Le basket et la mode. Crédit : New Era

Bball Culture #2 : Mode et basket, une histoire d’influence réciproque

Bienvenue dans le deuxième épisode de B-ball Culture. Après un premier épisode consacré au cinéma, ce deuxième volet s’intéresse à un autre domaine où le basket a laissé une vraie empreinte : la mode. Comment les codes et l’esthétique du basket ont-ils influencé notre façon de nous habiller au quotidien ? Des sneakers iconiques aux silhouettes oversize, le style basket est devenu un langage universel, bien au-delà des parquets.

Le basket, architecte d’une culture mode globale

Qu’on le veuille ou non, le basket laisse son empreinte dans les silhouettes du quotidien. Des terrains en béton aux vitrines des grands magasins, le short long, la sneaker montante, la chaussette blanche remontée ou encore le débardeur oversize sont devenus des standards vestimentaires bien au-delà des playgrounds. Dans la rue, dans les cours de lycée ou sur TikTok, difficile d’échapper à une esthétique qui s’est imposée au fil des décennies, à la fois urbaine, confortable et symbolique. Et à sa racine, on y retrouve le basket.

Ce phénomène n’est pas nouveau, mais il s’est affirmé par vagues. La première grande percée remonte aux années 80, avec l’irruption de la Nike Air Jordan 1. Lorsque Michael Jordan impose à la NBA des baskets non réglementaires, la sanction de la Ligue (une amende de 5000$ à chaque match) devient un argument marketing. Et la chaussure, un totem. En quelques années, la mode  « basket » s’étend au grand public, notamment via la culture hip-hop, elle-même en symbiose avec la NBA.

Les gens ne s’identifiaient pas seulement à Michael Jordan le joueur, mais à Michael Jordan le style », le sociologue Roland Lazenby, auteur de la biographie Michael Jordan: The Life

Toutefois, pourquoi ce style a-t-il autant séduit ? D’abord parce qu’il incarne une forme de liberté. Contrairement aux codes rigides de la mode classique, le style basket est fluide, modulable, sans prétention. Il autorise l’oversize comme l’épuré, le flashy comme le minimaliste. Il s’adapte à tous les corps, tous les genres, toutes les attitudes. Ensuite, parce qu’il est porté par des figures puissantes et charismatiques : Michael Jordan, Allen Iverson, LeBron James, ou plus récemment Shai Gilgeous-Alexander, ont chacun incarné des manières d’être et de s’habiller qui ont résonné bien au-delà du sport.

Et puis il y a l’image que renvoie le basketteur : celle d’un héros accessible, urbain et déterminé. Un modèle qui transpire l’énergie, aussi bien que le style sans effort. S’habiller comme un basketteur, c’est parfois aussi vouloir se sentir comme lui, ou au moins s’en rapprocher.

Alors depuis, des clips de Jay-Z à ceux de Drake, les silhouettes s’allongent, les logos de franchises NBA sont portés fièrement sur les casquettes et les vestes. En France, ce style se popularise dans les années 90 grâce à Canal+, qui diffuse la NBA et rend Allen Iverson, Scottie Pippen ou Vince Carter visibles, et donc imitables. Le maillot de basket devient une pièce centrale du vestiaire streetwear.

Aujourd’hui encore, rares sont les marques de mode à ne pas faire de clins d’œil à cette culture : Supreme multiplie les collaborations avec la NBA, Louis Vuitton a confié à Virgil Abloh la conception de la malle du trophée Larry O’Brien, Jacquemus s’associe à Nike pour créer des pièces aux airs de tenues d’échauffement de match..

La NBA s’associe aujourd’hui avec des marques plus prestigieuses que des marques estampillées « sport » pour faire monter en gamme son produit. Crédit : Tommy Jeans

Plus profondément, ce sont les codes esthétiques du basket qui ont changé notre rapport aux vêtements. Le confort prime désormais sur la rigueur : hoodies, joggings et coupes larges, autrefois réservés aux terrains, s’imposent comme une norme du style décontracté. La sneaker de performance, comme la Jordan, est sortie des parquets pour habiller le quotidien partout dans le monde.

S’habiller « basket », ce n’est pas qu’un style, c’est aussi une manière d’appartenir à une culture qui valorise à la fois le collectif et l’expression individuelle. Cette mode dépasse les joueurs : elle parle d’identité, de valeurs, et touche tous ceux qui s’en inspirent. Et surtout, cette tendance touche tout le monde : enfants, ados, étudiants, adultes, femmes et hommes. Elle ne se limite plus à ceux qui jouent. Elle parle de style, de revendication sociale parfois, d’identité

La mode basket, c’est une armure douce. On se sent à l’aise, et on montre à quel monde on appartient » – la styliste Emily Bode dans The New Yorker

L’héritage sneaker et l’uniforme global

À l’origine de cette fusion entre sport et style, il y a une pièce centrale : la chaussure. Depuis les années 80, la sneaker issue du basket est devenue un objet de désir à part entière, bien au-delà des parquets. En 2024, le marché mondial de la sneaker est estimé à 86 milliards de dollars (Statista), et plus de 35 % des modèles les plus vendus sont d’inspiration basketball.

Les Air Jordan symbolisent cette révolution sneaker. Lancée en 1985, la Jordan 1 s’est vendue à plus de 35 millions d’exemplaires et continue d’être rééditée chaque année. Mais d’autres modèles ont aussi marqué les esprits.

Les Nike Dunk, initialement créées pour le basket universitaire dans les années 80, sont devenues incontournables grâce à leur design simple et leur palette infinie de coloris. Adoptées par les skateurs dans les années 2000, puis par la scène streetwear, elles incarnent aujourd’hui une fusion parfaite entre héritage basket et mode de rue. Autre exemple, les Air Force 1, conçues pour le basket en 1982, mais dont l’usage a rapidement basculé vers la rue. Popularisées par les rappeurs, elles sont devenues une silhouette essentielle, souvent blanche, parfois customisée, toujours iconique.

On peut aussi citer les Adidas Forum, relancées ces dernières années dans une logique lifestyle, ou encore les collaborations entre joueurs et marques sur des modèles pensés pour le quotidien, comme les collections lifestyle de LeBron ou de Harden, qui se détachent du strict cadre sportif.

Avec la Air Jordan 1, Nike et Michael Jordan ont réellement lancé la démocratisation des sneakers de basket dans la vie de tous les jours. Crédit : Nike

Aujourd’hui, la sneaker basket est omniprésente, dans tous les styles et toutes les couches sociales. On la porte au travail, en soirée, en voyage. Elle est devenue un signe d’ouverture, de confort, et souvent de connaissance de la culture basket. Porter une Jordan 4, c’est dire quelque chose de soi, consciemment ou non.

Et la NBA l’a bien compris. En 2020, elle signe un partenariat stratégique avec Hennessy, une marque de de Cognac, et Tiffany & Co, un bijoutier, pour asseoir son image haut de gamme. En 2023, elle organise une fashion week parallèle à Paris avec Converse et Off-White. Le message est clair : la NBA n’est plus seulement un produit sportif, c’est une marque de style à part entière. Une vitrine qui façonne le goût du public.

Les équipes suivent le mouvement. Les collaborations entre franchises NBA et marques se multiplient : Miami Heat x Daily Paper, Chicago Bulls x Just Don, Golden State x Chinatown Market. Les maillots deviennent pièces de collection, souvent portées hors contexte. Le short NBA est devenu l’uniforme de l’été dans bien des destinations

Le basket, c’est l’esthétique du présent. Il a cette capacité à être populaire et personnel à la fois. » – Virgil Abloh, styliste et directeur artistique de Louis Vuitton

Les joueurs NBA, influenceurs de mode bien avant Instagram

Comme très bien expliqué dans un autre article présent sur Le Roster, la mode en NBA est un aspect incontournable. Les joueurs eux-mêmes ont accompagné, sinon anticipé, cette révolution. D’abord objets de style par procuration, via leurs chaussures, leurs clips, leurs apparitions médiatiques, ils sont devenus de véritables acteurs de mode. Certains, comme Allen Iverson, ont imposé des standards ; d’autres, comme Russell Westbrook, Shai Gilgeous-Alexander, ou encore Jordan Clarkson les ont explosés. Je vous invite également à aller voir un autre article sur Le Roster précisant sur ces derniers.

Dans les années 2000, Iverson débarque en conférence de presse avec durag, t-shirt oversize, chaînes en or. La NBA impose un dress code en réaction, jugé raciste par une partie des observateurs, obligeant les joueurs à porter veste et chemise. Mais la résistance s’organise : LeBron James, Dwyane Wade ou Chris Paul s’approprient le costume et le détournent. La mode devient un terrain de jeu aussi important que le parquet.

Allen Iverson, le premier joueur a vraiment casser les codes vestimentaires en NBA. Crédit : Kamil Krzaczynski / Getty Images

Aujourd’hui, chaque tunnel d’avant-match est un mini défilé. Même phénomène en WNBA d’ailleurs. GQ et Slam commentent chaque look. PJ Tucker est surnommé « the Sneaker King » ; Shai est invité à la Fashion Week de Paris ; Kyle Kuzma pose en Rick Owens, Devin Booker en Fear of God. Et ce n’est pas qu’une posture : beaucoup investissent dans la mode, lancent des marques (Russell Westbrook avec Honor the Gift, LeBron avec UNKNWN, etc.), collaborent avec Nike, Adidas, Puma ou Converse.

Ce que je porte, c’est aussi ce que je suis. Sur le terrain, j’ai un maillot. Mais en dehors, je peux raconter mon histoire comme je veux » – Chris Paul dans GQ

Leur style est scruté, commenté, imité. Mais surtout, il est revendiqué. Il dit leur singularité. Leur manière de refuser les stéréotypes. De refuser d’être uniquement des sportifs. Cette idée, de plus en plus répandue, fait du vestiaire un espace d’expression. Et la NBA, une scène culturelle totale. La mode ne se contente plus d’emprunter au basket : elle s’en inspire, elle le suit, elle le précède parfois. Et elle touche, par rebond, tous ceux qui marchent dans leurs pas.

Ne manque pas un article !

Rejoins la communauté Le Roster en t'abonnant à notre newsletter !

Damian Lillard indique l'heure