Joakim Noah avec les Chicago Bulls en 2014.

La formidable saison 2014 de Joakim Noah

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Passion, détermination et défense. Voilà trois mots qui décrivent à merveille Joakim Noah. Le tricolore n’a certes pas eu la carrière internationale escomptée, mais il reste l’un des meilleurs Français à avoir évolué en NBA. Retour sur l’année 2014 de Joakim Noah, ou quand prendre le taureau par les cornes a pris tout son sens.

Entre espoirs et questionnements

L’espoir était de mise pour la franchise de l’Illinois après cette formidable saison 2013. On se souvient de ce run de playoffs, marqué par cette confrontation spectaculaire contre les Nets en 7 matchs. C’est d’autant plus vrai que Chicago n’a pas pu avoir sa star Derrick Rose de toute la saison malgré les nombreuses rumeurs autour de son retour. C’est d’ailleurs pour cela que cet exercice 2014 était attendu : revoir enfin cette équipe défensive lutter contre le Three Amigos de Miami.

Pourtant l’été est loin d’être joyeux dans les bureaux des dirigeants. Comme à son habitude, Jerry Reinsdorf explique qu’il ne veut pas payer la luxury tax, ce qui force le duo Gar-Pax à rester sous le salary cap. C’est pour cette raison que Nate Robinson et Marco Bellini quittent la franchise, alors qu’ils avaient été primordiaux avec leurs shoots extérieurs. Ils représentaient en effet à eux deux 49,3 % des tirs inscrit à trois points en régulière, et 58,5 % en playoffs !

Les dirigeants doivent également gérer le dossier de Luol Deng. Ce dernier traine une colère profonde contre eux depuis les playoffs. Le joueur a en effet eu une ponction lombaire mettant sa vie en danger et le faisant perdre 7 kilos en quelques jours. Pourtant le staff médical de la franchise l’a complètement abandonné, privilégiant alors la série à venir contre le Heat. En fin de contrat à l’été, de nombreuses rumeurs laissent d’ailleurs penser que l’anglo-soudanais ne finirait pas la saison avec Chicago.

La fin d’une ère

Pourtant en présaison tout se passe très bien. Les Bulls se montrent intraitables (8 wins en autant de matchs) et semblent prêts à repartir là où ils s’étaient arrêtés le 28 avril 2012. Derrick Rose est très convaincant en présaison en tournant à 20,7 points en 27 minutes. Même s’il est maladroit en début de saison, le meneur nous gratifie de jolies performances comme contre New York où il inscrit le floater de la victoire. Mais encore une fois tout va s’effondrer.

Sur une action anodine à Portland, Rose se déchire le ménisque droit. Fin de saison pour lui et retour à la case départ pour Chicago. La franchise doit faire sans son enfant prodige, et voit ses espoirs de titres s’évaporer un peu plus. L’équipe enchaine dès lors les mauvais résultats en ne remportant que 6 de ses 19 matchs suivants pour finir l’année 2013 avec un terrible bilan de 12 victoires pour 18 défaites.

Les dirigeants prennent par conséquent un choix fort en envoyant Luol Deng à Cleveland contre Andrew Bynum (immédiatement coupé) et des picks qui deviendront des seconds tours. La franchise affiche clairement son ambition de tanker cette saison afin de se renforcer via la draft. Joakim Noah est alors celui qui semble le plus touché par ce départ. Il avait en effet lié une réelle amitié avec Deng qui allait bien plus loin que le parquet. Face à cela, le français change de comportement et n’a plus son sourire habituel. Il conserve néanmoins son énergie débordante, ce qui va lui permettre de nous gratifier de performances spectaculaires.

Après 6 saisons et 375 matchs joués ensembles, Joakim Noah (à gauche) et Luol Deng (à droite) doivent se séparer. Crédit : Bruce Bennett – Getty Images

Le patron de la défense intérieure des Bulls

Les Bulls étaient sous Tom Thibodeau une équipe avec une pace très lente. Jamais Chicago n’a fait mieux qu’une 23e place, affichant même la 2e plus lente au cours de cette saison 2014. Le coach a surtout construit le système défensif de sa team autour de Joakim Noah. Thibs est en effet un adepte de la défense ice sur pick-and-roll de manière a orienté l’attaquant adverse sur son pivot. Mais ce dernier, du haut de ses 2,11 mètres, est une muraille crainte par ces opposants. Lorsqu’il est sur le parquet, il fait baisser de -2,4 % le nombre de tentatives proches du panier (65e centile) et -1,1 % sur les shorts mid-range (78e centile). Il avait d’ailleurs été monstrueux la saison précédente sur la dissuasion à moins de 1,3 mètre avec -5,3 % quand il était sur le terrain (98e centile).

Joakim Noah est en effet un protecteur de cercle tout juste élite. Au-delà de sa taille, il possède une grande envergure (217 cm) lui permettant de contester efficacement. Il est un défenseur très intelligent qui prend assez peu de risque pour repousser ses adversaires. L’intérieur tourne en effet à 1,5 contre par matchs, soit 2,4 % de block percentage (65e centile). Il n’est « que » 27e sur 87 parmi les pivots avec au moins 1000 minutes jouées. Mais il préfère au contraire gêner les shoots, ce qu’il fait extrêmement bien. Il inflige en effet une baisse d’efficacité de -8,6 % près du cercle, soit la 5e meilleure marque. C’est d’ailleurs pour cette raison que son coach lui demandait de zoner dans la raquette, quitte à se faire siffler les 3 secondes défensives.

Et bien évidemment le français ne laisse pas de miettes. En captant 7,7 rebonds défensifs chaque soir, il est le 8e joueur avec la moyenne la plus élevée. Il capte ainsi 21,1 % des rebonds défensifs de son équipe, soit le 83e centile parmi les joueurs à son poste. On remarque également que le tricolore a réalisé 21 matchs à 10 rebonds défensifs ou plus, pour 16 victoires au final.

Une bonne défense extérieure

Contrairement à de nombreux joueurs à son poste. Joakim Noah est un bon défenseur sur les extérieurs adverses. Il possède un footwork très intéressant qui lui permet de changer très rapidement de direction et ainsi rester face à son attaquant. Il a l’habitude d’orienter ces adversaires en plaçant ses pieds de manière à les dissuader d’aller d’un côté. Par ailleurs le français utilise très bien son envergure afin de ne pas se coller aux extérieurs vifs. Cela était d’autant plus efficace dans une ligue où le pull-up lointain n’étais pas aussi populaire qu’aujourd’hui.

Il est surtout un défenseur très actif avec ses mains. On a pu le voir à de nombreuses reprises essayer de gêner avec. C’est d’ailleurs au cours de cette année 2014 que le pivot de Chicago réalise sa meilleure saison au steal avec 1,2 interception par rencontre (1,6 % de steal percentage ; 84e centile). Il est très bon pour contester les entry pass, voler la balle dans les mains ou bien couper les trajectoires. On se souvient par exemple de cette magnifique interception sur Paul Pierce en 2009.

Cependant tout n’est pas parfait dans la défense de Noah. Il a notamment un peu plus de difficultés contre les intérieurs très mobiles capables de l’emmener au large et de poser quelques dribbles. On a pu voir cela en playoffs contre Washington, où Nenê a tout simplement était excellent contre lui. Cela reste néanmoins à nuancer, car le français a réalisé des prestations solides contre Chris Bosh, qui est pourtant sur le papier le joueur idéal pour contrer son impact défensif. L’intérieur floridien n’a en effet tourné qu’à 14,8 points sur les 4 confrontations de régulières contre Chicago, alors qu’il était à 16,6 points sur l’ensemble de la saison.

Celui que l’on surnomme le « Raging Bull », que l’on peut traduire par « Le taureau déchaîné », est une véritable muraille défensive (Win McNamee / Getty Images)

La plaque tournante offensive des Bulls

Avec les blessures de Derrick Rose, Tom Thibodeau est obligé de modifier ses principes de jeu. Il n’a pas à cette période de meneur gestionnaire capable d’assumer un tel rôle en playoffs. C’est donc pour cette raison qu’il responsabilise davantage Joakim Noah. Ce dernier avait montré des flashs prometteurs par le passé. Et on peut dire que cela lui a plutôt bien souri puisque le français est devenu le créateur offensif principal de cette team.

« Jooks » aime se placer en tête de raquette avec du mouvement autour de lui. Il cherche alors à servir ses coéquipiers quand ils font des cuts vers le cercle, ou bien à initier des handoff avec ces extérieurs. Le français a une très bonne vision de jeu, où sa taille est un réel avantage pour trouver ses partenaires. Conscient de ses limites au scoring, le français a toujours eu cette volonté de mettre en avant le collectif.

Étant donné qu’il n’a jamais été doté d’un grand shoot, les défenses lui laissent beaucoup d’espace. Ce qui était idéal pour lui permettre de prendre ces décisions sans pression. Mais il peut tout aussi bien utiliser son bon handle pour driver vers le panier afin de trouver son ailier-fort démarqué. Cette relation entre intérieurs était notamment intéressante sur du de high-low avec Taj Gibson ou Carlos Boozer.

Noah réalise très clairement sa meilleure saison en carrière à la passe avec 5,4 assists chaque soir. Il est par exemple le 2e joueur de Chicago avec le meilleur assist percentage (25,8 %) ce qui est la meilleure moyenne à son poste. Le français est par ailleurs le pivot avec le meilleur ratio d’assist-turnover. Il réalise notamment 5 matchs à plus de 10 passes décisives entre le 6 février et le 5 mars 2014. Il tourne par ailleurs à 7,5 assists de moyenne au mois de mars.

Le français réalise surtout une deuxième partie de saison remarquable, tant d’un point de vue individuel que collectif.

Joakim Noah, leader émotionnel formidable

Joakim Noah est un joueur passionné. Un joueur qui donne tout ce qu’il a pour faire les winning plays. C’est par ces actions spectaculaires que le pivot renverse des rencontres en un instant et électrice le United Center. Il devient alors une véritable source d’inspiration pour ces coéquipiers qui se rallient derrière leur leader. Chicago joue à l’image de son intérieur en proposant un jeu collectif par forcément léchée, mais avec passion et détermination, surtout en défense (2edefensive rating). On voit d’ailleurs de jeunes joueurs adopter cette mentalité et émerger tels que Jimmy Butler.

Le français prouve surtout qu’il est l’un des joueurs les plus all-around dans toute la NBA. Il est tout simplement inarrêtable. Il tourne à partir de janvier à 13,9 points, 11,9 rebonds et 6,5 passes. Joakim Noah nous gratifie de performances spectaculaires, comme contre Orlando (26 points, 19 rebonds et 6 passes dans une victoire en triple prolongation) ou New York (13 points, 12 rebonds et 14 passes). Il finit d’ailleurs la saison avec 4 triples doubles, soit la 2e meilleure marque de la ligue.

Dans son sillage, Chicago devient inarrêtable. L’équipe remporte en effet 69 % de ses matchs à partir de janvier, ce qui équivaut sur la période à la meilleure moyenne à l’Est et la 4e en NBA. La franchise de l’Illinois termine finalement à la 4e place de sa conférence avec 48 wins. Un résultat inespéré au vu du début de saison manqué des taureaux. Joakim Noah participe logiquement au All-Star Game pour la 2e fois de sa carrière. Il est surtout élu défenseur de l’année sans aucune contestation avec 119 premières places sur 125 possibles. Preuve supplémentaire de la saison stratosphérique que le français réalise, il est nominé dans la All-NBA First team — la première fois de l’histoire pour un Français — et fini 4edans la course au MVP.

Au côté de Dikembe Mutombo (à droite), Joakim Noah célèbre son titre de DPOY devant son public. Il devient le premier français de l’histoire à remporter ce titre (Associated Press)

La désillusion collective

Chicago retrouve en playoffs Washington, une équipe contre laquelle elle a eu des difficultés en régulière avec seulement 1 victoire en 3 matchs. Mais dès le début du game 1, le ton de la série est donné. Nenê claque un gros tomar dans la raquette des Bulls sur la première action ! C’est plus globalement son duo avec Marcin Gortat (39 points et 21 rebonds en cumulés) qui fait mal aux joueurs de l’Illinois. Joakim Noah essaie tant bien que mal de résister (10 points, 10 rebonds, 4 passes), mais il ne peut empêcher la défaite de son équipe à domicile.

Joakim Noah rappelle néanmoins dès le game 2 qu’il est l’un des meilleurs joueurs de la ligue avec 20 points et 12 rebonds. Mais alors qu’ils menaient de 6 points à quatre minutes de la fin, Chicago s’écroule complètement. Washington revient à égalité et s’impose en prolongation grâce à Nenê (17 points et 7 rebonds sur le match). Malgré la victoire au game 3 à l’extérieur, les Bulls sont dominés et se font finalement éliminer à domicile au match 5 dans une rencontre où ils n’inscrivent que 69 points.

C’est bien évidemment une déception pour cette équipe qui avait montré un cœur énorme dans son run de playoffs la saison précédente. Joakim Noah fait une bonne série offensive avec 10,4 points, 12,8 rebonds et 4,6 passes à 51,2 %. Mais c’est surtout en défense qu’il a eu du mal à lutter face à la mobilité de Nenê (17,8 points et 6,5 rebonds à 54,8 %).

Conclusion

Au-delà de cet échec collectif, cette saison est à l’image de Joakim Noah. Une équipe déterminée, passionnée et prête à tout pour déjouer les attentes. Même si Chicago n’a jamais réussi à remporter un 7e titre avec cette génération, les souvenirs restent magnifiques. On se rappellera de cette team comme d’une famille de guerriers prête à aller à la guerre ensemble. Une équipe qui a mouillé le maillot soir après soir, faisant honneur aux Bulls des 90s.

Pour Joakim Noah, cette saison sonne le peak de sa carrière. Il a montré qu’avec beaucoup de courage il était possible de braver les moindres obstacles. Il est un joueur qui a inspiré des millions d’enfants et d’adolescents dans le monde, à commencer par Rudy Gobert. Que ce soit sur le terrain ou en-dehors, il était un exemple à suivre pour de nombreuses personnes.

Tu m’as inspiré moi aussi. Tu fais partie de ceux qui m’ont rendu amoureux de la balle orange, et par la même occasion de cette franchise légendaire. Je ne peux que te remercier pour tout ce que tu as fait, et j’espère qu’un jour on pourra se rencontrer pour discuter de tes souvenirs à Chicago.

Félicitation Joakim.

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