Après quelques années bien moribondes sur et en dehors des terrains, l’ASVEL produit un début de saison bien plus excitant. Un jeune coach qui semble faire l’unanimité, moins d’erreurs de castings, des bonnes pioches et un virage générationnel bien maîtrisé, de nombreux signaux semblent être repassés au vert à Villeurbanne. Alors que la saison est lancée depuis un petit peu plus d’un mois, il est temps de se pencher sur les forces et les faiblesses de cet ASVEL new look qui intrigue par de nombreux aspects.
Jeunesse, expérience et éclosions supersoniques : ce qui fonctionne bien cette année
Quand on parle de ce qui fonctionne dans le Rhône en ce début de saison, il est difficile de ne pas commencer par Théo Maledon. De retour dans le club qui l’avait envoyé en NBA il y a 4 ans, le meneur est un des joueurs les plus chauds du début de saison d’Euroleague. Parmi les meilleurs scoreurs européens, Théo est le moteur principal de son équipe. Avec un usage à 27,2% (92e centile), le natif de Rouen monopolise beaucoup le ballon. Si cette dépendance peut effrayer, il faut bien avouer que sa création pour lui-même est si bonne qu’elle est de loin une solution plus qu’un problème.
Aux côtés du très explosif meneur, c’est le non moins explosif Neal Sako qui reçoit aussi beaucoup de lumière en ce début de saison. Son quasi-double-double de moyenne (13,3 points et 8,8 rebonds) place le pivot dans le gratin d’Euroleague pour sa première saison dans l’élite européenne. Offensivement, il profite à merveille des espaces de Maledon et des caviars de Nando de Colo pour être une menace aérienne de tout première ordre. Défensivement, sa mobilité et sa science des aides comblent les trous qui peuvent se créer dans une défense villeurbannaise encore imparfaite.
Au-delà des deux jeunes stars de l’équipe, l’ancienne garde de l’ASVEL n’est pour le moment pas en reste. Malgré ses 37 ans, Nando de Colo remplit largement son rôle en sortie de banc. Dès que le cinq majeur commence à montrer des signes de fatigue, Pierrick Poupet n’hésite pas à lancer la légende pour remettre de l’ordre dans une attaque qui à tendance à vite devenir brouillon. Sa capacité à manier le jeu sur demi-terrain, à provoquer de nombreux lancers et à punir les errances adverses, de près comme de loin, forcent aujourd’hui encore les coachs à prendre à deux le vétéran comme lors de ses belles années.
Du côté des roles players, Shaquille Harrison apporte une énergie folle, bien que souvent très maladroite. Edwin Jackson aussi, sans être flamboyant, comble plutôt bien les absences constatées sur les lignes arrières en ce début de saison. Charles Kahudi voit également son rôle s’étoffer en raison des problèmes d’infirmerie, et si défensivement cela devient difficile pour l’intérieur de 38 ans, on le sait toujours capable de donner quelques bonnes minutes de temps en temps.
Pour ce qui est du ressenti collectif, l’attaque est aujourd’hui tournée sur de nombreux Pick and Roll centraux entre Neal Sako et Maledon ou De Colo. Il est clair que des systèmes plus avancés sont en train d’apparaître, avec des écrans loin du ballon et beaucoup de Stagger Screen (où deux joueurs posent un écran pour libérer la course d’un troisième), mais ces mises en places ne sont pas prêtes et il faudra encore quelques semaines avant que Poupet n’optimise complètement son effectif. D’ici-là, l’explosivité horizontale de Maledon, celle verticale de Sako, la qualité de passe De Colo et les quelques tirs extérieurs des joueurs secondaires permettent à l’équipe de tenir le rang.
Défensivement, l’entraîneur de 40 ans semble demander à ses joueurs des aides fortes avec pas mal de stunts, quitte à laisser un adversaire ouvert à trois points ou à ouvrir la porte à des courses létales dans le dos de la défense. Là aussi du temps sera nécessaire pour ajuster le curseur sur ces aides. En effet, de trop nombreuses possessions défensives se terminent aujourd’hui avec des trous béants et des tirs grands ouverts après un manque de communication ou de lecture de jeu des lyonnais.
Autour du Pick and Roll adverse, l’équipe s’organise majoritairement autour du Drop et du Switch. Le drop, qui permet d’optimiser la bonne protection de panier de Neal Sako et de Joffrey Lauvergne, est rendu possible par l’énergie que mettent les défenseurs extérieurs à naviguer les écrans, avec une plutôt bonne réussite jusqu’à présent. Dès lors qu’un défenseur moins mobile est sur le parquet, les villeurbannais switchent alors presque chaque écran pour limiter les décalages subis, Nando de Colo le premier. C’est le plus souvent à ce moment-là que la défense accumule les incompréhensions et se désorganise le plus vite, devenant bien trop perméable pour être viable.
Infirmerie, surrégime et manque de profondeur : les raisons de s’inquiéter
Si ces errements défensifs nuisent clairement à l’efficacité globale de l’ASVEL, il semblerait que quelques ajustements tactiques et plus de vécu d’équipe pourrait suffire à résoudre certaines de ces lacunes. Pourtant, les limites lyonnaises semblent déjà commencer à se montrer et semblent se résumer à un seul problème : le manque de profondeur de l’effectif.
Déjà un sujet en pré-saison, les craintes sur le poste 3 se confirment en ce début de saison. David Lighty a des qualités, mais les années se font ressentir et il devient difficile de l’aligner plus de 15-20 minutes chaque soir. Sauf que derrière l’américain, les options se font rare. Admiral Schofield est souvent décalé depuis le poste 4 mais les limites du nouveau venu sont criantes. Transparent en attaque, il est souvent le point de départ des oublis et des mauvaises lectures défensives également. Des essais ont aussi été faits pour décaler des arrières, mais De Colo, Harrison, Ajinça ou Jackson n’ont pas ce qu’il faut pour le job, laissant Poupet avec la seule option de limiter la casse.
Et pour ne rien arranger, l’infirmerie peine à se vider. Paris Lee et Joffrey Lauvergne, deux gros temps de jeu, sont toujours absents. Melvin Ajinça et Tarik Black sont à peine de retour et ne sont clairement pas prêts à apporter la rotation dont l’équipe a besoin.
De ces problèmes d’effectif découlent deux énormes points bloquants pour l’ASVEL.
Le premier est le manque d’options offensives. En dehors de Nando De Colo et de Théo Maledon, il n’y a tout simplement aucun joueur capable de créer en attaque. Shaquille Harrison remonte le ballon et sait exploiter les missmatchs pour exploser sur quelques drives. David Lighty dispose d’un relativement bon Catch&Shoot de loin. Neal Sako et Mbaye Ndiaye finissent plutôt bien au cercle. Mais aucun de ces joueurs ne peut créer sur isolation, sur post-up ou de quelconque manière qu’il soit, ce qui pousse souvent l’ASVEL dans des possessions stériles, se terminant par des tirs bien trop compliqués pour être viables.
Ce manque de diversité créé alors une dépendance presque caricaturale. Une dépendance qui entraîne surtout la fatigue des principaux intéressés. Contre Barcelone, la fin de match criait la fatigue, entre les bras ballants d’un Neal Sako essoufflé – seul pivot de l’effectif ce soir là – et les multiples pertes de balle plus qu’évitables d’un Nando De Colo qui n’a plus le coffre pour tenir aussi longtemps. La très récente gifle contre le Panathinaikos en est un autre symbole, avec un Théo Maledon éteint toute la soirée pour un maigre point et un triste 0 sur 5 au tir au total. À peine arrivée au mois de novembre, l’équipe de Pierrick Poupet n’a déjà pas d’autres choix que de sacrifier un match pour ne pas mettre toutes les jauges d’énergie dans le rouge tant le rythme est soutenu.
Si l’on peut espérer que ce manque de rotation soit bientôt comblé par le retour des blessés, la composition de l’effectif ne permet clairement pas d’être rassuré sur la capacité de l’attaque lyonnaise à se diversifier dans les prochaines semaines.
L’ASVEL de Pierrick Poupet montre donc de belles choses en ce début de saison. Pour autant, prudence est de mise car de réelles limites commencent déjà à apparaître dans un effectif qui semble court tant le calendrier est chargé.
Le vent de fraicheur qui souffle au-dessus de l’Astroballe ne devrait donc pas révolutionner les objectifs affichés ces derniers mois. Dans un contexte de restrictions budgétaires et après deux ans sans trophées, faire bonne figure en Euroleague et retrouver le chemin des trophées nationaux serait déjà synonyme de très belle saison pour l’ASVEL qui ne doit pas oublier que la saison est un marathon, et que celui-ci court jusqu’au printemps prochain.