Parfois érigée au rang de huitième art dans la catégorie des arts médiatiques, la photographie raconte des histoires sous des angles que seuls les artistes peuvent témoigner. Westcoo fait partie de ceux qui immortalisent ces moments, de ceux qui voyagent au gré des saisons et qui accompagnent les talents de la balle orange. Peut-être n’aurait-il jamais pensé – au moment où il a fait l’acquisition de son premier appareil – accompagner Julius Randle en vacances ou travailler aux abords du parquet du mythique Stade de la Paix et de l’Amitié à Athènes. Peu importe, Westcoo a pris le temps de nous ouvrir les portes de son monde et de nous expliquer sa vision de l’art photographique au service du basketball.
Quelles étaient tes ambitions quand tu as fait l’achat de ton tout premier appareil photo ?
Au début, c’était purement dans le cadre du loisir. À l’époque, j’étais parti en Australie pour un stage de 6 mois et je faisais déjà pas mal de photos à l’iPhone. J’ai réfléchi et je me suis dit que je partais dans un pays incroyable et qu’il fallait que je puisse passer à l’étape du dessus. C’était un appareil qui faisait déjà photo et vidéo.
À partir de quel moment as-tu envisagé le côté professionnel ?
Je l’ai envisagé très brièvement dès le moment où j’ai pris mes premières photos. Je me suis rendu compte que c’était vraiment un domaine qui pouvait me plaire. Il a d’abord fallu que je prenne en main l’appareil, mais une fois que c’était chose faite, l’idée de professionnaliser ce domaine a commencé à naître. Il faut savoir qu’à cette époque, on est en 2017-2018, mais mon vrai lancement est daté à 2021, donc il y a eu un gros gap entre les deux.
J’imagine que “travail” et “opportunités” sont les maîtres-mots quand on souhaite devenir photographe dans le milieu du basket ?
C’est exactement ça. Je ne mettrais pas un des deux mots devant l’autre, les deux sont complémentaires. Tu peux travailler énormément, mais si tu n’arrives pas à te créer des opportunités, ça ne décollera pas, et vice-versa. Pour le reste, je pense qu’il n’y a pas qu’un seul style de photographe dans le basket. Le milieu de la photographie est un domaine très large, et c’est également le cas dans le milieu de la photographie sportive. Il y a des photographes qui bossent uniquement sur du reportage photo pour des journaux, d’autres qui s’apparentent plus à des créateurs de contenus qui travaillent pour des marques ou des clubs, ou encore d’autres qui seront là pour des joueurs. Le panel est très large. Il n’y a pas de recette unique pour faire sa place dans le milieu.
Quelle est ta vision artistique de la photographie ?
Le mot “artistique” est très important pour moi. C’est central dans mon travail. J’ai toujours eu envie d’apporter ce côté artistique dans mes photos. J’étais joueur de handball avant, ce qui m’a permis d’avoir le point de vue du joueur. J’essaye de me mettre à sa place et de comprendre le type de cliché qui l’intéresserait. À chaque match de basket, beaucoup de photographes sont présents, et le but, c’est évidemment qu’on ne sorte pas tous de la rencontre avec les mêmes photos. C’est là que le côté artistique entre en jeu. Chaque personne a sa vision de l’art et j’essaye de transcrire la mienne à travers mon travail.
Dans le sport, il y a un challenge commun, c’est la rapidité avec laquelle nous devons livrer les photos pour les publications derrière. C’est sur ce point que j’essaye de créer la différence. Là où certains photographes envoient leurs photos sans retouches, je prends plus de temps à repasser sur chacun de mes clichés pour que mon travail soit reconnaissable et ressemble à ma vision de l’art et du basketball. Je n’ai jamais envoyé de photos brutes, pour moi, la retouche fait vivre la photo. Alors, je prends le temps tout en travaillant le plus rapidement possible pour que mon livrable soit utilisé dans les délais souhaités par le club, la marque ou le joueur.
La photographie, ce n’est pas que le moment présent, c’est aussi l’après. Au moment où tu shootes, tu t’imagines déjà à quoi ressemblera ta photo après. Pendant un match, je suis focus à 80 % sur le moment, mais aussi à 20 % sur le rendu final.
Tu as vécu des moments d’histoire à travers ton objectif. Est-ce que c’est une façon pour toi de partager ton regard sur ces instants d’émotions ?
L’édit photo fait partie de l’émotion. C’est plus facile quand tu captures un moment déjà historique. Si on prend le dernier match des finales d’EuroCup la saison passée avec Paris, c’est déjà un moment incroyable, mais la retouche photo va donner un aspect émotionnel supplémentaire. En fonction de comment tu la retouches, tu peux transmettre différentes émotions allant de la joie à la tristesse, en passant par un côté un peu plus fun. Les trois quarts des gens pensent que c’est l’appareil qui fait 100 % du travail, alors que non. Là où, dans la vidéo, la musique ajoutée apporte énormément, ta retouche photo, elle, t’est propre, et elle te sert à faire passer des émotions. En tout cas, c’est dans ce cadre que je m’en sers.
“Quand tu travailles pour une entité comme une ligue, tu es seul avec ton appareil photo à devoir choisir quelles émotions tu veux faire passer.”
Pendant que tu travailles aux abords des parquets, as-tu conscience que tes photos sont un témoignage pour le futur ?
Le moment de la prise de la photo est le plus important. Tu peux être le meilleur éditeur et avoir la meilleure retouche, si ta photo n’est pas prise au bon moment, tu en perds l’essence même. Tu es là pour partager l’émotion des mecs qui sont sur le terrain, et c’est une de mes parties préférées dans mon travail. Tu vibres avec eux. Il faut avoir une certaine sensibilité vis-à-vis du moment que tu es en train de vivre pour qu’elle puisse être lisible dans tes clichés. Et il faut savoir jongler. Dans chaque match, il y a une équipe victorieuse et une autre qui a perdu. Les émotions ne sont donc forcément pas les mêmes au coup de sifflet final.
Je vais te donner un exemple. Il y a 3 ans, j’étais prestataire pour la ligue de basket allemande sur la finale du championnat entre Bonn et ULM. Il y avait d’un côté des amis (Mike Kessens, TJ Shorts, Deane Williams…) et de l’autre l’équipe qui finira par remporter le trophée. C’était un moment assez compliqué à gérer émotionnellement. En tant que prestataire pour la ligue allemande, je devais capturer les moments de joie de l’équipe d’ULM, alors que de l’autre côté, mes amis étaient au plus mal après leur défaite. C’est une émotion vraiment particulière.
Quand tu travailles pour une entité comme une ligue, tu es seul avec ton appareil photo à devoir choisir quelles émotions tu veux faire passer. La détresse de l’équipe qui a perdu ? La joie de l’équipe victorieuse ? La tension d’un match accroché ? C’est une équation que l’on ne rencontre pas quand on travaille pour un club, car notre angle dépendra uniquement du résultat de son équipe.
La plupart de tes communications sur tes réseaux se font en anglais. Pourquoi ce choix ?
Aujourd’hui, l’aspect image et branding est beaucoup plus présent chez les joueurs américains. Et les USA, c’est ce qui lead le marché. Nous, les Européens, on suit ce qui se fait de l’autre côté de l’Atlantique. La NBA est la plus grosse ligue de basket au monde, avec le plus de visibilité, le plus d’audience, et donc le plus de moyens à allouer à un domaine comme le branding. Alors, parler en anglais sur mes réseaux, ça me permet déjà de ne pas perdre mon anglais. Même si la plupart des personnes qui me soutiennent sur le digital sont françaises, je sais que mon réseau comprend les communications en anglais. J’ai choisi cette langue par facilité et parce que, à mon sens, les connexions anglaises peuvent plus facilement m’ouvrir des portes au-delà des frontières de l’Hexagone.
Le fait d’avoir des connexions professionnelles à l’étranger ou issues d’autres nationalités joue aussi dans ce choix, non ?
Je bosse avec des joueurs américains, j’ai bossé un petit peu avec des joueurs français, et ce n’est pas du tout la même chose. La mentalité est différente. Les Américains ont vraiment ce mindset de tout faire pour que les choses arrivent. Ils ne parlent pas que de basketball, ils parlent aussi de l’image en mettant des investissements dans ce domaine-là et en engageant des personnes pour gérer leur personal branding. Là où les Français sont un peu plus timides, et où la “peur” du regard des autres est encore un peu trop présente. Donc, quand je bosse pour des joueurs aujourd’hui, c’est essentiellement des joueurs américains, parce qu’ils choisissent d’investir sur eux.
“Avec l’arrivée de la moitié de l’équipe de Bonn dans la capitale à l’été 2023, j’ai eu l’occasion de retrouver des amis proches.”
Tu as passé un an aux côtés du Paris Basketball l’année passée et tu continues à l’accompagner ponctuellement cette année. Quelle est ta vision sur le développement de ce club ?
J’ai appris énormément à leurs côtés. Il y a notamment une différence entre ce que j’avais en tête depuis l’extérieur et ce que j’ai constaté une fois à l’intérieur. C’est incroyable ce qu’ils sont en train de construire. Le sportif est formidable, mais les branches communication et marketing le sont encore plus. C’est grâce à la combinaison de tous ces facteurs que le club a la réussite qu’il a aujourd’hui. Je leur souhaite tout le meilleur et de continuer dans cette croissance.
Après, quand tu vas très vite et très fort d’un coup, c’est compliqué de tenir le rythme sur la durée. Ne pas s’essouffler, se renouveler, que ce soit en termes de communication ou autre. Sur ce point-là, ils ont la chance d’être accompagnés par une agence renommée à Paris. J’ai eu la chance d’apprendre énormément à leurs côtés.
Je n’ai pas accepté ce contrat pour l’aspect financier mais pour l’aspect expérience et émotionnel. Avec l’arrivée de la moitié de l’équipe de Bonn dans la capitale à l’été 2023, j’ai eu l’occasion de retrouver des amis proches. C’était un petit peu comme un coup du destin.
Et j’aimerais terminer cette partie en mettant en avant celui qui m’a permis de vivre cette expérience au Paris Basket : Jeremy. C’est un garçon qui a tout vécu avec le club, qui était là depuis le début. C’est lui qui m’a recommandé après avoir suivi mon travail sur les réseaux. Quand on parlait tout à l’heure de travail et d’opportunité, en voilà un parfait exemple.
Cette expérience a aussi été pour toi l’occasion de faire un pèlerinage du basket…
Le voyage est une partie très importante de ma vie. Alors, l’occasion de pouvoir voyager pour le travail dans le milieu du sport, c’est le jackpot. Je pense que j’ai plus voyagé pour des joueurs que pour des clubs. L’année dernière, je ne m’occupais pas des voyages en EuroCup avec Paris, mais cette année, j’ai eu l’occasion de faire Milan, Munich, l’Olympiakos ou encore la pré-saison en Estonie et en Serbie. L’Olympiakos, c’est la plus belle expérience basket que j’ai pu vivre. La salle est historique, le public est extrêmement bruyant, et le scénario du match est magnifique. T’es en transe dans ce genre de moment. Tu cours partout, t’es concentré, mais en même temps t’as le smile de vivre ce genre de moment. Je suis d’ailleurs assez satisfait de la vidéo que j’ai sortie sur ce match.
Dans ce genre de moment, ce n’est pas trop compliqué de rester focus sur son boulot alors qu’on pourrait avoir envie de profiter du moment présent ?
J’ai le problème inverse. Je suis tellement concentré dans mon travail que je ne profite pas assez de ce qu’il se passe autour. C’est un peu comme les joueurs. Ils sont tellement focus sur le match qu’ils ne ressentent pas toujours l’ambiance du stade. Généralement, je profite avant et après le match, mais pas pendant. C’est impossible de suivre un match de basket quand on fait de la photo et/ou de la vidéo. Le nombre de fois où j’ai été surpris du score en regardant le tableau d’affichage…
Tu es originaire de Saint-Quentin. Quel est ton regard sur la croissance du club ces dernières années ?
Saint-Quentin, c’est spécial pour moi. Le fait que j’avance dans ce milieu en même temps que le club progresse, je trouve ça assez incroyable. J’aurais rêvé pouvoir bosser à temps plein pour Saint-Quentin. C’est magnifique ce qu’ils font quand tu connais les ressources du club. La progression est folle autant sur le plan sportif que sur le plan communication. Les réseaux du club ont vécu un step-up énorme depuis quelques années. C’est beau de voir un club travailler et être récompensé. Il y a des clubs qui s’en sortent très bien sportivement sans que ça suive sur le plan communication, et vice-versa. Je souhaite le meilleur à ce club.
« Julius cherchait un créateur pour l’accompagner durant sa off-season. »
Quels ont été les joueurs qui t’ont marqué au fil de tes collaborations ?
Déjà, celui sans qui rien ne serait possible, c’est Matthieu Missonnier quand il était à Denain. C’est un ami d’enfance à qui j’ai proposé de faire quelques photos, et c’est comme ça que j’ai démarré. Si Mathieu n’était pas là, je ne serais pas là où j’en suis aujourd’hui. Ensuite, le club de Denain m’a fait confiance, et il faut dire que sans eux non plus les choses auraient été différentes.
Après, mon premier contact à Saint-Quentin, c’est Parker Jackson-Cartwright, avec qui on avait des choses en commun, étant donné qu’il venait de Californie et que j’avais passé quelque temps là-bas plus jeune. C’est une personne avec qui j’ai noué des liens particuliers et que j’accompagne encore tous les ans. Il y a eu également William Pfister à Saint-Quentin, qui est devenu un ami, même si nous n’avons pas beaucoup travaillé ensemble. Je pourrais aussi citer des mecs comme Kessens ou TJ Shorts que j’ai rencontrés à Bonn.
Et enfin, il y a Julius Randle. Son agent m’avait contacté après qu’on m’ait recommandé par un photographe en NBA. Il se trouvait que Julius cherchait un créateur pour l’accompagner durant sa off-season. On s’est tout de suite très bien entendus, et il m’a refait confiance l’année d’après. C’est gratifiant pour le travail et le côté humain parce que tu partages des moments de vie avec eux. Il est en vacances, avec sa famille, donc ça traduit une certaine confiance. Je suis super reconnaissant de ce qui m’arrive, et je donne le meilleur dans chaque collaboration.
Qu’est-ce que nous pouvons te souhaiter pour la suite de ton parcours ?
J’ai toujours dit que mon objectif, c’était de photographier en NBA. Je m’en rapproche un petit peu plus chaque année, alors j’attends l’opportunité. Et évidemment de garder ma créativité et cette notion de plaisir dans le travail. Garder la passion.