Dans ce deuxième épisode d’une affaire de famille, on va s’intéresser à certains duos père-fils qui ont marqué la NBA. Aujourd’hui, un point commun pour les pères : être en avance sur son temps.
Les Walton : du coaching et un colosse au pied d’argile
Dans sa carrière de joueur, Luke Walton est principalement relié aux Lakers où il a passé 8 saisons depuis sa draft en 2003. Sur ces huit années, il partage le terrain avec Kobe Bryant, avec qui il remporte deux titres NBA consécutifs, en 2009 et 2010. Mais Luke est surtout plus connu pour ses rôles dans le coaching plus ou moins couronnés de succès. Dès la fin de sa carrière de joueur en 2013, il devient coach spécialisé dans le développement personnel des jeunes joueurs pour l’équipe de D-League des Lakers.
En 2014, il rejoint les Warriors en tant qu’assistant et est donc champion en 2015. A la reprise de la saison 2015-2016, Steve Kerr doit s’écarter de l’équipe pour raisons de santé et c’est Luke qui prend le relais, à 35 ans seulement. Et la suite appartient à l’Histoire. 24 victoires consécutives pour débuter la saison, il est élu coach du mois, bien que les règles NBA stipulent que les victoires sont créditées au coach principal. L’équipe est à 39-4 quand Steve Kerr reprend la main et termine avec 73 victoires, un record NBA. Finalement, c’est bien Steve Kerr qui est élu coach de l’année.

Son intérim séduit le front office des Lakers (encore), qui le signe en tant que nouveau coach principal. Il prend en main une équipe jeune avec du talent, comme Brandon Ingram ou Lonzo Ball. Puis en 2018, arrive un certain LeBron James. Sur cette nouvelle saison, l’équipe propose plutôt de bonnes choses mais les blessures à répétition minent la mise en place d’une continuité.
Durant l’été, juste après le départ de Magic Johson, alors GM de l’équipe, Luke et la franchise s’accordent pour un départ de l’équipe, après trois saisons. Bilan : pas de playoffs et 98 victoires en 246 matchs (40% de victoires).
Il réalise un passage aux Kings durant les années COVID, avec deux années similaires en terme de bilan : 31-41. Après un très mauvais départ sur la saison 2021-2022, il est remercié par Sacramento.Il est désormais l’assistant de J.B Bickerstaff qu’il a accompagné chez les Cavs et maintenant les Pistons.

Son père, Bill Walton, a lui une immense carrière de joueur, ou plutôt devrais-je dire une immense carrière gâchée. C’est une légende du basket universitaire puisqu’il remporte trois fois le titre de joueur de l’année avec UCLA de 1972 à 1974 ainsi que 2 titres NCAA dont une série de 88 victoires d’affilée. Il est prêt pour marquer la NBA.
Logiquement sélectionné en première position de la draft 1974 aux Trails Blazers, il y apporte style inimitable, tant sur le plan physique que dans le jeu. Pivot technique, excellent passeur et défenseur, il est certainement en avance sur son temps. Malheureusement, dès ses deux premières saisons, il est déjà sujet aux blessures à répétition, annonciateur de sa carrière NBA.

Quand il parvient à enchaîner les matchs, Bill est l’un des meilleurs joueurs de la ligue. En 1977, il devient champion NBA en étant MVP des Finales a seulement 24 ans. Il enchaîne en étant élu MVP en 1978 avec 19 points, 13 rebonds, 5 passes et 2.3 contres de moyenne sur la saison suivante.
Puis sur les quatre prochaines saisons correspondant à l’âge de son prime, il ne joue que 14 matchs en 1980 pour les San Diego Clippers, la faute à des fractures à répétition sur son pied gauche. A son retour, il enchaîne trois saisons aux Clippers, en évitant les blessures, puis part aux Celtics, dans un rôle de remplaçant.
Signe de son excellente adaptation à son nouveau rôle, il est élu meilleur 6ème homme à 33 ans. Il remporte également son deuxième titre NBA, avec la légendaire équipe des Celtics de 1986. Son dernier match en carrière est celui face aux Lakers dans la finale perdue 4 à 2 de 1987, avant que son corps ne le lâche définitivement.
Au total, il ne joue seulement que 468 matchs en 14 saisons.
Attendu par certain comme le premier « Great White Hope », il a toujours refusé ce titre. On peut le qualifier d’atypique pour un joueur de cette époque avec des prises de position radicales sur des sujets qui font débat dans la société américaine. Pourtant pas un grand ami des médias durant sa carrière de joueur, il reste proche du basket, en tant que commentateur et analyste à la télévision partir des années 90.
Tragiquement décédé le 27 mai 2024 à la suite d’un cancer il fait partie à vie des 75 greatest NBA player de 2021. Il laisse derrière lui la trace d’un incroyable joueur au potentiel gâché et à la personnalité appréciée de tous.
Les Sabonis : la Lituanie dans la peau
Le père, Arvydas Sabonis, débarque en NBA à l’âge de 31 ans alors qu’il a été drafté 10 ans avant. La raison de sa non-venue est assez simple : l’Union Soviétique ne l’y autorise pas. Arvydas est une montagne de 2,21 mètres et 120 kilos, très complet, capable de tirer de loin, de défendre, véritable machine à rebonds et excellent passeur pour sa taille, il était en avance sur son temps.
Il est tout simplement l’un des meilleurs joueurs européens de l’Histoire en remportant de nombreux titres individuels et par équipe, en Lituanie avec Zalgiris et en Espagne. Difficile de faire l’intégralité de la liste de son palmarès européen, mais il remporte un titre d’EuroLeague en 1995, et est élu joueur européen de l’année 6 fois !
Le père Sabonis est également connu pour son impact en équipe nationale, d’abord avec l’équipe de l’union soviétique. L’équipe remporte les trois trophées majeurs pour une nation : coupe du monde 1982, championnat d’Europe 1985 et Jeux olympiques 1988. Après la chute de l’URSS et l’indépendance de la Lituanie, il représente son pays la Lituanie aux JO de 1992.
L’histoire raconte même que c’est après que les États-Unis ait perdue en demi-finale des JO de 1988 face à l’URSS que les USA décident de créer la mythique dream team. Battu par cette équipe légendaire en demi-finale, ils décrochent le bronze olympique à Barcelone.

En 1995, l’idée émerge d’enfin partir dans la grande ligue américaine. Toujours lié à Portland, le GM Bob Whitsitt souhaite que les médecins américains analysent le corps de Sabonis. Réponse du médecin :
Il a dit qu’Arvydas aurait pu prétendre aux places de parking destinées aux personnes handicapées simplement en se basant sur les rayons X. »
Marqué par des blessures à répétition, Arvydas ne jouera jamais à 100% en NBA. Ses blessures remontent à 1986, où il est victime d’une grosse entorse à la cheville. Quelques mois plus tard, il se rompt les ligaments croisés et revient avant d’être totalement rétablit pour aider son équipe à remporter le titre national. Peu de temps après, il subit la même blessure. Après un an, et à l’approche des JO de 1988, l’URSS annonce que Sabonis fera partie de l’équipe alors qu’il n’est toujours pas remis entièrement.
Le résultat sportif on le connait, mais sur le long terme, on peut légitimement se poser la question de l’impact de ces retours prématurés sur la santé du pivot lituanien.
En NBA, il jouera tout de même 7 saisons pour Portland dans une équipe équilibrée et ambitieuse qui ira tous les ans en playoffs. En 2000, les Trail Blazers sont proches de sortir les Lakers de Kobe et Shaq, mais s’inclinent au match 7 des finales de conférence. Dans sa courte carrière américaine, il joue 470 matchs avec des moyennes de 12 points, 7 rebonds et 2 passes, en dessous de ce qu’il proposait en Europe.

Aurait-il dominé en NBA comme il a dominé en Europe s’il était arrivé plus tôt ? Très certainement mais impossible de répondre avec certitude : c’est là une bonne définition de ce qu’est un what if.
L’arrivée aux États-Unis marque aussi un nouvel événement pour la famille avec la naissance son troisième fils, le 3 mai 1996 : Domantas Sabonis.
Domantas suit son père et retourne en Europe où il effectue ses débuts professionnels en Espagne. Puis il rejoint la NCAA et Gonzaga, où il jouera deux belles saisons individuelles sans que les résultats collectifs permettent d’atteindre le Final Four. Drafté en 11ème position de la draft 2016 par Orlando, il est transféré directement dans l’Oklahoma. Après une saison rookie avec du temps de jeu, il est envoyé avec Victor Oladipo aux Pacers, dans le trade qui envoie Paul George à OKC.

A Indiana, Sabonis éclot, d’abord en sortie de banc, puis en tant que titulaire à l’aube de la saison 2019-2020. Plaque tournante de l’attaque avec environ 20 points 12 rebonds 5.5 passes de moyenne, il se voit couronné de deux sélections au All-Star Game. En 2022, Domantas performe individuellement mais Indiana ne gagne toujours pas collectivement. Le front office prend alors la décision d’échanger l’intérieur pour lancer un nouveau projet en récupérant Tyrese Haliburton.
Arrivé aux Kings, au côté de De’Aaron Fox, il découvre un nouveau rôle de pivot. Les Kings sont la belle surprise de la saison 2022-2023 où Sabonis est récompensé d’une sélection au ASG. Il a été 3 fois meilleur rebondeur de la ligue, tourne entre 6 et 8 passes de moyenne, tout en gardant sa vingtaine de points de moyenne mais est snobé en tant qu’All-Star.
Pointé du doigt pour son impact limité dans les matchs importants comme en playoffs, notamment à cause de sa défense, il est difficile de voir une équipe construire autour de Sabonis. Les Kings lui ont tout de même accordé un contrat de 217 millions sur 5 ans à l’été 2023, en sachant qu’il n’a pas encore 30 ans. La suite avec Sacramento ne semble pas assurée à 100% et il fera certainement les beaux jours d’une nouvelle franchise d’ici la fin de sa carrière.
Père et fils sont également liés par la sélection nationale. En effet, Domantas décroche une médaille d’argent à l’EuroBasket 2015 en perdant en finale contre la France. L’équipe lituanienne a réussi cet exploit, avec pour président de la fédération … Arvydas Sabonis, occupant cette fonction de 2011 à 2021.
Les Hardaway (Jr) : du dribble et du shoot
Commençons par parler du père, Tim Hardaway, qui arrive en NBA en 1989 sélectionné par les Golden State Warriors. Il est d’abord un joueur majeur des Warriors durant 6 saisons avec le fameux « run TMC » composé du trio Tim Hardaway – Mitch Richmond – Chris Mullin tournant à 73 points de moyenne. Le plan de jeu de l’équipe consiste à jouer avec une pace très haute afin de marquer le plus rapidement possible. C’est donc durant ces années qu’il affiche ses meilleurs statistiques avec des saisons en 20 points et 10 passes décisives.
Tim Hardaway est surtout connu pour être un des meilleurs dribbleurs de toute la NBA et père du Killer Crossover avec une rapidité d’exécution rarement vu sur un terrain de basket. De plus, il est un excellent passeur, et était souvent dans les premiers noms derrière John Stockton dans les années 90. Enfin, il est connu pour être un shooteur à 3 points avec des gros volumes : 5 tirs à 3 points tentés par match en carrière, à 35% de réussite.
Les résulats des Warriors ne sont pas impressionnants et en 1996, le meneur est envoyé en Floride, au Heat une franchise vieille de 7 ans qui n’a jamais fait mieux que 42 victoires sur une saison. Et le highlight de la carrière de Tim Hardaway est sans aucun doute sa saison 1996-1997. A Miami, sous le coaching de Pat Riley, il finit 4ème aux votes du MVP, avec un solide 20-9 et une équipe à 61 victoires.
En playoffs, dans le match 7 face aux Knicks, il marque 38 points dont 18 dans le troisième quart temps et permet à son équipe de se qualifier pour les finales de conférence. Malheureusement pour lui, ces finales sont face aux terribles Bulls de Michael Jordan. Le Heat ne fait pas le poids, et s’incline 4-1.
Les trois saisons suivantes, le Heat n’avance plus en playoffs et se fait sortir les trois fois par les New York Knicks. De son côté, Tim finit sa carrière blessé en passant par plusieurs équipes au tout début des années 2000. Au final, il est élu 5 fois All-Star (1991, 1992, 1993, 1997 et 1998) et finit par rentrer au Hall of Fame 2022.
Le fait que Tim Hardaway soit battu aussi souvent par les Knicks relève d’une légère ironie en sachant que c’est cette franchise qui sélectionne son fils à la 24ème position de la draft 2013. Très rapidement, il grapille du temps de jeu avec sa qualité de shooteur et joue 27 minutes par match dans cette équipe menée par Carmelo Anthony. Convoqué pour le Rising Star, il est l’opposant d’un duel mythique avec Dion Waiters.
La saison suivante, il régresse statistiquement et les Knicks atteignent péniblement les 17 victoires. A l’intersaison, Phil Jackson décide de l’envoyer aux Hawks contre Jerian Grant, un rookie. D’abord sous-utilisé par le coach, sa deuxième saison en Géorgie est plus prometteuse avec quasiment 15 points de moyenne. Et c’est là tout le symbole de ce qu’est Tim Hardaway Jr : un arrière assez irrégulier d’une saison à l’autre dans sa réussite à 3 points.
Atlanta propose un contrat de 48 millions sur 4 ans tandis que les Knicks, encore eux, proposent 71 millions. Forcément, il repart à New York. L’aventure ne vas pas durer : il est transféré un an et demi plus tard, impliqué dans le trade envoyant Kristaps Porzingis aux Dallas Mavericks. Là-bas, il profite des passes de Luka Doncic, d’abord titulaire puis en sortie de banc.
Autre classique de ce type de joueur : la contract year. En effet, son contrat arrive à expiration à la fin de la saison 2020-2021, et il sort son meilleur exercice en carrière avec 16.6 points à presque 40% à 3 points, incitant Dallas à le prolonger pour 75 millions sur 4 ans. La saison suivante, il redescend à 14 points à 33% à 3 points et ne joue que 42 matchs la faute à une blessure au pied gauche.
Pas en rythme sur les playoffs 2024, hormis durant le match 2 contre OKC, il voit son rôle considérablement réduit alors que les Mavericks font le run pour atteindre les Finales NBA. Durant l’été, il est échangé contre Quentin Grimes et joue sa dernière année de contrat aux Pistons, à 32 ans, en apportant son expérience et ses tirs longue distance.
Pour terminer sur une petite anecdote : Tim Hardaway Jr est comme tous les shooteurs, il a déjà vécu des nuits sans. Le 19 janvier 2021, il sort un solide 0/12 en 27 minutes face aux Raptors, s’approchant du record détenu … par son père avec 0/17, le 28 décembre 1991.
Voici pour ses trois histoires concernant des duos père-fils qui ont plus ou moins marqué l’histoire de la NBA. Entre carrière gâchée par les blessures, Hall of Famer, All-Star ou simple role player la NBA est de plus en plus marquée par l’arrivée des fils de joueurs dans la grande ligue, phénomène qu’on explique partiellement par le népotisme de plus en plus grand.