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Run and Gun#5 – La Passe, pas de chance pour les meneur

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Run and Gun Era est une série d’articles dédiée à une des périodes les plus mythiques de l’histoire de NBA. Quand certains jugent cette époque comme celle des plombiers, d’autres y voient une ère où évolue de véritable dieu du basketball aux talents inégalables. Ces deux camps se trompent. Sortons des jugements péremptoires hâtifs, des mythes érigés sur des statistiques, pour découvrir ce que cache ces années au jeu complètement fou. Aujourd’hui on s’intéresse à la passe et à la malchance des meneurs.

Les Oubliés

La grande majorité des stars de l’ère du Run and Gun qu’on considère comme des monstres du jeu aujourd’hui sont des scoreurs et/ou des rebondeurs. Les meilleurs perfs All Time dans ces deux catégories sont détenus à plus de 80% par des joueurs ayant évolué entre 1957 et 1973. Par contre lorsqu’on évoque les assists, ce chiffre tombe à moins de 15%.

Pourtant on l’a vu dans les épisodes précédents sur le scoring et les rebonds, jouer beaucoup de possessions permet d’avoir des stats folles. Prenons comme exemple Oscar Robertson des Cincinnati Royals. Avec 11.5 passes il détient la 26éme meilleures performances de tout les temps, cependant, il lui a fallu jouer plus de 110 possessions pour arriver à cela.

Autrement dit, pas de grosses perfs à la passe et pas de records pour les meneurs de jeu qui sont en conséquence les parents pauvres du Run and Gun. En n’ayant pas la possibilité de poser des chiffres monstrueux, ils se voient désavantagés et oubliés par l’histoire. Cela prouve bien que les statistiques ont une influence majeure sur la perception que nous avons de cette époque.

Qui se souvient de Guy Rodgers ? Avec 12 points et 8 passes de moyenne dans les années 60, qui peut se rappeler de lui aujourd’hui  ? Rien de grandiloquent, rien qui ne suscite l’étonnement. Donnez lui 12 points et 17 assists et il est assurément cité dans tous les classements. Mais deux facteurs du style de jeu dans lequel il a évolué l’empêche d’avoir ce genre de statistiques. 

L’adresse

Nous le savons, on est moins adroit dans les années Run and Gun. Environ 1.11 points par tirs tentés lors de cette période contre 1.2 lors des 40 années suivantes. Une différence qui peut paraître minime, mais qui pénalise les meilleurs distributeurs. On ne cherche pas l’efficacité en ce temps-là. Même les joueurs maladroits ont leurs tickets shoots.

Par exemple, Bucky Bockhorn des Cincinnati Royals, peut prendre jusqu’à 15 tirs par rencontre en étant un piètre shooteur. Dans ce contexte, une passe lumineuse de Robertson à plus de chance d’être gaspillée que dans n’importe quel autre ère de la NBA. 

Il est même quasiment impossible de savoir quelle aurait pu être la moyenne de ces passeurs dans un contexte plus favorable. Beaucoup de meneurs tournent aux alentours des 5 passes par rencontre. Ce qui peut sembler honorable sans être fou.

Alors qu’il est probable que certains de ces joueurs soient en réalité bien meilleurs dans ce domaine. C’est le flou total et cela rend compliqué de les estimer à leur juste valeur. Il est alors peu surprenant de voir que bon nombre d’entre eux sont tombés dans l’oubli. Un autre aspect du Run and Gun n’aide pas à ce qu’on se souviennent d’eux.

la passe
Guy Rodgers, Lenny Wilkens, Jerry West. Des passeurs bien meilleurs que ce que laisse transparaître leur production statistique.

Me, Myself and I

Courir et tirer, tel est le leitmotiv de cette ère complétement folle. Lorsqu’un joueur récupère le ballon dans sa zone, il doit chercher le moyen le plus rapide d’aller de l’autre côté du terrain. C’est grâce à cela que Wes Unseld réussit à être un des très bon passeur de son temps chez les intérieurs. Il devient même une référence en la matière avec ses rebonds qui se transforment en longues passes vers un partenaire démarqué.

Le premier à faire cela avec génie est pourtant un meneur de jeu. En effet, Oscar Robertson qui est capable d’aller chercher plus de 10 rebonds par rencontre a pour coutume d’envoyer de longues transversales qui trouvent un de ses coéquipiers. De quoi avoir une assist facile, mais pas suffisant pour enregistrer des moyennes phénoménales. 

Car l’autre moyen d’arriver à grande vitesse dans le camp adverse et de simplement mener la contre attaque seul. C’est que font beaucoup de joueurs qui foncent têtes baissées pour faire la nique en ne laissant pas le temps à la défense de se replier. S’ensuit un tir plus ou moins compliqué, mais ce genre d’action ne génère aucune assist. C’est pourquoi le Run and Gun est la période la moins prolifique dans cette catégorie (sur 100 possessions). Une grande partie du jeu est en réalité très individualiste. 

D’une part, ses fast breaks qui excluent bien souvent les meneurs et d’autre part une sélection de tirs souvent douteuse. On pull-up dans tous les sens, et une fois de plus c’est une action qui ne génère pas de passes décisives. Il existe bien certains systèmes de jeu, on a déjà parlé du Pistol pour ne citer que lui. 

Cependant, on voit les actions individuelles se répéter encore et encore et même si l’adresse n’est pas au rendez-vous. La priorité absolue est de tirer vite, au détriment du jeu collectif et de l’altruisme. On est encore loin du Beautiful Game des San Antonio Spurs de 2014. 

Conclusion

Ainsi, il est normal que parmi les trois catégories statistiques principales de l’époque, la passe décisive soit la seule à ne pas avoir son record établit dans l’ère du Run and Gun. Il y a eu les 100 points et les 55 rebonds de Wilt Chamberlain qui sont certainement imbattables pour l’éternité. Mais les 28 assists de Bob Cousy et Guy Rodgers se sont vus égalées et détrônées plus d’une fois. C’est Scott Skiles qui en 1990 s’offre le record avec 30 offrandes face aux Denver Nuggets de Paul Westhead. 

Le petit meneur à la calvitie prononcée profite de l’adresse de ses partenaires (57%) pour réaliser cette performance. Mais il est également favorisé en jouant contre les Nuggets. Paul Westhead qu’on a déjà cité est un gourou du jeu rapide. Il ne parle pas de Run And Gun, il appelle cela le « système ». Ce match historique entre Orlando et Denver se joue en 125 possessions, on se croirait en 1962. Ce cocktail de réussite et de Pace permet à Skiles d’inscrire son nom sur les tablettes de l’histoire de la ligue. 

Or, des matchs à plus de 57% d’adresse pour une équipe il y en a des tas lors du Run and Gun. Pour être précis, il y en a eu 193. Des pourcentages hauts, un Pace élevé et pourtant pas de marque légendaire. Tout simplement à cause de l’individualisme ambiant qui règne dans ce style de jeu ou la vitesse d’exécution passe avant la construction pensée d’une attaque. Quand Scott Skiles sert de plaque tournante pour son équipe, on part dans tous les sens dans les 60’s. 

Néanmoins, il n’est pas nécessaire de jouer un nombre faramineux de possessions pour poser un record d’assists. En 1991, John Stockton réussit 28 passes en ne jouant que 82 possessions, ce qui est sans doute le plus bel exploit de l’histoire. Sur ce rythme et sur 115 possessions on atteint les 40 assists.

Si Guy Rodgers avait fait cela, quelle est la chance de le voir dans un classement All Time ? Malheureusement pour lui, il n’a pas eu la possibilité de le faire. Je ne dis pas qu’il mérite une place dans ces ranking en tout genre. Je suis par contre persuadé que beaucoup l’aurait considéré avec bien plus d’attention. 

Les chiffres de l’époque ont bâti des mythes. Un jeu de dupe qui n’a pas servi les meilleurs passeurs de cette période. S’il n’est pas également un scoreur, il n’y a aucune chance de voir un meneur du Run and Gun poser son empreinte sur l’histoire de la NBA. Alors qu’un fort rebondeur, profitant des mêmes conditions pour poser des perfs tronquées mais marquantes, se voient être glorifiés. 

Pourtant les meneurs régalent. Dès que l’occasion d’un fast break se présente, les no-look passes sont de sortie. Pas une seule occasion de faire le spectacle n’est manquée. Ils sont bien souvent adorés par les fans. Comme c’est le cas pour Bob Cousy qui fait se déplacer et lever les foules comme personne en son temps. Le Run and Gun a été ingrat avec les meneurs de jeu, il sera de notre devoir de rendre hommage à certains de ses oubliés de l’histoire dans les articles à venir. 

Il nous reste encore un épisode pédagogique. Dans cet article à venir, on repasse faire un petit tour du côté du scoring avec les pourcentages de réussite et nous allons parler du niveau de jeu. Puis on commence les choses sérieuses en passant en revue les carrières des meilleurs joueurs du Run and Gun en mettant en application tout ce qu’on vient de voir.

43 ans - Rédacteur - Contrairement à ce qui se raconte, je n'ai pas côtoyé George Mikan. Mais je m'efforce de raconter du mieux que je peux l'histoire de la NBA. Avec un gros penchant pour les années 60 et 70. Le bon vieux temps des moustaches et des shorts courts.

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