Les biais cognitifs et la NBA, deux mondes que tout oppose aux premiers abords. Et pourtant, pour nous les fans il peut arriver qu’ils s’entremêlent étroitement et viennent altérer notre jugement. Dans cette mini série de trois épisodes, je vous propose de découvrir 3 biais qui nous touchent régulièrement, sans qu’on ne puisse réellement y remédier. Aujourd’hui on va parler du fameux clubisme dont on entend tant parler via l’effet de dotation. Des mots compliqués mais ne vous inquiétez pas, je vais tout vous expliquer.
Pourquoi sommes-nous supporter d’un club, dans n’importe quel sport qu’il soit ? Une bien grande et vaste question aux réponses multiples et diverses mais surtout aux conséquences lourdes puisque cette question va définir notre rapport au sport pendant toute notre courte vie.
Chercher les réponses à la source du mouvement
Si on se penche un peu sur l’histoire du supportérisme (car oui, il faut un début à tout), c’est un mouvement qui naît en Angleterre à la fin du XIXe siècle, au bord des pelouses de football. Et évidemment, les premiers supporters encouragent leur équipe locale, et uniquement lors des matchs à domicile. À l’époque, pas de chant de supporters, pas de “Light the Beam” et autres “Fuck Trae Young”, mais seulement des réactions enjouées quand un geste est jugé spectaculaire. Et ça semble logique à l’époque pour énormément de raisons que le supporter soutienne l’équipe de sa ville. En effet, aucun moyen de renseignement sur les autres équipes, aucune possibilité de voir d’autres matchs mais surtout un sentiment d’appartenance à l’équipe. En effet ce n’est pas que équipe A contre équipe B, c’est avant tout SA ville contre une ville adverse.
Et ce sentiment d’appartenance à quelque chose de plus grand qu’un simple club va être quelque chose qui va rester le critère principal chez un supporter pendant très longtemps, et qu’il l’est encore aujourd’hui dans certains cas. Mais aujourd’hui, avec la possibilité de voir absolument tous les matchs, la surmédiatisation des stars, ce sentiment d’appartenance apparaît plus tard dans le processus de supportérisme. Désormais, vous choisissez l’équipe que vous supportez et non l’inverse. Encore plus avec la NBA pour nous petits français que l’Atlantique sépare.
Mais alors, pourquoi je vous parle des origines du supportérisme ? Parce qu’il faut bien comprendre que le mouvement a évolué, et pas qu’un peu. Pendant une longue période, le supporter ne voyait que les matchs de son équipe car il n’avait pas la possibilité de faire autrement. Et dans ces conditions, on n’attendait de lui aucune objectivité sur les autres équipes, les comparaisons entre joueurs se faisaient bien plus rares, et seulement par le prisme des résultats, des stats. Mais tout a changé drastiquement et beaucoup de fans, presque tous, s’essaient à parler d’autres franchises. Logique, au vu de la base de données presque inépuisables à notre disposition. Une bonne idée, mais forcément, l’exigence dans la qualité du jugement est également décuplée.
Le confort de rester dans le monde d’avant, mais pour de mauvaises raisons
Et quelque part, un parallèle avec les journalistes, les votants du MVP est possible. Quand à l’époque, le journaliste du NY Times ne voyait que deux fois par saison les joueurs de toutes les équipes de l’Ouest, le meilleur moyen de se faire un avis était d’utiliser les outils à disposition : la ligne de stats brutes et le bilan collectif. Le meilleur joueur de la meilleure équipe doit être celui avec le plus grand rayonnement se dit-on instinctivement. Mais si ces arguments se tenaient, faute de mieux à l’époque, est-ce réellement cohérent de se baser sur ces arguments encore aujourd’hui pour des “raisons historiques ».
N’est-ce pas un non-sens total et un manque de progressisme à l’heure où les outils à disposition n’ont jamais été aussi importants. Juger la ligne de stats points/rebonds/passes sans prendre en compte plein d’autres facteurs désormais quantifiables cela fait-il réellement sens ? Ne devrait-on pas accorder beaucoup plus de crédit à l’efficacité au scoring, la capacité à se créer son tir, la propreté, l’impact défensif au cercle pour un pivot, ou même à quel point une équipe performe avec un joueur sur le terrain (les fameux on/off) ? Je vous laisserai juger chez vous pour répondre à cette question et reprenons notre fil conducteur.
Quand la ferveur prend le bas sur la morale
L’exigence dans l’analyse et l’objectivité chez un fan NBA moyen a donc été décuplée. Et c’est précisément là que notre biais intervient. Le biais de possession, l’aversion à la dépossession ou le clubisme, à quoi ça correspond ? C’est très simple, c’est une tendance que nous avons à préférer ce que nous avons, à attribuer à un bien que l’on possède plus de valeur que si on ne le possédait pas.
Tout se repose sur la phrase “La propriété crée de la valeur.” Et ça a été prouvé que ce biais existe et énormément de technique de marketing se base là-dessus. Un exemple simple, imaginez deux fois votre maison mais vous n’en possédez qu’une. Et bien, il a été prouvé que vous allez sur-évaluer votre maison comparée à l’autre. Et vous me voyez venir avec mes grands sabots, en NBA l’équivalent de votre maison c’est votre franchise. Bien entendu, vous ne “possédez” rien à proprement parler mais il y a tout de même ce fameux “sentiment d’appartenance” mentionné plus haut qui crée le clubisme.
Concrètement, ce biais va apparaître lors de débats qu’on a tous entre potes. Vous savez, les tu préfères endiablés avec vos potes, qui prennent parfois place dans l’arène de X. Vous aurez tendance à favoriser votre joueur à celui d’une autre équipe qui a un rendement similaire. Et c’est tout à fait normal, l’attache n’est pas la même, forcément. Mais là où ça devient problématique, c’est quand cette attache prend tellement de place qu’elle vous fait dire des phrases dénuées de sens. Et quelque part, ça rejoint ce problème que le supporter a un cahier des charges plus important qu’avant s’il veut donner son avis. Regarder 82 matchs d’une seule équipe, est-ce encore suffisant ? Ça peut, oui et certains y arrivent plus que bien. Phénomène marrant, ces gens là sont souvent plus exigeant avec leur équipe que les autres.
Mais de l’autre côté de l’échiquier, certains n’arrivent pas à joindre les deux bouts et c’est ainsi que le clubisme toxique naît. Des gens qui défendent corps et âmes leur patrie, louable mais au détriment de l’objectivité et de l’analyse. Et dans ces débats où il n’y a pas mort d’hommes, c’est bien l’analyse qui devrait primer pourtant. Une partie regrettable du fanatisme NBA en France, mais cet article n’est pas là pour tacler gratuitement, plutôt pour vous inviter à ouvrir votre esprit sur le clubisme, à prendre un peu de recul sur la NBA, à vous inciter à une réflexion plus profonde aussi peut-être.
En poussant la réflexion plus loin sur le clubisme, on pourrait se demander : doit-on écouter les fans de franchises parler de leur franchise au final ? Le Roster a-t-il un sens ? La réponse est évidemment un OUI franc. Les fans possèdent malgré tout une qualité rare : l’expertise de leur franchise, de ses points forts et de ses points faibles comme peu de monde. Le problème se trouve plutôt dans le jugement des autres dans les cas de ceux qui ne regardent QUE leur franchise. Et là encore, ça ne touche pas tout le monde, mais ceux que ça touche font souvent le plus de bruit.