Il est l’heure du changement à San Francisco. Après avoir dit aurevoir à Klay Thompson, les Golden State Warriors n’ont pas réussi à attirer une star capable de remplacer leur arrière historique. Les dirigeants se sont donc tournés vers des rôles players de luxe, mais est-ce que ce sera suffisant ?
Un été agité à San Francisco
Une page se tourne complètement du côté de San Francisco. Après 13 ans de bons et loyaux services, Klay Thompson n’est plus un Warriors. Si le départ de l’arrière était prévisible compte tenu de la dernière saison compliquée sportivement, il n’en reste pas moins déchirant pour les fans et les membres de la franchise. Il n’avait certes plus le même impact que par le passé – surtout en défense – mais le « Sea Captain » restait quand même l’un des meilleurs shooteurs de la ligue (38,7% de loin l’an dernier).
« Tu vas me manquer Klay. Même si nous ne terminerons pas l’aventure ensemble, ce que nous avons fait ne sera plus jamais fait. Je n’aurais pas pu imaginer un plus beau parcours qu’avec toi et Draymond. Cela a changé toute la Baie de San Francisco. Cela a changé la manière de jouer au basket. Killa Klay était au centre de tout. Merci pour tout mon frère. Pars t’éclater à jouer au basket et fais ce que tu as à faire. Splash Brother à vie. »
Stephen Curry, via Instagram
C’est donc pour compenser son départ que les dirigeants se sont tournés vers Buddy Hield. Le 6e pick de la draft 2016 est l’un des meilleurs shooteurs de l’histoire, tournant par exemple à 40% à trois points en carrière avec 7,6 tentatives en moyenne chaque soir. Malgré son expérience ratée du côté de la Pennsylvanie, l’arrière pourrait tout de même s’épanouir dans le système offensif de Steve Kerr. Il tourne autour des 41% sur les trois points en catch-and-shoot en carrière, avec une pointe à 50,3% en 2018 ! Même s’il est un shooteur plus stationnaire que Klay, il n’en reste pas moins un joueur qui va apporter du spacing à l’attaque des Warriors (12e à l’eFG% la saison dernière).
Kyle Anderson est quant à lui une signature assez inattendue qui va faire du bien au collectif de Golden State. On parle en effet ici de l’un des meilleurs connecteurs de la ligue de par son excellent sens du jeu. Il avait la saison dernière le meilleur ratio de playmaking à son poste, très largement devant le deuxième. Sans oublier qu’il est un bon défenseur à son poste grâce à son bon QI Basket, notamment en second-rideau. Si des doutes subsistent légitimement à cause de son shoot (33,8% à trois points en carrière), il n’en reste pas moins un joueur très intelligent qui sublime un collectif.
De’Anthony Melton représente le pari de l’été de Golden State. Le combo-guard sort d’une saison compliquée à Philadelphie où les blessures l’ont limité tout au long de la saison. Il avait pourtant montré par le passé qu’il pouvait être très bon en tant que ball-handler secondaire, lui qui tournait par exemple à 38,8% à trois points entre 2020 et 2023. Il pourrait être excellent en tant que backup de Stephen Curry, mais pourrait également évoluer à ses côtés afin de le décharger de la création. Cette signature est un joli coup fait par les dirigeants qui récupèrent un joueur qui doit se racheter à un faible coût.
Les cibles manquées
Golden State était l’une des franchises les plus actives cet été. On les a attendus dans presque toutes les rumeurs concernant les All-Stars. Les plus persistantes étaient autour de Paul George et Lauri Markkanen. Le premier a préféré signer du côté de Philadelphie – Golden State étant incapable de trouver un accord avec les Clippers pour un sign-and-trade – le deuxième a quant à lui prolongé du côté de Utah de manière à ne pas pouvoir être échangé avant l’été prochain.
C’est donc pour ces raisons que les rumeurs autour de Brandon Ingram ont (re)fait leurs apparitions au mois de juillet. L’ailier des Pels, en fin de contrat l’été prochain, est l’un des derniers free-agent à haute valeur. On parle en effet ici d’un scoreur assez complet qui a progressé au playmaking pour devenir un joueur très complet. Pourtant, il parait compliqué de le voir à San Francisco de par les exigences de New Orleans ainsi que de son profil qui semble assez difficile à incorporer dans les systèmes de Steve Kerr. Il tentait en effet 58% de ses tirs à mi-distance la saison dernière (99e centile).
Le problème principal des Warriors est la faible marge dont ils disposent, tant salariale qu’au niveau des assets, ce qui les empêche de trouver des accords avec des joueurs et/ou d’autres équipes. Avec une masse salariale à environ 178 millions de dollars, Golden State est tout juste en-dessous du first apron. Mais en dépassant ce cap, la franchise se retrouverait alors complètement bloquée pour faire un trade ou pour signer d’autres joueurs. Sans oublier que pour la 5e saison consécutive, les Warriors paieront la luxury tax à hauteur de 14,6 millions de dollars.
Cette faible marge s’explique également par la faible côte des joueurs disponibles pour des trades. Andrew Wiggins a aujourd’hui une côte très basse du fait de sa saison manquée. Il n’a plus le même impact qu’en 2022 lorsqu’il avait été un acteur majeur du sacre de sa team, lui qui a connu beaucoup de soucis extra-sportifs. Son faible rendement explique la raison pour laquelle il a perdu sa place dans le cinq majeur. Mais il ne faut pas oublier qu’il touchera en moyenne 28 millions par saison jusqu’en 2027, ce qui oblige les dirigeants à trouver d’autres assets à lui associer.
Sauf que justement, ces derniers n’ont pas vraiment d’assets à fournir. On l’a vu par exemple avec Chris Paul puisqu’ils ont été incapables de trouver un trade pour le « Point God », préférant le cut plutôt que de conserver son salaire dans les books. Mise à part les jeunes de l’effectif, aucun joueur n’a une réelle valeur sur le marché, ce qui restreint les possibilités de trade. Et il parait compliqué de voir Mike Dunleavy Jr – GM de la franchise – hypothéquer son futur en échangeant ses picks de draft alors que la franchise n’est plus aussi dominante que par le passé.
Faut-il miser sur des progressions internes ?
Les dirigeants de Golden State semblent être très attachés à Brandin Podziemski et Jonathan Kuminga, qui doivent incarner ensemble le futur de la franchise.
Le premier sort d’une saison rookie très réussie, où il a su se faire sa place dans la rotation grâce à sa capacité à être bon partout. Podziemski est en effet un véritable couteau-suisse très actif aux rebonds (respectivement 97e et 98e au pourcentage de rebonds défensifs et offensifs) et capable d’être un bon passeur en mouvement. S’il doit encore progresser au tir (93 de TS+), il a tout de même montré des flashs intéressants (38,5% à trois points) qu’il va devoir confirmer la saison prochaine.
Kuminga semble quant à lui avoir réussi à passer ce cap mental qui le bridait encore la saison dernière. On sent un joueur beaucoup plus en confiance balle en main pour aller au cercle, où il est très efficace grâce à son physique et à son toucher de balle. Il est par exemple l’un des joueurs qui provoque le plus de lancers à son poste, comme le montre son 16,2% de shooting fouled percentage qui le classe dans le 92e centile (et 142 de FTr+). Il a gagné sa place de titulaire à partir de la mi-décembre, et a réalisé une superbe seconde partie de saison (20,0 points et 5,4 rebonds entre le 12 janvier et le 26 mars).
Ils se sont imposés comme des joueurs indispensables à la réussite des Warriors de par leur capacité à vite jouer en transition. Car oui, c’était bien l’un des problèmes majeurs des Warriors la saison dernière, à savoir leur rythme de jeu. Les Warriors avaient la saison dernière la 26e fréquence de transition ainsi que la 29e efficacité. À titre de comparaison, ils étaient à minima top 12 dans les deux aspects entre 2014 et 2019 !
L’attaque novatrice de Golden State il y a dix ans ne l’est plus aujourd’hui. La ligue s’est adaptée et le jeu en mouvement des Warriors n’est plus aussi bon. On les a vu être mis en difficulté par la pression défensive de Keon Ellis durant le play-in. Steve Kerr a publiquement admis que son plan de jeu ne fonctionnait plus aussi bien que par le passé. C’est donc pour cette raison qu’il s’est entouré de Terry Stotts en tant qu’assistant, lui qui a permis à Portland d’être dans le top 4 à l’efficacité offensive entre 2018 et 2021.
« Portland avait toujours beaucoup de mouvement et de mobilité, mais c’était probablement plus structuré que ce que nous faisions. Terry peut réellement nous aider à mettre en place certaines choses nouvelles qui seraient faciles à appliquer tout en conservant cette mobilité. »
Steve Kerr, via The Athletic
Il ne faut pas oublier la présence de Moses Moody et Trayce Jackson-Davis, âgés respectivement de 22 et 24 ans, et qui ont trouvé leur rôle dans cet effectif. Ils seront deux joueurs à surveiller de par leur profil attrayant et leur capacité à impacter une rencontre autrement que par le scoring. Le succès de Golden State pourrait passer par la progression de ses rôle players.
Est-ce que les Warriors sont contenders ?
C’est la question centrale concernant cette équipe. Si comme évoqué précédemment les signatures de l’été sont intéressantes, elles ne restent pas moins des signatures secondaires, et aucun All-Star n’est venu rejoindre cette équipe. Anderson, Hield et Melton ont certaines qualités intéressantes qui peuvent permettre de sublimer le collectif en place. Sauf que celui-ci n’a pas brillé sur les deux dernières saisons, et en l’état actuel des choses, il parait compliqué de voir les Warriors passer un cap grâce à ces signatures.
Cette incapacité à obtenir des stars les oblige donc à miser sur la progression de leurs jeunes joueurs, mais ont-ils déjà le niveau pour cela ? La question est légitime, surtout quand on voit que Podziemski et Kuminga ne semblent pas avoir encore atteint leur forme finale. Sans oublier que la conférence Ouest sera, comme les années précédentes, d’un niveau ultra-relevé, et qu’il sera difficile d’accrocher les playoffs. N’oublions pas que les Warriors ont fini 10e la saison dernière alors qu’ils avaient remporté 46 matchs !
En l’état actuel des choses, Golden State n’a semble-t-il pas vraiment progressé. Sauf que ne pas s’améliorer, c’est régresser dans cette ligue en constante évolution. Ces deux dernières saisons montrent d’ailleurs que la franchise de San Francisco n’a plus la main mise sur la ligue comme cela pouvait être le cas il y a dix ans.
Cela pose dès lors des questions concernant Stephen Curry, dont le nom revient dans de nombreuses rumeurs depuis son aventure Olympique avec LeBron James à Paris. Le joueur est éligible à une prolongation d’un an et 62,6 millions, ce qui le lierait aux Warriors jusqu’en 2027, mais ce n’est pas encore sûr qu’il accepte. Il a certes toujours clamé sa volonté de faire toute sa carrière au sein de cette franchise, mais il a également exprimé son souhait d’être compétitif, lui qui aura 37 ans en mars prochain. Pas sûr que le chef se satisfasse de ses saisons médiocres dans le ventre-mou de l’Ouest.
Le temps presse pour Golden State, qui doit rapidement retrouver son éclat d’antan sous peine de voir ses ambitions s’effondrer. Les prochains mois seront décisifs pour voir quelle tournure va prendre cette franchise historique, mais cette course contre la montre semble mal partie pour le moment.