Rajon Rondo, ou l’art de la passe

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Arrivé en NBA en 2006, Rajon Rondo s’est démarqué comme l’un des meilleurs passeurs de l’histoire de la NBA. À la suite d’une carrière jonchée de hauts et de bas, le meneur américain a récemment pris sa retraite, après 19 années dans la Grande Ligue. Retour sur une carrière singulière.

Cet article a été écrit par Alexis Faucher.

Boston Celtics : démarrage express 2006

Les Celtics, au cours de cette saison, ne parviennent qu’à atteindre la 11e place de la conférence Est avec un bilan de 33 victoires pour 49 défaites (40,2%), ne leur permettant pas de participer aux playoffs. Après avoir brillé à Oak Hill Academy, où il établit un nouveau record de 494 passes en une seule saison, surpassant celui de Jeff McInnis, Rajon Rondo vient de conclure sa deuxième saison à Kentucky et s’inscrit à la prochaine draft.

Sélectionné par les Suns de Phoenix en 21ème position lors de la Draft 2006, le meneur de jeu est aussitôt échangé, avec Brian Grant, contre un choix de premier tour de draft 2007, rejoignant ainsi le Massachusetts. Durant ses deux premières années, Rajon Rondo voit sa moyenne de passes décisives bondir de 3.1 à 8.2 par match. Pour quelles raisons ?

D’une part, cela s’explique en partie par les renforts de poids que sont Kevin Garnett en 2007 et Ray Allen en 2008. Aux côtés de Rajon Rondo, un Big Three redoutable se forme, complété par Paul Pierce. Trois joueurs aux profils variés, parfaitement en phase avec le style de jeu du meneur.

D’autre part, le natif de Louisville a rapidement pris les commandes de l’équipe celte. Sa vision du jeu et son sens du placement, sa compréhension des espaces et son sens du rythme en font un véritable casse-tête pour ses adversaires. « Si vous n’êtes pas prêts, il vous le fait payer en vous tirant en pleine tête. Il voit tout sur le terrain, et il vous le fait bien comprendre », explique Kevin Garnett.

Rajon Rondo

Dans une ligue où les joueurs sont avant tout jugés sur leur capacité à marquer, Rajon Rondo a su se démarquer en réinventant le jeu NBA. Ses limites en attaque l’ont poussé à se concentrer sur d’autres aspects de son jeu. De plus, son instinct pour le rebond (4.8 prises par match) et son talent pour les interceptions (1.7) constituent deux atouts essentiels de son jeu. Cela lui permet de se projeter rapidement vers l’avant et de distribuer des passes depuis son propre camp ou en contre-attaque.

Maestro et gestionnaire, ce maître de l’illusion qu’est Rondo a explosé son plafond de verre au fur et à mesure des années, comme a pu le déclarer l’ancien meneur des Celtics, Bob Cousy : « Avec sa vitesse et sa vivacité, je ne pense pas que quelqu’un puisse défendre sur lui efficacement. Sa créativité et son imagination ont pris une autre dimension ces dernières saisons. Il peut encore progresser. Le ciel est sa limite. »

Son approche cérébrale et analytique, combinée à un QI basket développé au fil des années, a grandement amélioré ses qualités de meneur. En effet, RR9 a passé beaucoup de temps à étudier ses adversaires, mémorisant minutieusement leurs points forts et leurs faiblesses. Ceci n’est qu’un exemple parmi tant d’autres figurant dans le portrait du joueur intitulé ‘Good at math, bad at people’ écrit par Baxter Holmes pour ESPN :

« Avant la première série de playoffs de Rondo contre Atlanta en 2008, les Celtics ont distribué un livre de 100 pages rempli de jeux et de statistiques des Hawks. Rondo l’a emporté chez lui, puis a lancé un défi à son assistant Darren Erman le lendemain matin : « Posez-moi des questions sur n’importe quel sujet ». Rondo répond à toutes les questions, jusqu’à ce qu’Erman lui lance une question sur quelque chose qui n’était pas dans le livre. Rondo lui répond : « Va te faire foutre, ce n’est pas dans le livre. » »

Ainsi, le pointguard a fréquemment joué le rôle de relais du coach sur le terrain, comme l’assure Doc Rivers : « Je vous le dis, c’est un génie. La compréhension qu’a Rondo du jeu, de son travail et de ce qu’il doit faire est incroyable. C’est devenu une relation extraordinaire parce que c’est le seul joueur à qui je donnais mon plan de jeu avant les rencontres ».

En à peine deux ans, les Celtics ont formé une équipe redoutable avec Rajon Rondo comme chef d’orchestre, leur permettant de s’emparer du titre NBA en 2008 en battant les Lakers (4-2). Avec 16 passes décisives lors du deuxième match des finales le 8 juin, il réalise le plus grand nombre de passes décisives lors d’un match des finales NBA depuis Magic Johnson, le 21 juin 1991.

Sous les couleurs de Boston, Rajon Rondo a laissé une trace indélébile dans le Massachusetts. Ses statistiques impressionnantes pour un meneur d ‘1m85 (seulement) et ses performances exceptionnelles, comme celle du 4 mars 2012, ont souvent fait sensation. Ce soir-là, le maestro compile 18 points, 20 passes décisives et 17 rebonds contre les New-York Knicks.

Un adversaire redoutable

Décrit comme un joueur agressif, souvent habitué au vice, l’ancien meneur des Celtics s’est forgé une lourde réputation de joueur impulsif et bagarreur. C’est au cours d’une interview avec Marc J. Spears de The Undefeated que l’on en apprend davantage sur son état d’esprit :

« Je vois ça comme une guerre. Quand on part à la guerre, on n’a pas d’amis. Quand je joue, je joue pour mes coéquipiers. Je joue pour mon équipe. Et je suis émotionnel et passionné. Je joue le jeu, je veux gagner autant que possible et par tous les moyens nécessaires »

Conscient de son comportement, Rajon Rondo n’a jamais caché sa mentalité lorsqu’il est sur un terrain de basket : « Je sais que les gens n’ont pas une bonne image de moi. Oui mon comportement n’est pas génial sur le terrain, mais je suis un gars compétitif, je ne suis pas là pour me faire des amis ».

Défenseur redoutable malgré son gabarit, il était toujours en alerte pour voler des ballons. Il a été sélectionné à quatre reprises dans une NBA All-Defensive Team. En essayant de le comprendre, on réalise qu’il est un joueur qui marche à l’affect. Il doit ressentir la confiance absolue de son coach et de ses coéquipiers pour être à son meilleur niveau, et avoir la liberté de diriger l’équipe afin d’exprimer toute sa créativité. Chose qu’a parfaitement comprise Doc Rivers, à Boston.

À l’inverse, le meneur a aussi eu des différends avec plusieurs coéquipiers et coachs, dont Rick Carlisle pendant son passage au Texas. Doté d’un fort esprit de compétition, Rajon Rondo a su rebondir après une expérience texane catastrophique aux Dallas Mavericks, lors de la saison 2014-2015. Freiné par des blessures, il a vu sa carrière prendre une nouvelle direction, jouant de plus en plus pour des équipes en quête de stabilité.

Il poursuit son parcours dans différentes équipes, notamment les Sacramento Kings et les New Orleans Pelicans, où il retrouve progressivement des sensations (une moyenne de 11.6 passes par match avec les Kings).

Par la suite, il rejoint les Los Angeles Lakers en 2018 pour apporter son intelligence de jeu ainsi que son expérience précieuse à une équipe en quête de leadership (excepté LeBron James et Tyson Chandler). Au sein de la bulle en 2020, les Purple & Gold sont champions NBA, apportant un historique 17ème titre pour la franchise.

Rajon Rondo joue un rôle important dans la quête du Graal, notamment en playoffs (16 matchs joués pour une moyenne de 8.9 – 4.3 – 6.6 en 25 minutes). Ses coéquipiers seront unanimes à son égard, notamment un certain Lebron James, avec qui il aura partagé une relation faite de rivalité et d’amitié : « L’un des meilleurs joueurs avec qui j’ai joué. Il est évident que son QI est hors du commun.

Deux fois champion, plusieurs fois All-Stars. Je pense que certaines années, il a peut-être mené la ligue en termes de passes décisives ou a été dans le même cas. C’est un joueur spectaculaire ». La fin de carrière de Rondo, peu mémorable chez des équipes comme les Hawks, les Clippers et les Cavaliers, a été entachée par des problèmes personnels.

En 2022, son ex-compagne l’a accusé de l’avoir menacée avec une arme à feu devant leurs enfants, entraînant l’obtention d’une mesure de protection. Quelques mois plus tard, il a été arrêté en janvier pour possession illégale d’une arme et de marijuana, d’après la chaîne WDRB-TV. Avril 2024. Invité du podcast ‘All The Smoke’, animé par les anciens joueurs Matt Barnes et Stephen Jackson, l’ex meneur des Pelicans confirme officiellement sa retraite.

Un compétiteur, un gagnant, un leader, voilà comment décrire Rajon Rondo. Malgré une fin de carrière approximative, il reste l’un des meilleurs meneurs et l’un des meilleurs défenseurs à son poste. Dans sa carrière, il termine meilleur passeur de la Ligue à trois reprises (2012, 2013 et 2016). Avec à son palmarès deux titres de champion NBA (2008 et 2020) et une quinzième place aux classements des meilleurs passeurs de l’histoire de la NBA, Rajon Rondo a de quoi se réjouir.

Et maintenant ? Il a été convié au camp des Milwaukee Bucks pour intégrer le staff, sous la houlette de Doc Rivers, son premier coach en NBA : « Vous allez le voir beaucoup. C’est tout ce que j’ai à dire. C’est le joueur le plus intelligent que j’aie jamais entraîné, et il n’est pas seulement intelligent. Il sait quand il faut et quand il ne faut pas dire les choses. C’est un grand rassembleur. La différence avec Rondo, c’est qu’il voit tout. Il ne voit pas seulement sa position, il voit la position de tout le monde. Il connaît les systèmes de tout le monde. Je vous le dis, c’est un génie. »

Une question se pose désormais : sa reconversion en tant qu’entraîneur dans le Wisconsin pourra-t-elle l’aider à apaiser ses difficultés extra sportives ?

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