Il y a cinq ans, Derrick Rose nous gratifiait d’une performance exceptionnelle. Une performance que l’on ne pensait plus jamais revoir de sa part. Une performance qui vous laisse éveiller toute la nuit. L’ancien MVP a prouvé ce soir-là qu’il avait le talent d’une star malgré ses multiples blessures à répétition. Embarquez avec nous dans l’une des plus belles rencontres de ces dernières années, faisant chavirer le cœur de bon nombre de fans de la balle orange.
Une équipe dans l’incertitude
Pour cette soirée d’Halloween, Utah se déplace dans le Minnesota avec l’espoir de remporter sa 5e victoire consécutive à l’extérieur. Les Wolves quant à eux sont dans une situation plus compliquée. En fin de contrat à la fin de la saison, Jimmy Butler a en effet publiquement exprimé sa volonté de quitter le Midwest américain à cause de sa « relation fracturée » avec Karl-Anthony Towns. On se souvient notamment de l’entrainement où il a humilié les autres titulaires en jouant avec les remplaçants.
Avec l’absence de Jeff Teague, Derrick Rose est intronisé dans le cinq majeur par Tom Thibodeau. Le meneur renait à Minnesota où il sort d’une série de playoffs réussis contre Houston (14,2 points à 50,9 % en 24 minutes). Il retrouve surtout le coach qui lui a permis de devenir une star à Chicago, jusqu’à devenir le plus jeune MVP de l’histoire. Depuis sa terrible blessure en 2012, le joueur a beaucoup de mal à remonter la pente, tant sur le parquet qu’en dehors où il touche le fond à plusieurs reprises.
À cause de ses blessures, il n’est plus le même joueur qu’avant. Derrick Rose ne peut plus assumer les responsabilités de franchise leader. Même si sa fréquence de shoot au panier reste assez semblable à ses plus belles années (autour de 40 %), il n’a plus cette capacité à enchaîner ses actions compliquées. Il est notamment beaucoup moins aérien qu’en début de carrière. Cette opportunité à Minnesota est considérée pour de nombreux observateurs comme la dernière chance pour le meneur, qui doit prouver qu’il a sa place dans la ligue.
Une entame agressive de Derrick Rose
Dès le début de la rencontre, Derrick Rose met une grosse pression sur le cercle en attaquant constamment Ricky Rubio. Ce dernier, pas assez physique et mobile, ne parviens pas à contenir l’ancien MVP. Il arrive par conséquent à obtenir de nombreuses fautes — deux sur Rudy Gobert au 1er quart — ce qui lui permet d’aller chercher des points faciles sur la ligne. On voit alors un « D-Rose » en confiance, comme le prouvent les pull-up à trois points qu’il inscrit. Il est déjà à 13 points (à 4/8 au tir) à la fin des douze premières minutes.
En son absence, Utah recommence à jouer son basket en faisant bouger la balle et en attaquant les intervalles. Joe Ingles se montre notamment à son avantage sur pick-and-roll, où il sert parfaitement Gobert (11 points et 5 rebonds dans le quart-temps). Mais les Wolves restent devant au score grâce à une très bonne adresse extérieure (8/14 en première mi-temps).
Pourtant c’est bien Derrick Rose qui électrifie la salle en sortant des actions que lui seul a le secret. Voyant que Ricky Rubio défend encore une fois sur lui, le meneur de Minnesota agresse l’Espagnole et s’en va finir de manière acrobatique proche du panier en résistant au contact. Sur la possession suivante, Anthony Tolliver contre Derrick Favors et donne immédiatement le ballon à Derrick Rose. Ce dernier va très vite en contre-attaque, et réalise un super spin-move sur Jae Crowder avant de resservir Tolliver à trois points, qui fait mouche.
Menant de 9 points à la mi-temps, Rose (16 points et 5 passes) remercie avant tout ses coéquipiers qui lui ouvrent l’accès au cercle. Il met également l’accent sur la défense qui doit être meilleure selon lui pour la suite de la rencontre.
Le mano à mano avec Donovan Mitchell
Après une première mi-temps assez discrète, Donovan Mitchell décide de prendre le match à son compte. Il exploite très bien le drop de Minnesota pour aller sur ses spots. Il enchaîne pull-up à trois et drives en tout genre pour inscrire 16 points sur le quart-temps, le tout sans lancer franc. Mitchell ne panique pas si la défense est plus agressive en trouvant ses partenaires sous le cercle ou à trois points.
Voyant que le match échappe progressivement à son équipe, Derrick Rose décide de lui répondre en attaquant la défense sur pick-and-roll du Jazz. Alors qu’ils sont excellents de ce côté du terrain (5e defensive rating sur la saison), les mormons se montrent indisciplinés et prennent l’eau de toute part.
On aperçoit alors un « D-Rose » en confiance. Que ce soit près du panier, à mi-distance ou de loin, les shoots font ficelles et Quinn Snyder ne trouve pas la solution pour le stopper. Il inscrit ainsi 19 points à 9/11 au tir dans ce quart-temps, et est à 35 points inscrits. C’est dès lors son plus haut total de point depuis 2012. Karl-Anthony Towns s’invite lui aussi à la fête grâce à son adresse qui force Utah à défendre davantage au large (28 points et 16 rebonds sur la rencontre). Minnesota attaque donc le dernier quart-temps en menant de +5.
Mais cela ne va pas durer longtemps.
Utah reprend l’avantage et plonge Minnesota dans le doute
Le Jazz se montre à son avantage dès le début de l’ultime période. En s’appuyant sur une excellente défense collective et beaucoup de mouvement en attaque, Utah reprend du poil de la bête. Grâce à une superbe rentrée de Dante Exum et à la dissuasion défensive de Gobert, l’équipe réalise un run de 14-3 en trois minutes et prend une légère avance.
Minnesota semble sans réponse. Les Wolves ne proposent pas de diversité offensive et se reposent beaucoup trop sur les exploits de leurs stars, qui n’y arrivent plus. Ils essaient d’être agressifs vers le cercle, mais ils se montrent maladroits au moment de conclure.
On se dit que la rencontre a complètement basculé, la faute à un momentum à l’avantage de Utah. Les temps morts de Thibodeau n’y font rien et la plupart des fans sont alors crispés.
Pourtant un joueur va continuer à se battre. Un joueur qui souhaite prouver aux yeux du monde entier qu’il est encore en mesure de réaliser des exploits exceptionnels.
Ne jamais sous-estimer le cœur d’un MVP
Défendu par Dante Exum, qui possède une envergure intéressante pour le gêner, Derrick Rose le travaille avec quelques dribbles. Comme il pouvait le faire par le passé, il place un super cross sur son adversaire avant de finir au cercle. Sur la remise en jeu, Tolliver intercepte le ballon et la donne tout de suite à son meneur qui retourne immédiatement au panier pour obtenir deux lancers. La salle explose sur cette séquence spectaculaire. On entend d’ailleurs le public scander des chants de MVP pour son joueur.
Alors qu’il prend feu, Snyder change ses schémas défensifs et décide de le forcer à lâcher la balle en étant plus agressif sur lui. L’accès à la raquette lui est complètement fermé puisque Gobert le gêne très bien malgré les switchs.
Mais sur une remise en jeu ligne de fond, Derrick Rose reçoit le ballon dans le corner. Malgré la bonne défense de Exum, le meneur pose quelques dribbles avant de s’élever une fois de plus en l’air et d’envoyer un gros shoot à trois points contestés qui fait ficelles ! Minnesota revient à égalité 119 partout avec trois minutes trente restant. Il bat alors son record en carrière en régulière établie à 42 points le 17 février 2011.
Il continue les actions clutchs en obtenant une faute offensive de Joe Ingles. Les fans sont en feux et n’arrivent pas à y croire. Ils voient évoluer devant leurs yeux ébahis vintage Derrick Rose. Celui-ci a enfilé de nouveau sa cap de superstar pour cette soirée particulière.
Un finish spectaculaire
Après avoir pris un double screen de Tolliver et de KAT, le meneur se retrouve face à Gobert. Rose choisit donc d’attaquer le cercle, mais n’arrive pas à être assez rapide pour se défaire de l’intérieur qui revient dans le bon timing. Voyant cela, Rose feinte la finition à droite, faisant sauter Gobert, avant de finir tout seul avec la planche. Ce panier plein de sang-froid permet à son équipe de repasser devant d’un point à 55 secondes du terme.
Pourtant Utah revient à égalité après un passage sur la ligne des lancers francs de Gobert. Sur la remise en jeu effectué du côté du Jazz, Derrick Rose hérite du ballon. Il utilise encore une fois l’écran de Tows, qui choisit de pop afin d’ouvrir l’accès à la raquette. Comme juste avant avec Gobert, Rose feinte la finition à droite et s’élève de l’autre côté main droite. Exum ne mord pas dans le subterfuge et gêne le plus possible son adversaire. Mais l’histoire en avait décidé différemment. Le ballon transperce les filets, et la salle explose sur ce nouveau shoot clutch du joueur originaire de Chicago.
De retour sur la ligne quelques secondes plus tard, Derrick Rose à l’occasion d’atteindre la barre symbolique des 50 points. Cela constituerait alors à l’époque la 5e meilleure performance de la franchise. Le meneur ne panique pas, et inscrit ces deux lancers décisifs pour permettre à sa team de prendre trois points d’avance.
Par trois fois, Utah à l’occasion de revenir à égalité. Ouvert à trois points sur une remise en jeu du côté de Minnesota, Crowder loupe son tir. Mais Rubio récupère ce rebond long et fait la passe à Joe Ingles qui manque là encore le tir. Pourtant Crowder prend un nouveau rebond et la transmet immédiatement à Exum qui est seul dans le corner.
L’Australien a alors l’occasion de remettre les deux équipes à égalité. Mais Derrick Rose, encore lui, va faire l’effort ultime en contrant du bout des doigts le shoot, et ainsi offrir la victoire à son équipe.
Une rencontre qui a sauvé la carrière de Derrick Rose
Le sifflet final retentit. Tous les joueurs de Minnesota viennent féliciter leur héros du soir, auteur de 50 points. Les larmes aux yeux, l’ancien MVP ne peut se contenir. Au micro de la télé locale, il explique qu’il a « bossé comme un fou » pour revenir. Il n’oublie pas de dédier cette victoire incroyable à son équipe. Il précise d’ailleurs qu’il a fait ça « pour Minnesota, pour les fans, pour gagner ».
Cette rencontre marque un tournant dans la carrière du joueur. Coupé quelques mois plus tôt par Utah, le meneur a montré qu’il avait largement le niveau pour être en NBA. Évoluant en sortie de banc, il réalise une bonne saison statistique (18,0 points, 4,3 passes à 48,2 %) malgré une non-qualification en playoffs. Il finit d’ailleurs 6e à la course du meilleur sixième homme de l’année. On se souvient notamment de son retour au United Center où les fans acclament l’ancien héros de la ville.
Après cette expérience réussie personnellement dans le Midwest, Derrick Rose signe à l’été 2019 à Detroit. Il continue de performer en sortie de banc (17,2 points, 5,2 passes) malgré là encore des résultats collectifs décevants. Il est tradé une nouvelle fois à New York où il retrouve encore Thibodeau. Rose est un élément important de l’équipe. Il est d’ailleurs l’un des seuls à surnager dans la série contre Atlanta (19,4 points, 5,0 passes).
Encore aujourd’hui Rose bénéficie toujours de cet amour du public. Jadis adulé pour ses exploits sur le parquet, il est devenu un modèle de longévité. Un joueur qui malgré ses blessures a réussi à trouver un nouveau rôle idéal. Même s’il n’est jamais devenu la star souhaitée, il continuera de nous surprendre, comme en ce soir d’Halloween où il a choisi de se déguiser en vintage Derrick Rose.