En sortie d’une saison historiquement mauvaise qui a amené des changements en haut de l’organigramme, beaucoup de questions se posaient autour du projet des Pistons, en reconstruction depuis grosso modo 5 ans (ressenti 3000). Est-ce que ces 2 premiers mois de régulière apportent des éléments de réponse ?
Saison 2023-24
Oui j’ai regardé les Pistons plus que toute autre équipe depuis 3 ans, mais mon masochisme a des limites, alors le résumé de la saison passée va se faire en vitesse. 14 victoires pour 68 défaites. Une série historique de 28 défaites de suite. Un effectif à la cohérence douteuse construit par le GM du moment Troy Weaver, et dirigé par un Monty Williams très peu investi.
Dans ce marasme, 3 faibles éclats de lumière ont percé les nuages du Mordor :
- En premier, évidemment, Cade Cunningham. 22.7 pts – 4.3 reb – 7.5 ast ; 44.5% au tir, 35.5% à 3 points et 86,9% aux lancers. En étant ciblé par les 5 défenseurs adverses à chaque match, après une deuxième saison quasi blanche.
- Isaiah Stewart. Beaucoup utilisé en 4, il a développé un shoot de loin tout à fait honnête, finissant la saison à 38,3% en un peu moins de 4 tentatives par match ; et a confirmé son statut de garant du hustle de l’équipe.
- La deuxième partie de saison de Jalen Duren. Au-delà de ses stats au rebond (5e de la ligue avec 11,6 prises par match), il a eu un rôle à la création en attaque dans lequel il a montré de très belles choses. Balle en main poste haut, il servait bien les coéquipiers en cut ou dans les corners ; il a explosé son pourcentage sur la ligne (79% sur la saison, 84,9% à partir de février).
Est-ce que ça peut suffire à éviter une remise à zéro totale en haut lieu d’une des pires franchises (la pire ?) des 10-15 dernières années ? Heureusement pour nous les fans : non.
L’intersaison
23 mai 2024, date où l’espoir s’est embrasé. Trajan Langdon arrive de La Nouvelle-Orléans et devient président des opérations basket des Pistons. Moins d’un mois plus tard, j’étais déjà prêt à lui faire aveuglément confiance pour plusieurs années, car les deux décisions espérées avaient été prises : Weaver le 31 mai, Monty le 19 juin, au revoir messieurs merci pour vraiment très peu de choses. Le travail à venir est costaud : reconstruire un projet de jeu autour de Cade, apporter de l’expérience et de la stabilité dans un vestiaire qui a traversé l’enfer, et bien sûr mettre à la tête de ce projet un coach qui sera en phase avec ces objectifs. Rien que ça.
Et après coup la vision de Langdon semble claire : les Pistons ne sont plus dans la phase d’accumulation de jeunes joueurs à potentiel en attendant de voir si peut-être l’un d’eux peut exploser. Ce joueur est déjà là, et il s’appelle Cade Cunningham, et on veut qu’il ait des joueurs d’expérience pour le soutenir et mener le vestiaire. Dans ce sens, on envoie Grimes à Dallas contre Tim Hardaway Jr et des seconds tours de draft ; on prend JB Bickerstaff, coach rodé et reconnu pour certains aspects ciblés importants pour la construction d’un groupe ; on conclut le marché de l’été avec Tobias Harris et Malik Beasley ; et on prolonge Fontecchio pour ses bons services, et Cade au max.
On optimise ce qui est là en visant des profils simples mais clairement identifiés comme manquants. Concernant les joueurs, du shoot, de l’expérience, un peu de shoot, assurance d’être sur les parquets, et DU SHOOT. Pour le coach, un profil spécifique et reconnu dans des aspects ciblés (défense notamment). Maintenant qu’on a tout ça, qu’est-ce qu’on fait ? Des projections, évidemment.
Les attentes et projections en septembre
Le bilan de 14 victoires sur la saison 23-24 est un accident industriel de grande ampleur. Pour moi il ne doit pas être pris comme une référence sur laquelle se baser. Mais ça reste factuel, donc des projections type « 20-25 victoires c’est déjà un vrai progrès en fait ! » sont malheureusement parfaitement entendables. Alors pourquoi est-ce que moi et une partie de la fanbase Pistons (et d’autres observateurs plus « objectifs ») étions non seulement plus optimistes mais aussi plus exigeants ?
Dans un premier temps, les performances des jeunes joueurs dans le chaos. Ensuite, la pertinence des choix de Langdon. Et enfin, les chiffres.
En 2023-24, les Pistons ont aligné 36 cinq majeurs différents au cours de la saison. Les deux ayant été utilisés le plus l’ont été à 8 reprises. J’ai appuyé le besoin de shoot sur le ton de la vanne, mais le recrutement de joueurs à faible risque de blessures était sans doute aussi important que leurs pourcentages derrière l’arc. Petit tableau pour voir le nombre de matchs joués par les 3 nouveaux venus sur les 4 dernières saisons (la saison 20-21 étant la saison post bulle d’Orlando avec « seulement » 72 matchs) :
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20-21 |
21-22 |
22-23 |
23-24 |
Tim Hardaway Jr. |
70 |
42 |
71 |
79 |
Malik Beasley |
37 |
79 |
81 |
79 |
Tobias Harris |
62 |
73 |
74 |
70 |
De l’expérience dans le vestiaire c’est bien. De l’expérience sur le terrain, c’est mieux. Et ces 3 joueurs sont sur le terrain. Ah et du 3-point aussi c’est possible s’il vous plaît ? Oui ? Servi dans un tableau ?
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20-21 |
21-22 |
22-23 |
23-24 |
Tim Hardaway Jr. |
39.1% |
33.6% |
38.5% |
35.3% |
Malik Beasley |
39.9% |
37.7% |
35.7% |
41.3% |
Tobias Harris |
39.4% |
36.7% |
38.9% |
35.3% |
L’année dernière, parmi les joueurs ayant eu un rôle significatif, 6 ont shooté à plus de 35% à 3 points : Cade (35.5 / 62 matchs), Sasser (37.5 / 71), Stewart (38.3 / 46), Alec Burks (40.1 / 43 matchs, tradé après le 50ème match de la saison), Bojan Bogdanovic (41.5% / 28, même trade que Burks), et Fontecchio (42.6 / 16 matchs sur les 30 après son arrivée).
Donc : des joueurs sur qui on peut compter pour être en tenu et pour rentrer des tirs. Les pourcentages de la saison dernière de THJ et Tobias Harris ne sont pas terribles, et THJ n’est pas la régularité incarnée. mais pas au point d’être laissé par les défenses. Pareil pour Tobias.
Les 3 recrues principales cochent chacun les 3 points cruciaux avec lesquels je vous casse la tête depuis le début : vétérans, fiables à 3 points et qui ne se blessent pas. Et il y a un autre point qui est peut-être anecdotique, mais m’a vraiment surpris quand je m’en suis rendu compte : Tobias Harris a rencontré sa femme pendant son premier passage dans le Michigan et avait gardé sa maison ici ; THJ a fait son université dans le Michigan ; Malik Beasley a une grande partie de sa famille qui est originaire de Detroit. Les trois recrues ont une réelle attache émotionnelle à Detroit, et ça joue forcément dans l’implication au quotidien dans la franchise.
Le troisième point est peut-être celui dont j’étais le plus convaincu : le profil de Bickerstaff pour mener ce jeune groupe. On s’attarde souvent sur les défauts de Bickerstaff, principalement tactiques ; mais il faut lui reconnaître une qualité : il a montré qu’il savait construire un groupe, instaurer une mentalité de solidarité et d’efforts collectifs, et souvent découle de ça une défense solide. Pendant la série de défaites, on voyait des joueurs qui étaient sincèrement affectés par le poids qui pesait sur eux, notamment Cade. Et le soulagement quand la série a pris fin était un autre signe de l’état d’esprit de ce groupe livré à lui-même. Avec un coach qui veut réellement être là et qui veut réellement apporter quelque chose aux joueurs, j’étais convaincu que l’alchimie allait se faire autour d’un état d’esprit de soldats qui veulent tout donner tous les soirs.
Qu’est-ce que je faisais comme projections avec ça ? Quelque chose comme 27-30 victoires, 10ème de l’Est, mais avec un vrai écart de plusieurs matchs avec le 9ème (Atlanta dans mon tableau, qui serait plutôt à 35 victoires).
Que penser du début de saison 2024-25 des Pistons ?
On est heureux. Mais certains points énervent. Mais ils énervent parce qu’on est heureux. Et qu’on voit que cette équipe n’est pas loin d’être encore un cran au-dessus des espérances.
Les chiffres collectifs nous disent 9 victoires et 15 défaites ; 24ème rating offensif (110.9), 14ème défensif (113.9). Rien de transcendant. Mais quand même encourageant car quand le calendrier a été révélé on tremblait. Et qu’en 23-24 la 9ème victoire est arrivée le 27 février…
Je deviens accro aux tableaux, mais c’est pratique. J’ai classé les équipes affrontées par les Pistons en 4 catégories : 1er quart « nettement plus fortes », 2ème quart « à portée mais à priori au-dessus », 3ème quart « ça se vaut », 4ème quart « win obligatoire » (ce tri étant évidemment totalement objectif à partir de la saison dernière et de la forme au moment du match) :
1er quart |
2ème quart |
3ème quart |
4ème quart |
CAVS BOS x2 (*) MEM NY |
IND x2 (*) LAL ATL (*) HOU (*) MIL x2 MIA x2 ORL |
76ers x2 CHA x2 (*) CHI |
NETS TOR x2 WIZ |
Les * sont les matchs qui se sont décidés dans le money-time.
9W – 15L avec 14 affrontements contre des équipes objectivement plus fortes et seulement 4 qu’on mettrait dans les candidats à la course pour Cooper Flagg, 5 en ajoutant le premier match contre Philly sans Embiid ni PG). Le Strengh Of Schedule du site « Power Rankings Guru » estime la difficulté de ce calendrier à 15.87 c’est-à-dire que les Pistons ont affronté des équipes qui en moyenne sont classées juste au-dessus de la 16ème place NBA, en classant les Pistons 25ème.
Un peu d’imagination n’a jamais fait de mal, alors c’est parti. Houston et deux fois Charlotte, c’est 3 matchs perdus au buzzer, sur des erreurs de jeunesse et/ou de coaching. Avec des si, les Pistons seraient à l’équilibre en 12 – 12. Allez encore un peu : le premier affrontement contre Boston, il y a 118-117 à 21 secondes de la fin ; contre Indiana 110-107 à 42 secondes. Dans ce Michigan alternatif où on remporte ces matchs, ça fait 14 victoires pour 10 défaites, 5ème bilan de l’Est à 2 matchs du top 4, même bilan que les Clippers à l’Ouest.
Parlons parquet maintenant. Quels éléments donnent l’impression d’être au centre des progrès de cette équipe ?
La défense des Pistons
Le premier, grosse surprise pour une équipe de Bickerstaff, c’est la défense. Sur les derniers matchs il y a quelques craquages (131 points encaissés VS Memphis, 128 VS Milwaukee, 130 VS Boston, ça arrive). Mais malgré ces belles raclées, on a un defensive rating 14ème de la ligue. OK, 14ème, plus average c’est difficile. Ouais mais encore une fois, après une saison horrible, et de plus avec un effectif qui ne fait pas vraiment penser à celui de 2004. Duren montre de grandes lacunes dans ce secteur, Tobias en 4 à côté de lui c’est moyen + on va dire, THJ et Beasley plutôt moyen -, Ivey décevant par rapport à ses qualités athlétiques, Cade a tout le poids de l’attaque donc peut-être pas l’énergie pour tout faire… Et le meilleur défenseur de l’équipe Ausar Thompson n’a lancé sa saison que le 25 novembre. Comment on fait alors ? Et bah on défend en groupe, tout le monde se donne pour les potes, et on commence par les bases : au basket, on protège son panier, et on prend le rebond après un échec adverse.
Les Pistons sont 10èmes de la ligue au pourcentage accordé à l’adversaire à 2 points, tout en étant 11èmes au nombre de lancers concédés. Avec en rotation au poste 5 Jalen Duren donc, et Isaiah Stewart qui est trop petit pas assez athlétique et pas assez dissuasif pour un pivot. Sauf que bah Stewart affiche le deuxième meilleur Defensive Field Goal Pourcentage à l’arceau de la ligue, derrière Wemby et devant des Chet, Brook Lopez ou Jarret Allen. Et quand tu rates ton lay-up contre les Pistons, bon courage pour avoir une deuxième chance. 7èmes de la ligue en rebonds défensifs pris par match, 11èmes aux rebonds offensifs laissés à l’adversaire. Pour continuer sur les rebonds, les Pistons sont la 7ème équipe de la ligue au total, en laissant le 6ème plus faible total à l’adversaire, et le 4ème plus faible total de rebonds défensifs pris par les adversaires également. L’équipe se bat sous les arceaux des 2 côtés du terrain, tous les soirs. Et c’est encore une fois un signe d’une entente et d’un travail de groupe. Le meilleur rebondeur de l’équipe, c’est Duren avec 8.9 prises par match (en 24 minutes…). Derrière on a Cade à 7.3, Tobias 6.9, Stewart 6.1 (en 22 minutes…), Ivey 4.2, et 5 autres joueurs à plus de 3 rebonds par match. J’ai déjà parlé de mentalité de groupe ou pas depuis le début ?
L’attaque des Pistons
En attaque maintenant, qu’est-ce qu’on retient ? Déjà, on retient qu’après des saisons aussi moches que les 5 dernières il faut reconnaître qu’un fan des Pistons se satisfait de peu. Et objectivement le jeu proposé cette année n’est pas une révolution visuelle ou tactique. Mais des choses simples et éprouvées, et ça clique (vous sentez une thématique de fond dans cet article ou pas encore ?). Cade pour lancer des pick and roll/pop et exploiter les décalages, Jaden Ivey qui reçoit la balle en mouvement. Quelle idée de génie qui aurait pu y penser ? Du mouvement de balle et des joueurs capables dans les corners, voilà en gros les fondements de l’attaque des Pistons.
Cade est évidemment le fer de lance de ce côté du terrain : 23.9 points et 9.4 passes par match. Alors oui, il y a du déchet à la passe et dans l’efficacité de son scoring, mais le talent et la maturité dans la gestion sont impressionnants. Dans son leadership aussi on voit qu’un cap a été franchi. Son langage corporel est excellent, et il n’hésite pas à recadrer ses coéquipiers sans tomber dans l’engueulade sommaire.
Il y a une église que j’aimerais remettre au centre du parquet. Les 2 dernières saisons de Cade c’est rideau après 12 matchs, et Monty Williams. Certains vont dire qu’on lui cherche des excuses parce qu’on est des homers etc, mais les Pistons des dernières saisons ont clairement été le pire cadre pour des jeunes joueurs pour se développer, parce qu’il n’y avait PAS de développement en fait, et je demande sincèrement à ses détracteurs de me trouver des exemples de joueurs passés par des environnements aussi dysfonctionnels qui affichent un tel niveau de compréhension du jeu et de maturité émotionnelle à cet âge (23 ans depuis le 25 septembre 2024) ET à ce stade de leur carrière (159 matchs joués). Voilà, plaidoirie terminée, micdrop, on reprend.
Et puis Malik Beasley. Comment ne pas lui consacrer un paragraphe ? 16 points en 28 minutes majoritairement en sortie de banc, 41.3% à 3 points sur quasiment 9 tentatives chaque soir, 50.8% dans les corners… Il est en confiance absolue, et la raison pour laquelle il mérite ce paragraphe c’est que cette confiance irradie complètement sur le groupe. Il trashtalk le banc adverse, il lâche des shimmy sur ses tirs et sur ceux de ses potes, il les encourage pendant les matchs et les félicite à la fin. On le voit autant mettre une ambiance « la vie est une fête » que choper Cade en pleine interview pour lui dire droit dans les yeux « one game at a time bro ! ». Il semble être un réel pilier de ce vestiaire et c’est un régal à voir.
Cette équipe a des défauts auxquels elle devra assez vite se confronter pour ne pas rester un projet de type « ah elle est sympathique cette équipe mais c’est tout ». Et nous les fans seront les premiers à être de plus en plus exigeants parce que les défaites au buzzer on va pas laisser passer pendant encore longtemps ok ?? Mais cette équipe fait sincèrement plaisir à voir. Elle dégage quelque chose de spécial qu’on attend depuis très longtemps dans le 313. Si les Pistons étaient un plus gros marché, ou que les Pistons étaient plus médiatisés, pas beaucoup de doutes qu’on parlerait un peu plus du renouveau qui a commencé cette année. Voilà, un peu de piquant en conclusion pour marquer les esprits, et rendez-vous autour du All-Star break pour un deuxième gros point ? Vendu.