout, certains exécutifs demeurent réticents à cette idée, estimant que cela constituerait la mort de l’EuroLeague, et du basketball européen comme on l’a connu depuis des décennies.  Il est clair que les clubs qui ne figureront pas dans cette ligue ex-nihilo seront condamnés à une position d’infériorité. Un dirigeant anonyme d’une des meilleures équipes d’EuroLeague s’est par exemple exprimé sur le sujet, à propos des négociations avec la NBA.

They wanted the heart and the head (ils voulaient tout nous prendre) » – Dirigeant anonyme

Mais plus que des clubs de basket, la NBA a aussi contacté des grandes écuries européennes de football, et notamment le Paris Saint-Germain ainsi que Manchester City, des marques développées à l’international, mais aussi d’énormes puissances financières parce que détenues par des fonds qataris et émiratis. 

Le PSG a déjà une certaine expérience dans l’ouverture de section à son nom dans d’autres sports comme le handball ou le judo, mais le réel intérêt pour la NBA est surtout de développer les liens avec les pays du Golfe, qui seront force d’investissement.

Il se peut que face à la prise de position de certains de ces clubs vis à vis de cette nouvelle ligue, d’autres clubs suivent la même route. Le danger peut se trouver à cet endroit bien précis : pour ne pas se retrouver dans le marasme économique d’une EuroLeague éclipsée, les clubs devraient suivre le mouvement. Il faut aussi prendre en compte les candidatures des grandes métropoles du Golfe (Dubaï, Riyad, Abu Dhabi…) qui souhaitent figurer parmi les franchises de cette potentielle ligue.

Il faudra suivre attentivement ce dossier qui sera délibéré par le board dirigeant de la NBA au mois de mars. Si ce projet est accepté, il devrait voir le jour pour la saison 2026-2027, le temps pour la Grande Ligue d’affiner son projet et d’établir un cadre réel dans l’optique de futures négociations avec des partenaires et des clubs européens

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