Vraie figure de Betclic Élite sur les dernières années, Bastien Vautier est désormais reconnu comme l’un des, si ce n’est le meilleur poste 5 de l’hexagone. Du côté de Cholet, le géant de 2m11 vient de boucler la meilleure saison de sa carrière en tournant à 11,3 points et 4,9 rebonds de moyenne en championnat. Alors que le club choletais a annoncé son départ ce lundi, le pivot est revenu, pour Le Roster, sur sa carrière et son ascension fulgurante.
Interview réalisée par Kévin Laurent et écrite par Nicolas Bulach.
Kévin : D’après ta page Wikipédia, tu as pratiqué le football, le badminton, la natation, le tennis et puis tu es venu un peu tard au basket, à 13 ans. Qu’est-ce qui t’a fait choisir ce sport par rapport à d’autres ? Des remarques sur ta taille peut-être ?
Bastien Vautier : J’ai toujours été fan de sport en général et puis c’était un de ceux que je n’avais jamais essayé. Pour l’anecdote, c’est vrai qu’on me disait souvent tu es grand, fais du basket. Et moi, ça m’énervait quand j’avais 11-12 ans. Après, finalement, ils avaient raison. J’ai commencé à jouer au basket et je n’ai jamais arrêté.
As-tu réussi à être dominant dès tes débuts dans le basket, même si on imagine que ça a dû être un peu compliqué ?
Forcément [c’était compliqué], tu es tout débutant, tu n’as aucune technique. Après, je pense que faire tous les autres sports, ça m’a aidé dans ma coordination. Pour un grand, c’est souvent ce qui pèche le plus. C’est ce qu’il y a de plus difficile de bien contrôler tous ses membres. Donc voilà, je pense que d’avoir fait d’autres sports, ça m’a aidé pour pouvoir progresser plus vite et rattraper tout ce qui me manquait.
Tu dirais que ton temps d’apprentissage a duré combien de temps à peu près ?
C’est allé assez vite parce que je me suis rapidement retrouvé en centre de formation, après trois ou quatre ans là-bas, j’ai signé professionnel à 18 ans. C’est allé très rapidement. […] Si tu es focus et que tu bosses, ça peut aller très vite.
Justement, au niveau du centre de formation, tu démarres à celui de Nancy. Comment est-ce que tu as été repéré, approché, puis recruté par le SLUC ?
Il y a plusieurs options. Soit tu te fais appeler directement par les centres de formation où ils ont des cellules de recrutement, des cadets régions ou des cadets France. Sinon, il y a des tests où tu vas faire deux, trois jours de test dans les centres de formation. Après, ils te sélectionnent ou pas. Je pense que c’est les deux entrées. Personnellement, j’avais fait plusieurs centres de formation différents. J’avais fait Évreux, Paris, Nanterre, Le Mans et du coup Nancy aussi. Et puis, c’est vraiment celui-là que j’ai préféré.
Pourquoi ce choix ? Était-ce dû au fait que ce n’était pas très loin de chez toi à l’époque ?
Oui c’est ça, mais il y avait aussi un feeling. C’était un centre de formation où tu n’étais qu’avec d’autres basketteurs. Et puis, c’était un modèle familial que j’ai bien aimé et qui m’a permis de m’épanouir.
Là-bas tu remportes le championnat Espoir, le Trophée du Futur, avec des joueurs comme Williams Narace ou Valentin Chéry qui sont aujourd’hui bien installés en Betclic Élite. Quels souvenirs gardes-tu de ce groupe, de cette génération et de sa domination ?
C’est une équipe qu’on a créée au fur et à mesure parce que je suis arrivé en deuxième année cadet. Après, on a tous fait trois années ensemble, donc les deux années cadet et la première année Espoir. Il faut savoir que dans cette équipe-là, où on n’a fait que gagner, à part un match, on n’avait aucun « dernière année » en U21. Après, comme tu as dit, il y avait vraiment des super joueurs. Forcément, quand tu as individuellement du talent et du physique, tu ne perds pas de match en Espoir. Donc, on avait vraiment une belle génération. C’est vraiment des souvenirs de fou, je pense que tous les gars pourront te le dire.
Tu as gardé contact avec certains coéquipiers de cette période ?
Complètement, surtout qu’il y en a beaucoup que je croise encore sur le terrain, mais forcément ce sont des liens qui restent gravés à vie.
Est-ce qu’il y a un joueur qui t’a marqué plus que les autres en espoir ?
Un ? C’est assez facile, ça serait Enzo [Goudou-Sinha], on a fait tout notre lycée ensemble. On s’est beaucoup suivi. On a joué aussi beaucoup ensemble après en pro. C’est vraiment Enzo sans réfléchir.
Forcément, avec le succès qu’a rencontré cette équipe, il y a dû y avoir plein de projecteurs braqués sur le SLUC…
Complètement. Après, j’ai enchaîné en même temps que les années Espoir en équipe de France Jeunes. Je pense que ça m’a beaucoup aidé aussi dans l’expérience où chaque été, tu fais les championnats d’Europe, les championnats du monde. Je pense que ça a été un vrai moment dans ma jeune carrière.
À ce moment-là, tu as déjà une belle carrière en jeune, mais il faut bien passer en pro un jour. Tu es alors prêté par Nancy à Caen, en Pro B, comment s’est passé cette saison loin de chez toi à Caen, qui représentait pour toi le passage du monde Espoir au monde pro ?
La première saison a été très importante. Le niveau n’a vraiment rien à voir. D’un seul coup, tu passes d’un environnement où es avec tes potes, tu es en Espoir, tu n’as pas de pression, tu joues un peu que pour le plaisir de gagner. Et là, d’un coup, tu arrives dans le monde professionnel où il faut des résultats. Tu as toute la pression de tout ce qui t’entoure. Donc, j’ai choisi un club qui venait de monter avec comme objectif le maintien en Pro B. À Nancy, ça jouait plutôt la montée. L’objectif n’était pas le même. Pour ma première année, je suis tombé avec des supers gars. Je pense qu’on ne pouvait pas vraiment rêver mieux comme première saison.
Justement, quelle est la chose qui t’a le plus marqué à Caen lors de cette première année ?
C’est compliqué de ne choisir qu’une seule chose. Les supporters étaient supers, Hervé Coudray aussi en coach, il était top. C’est vraiment toute l’ambiance où tu découvres. Donc, honnêtement, je ne peux pas vraiment sélectionner une seule chose. Mais je pense que c’est surtout à la fin de l’année où on avait des blessés. Et à un moment, on avait un Américain dans l’équipe pendant une dizaine de matchs, donc on s’est battus. On était 7 joueurs et on gagnait quand même. C’était vraiment incroyable. On s’est maintenus en plus largement à 4 ou 5 matchs de la fin.
Ensuite, tu signes ton retour à Nancy, où tu passes 3 saisons avec constamment l’ambition de monter sans y arriver. À quel point est-ce que c’était frustrant et comment est-ce que tu t’es senti pendant cette période ?
C’est ça, chaque saison était différente, à chaque fois, on changeait de coach. Après, j’étais avec Enzo, mon meilleur pote, donc forcément, humainement, c’était bien. Mais comme tu as dit, c’est d’autres objectifs et à chaque fois, on finissait deuxième ou troisième. Malheureusement, dans le sport comme ça, ça se joue à un détail. Tu perds un match qu’il ne faut pas perdre, tu finis deuxième. On n’a pas réussi à monter, mais j’ai rencontré vraiment des bons gars. C’est là que tu essaies de te former en tant que joueur pour créer ton identité et chercher ce que, toi, tu vas apporter sur le terrain. Nancy, c’est une grosse partie de moi. Je pense, limite, que je viens plus de là-bas que de Paris. Honnêtement, ce sont des années qui ont été très importantes dans mon développement.
Pendant cette période, comment est-ce que tu as fait pour faire abstraction des déceptions d’une saison à l’autre pour repartir motivé et dans le bon mindset ?
Honnêtement, forcément tu ressens de la déception quand tu n’arrives pas à atteindre l’objectif fixé en début de saison, mais de toute façon, dans le sport, il faut vite rebondir pour voir ce qui se passe. Tu rates un tir, une demi-seconde après, tu es en train de courir en défense. Donc voilà, franchement, c’est comme tout. Il ne faut jamais se laisser abattre, je n’ai jamais trop cogité, je voulais juste avancer et atteindre les objectifs step by step.
C’est un peu ce que dit LeBron, c’est que chaque défaite ou chaque erreur te fera toujours progresser sur une échelle et tu vas toujours apprendre de tes erreurs. Finalement, c’est ça ce que tu nous dis un peu ?
Voilà complètement. Après, mentalement, il faut réussir à se mettre dans la tête que « j’ai envie d’apprendre et tout ce que je fais de mal, ou de bien, il faut que je le fasse encore mieux ». Il faut se demander pourquoi on n’a pas réussi ? Pourquoi j’ai raté ça ? Je pense que c’est vraiment ça qui te fait progresser plus que de réussir à passer à autre chose. Forcément, il faut passer à autre chose, mais il faut aussi apprendre de tes erreurs.
Comment se rythment les intersaisons pour un joueur pro ?
Alors, ça dépend. Parce qu’avant, je faisais les équipes de France [jeune]. Pendant 4 ou 5 saisons, ça fait que l’été, tu pars pendant un mois et demi et tu n’arrêtes pas ou tu arrêtes une semaine peut-être. Maintenant que je suis professionnel, je prends en général 2 semaines de off pour vraiment recharger les batteries, que ce soit mentalement ou physiquement. Après, je travaille avec des prépas physiques, des coachs basket pour me perfectionner et revenir au top pendant la prépa.
D’ailleurs en parlant de l’équipe de France tu y as quand même un bon palmarès avec les sections jeunes, tu remportes le championnat d’Europe U18 en 2017, tu finis troisième en U20 en 2018. Qu’est-ce qui t’a marqué lors de ton passage dans les sections jeunes des Bleus par rapport aux différents club où tu as pu évoluer ?
Franchement, c’est complètement différent. Déjà, tu as des coachs, tu as tous les systèmes équipe de France, l’INSEP, tout ça que je ne connaissais pas du tout. Ce n’est pas du tout la même défense. Tu apprends plein de nouvelles choses, tu as aussi une période donnée avec un mois de prépa et deux ou trois semaines de compétitions, ça va très vite. Tu n’as pas une saison pour régler ce qui ne va pas. Il faut être efficace directement. Tous les deux jours, tu enchaînes les matchs. Quand tu as 17 ans, ce n’est pas facile. Après, les moments marquants, forcément, comme tu as dit, c’est quand on a gagné, et qu’on a été champion d’Europe avec Sekou Doumbouya, Franck Ntilikina, Adam Mokoka, Killian Tillie… C’était vraiment incroyable.

Pour revenir sur ta carrière en club, tu décides de quitter Nancy en 2021, quelles ont été les raisons derrière ce choix ?
Avant ça, en avril 2021, je me fais les croisés, ce qui est quand même un gros point de ma carrière aussi. Du coup, je m’arrête neuf mois. Là, je décide de prendre le temps pour revenir en janvier, donc au final ça tombait pas trop mal. Mais, naturellement, ils avaient déjà commencé leur saison. Ils avaient déjà deux intérieurs et n’avaient pas besoin de moi en demi-saison. Après, ils m’ont vraiment aidé aussi. Ils m’ont mis dans les bonnes circonstances. J’ai pu m’entraîner avec eux, j’avais le staff médical. J’avais tout ça pour m’aider à Nancy.
Justement, les croisés, c’est en quelques sortes le cauchemar de tout sportif pro. Quelles sont les différentes phases pour revenir au top niveau ?
Au début, tu es dégoûté. C’est toujours le truc où tu ne sais jamais si tu vas vraiment réussir à revenir à ton niveau parce que l’opération du genou, il y a plein d’histoires où les mecs ont toujours mal et ça ne se passe pas bien. Moi, j’ai eu de la chance, l’opération s’est super bien passée. Direct après, tu commences déjà à bosser, tu ne t’arrêtes pas. Après, j’ai été à Berck en rééducation. J’ai fait Cap Breton en réathlétisation. Du coup, après 4-5 mois, tu recommences à courir, puis sur les 3-4 derniers mois, tu fais vraiment du basket et beaucoup de muscu. En passant par tout ça, tu apprends aussi beaucoup sur ton corps, et à être encore plus fort mentalement. Et puis de toute façon, à un moment tu reprends, j’ai signé un contrat à Quimper en milieu de saison.
Et c’est justement là-bas que tu vas commencer à exploser aux yeux de tous. Comment s’est passée cette saison qui a marquée ton éclosion en Pro B ?
Très bien. Même si ce n’est jamais facile d’arriver en cours de saison. Surtout qu’en plus, le club était dans une phase où il perdait. Je suis arrivé pour les aider, pour réussir à former un groupe. Au final, on a réussi à se maintenir. On avait un super groupe, ça s’est super bien passé. Ils m’ont fait confiance, ça m’a permis aussi de bien revenir mentalement sur mon genou, de ne plus avoir d’appréhension. Après, je pense qu’avec les croisés, j’ai changé d’état d’esprit, c’était que du plus. Une fois que tu t’es fait une grosse blessure et que tu as l’impression de presque avoir tout perdu de ce que tu as fait dans ta vie, tu te dis que maintenant, ce n’est que du bonus, et que tu n’as rien à perdre. Maintenant, j’ai joué vraiment comme j’avais envie de jouer. Ça a payé.
À Quimper, le public est souvent mis en avant, selon toi, à quel point est-ce que l’apport des supporters peut influencer un match ?
C’est super important. Que ce soit dans la tête des gars, niveau motivation, dans l’ambiance de la salle, avec les arbitres, c’est vraiment la base de tout. Tout joueur aime jouer à domicile et être supporté par ses fans. Honnêtement, quand tu es joueur, si tu sens que tu es soutenu et que les gens sont prêts à se battre avec toi, que ce soit le staff, les fans, les coéquipiers, tout est plus facile dans notre sport.
À l’inverse, est-ce qu’il y a déjà eu des moments où tu as été intimidé par la ferveur d’un public qui ne te supportait pas ?
Non, pas du tout. Honnêtement, moi, s’il y a beaucoup de monde, même s’ils sont contre nous à l’extérieur, j’aime bien. C’est ce qui me fait vibrer en tant que sportif. Donc voilà, tous les matchs, je les joue pour gagner, je ne réfléchis pas à tout ça même si je sais qu’il y a des salles à Limoges, ou même quand on a joué au PAOK cette année, qui sont chaudes, agressives. Mais, au final, que les gens soient contre ou avec nous, on joue pour gagner.
Ça s’est vu puisqu’après ton départ de Quimper, tu signes à Lille, et là-bas tu exploses complètement. Plus de 17 points et 8 rebonds de moyenne, meilleure évaluation et meilleur pourcentage au tir de Pro B. Qu’est ce qui a fait que tu es devenu ce joueur-là et que tu as été aussi impressionnant à Lille ?
Honnêtement, je pense que si tu es prêt physiquement et mentalement dans ta technique, si on te met vraiment dans des bonnes circonstances, c’est là où tu as toutes les chances d’exploser. Et voilà, c’est ce que je cherchais en venant à Lille. J’ai beaucoup parlé avec le coach Maxime Bézin, je pense que c’est ce qui me manquait pour faire la bascule, de réussir à aller en pro une année où tu montres que tu es super dominant. Ce n’est pas du tout facile à faire, mais tout le monde m’a aidé, le club m’a mis dans les meilleures conditions et m’a fait confiance. On a appuyé collectivement en créant un super groupe et tout marchait bien. Une fois que ça, c’est fait, le plus dur est derrière, tu sais déjà comment tout fonctionne au club, tes coéquipiers sont avec toi, tu as la confiance du coach. Forcément, ça fait des stats, on gagne des matchs. En plus, pour l’histoire, Basket Le Mag sort les rankings de Pro B et nous mettent 17e (au final, Lille terminera 4e), c’était marrant.
Est-ce qu’il y a un moment à Lille pendant toute cette saison un peu exceptionnelle qui t’a marqué plus que d’autres ?
Il y a tellement de moments où on a gagné des matchs que tout le monde pensait qu’on allait perdre. On va gagner au buzzer à Chalon, des choses comme ça. C’est des salles vraiment pas faciles. Honnêtement, il y a plein de moments. Toutes les victoires en Leaders Cup, en Coupe de France, en plus, on a joué sur tous les tableaux alors qu’on n’était pas beaucoup. Donc malheureusement, on s’est fait éliminer au buzzer aussi contre Orléans en quarts de finale de play-offs. En fait c’est une année où on n’est loin de rien, mais au final on ne remporte aucun trophée, mais ça reste une très bonne saison.
Ensuite, on connaît malheureusement le destin du club, qui a disparu, comment est-ce que tu as vécu ça, de voir que le club disparaissait quelques mois après ton départ ?
C’était la saison suivante, donc je ne l’ai pas vécu directement, mais forcément, c’est dommage. En plus, Lille, c’est une super ville, un club avec de supers supporters. Donc, je me dis vraiment qu’il y a vraiment de quoi faire un vrai beau club. Je suis triste, mais j’espère qu’un jour, il y aura une nouvelle équipe qui va sortir à Lille.
Du coup, même si tu pars de Lille, tu restes dans le Nord en t’engageant au Portel où tu découvres la Betclic Élite. Mais, ce qu’on voudrait savoir, c’est, après cette saison impressionnante, combien de clubs de première division t’ont approché ?
Honnêtement, il n’y en a pas eu tant que ça. En fait, je vais souvent dans les clubs où je sens que les coachs me veulent vraiment, pour moi, c’est un peu la meilleure solution, si t’en as l’occasion. Après, je n’ai pas non plus attendu deux mois avant d’essayer de trouver un club, ça s’est fait très vite avec le Portel, je l’ai directement bien senti. J’ai bien aimé le challenge de la petite ville qui essaie de survivre dans l’élite.
Tu nous parlais juste avant du coach, on imagine que quand tu as rencontré Éric Girard, il t’a parlé des responsabilités qu’il allait te donner, et ça a tout de suite matché entre vous ?
Complètement. C’est un battant. Je pense que si vous connaissez le basket, vous connaissez Éric Girard. Chaque fois, il fait de la magie avec ses équipes.
Justement, cette année-là va aussi être dingue, déjà car tu es nommé dans le cinq majeur du championnat dès ta première saison dans l’élite, tu participes aussi au All-Star Game, Le Portel termine huitième ex-aequo…
Oui c’est ça, on a réussi à qualifier Le Portel en coupe d’Europe. Encore une fois on a aussi un super groupe avec Digué Diawara, David DiLeo. On avait plein de gars qui avaient vraiment la dalle. Donc, c’est ce qui a marché. On a réussi aussi à faire un vrai groupe, tous ensemble, où tout le monde regardait dans la même direction. Et souvent, pour moi, en tout cas, le basket, ça fonctionne très bien comme ça.
Est-ce qu’il y a un moment qui là aussi t’a marqué pendant cette saison au Portel ?
Alors, encore une fois j’en ai plusieurs, il y a le match du Carnaval où on gagne à domicile, avec une ambiance incroyable, l’une des meilleures que j’ai jamais faites à domicile. Ou sinon, même le match à l’extérieur, qu’on va gagner à Paris au début de saison. Voilà, c’est des grosses victoires, qui ont permis de vraiment forger l’équipe.
Alors, c’est peut-être une hot take, mais est-ce qu’on peut dire que Le Portel est le meilleur public de France ?
Oula, moi à chaque fois on me demande ça quand je vais dans les clubs, je ne veux d’embrouilles avec personne. [rires] Non, mais vraiment incroyable le public du Portel, forcément. Et puis, en tant que joueur, j’ai besoin de sentir les supporters derrière moi à chaque panier, chaque dunk ou chaque moments chauds, c’était vraiment bien.
Et du coup, pourquoi ne pas avoir resigné au Portel et être parti du côté de Cholet dès la saison suivante ?
J’avais besoin d’un club qui avait l’habitude des Coupes d’Europe, avec le coach, on s’est très bien entendu aussi avec Fabrice [Lefrançois], j’ai bien aimé le plan d’équipe qu’il voulait mettre en place. Après, c’est des choix de carrière, on ne sait jamais s’ils sont bons ou mauvais avant de les faire. C’est des choix à faire dans une carrière, mais ça ne m’aurait vraiment pas dérangé de rester au Portel non plus.
Comme on disait, tu as décidé de partir à Cholet. Une fois là-bas, que tu voies la Meilleraie, qu’est-ce que ça fait de se dire qu’on va jouer dans un club aussi mythique ?
C’est incroyable, c’est un club que je regardais déjà depuis très longtemps. Depuis tout petit, je jouais contre eux. C’est une grosse équipe, il y a beaucoup de gros joueurs qui sont passés par là. J’ai vraiment eu de la chance de jouer à Cholet.
En parlant de gros joueurs, tu as pu côtoyé Andre Roberson en début de saison, avant qu’il ne signe à l’ASVEL, est-ce qu’il t’a impressionné ?
Oui, forcément, il est super fort. En plus, il a vraiment des points forts qu’on n’a pas l’habitude de voir. Il peut être très efficace sans avoir besoin du ballon. Il défend super dur, il est beaucoup dans le collectif, la communication. Il apprend vraiment plein de choses que peu de gens réussissent à faire. C’est très impressionnant. Ça ne m’étonne pas du tout qu’il ait fait carrière en NBA. Quand tu joues avec lui en tant que sportif pro, tu le vois directement qu’il est différent.

Il est surtout reconnu pour sa défense, est-ce que tu as ressenti que c’était un joueur d’un autre calibre de ce côté du terrain ?
Oui, c’est le meilleur défenseur de France pour moi. Il peut défendre sur tous les postes. Il ne fait jamais d’erreurs, il est dans l’intensité tout le temps. Donc forcément, c’est ce qu’il y a de mieux dans le monde dans cet aspect du jeu.
Autre excellent joueur que tu as pu retrouvé à Cholet cette saison, TJ Campbell, qu’est-ce que tu as pensé de lui ?
TJ Campbell est incroyable. En plus, j’ai besoin de bien m’entendre, que ce soit sur le terrain ou en dehors, avec mon poste 1, parce que forcément, tu as le lien 1-5, où tu joues ensemble sur les pick-and-roll. C’est incroyable de jouer avec un joueur comme ça, qui ne fait aucune erreur. D’autant plus que moi, j’aime bien les short-rolls, les petits jeux collectifs comme ça. Je me suis vraiment régalé toute la saison. Je pense que c’est l’un des meilleurs meneurs avec lesquels j’ai joué.
Encore une fois, ton équipe et toi avez créé la surprise, en passant une bonne partie de la saison à la première place du classement, est-ce qu’il y avait une sorte d’ingrédient secret qui a fait que Cholet a aussi bien performé cette saison ?
Honnêtement, il n’y a aucun secret. On a bossé et on a réussi à créer un groupe où tout le monde s’est mis au service de l’équipe. Je pense que personne n’a essayé de tirer la couverture vers lui et c’est ce qui a fait la différence. Donc voilà, si tu regardes les stats, les matchs, tu vois que tout le monde marque. En fait, le danger peut venir de partout. Des fois, il y a un joueur qui va te mettre 25 points, la semaine d’après, c’est un autre joueur qui a mis 2 points la semaine d’avant. Franchement, c’est pour ça que je pense qu’on était très difficiles à scouter. Et puis on défendait dur. Il n’y a pas de secret, au basket, si tu défends dur, c’est plus facile de gagner les matchs. Donc voilà, tout le monde défendait dur. On se la donnait vraiment à l’entraînement. Finalement, c’est juste ça, le secret, c’est de travailler.
En parallèle, vous disputez la FIBA Europe Cup, toi pour qui c’était la première expérience européenne, qu’est-ce qui diffère la coupe d’Europe du championnat de France ?
Ça te rajoute presque un match par semaine. Donc, tu as tous les déplacements qui vont avec, il y a plein de choses en plus. Au final, tu as moins d’entraînement pour les prochains matchs, tu n’as presque aucun jour off. Tous les lendemains de matchs tu dois aller à la salle pour faire ta récup, alors que quand tu as match le vendredi ou le samedi, tu as dimanche off, lundi tranquille. Mais là, quand tu as match le mardi, dans trois jours, tu arrives, tu dois déjà faire une séance vidéo. Au final, tu ne te reposes jamais, que ce soit mentalement ou physiquement. C’est quelque chose à prendre en compte, qui n’est pas si facile, mais avec une équipe comme ça, ça s’est super bien passé. On a été dans plein de pays différents pour jouer des équipes espagnoles, des équipes belges, des équipes suisses, ou même en Roumanie, ça permet de voir autre chose. Dans une carrière, c’est très cool.
N’est-ce pas un peu compliqué de faire aussi vite la bascule entre le niveau français et européen ?
Non, parce que le niveau du championnat est très fort, il n’y a aucun match facile. C’est pareil en coupe d’Europe. Donc non, tous les matchs étaient difficiles et intéressants à jouer.
Il y a notamment la demi-finale face au PAOK qui s’est jouer à couteaux tirés. Vous gagnez là-bas, devant un public bouillant : est-ce que tu peux nous raconter ce moment ?
Malheureusement, sur le PAOK, j’étais blessé. J’ai raté un mois. Après, je sais que les gars, ils ont fait le taf. Ils ont su gagner là-bas. Ça devait être vraiment incroyable.
Justement, quand on est en cours de saison et qu’on a une petite blessure comme ça, comment on fait pour revenir aussi vite au niveau et tout de suite se remobiliser pour être prêt pour l’équipe ?
Pour être prêt, c’est forcément ton hygiène de vie qui va vraiment faire la différence, de mise avec ton travail et ton investissement. J’ai bossé après tous les jours avec le kiné pour revenir bien. On est revenu très rapidement par rapport à ce qui était donné. Après, l’objectif du coup, c’était les play-offs. Je suis revenu deux, trois matchs avant ça. Mais après, quand tu t’es fait les croisés, tu te dis qu’une blessure d’un mois, c’est tranquille.

Collectivement, malgré votre excellente saison, vous vous faites sortir en prolongation à domicile par le PAOK en coupe d’Europe, puis par Bourg en deux matchs en play-offs de Betclic Élite. Est-ce qu’il n’y a pas un peu de déception en voyant la saison que vous réalisez et les résultats obtenus à l’arrivée ?
En fait, le problème, c’est que quand tu arrives sur les matchs cruciaux, si tu les perds tu es éliminé. En Coupe de France, on perd en demi, pareil en FIBA Europe Cup. En Leaders Cup, on va là-bas et on se fait sortir aussi. Donc au final, tu perds tout en passant à rien d’avoir un titre. C’est ça qui est dommage, parce que je pense vraiment que cette équipe aurait mérité d’avoir quelque chose. Mais voilà, après, franchement, je pense qu’on ne peut rien reprocher à aucun joueur, tout le monde s’est donné à 100% à tous les instants sur le terrain.
On a appris en début de semaine que tu n’allais pas rester à Cholet l’année prochaine, qu’est-ce qui t’a donné envie d’aller chercher une autre expérience pour l’année prochaine ?
C’est à l’image de ce que je fais à chaque fois, d’essayer d’avoir de nouvelles opportunités et de continuer dans ma progression, de trouver le meilleur endroit pour moi sportivement et continuer d’avancer au niveau du basket, tout simplement.
Qu’est-ce que tu vises pour l’année prochaine en termes de niveau où tu pourrais jouer ?
Honnêtement, un club d’Europe, ou un gros club qui est prêt à gagner des titres.
Est-ce que tu as déjà été approché par certains clubs de ce calibre ?
Écoutez, on verra bien [rires]. Je vous laisserai découvrir.
Et au niveau de l’équipe de France, on imagine que ça a dû te traverser l’esprit cette saison ?
Forcément, après comme j’y étais chez les jeunes, c’est toujours dans un coin de ma tête de représenter la France encore une fois.
Est-ce que tu as déjà été en contact avec des membres du staff des Bleus au sujet de la sélection ?
Non, je n’en ai pas trop eu cette année. Peut-être dans le futur, on ne sait jamais, on espère.
Pour passer sur des questions un peu plus amusantes, quel joueur contre lequel tu as joué est celui qui t’a le plus impressionné sur l’ensemble de ta carrière ou cette année ?
Alors, c’est vraiment pour les connaisseurs, c’est Mohamed Koné. J’arrivais pas à jouer contre lui parce qu’il faisait des signs super bien et à chaque fois, je faisais faute sur lui. Je trouvais ça trop fort de faire ça. Même [Miralem] Halilović aussi. Après, c’est mes années qui m’ont formé, quand j’étais à Nancy. C’est là où j’essayais de prendre ce que j’aimais chez les joueurs. Le floater d’Halilović, direct, quand je l’ai vu faire ça, j’étais en mode, « je veux avoir ça dans mon bag ». Cette année, jouer contre [Georgios] Papagiannis, [Donatas] Motiejūnas, forcément, c’est des match-up qui font rêver, et c’est quand même des gros noms. Mam Jaiteh ou Joffrey Lauvergne aussi, que je regardais beaucoup quand j’étais jeune. Tout ça, c’est incroyable pour moi.
Est-ce que tu as, en NBA ou ailleurs, un role model duquel tu essaies de t’inspirer, que ça soit sur ou en dehors des parquets ?
J’aimais beaucoup les frères Gasol, ou Blake Griffin aussi quand j’étais jeune, même si c’est vrai que c’est pas trop mon style de jeu. [rires] En Europe, [Jan] Vesely ou Motiejūnas je regardais beaucoup aussi. Enfin, il y a plein de joueurs, honnêtement. J’essaie vraiment de prendre tout le monde.