Contexte

Les Detroit Pistons sont bien moroses à la fin de la décennie 50, avec deux saisons aux entournures des trente victoires et deux éliminations au premier tour des playoffs face aux Minneapolis Lakers. Pourtant il y a peu de temps de cela, la franchise du Michigan est une des places fortes de la ligue. Puisque grâce au duo George Yardley et Larry Foust, ils se hissent en finale NBA lors des saisons 1955 et 1956, sans jamais réussir à remporter le trophée de champion.

George Yardley est un des plus fabuleux scoreurs de son époque, mais on décide de se séparer de lui. Un choix discutable puisqu’il est toujours un des meilleurs marqueurs de NBA. Il est envoyé chez les Syracuse Nationals contre Ed Conlin, un arrière/ailier de 25 ans qui s’avère être une immense déception.

Même chose avec le besogneux Larry Foust expédié aux Lakers. Sans ses deux All Star, l’équipe perd de son éclat et se retrouve dépourvue de grande vedette. C’est le meneur Gene Shue qui endosse le costume de leader et qui a la lourde tâche de faire oublier George Yardley. Il est ensuite rejoint par l’ailier Bailey Howell, jeune second choix de la cuvée 1959 qui a normalement tout le talent pour devenir la future tête de gondole du club.

Les Pistons sont une des franchises historiques de NBA puisqu’ils sont présents depuis la saison 1948/49 alors que la ligue se nommait encore la BAA. Cependant, c’est dans la ville de Fort Wayne (Indiana) que commence leur épopée avant qu’il ne déménage à Detroit en 1958. Ils ont espoir de se développer dans cette ville bien plus prometteuse avec comme atout principal l’Olympia Stadium et sa capacité de 11000 places.

« The Old Red Barn », la vieille grange rouge. Un bâtiment austère construit en 1927 et détruit en 1986.

Le Propriétaire

Comme bien souvent à cette époque, le propriétaire du club est un homme charismatique, omniprésent et omniscient au sein de sa franchise. Il s’agit ici de Fred Zollner, un riche industriel originaire du Minnesota qui a bâti sa fortune grâce à sa fabrique de… pistons.

Zollner et sa sœur Janet fondent leur équipe en 1939, seulement quelques années plus tard il réalise un doublé en NBL avant de rejoindre la BAA en 1948. C’est dans la cuisine de Zollner que se discute la fusion entre la NBL et la BAA afin de former la NBA. Preuve s’il en est, de son influence qui lui vaut le surnom de « Mr Pro Basketball ».

Jusque là Fred Zollner n’a jamais véritablement fait l’expérience de l’échec avec sa franchise. Les Pistons sont une des équipes de basketball connues et reconnues pour leur succès, titres, finales et cela depuis leur création. Mais voilà, la fin des 50’s et de l’ère Yardley annonce un cycle plus compliqué. Les décisions de Zollner sont parfois vues comme douteuses et la décennie à venir n’arrange pas sa réputation.

Fred Zollner (à gauche), en compagnie de son directeur sportif Nick Kerbawy.

Saison 1960/61

Une nouvelle décennie commence pour les Pistons et le mot d’ordre est « reconstruction ». Arrivé au cours de la saison 1959/60, le coach Dick McGuire se retrouve au camp d’entraînement avec pas loin de 20 joueurs. Sa mission est de conserver le meilleur effectif possible pour la saison à venir. Il décide de parier sur la jeunesse avec un roster composé de cinq rookies, deux sophomores, deux joueurs de troisièmes années, et des « vétérans » Chuck Noble et Walter Dukes qui se dirigent vers leur sixième saison. Enfin, le plus expérimenté (6 saisons) de l’équipe n’est autre que le meneur Gene Shue à qui l’on donne les clefs de la franchise.

Cette régulière se joue en 79 rencontres et l’objectif est claire, atteindre la barre des 50 % de victoires. Parmi les recrues de première année, il y a l’arrière Don Ohl (37ème choix) et l’ailier George Lee (26ème choix). Les deux jeunes hommes sont des bons coups de cette draft et s’imposent rapidement comme des titulaires indiscutables. Cependant celui qu’on attend de pied ferme et l’ailier fort Jackie Moreland, choix numéro 4 de la draft en provenance de Louisiana Tech.

L’ancien Bulldog est prometteur et sort d’un cursus universitaire solide fait de stats monstrueuses et de records en tout genre. Malheureusement pour Detroit, son passage au monde professionnel est un flop. Seulement 7 points et 5 rebonds de moyenne en 15 minutes, bien loin des espoirs placés en lui. C’est une autre recrue qui fait oublier cette déconvenue, l’intérieur Bob Ferry.

Fraîchement arrivé de Saint-Louis où il passe son temps à regarder jouer Bob Pettit du banc, Ferry trouve un club ou il peut enfin s’épanouir. Sans être phénoménal, il réussit à limiter la casse du bust Jackie Moreland. Il fait ainsi partie de ce noyau de sept joueurs qui affiche plus de dix points de moyenne, aucune autre équipe ne réalise cela. C’est toute la force de ces Pistons qui excellent en attaque en étant le deuxième Offensive Rating de la ligue.

Le hic, ce n’est pas du tout la même histoire en défense. Detroit manque de mordant et ce n’est pas rare de les voir s’écrouler de l’autre côté du terrain. Ils deviennent les spécialistes du match sabordé après avoir mené au score. Leur saison est un rollercoaster permanent entre belles séries de victoires et horribles séries de défaites. Les Cincinnati Royals profitent de ces errements pour coller au train des Pistons toute la saison. Avec 34 victoires, Detroit se qualifie en playoff avec une toute petite victoire d’avance sur l’équipe d’Oscar Robertson.

Les années se suivent et se ressemblent, puisqu’une fois de plus les Pistons doivent affronter les Lakers depuis peu localisés à Los Angeles. Le souci dans cette série porte le nom de Bailey Howell. L’ailier scoreur est en panne, il est calamiteux en attaque, absent au rebond, ce qui sont normalement ses deux points forts. Howell pousse son coach à trouver une solution pour limiter ce massacre. Il décide de mettre le pivot de 2m13, Walter Dukes, sur l’aile afin de défendre sur Elgin Baylor. C’est un choix audacieux qui permet de revenir à 2-2 dans cette série, mais qui s’avère insuffisant pour vaincre les Lakers d’un Baylor de gala (39,4 points de moyenne).

Stats sur 100 possessions.

Saison 1961/62

Les Pistons changent d’écrins et disent adieu à l’Olympia. Ils deviennent les pensionnaires de la mythique Convention Arena (ou Cobo Arena), lieu du discours emblématique du révérend Martin Luther King en 1963 avec son « I have a dream ». La salle de 12 000 places demeure leur quartier général jusqu’à la saison 1977/78 avant d’être remplacée par le non moins célèbre Pontiac Silverdome.

Côté effectif, on prend quasiment les mêmes et on recommence. Tout d’abord, les stars de l’équipe sont prolongé. C’est le cas de Bailey Howell mais surtout de Gene Shue qui signe un des plus gros contrats de la ligue. Les principales recrues proviennent de la draft avec notamment Johnny Egan. Le petit meneur de Providence ne paye pas de mine mais il a un temps été considéré comme le prochain Bob Cousy. Il s’illustre par son sang froid et sa capacité à être décisif dans les fins de rencontres, ce qui lui permet de réaliser une belle carrière.

Cependant, celui qu’on attend à Detroit se nomme Ray Scott, 4éme choix de la loterie. L’ailier fort de l’université de Portland casse la baraque depuis deux ans avec l’équipe des Allentown Jets en EBL, une ligue concurrente de la NBA. Ray Scott n’ayant pas terminé son cursus universitaire a dû patienter avant de rejoindre le championnat professionnel. Son arrivée permet de soulager Bailey Howell sur l’aile et de lui donner de l’aide aux rebonds. Le rookie ne déçoit pas et termine la saison avec 13 points et 11 rebonds de moyenne.

Chez les sophomores, Jackie Moreland reste un flop, George Lee stagne mais Don Ohl progresse et s’installe comme un solide titulaire. Plus globalement, l’équipe attaque moins bien mais défend beaucoup mieux. Detroit conserve sa troisième place de la Western Division et se qualifie pour les phases finales avec un bilan de 37 victoires pour 43 défaites.

Un événement secoue la franchise mais il se déroule en coulisse. L’an passé Fred Zollner décide de se séparer de son General Manager, Nick Kerbawy. Ce dernier lorgne un peu trop sur la franchise des Detroit Lions en NFL. Pourtant, Kerbawy a accepté de quitter la direction des Lions afin de se consacrer exclusivement aux Pistons de Zollner, avec à la clés de belles compensations financières. On parle d’un contrat d’un million de dollars sur 20 ans, soit environ onze millions de dollars aujourd’hui.

Quand Zollner s’aperçoit que Kerbawy n’est pas 100 % focus sur les Pistons, il décide de le placer en congé puis de le remplacer par Francis Smith. Mais Kerbawy l’a mauvaise et il estime que le comportement de Fred Zollner à son égard a sensiblement terni sa réputation. Il porte plainte et réclame la somme astronomique de 5,5 millions de dollars. Il est finalement indemnisé trois ans plus tard à hauteur de 250 000 dollars.

Pour les playoffs, les Pistons se retrouvent face aux Cincinnati Royals. Un tour qui se joue au meilleur des cinq matchs et qui est globalement rondement mené par les Pistons. La première rencontre est serrée et Detroit lutte pour éviter la remontée au score des Royals. Oscar Robertson sort pour six fautes alors qu’il reste moins de deux minutes à jouer. Le sort de ce match est entre les mains du peu efficace Bucky Bockhorn qui rate complètement son tir.

Même frayeur dans le Game 4, les Royals courent derrière le score, mais les Pistons tiennent bon et ne tremblent pas sur la ligne des lancers francs. C’est Don Ohl qui porte son équipe avec 33 points et qui permet à Detroit de s’imposer dans ce match aux raccrocs. Les Pistons doivent désormais retrouver leur bourreau attitré, les Los Angeles Lakers.

Elgin Baylor claque 35 points dans le premier match et 34 dans le troisième, Jerry West en plante 40 dans le second et rien ne semble pouvoir contrarier les Lakers tant leurs deux stars sont intenables. Mais les Pistons se montrent combatifs. Don Ohl jusque là excellent est blessé et magnifiquement remplacé par Johnny Egan qui s’illustre avec 21 points.

Johnny Egan, meneur remplaçant de luxe dans la NBA des années 60.

Le match suivant est maîtrisé de bout en bout et les Pistons comptent jusqu’à 30 points d’avance avec un Johnny Egan toujours aussi flamboyant. Mais c’est surtout le guard Willie Jones qui sort de nulle part pour finir meilleur marqueur des Pistons avec 27 points. Detroit se relance dans cette série grâce à ses meneurs remplaçants, pendant que Gene Shue est en grande difficulté avec un 10 sur 32 au cumulé lors des deux dernières rencontres.

Lors du Game 6, les Lakers dominent et mènent 91 à 67 à la fin du troisième quart temps. Mais alors qu’il ne reste plus que 81 secondes de jeu, le score est désormais de 117 partout. Detroit est une fois de plus portée par leurs rookies, Johnny Egan et Ray Scott, alors que Bailey Howell bégaye et que Gene Shue touche le fond avec seulement six points. Malheureusement, les Pistons demeurent muets jusqu’à la fin de la rencontre qui voit les Lakers se qualifier pour les Finales NBA.

Stats sur 100 possessions.

Saison 1962/63

Bonne nouvelle pour les Pistons qui avec le quatrième choix de draft parviennent à recruter la star locale, Dave DeBusschere. L’ailier de Detroit Mercy intègre la franchise du Michigan via l’utilisation du « territorial pick », un procédé qui permet aux équipes d’avoir l’exclusivité sur les joueurs de leurs états. Cependant, Detroit n’a pas l’exclusivité de DeBusschere, puisqu’il rejoint aussi la ligue de baseball pour tenir le rôle de lanceur avec les Chicago White Sox.

DeBusschere est attendu comme la prochaine figure de proue des Pistons surtout depuis le transfert de Gene Shue. L’ancien leader de l’équipe est envoyé à New York en échange du médiocre pivot Darrall Imhoff. Don Ohl est prolongé pour deux saisons quand George Lee est vendu aux San Francisco Warriors. Si la signature de Ohl solidifie le poste d’arrière, les Pistons se retrouvent avec deux jeunes meneurs et affaiblissent la position.

Cela se ressent avec un début de saison catastrophique où ils enchainent sept défaites consécutives. Le reste n’est pas beaucoup mieux, car après vingt rencontres, Detroit ne compte que quatre victoires. Dans ce contexte le public déserte les gradins de la Cobo Arena, le club est en crise. Fred Zollner investit énormément d’argent dans sa franchise et il en perd plus qu’il en gagne. La situation est telle que la mairie de Detroit s’engage à aider son équipe de basketball à recevoir plus d’intérêts de la part de la ville afin de la sauver.

On se demande encore combien de temps Zollner peut accepter de plomber les finances de son entreprise pour maintenir à flot les Pistons. Celui qui gère ses affaires de main de maître galère sportivement alors que c’est là qu’il a le plus envie de briller. On estime la fréquentation de la salle à 4000 personnes, mais des journalistes doutent de cette annonce. Ils se mettent ainsi à compter les fans présents dans l’arène.

Le vendeur de ticket, Jack Waldron désespérément seul à son guichet en attente de spectateurs.

Le résultat est loin de la réalité puisqu’il ne comptent que 2000 individus. L’image du Cobo Hall quasiment vide expose ce que sont les problèmes financiers des Pistons. En plus de cela, après investigation, la presse s’aperçoit que la plupart des tickets ne sont pas vendus, mais offerts. Au vu de la situation, la rumeur d’une délocalisation à Philadelphie paraît de plus en plus réaliste. Fred Zollner fait les frais de cette débandade et se voit pointer du doigt, coupable de ne pas avoir réussi à signer de gros joueurs à l’intersaison.

Alors que tout semble s’écrouler, les Pistons retrouvent des couleurs et parviennent à remporter encore trente victoires et à se qualifier pour les playoffs. Le public revient et lorsque les Celtics sont en ville, on compte jusqu’à 7000 spectateurs, de quoi renflouer la trésorerie.

Le passage en phase finale est de courte durée face à une équipe des Saint-Louis Hawks bien supérieure. Don Ohl et Dave DeBusschere portent l’effectif, mais ils ne peuvent rien contre Bob Pettit qui aligne plus de 36 points par rencontre, défaite logique 3 à 1.

Stats sur 100 possessions.

Saison 1963/64

Attention, un McGuire peut en cacher un autre. Fred Zollner décide de resigner son coach, Dick McGuire, mais il tente aussi de recruter son homonyme Frank McGuire pour le remplacer. La piste ne mène à rien, mais Zollner déclare que le job est ouvert à toutes les candidatures. Finalement c’est Charley Wolf qui hérite du poste après avoir passé trois saisons avec les Cincinnati Royals. Wolf avec sa réputation d’homme au caractère rigide, dirige ses entraînements de manière militaire.

Hormis les rookies Eddie Miles et Reggie Harding, aucun nouveau visage ne complète cet effectif qui a montré ses limites l’an dernier, ce qui n’augure rien de bon. L’inquiétude se confirme sur le parquet, les Pistons sont les cancres de la ligue en attaque. À la mi-saison, le bilan est de seulement 9 victoires pour 31 défaites.

Dave DeBusschere vit la pire année de sa carrière et cela explique en grande partie les raisons de cette débâcle. Après s’être cassé la jambe, il se brise la cheville victime d’un retour aux affaires trop rapide. Il doit ensuite faire face au deuil après la perte de son père. DeBusschere ne participe qu’à 15 rencontres et Fred Zollner décide même de le libérer de ses obligations afin de lui permettre de préparer son début de saison avec les White Sox.

Les Pistons ont bien tenté d’apporter du sang neuf en montant un transfert afin de récupérer le pivot des Warriors, Nate Thurmond. Detroit propose Don Ohl, mais San Francisco veut aussi Bailey Howell et Jackie Moreland. Nate Thurmond, en tant que recrue, ne peut être échangé que si les autres franchises valident l’opération. Les Hawks et les Lakers ont déjà fait savoir qu’ils n’approuvent pas ce transfert de peur de voir les Warriors trop se renforcer et de faire d’eux un prétendant au titre. Detroit rate ici l’occasion de signer un des meilleurs pivots de sa génération et la saison demeure un désastre, seulement 23 victoires et pas de qualification en playoff.

Stats sur 100 possessions.

Saison 1964/65

Charley Wolf fait une promesse, celle de renouveler son effectif à 60 %. Il commence par se débarrasser de Darrall Imhoff expédié aux Lakers contre du cash. Ensuite, les Pistons montent un trade XXL qui voit Bailey Howell, Don Ohl, Wali Jones, Les Hunter et Bob Ferry être envoyés à Baltimore. En contrepartie ils reçoivent Rod Thorn, Don Kojis ainsi que Terry Dischinger. Ce dernier n’a que 24 ans, il est déjà double All Star et Detroit veut en faire son nouveau leader.

L’ailier Joe Caldwell est sélectionné lors de la draft, un choix lourdement critiqué par la suite. En effet, les Pistons avaient la possibilité de s’offrir les services d’un certain Willis Reed dont ils possédaient les droits. Detroit passe encore à côté d’un autre grand pivot. Décider de ne pas prendre Reed est incompréhensible, quand on sait l’importance des Bigmens à cette époque.

Avec le retour de Dave DeBusschere, les Pistons défendent bien mieux, mais les résultats demeurent décevant. Après onze rencontres et seulement deux victoires, Charley Wolf est licencié. Le gros transfert de début de saison avait pour vertu de se débarrasser des joueurs qui ne s’entendaient pas avec lui. Pourtant, le voilà viré après onze matchs.

Pour lui succéder, Zollner décide de nommer son ailier de 24 ans, Dave DeBusschere. Désormais il est joueur de basketball, de baseball et entraîneur. Du changement s’opère également dans les bureaux avec le licenciement du General Manager Francis Smith, remplacé par le journaliste Don Wattrick.

Terry Dischinger, bien qu’All Star n’est pas la vedette attendue et le prix payé pour l’obtenir parais disproportionné. Alors que les playoffs semblent à sa portée, Detroit perd les huit dernières rencontres de la saison. Ironiquement, cela profite aux Baltimore Bullets. C’est une meilleure campagne avec 31 victoires, mais les Pistons ratent encore les phases finales et ils n’ont toujours pas de certitudes.

Stats sur 100 possessions.

Saison 1965/66

Fred Zollner se met en quête d’un nouvel entraîneur et tente de recruter Forddy Anderson de Michigan State avant de finalement prolonger l’expérience Dave DeBusschere. L’équipe a plutôt bien progressé sous ses ordres alors pourquoi changer ? Peut-être pour soulager DeBusschere qui supporte beaucoup de pressions en étant à la fois coach et joueur.

En ce qui concerne la draft, les Pistons ont un plan qui se déroule en deux temps. Tout d’abord, ils sélectionnent avec leur troisième choix le pivot Bill Buntin de l’université de Michigan grâce au fameux territorial pick. Buntin, c’est 22 points et 13 rebonds de moyenne ainsi qu’une finale du championnat NCAA. Cet intérieur de 2m01 pour 113kg est un renfort solide sur lequel on place beaucoup d’espoir.

Bill Buntin à la lutte avec les jumeaux Van Arsdale.

Car au-delà de ses performances passées ou à venir, posséder Bill Buntin a un autre avantage. Celui de le réunir l’an prochain avec son partenaire de Michigan, Cazzie Russell. Ce dernier est considéré comme le joueur universitaire le plus en vue depuis Wilt Chamberlain. Avec Buntin et Russell, Detroit peut rassembler deux jeunes stars locales et faire enfin exploser la billetterie. Malheureusement, ce plan contient une faille majeure.

Effectivement, il se trouve que l’année suivante c’est la fin du territorial pick. Fred Zollner milite fort auprès de la NBA pour une petite extension de cette règle qui l’arrange bien, mais elle fait la sourde oreille. La proposition est refusée et il ne reste plus qu’une simple solution pour obtenir Cazzie Russell : perdre des matchs. Le déroulement des événements tend à rendre cette nouvelle option hautement réalisable.

En premier lieu, la draft de Tom Van Arsdale, le chat noir ultime. Le bougre fait une belle carrière de 929 rencontres en NBA sans jamais en jouer une seule de playoff. Difficile de savoir si c’est Van Arsdale qui porte la poisse à Detroit ou l’inverse, mais c’est bien avec les Pistons que commence son cycle de la lose.

Second problème, le rookie Bill Buntin. Sa relation avec Dave DeBusschere est calamiteuse et il est totalement hors de forme. DeBusschere lui demande de perdre du poids, mais il s’en montre incapable. Malgré certains flashs intéressants, il ne participe qu’à 42 rencontres pour huit points et 6 rebonds de moyenne. Spoiler, l’équipe se sépare de lui avant le début de la saison 1966/67 après qu’il se soit pointé avec deux semaines de retard au camp d’entraînement. Par la suite, Bill Buntin disparaît de la NBA et décède à 25 ans d’une crise cardiaque lors d’un match amical en 1968.

Cependant, Bill Buntin n’est pas le seul à avoir des problèmes relationnels avec Dave DeBusschere. Son partenaire, l’arrière prometteur Joe Caldwell (le grand-père de Marvin Bagley) a lui aussi du mal avec son coach et il demande son transfert en juillet. DeBusschere s’est permis de le critiquer ouvertement dans la presse, pointant du doigt son individualisme et cela ne lui a pas beaucoup plu. Don Wattrick qui vient de parapher un nouveau contrat avec Caldwell explique qu’aucune équipe n’a montré de l’intérêt pour son joueur. Il lui faut alors ronger son frein et se préparer à composer avec cet entraîneur et partenaire qu’il n’apprécie guère.

Joe Caldwell face à Julius Erving lors de son passage en ABA dans les années 70.

Detroit doit aussi se priver de Terry Dischinger convoqué par l’armée et qui devient indisponible pour les deux saisons à venir. On rappelle que les Pistons ont lâché Bailey Howell, Don Ohl et Wali Jones, trois joueurs de classes susceptibles de combler bien des manques de leur effectif.

Que dire de Reggie Harding, intérieur talentueux longtemps favori de Dave DeBusschere qui déclare qu’il a le potentiel d’être un des meilleurs pivots de NBA. Harding vient de recevoir une amende de 500 dollars pour avoir frappé un policier. Ce n’est ici que le premier acte de nombreux déboires pour le premier Bad Boys de l’histoire de Detroit. Il est ensuite suspendu indéfiniment par la NBA pour « attitude préjudiciable au basketball professionnel ». Il est mis à disposition des autres équipes pour la somme de 1000 dollars, mais aucun club ne souhaite accueillir ce mauvais garçon à la réputation sulfureuse.

Enfin, on apprend le décès de Don Wattrick seulement une semaine avant le début de saison. Les Pistons se retrouvent sans Manager avant que Fred Zollner ne décide de nommer Edwin Coil à sa place. Detroit collectionne les problèmes et les défaites se suivent et s’enchainent sans avoir besoin de forcer le destin. Marty Blake, le General Manager des Saint-Louis Hawks suggère à Dave DeBusschere de se transférer lui-même pour rejoindre son club. Malgré qu’il déclare ouvertement que son équipe est pathétique, il se refuse de le faire.

Dépassés, les Pistons proposent un échange aux New York Knicks afin de leur envoyer les ailiers Ray Scott et Tom Van Arsdale. Ils souhaitent obtenir, ni plus ni moins que le joueur snobé l’an dernier à la loterie, le pivot Willis Reed. L’offre qui a dû faire beaucoup rire le front office new-yorkais est bien entendu jetée à la poubelle. Une saison infernale, seulement 22 victoires, mais l’espoir de recevoir le premier choix de draft et de signer Cazzie Russell peut faire rapidement oublier tous ces tracas.

Stats sur 100 possessions.

Saison 1966/67

Fred Zollner vient de passer une année à répéter en boucle qu’il veut absolument l’ailier Cazzie Russell et qu’il est la prochaine star de la NBA. Aujourd’hui c’est un pile ou face qui s’apprête à sceller le sort de sa franchise, car il faut départager les Knicks et les Pistons pour l’obtention du premier choix de loterie. Malheureusement pour eux, ce sont les New York Knicks qui l’emportent et ils ne se gênent pas pour s’offrir les services de Cazzie Russell lors de la draft. Detroit se console avec l’arrivée du meneur Dave Bing en provenance de l’université de Syracuse.

Ed Coil est conforté à son poste de Manager et sa première intersaison est des plus calmes. L’unique renfort notable est celui de Reggie Harding qui vient de purger sa suspension. Dave DeBusschere est encore une fois prolongé comme entraîneur, Zollner s’entête et il est le seul à ne pas s’apercevoir qu’il gâche l’énergie de son leader en lui imposant un double rôle.

Lors des camps d’entraînement, on commence à se rassurer puisque Detroit se rend compte que Cazzie Russell n’est pas aussi fort que prévu. La saison régulière confirme cette impression tandis qu’à Detroit on se frotte les mains d’avoir choisi Dave Bing. Le meneur démarre en douceur, mais au fil des rencontres il s’installe en titulaire indiscutable et comme la meilleure recrue de l’année.

Dave Bing le ROY de la saison 1966/67. crédit: The Kansas City Star

Cependant, que serait une saison des Pistons sans un mauvais choix ? Celui-ci est pris lors d’un échange à trois équipes entre Detroit, Baltimore et Los Angeles. Detroit envoie son ailier fort titulaire Ray Scott aux Bullets et les Lakers reçoivent le pivot Mel Counts. Quant à Detroit, ils sont censés accueillir le vétéran Rudy LaRusso. Pour cela il aurait été judicieux de se renseigner un peu plus puisque ce dernier refuse catégoriquement de se rendre dans le Michigan, car il ne souhaite pas déplacer sa famille.

Rudy LaRusso, 30 ans au moment du transfert, choisit de prendre sa retraite plutôt que de rejoindre Detroit. Les Pistons viennent donc d’échanger un titulaire contre… rien. Ils tentent bien de porter une réclamation, mais la NBA valide l’opération. Comble du fiasco, quelques semaines plus tard, Rudy LaRusso signe un contrat avec les San Francisco Warriors.

Avec un titulaire en moins et malgré un très bon Dave Bing, il est difficile d’obtenir des résultats. C’est encore une année compliquée qui se profile. En fin de saison Dave DeBusschere jette l’éponge et décide de quitter son poste d’entraîneur. C’est Donnie Butcher qui prend sa place en toute fin d’année afin de conclure un exercice une fois de plus médiocre au bilan de 30 victoires pour 51 défaites.

Stats sur 100 possessions.

Saison 1967/68

L’ABA entre en scène avec son argent et ses offres alléchantes et elle ne tarde pas à s’en prendre aux joueurs de Detroit. Les Indiana Pacers tentent de recruter Tom Van Arsdale, mais ce sont les Pistons qui leur infligent un camouflet. Dorénavant, les joueurs universitaires peuvent se faire drafter en NBA, mais aussi en ABA. C’est le cas de Jimmy Walker de Providence, le papa de Jalen Rose. Pour l’obtenir, Detroit pose sur la table un bel accord de quatre ans et 250 000 dollars.

Les Pittsburgh Pipers souhaitent les services de Joe Strawder, pivot titulaire de Detroit. Enfin c’est ce qu’il laisse entendre. L’ABA a la réputation de proposer facilement un contrat à qui que ce soit ayant porté un maillot de NBA et sans se soucier de l’état de santé des joueurs. En réalité, Strawder sait qu’il est cassé de partout et il tente ici un coup de bluff pour obtenir une belle offre des Pistons. L’opération est un échec et il participe à sa dernière saison dans la ligue avant de se retirer usé par les blessures.

Dave DeBusschere reçoit une prolongation de cinq ans, Terry Dischinger est libéré de ses obligations militaires et Reggie Harding est envoyé à Chicago, une ville parfaite pour accueillir un homme de son profil. Sur le terrain les choses se passent bien mieux que les années précédentes. Jimmy Walker est un peu décevant pour un premier choix de draft, seulement 9 points de moyenne pour celui qui est sélectionné avant Earl Monroe ou encore Walt Frazier.

Dave Bing casse la baraque et il est même le marqueur le plus prolifique de la saison avec plus de 27 points par rencontre. Finalement, le pile ou face perdu est à l’origine de la meilleure décision de la décennie pour les Pistons. Fred Zollner peut remercier la pièce d’être tombée du mauvais côté. Detroit parvient à réaliser un transfert intelligent en envoyant John Tresvant et Tom Van Arsdale aux Cincinnati Royals en échange de l’ailier scoreur et rebondeur Happy Hairston.

Dave DeBusschere et Dave Bing sont All Star et le bilan en fin de saison est quasiment à l’équilibre avec 40 victoires pour 42 revers. Les Pistons retrouvent les playoffs, mais se dressent sur leur route les vieillissants Celtics de Boston. Vaillant, Detroit s’incline 4 à 2 défait par le trio John Havlicek/Sam Jones/Bill Russell, bien aidé par un certain Bailey Howell. Dans le Game 6, Dave Bing est héroïque avec 44 points, dont 37, en seconde période. C’est toutefois insuffisant pour forcer un Game 7. La machine Pistons semble mieux huilée que jamais et la confiance est de retour.

Stats sur 100 possessions.

Saison 1968/69

L’été est bien calme pour les Pistons, à la draft ils choisissent Otto Moore en sixième place. C’est une cuvée faible et il est une bonne pioche au poste de pivot. Pas de recrue majeure à l’intersaison, seuls d’anciens joueurs font parler d’eux dans la presse. On apprend le décès de Bill Buntin, que Ron Reed convertit au baseball est envoyé à Atlanta et que Reggie Harding vient de se faire tirer dessus. Les journaux n’ont rien à se mettre de croustillant sous la dent alors ils s’attardent sur le développement du sophomore Sonny Dove et des rookies Otto Moore et Rich Niemann.

Après 22 rencontres le bilan est de 10 victoires pour 12 défaites, c’est trop peu pour Fred Zollner et Ed Coil qui décide de se séparer de Donnie Butcher afin de céder son poste à son assistant Paul Seymour. Butcher n’est pas rancunier, il pense même que le teigneux Seymour à l’énergie et la poigne nécessaire pour changer la mentalité du groupe. Cependant, Ed Coil ne donne aucun pouvoir décisionnel à Seymour et ce choix et lourd de conséquences.

Paul Seymour.

Si la tranquillité semble avoir gagné les rangs de Detroit à l’intersaison, en coulisse on cogite sévère. Ed Coil veut renforcer son secteur intérieur et signer un ténor des raquettes pour former un duo avec Dave Bing, le fameux one-two punch qui fait fantasmer toutes les équipes de l’époque.

Seulement quelques jours après sa nomination, Paul Seymour apprend que Dave DeBusschere est envoyé aux Knicks en échange de Walt Bellamy. Seymour connaît très bien Bellamy, le pivot n’a cessé de lui faire péter des câbles lorsqu’il était sous ses ordres à Baltimore. Seymour le décrit comme quelqu’un ayant avalé une cigüe maltée, une plante qui rend celui qui l’ingère léthargique. Le jour où lui et Buddy Jeanette décident de se séparer de lui, les deux têtes pensantes des Bullets se disputent pour savoir lequel des deux peut avoir l’honneur et le bonheur de lui annoncer qu’il dégage.

Paul Seymour prend en main une équipe, et voilà qu’on transfère son joueur le plus irréprochable contre un autre qualifié par la presse « d’éternel enfant à problèmes » de la ligue. Bellamy a déjà usé sept entraîneurs depuis son arrivée en NBA, la démarche entamée par Seymour est jugée par les journalistes comme un acte sadomasochiste de sa part. Lors de son passage à Baltimore, Seymour a tenté d’être gentil, d’être méchant, de lui donner des responsabilités pour l’impliquer, mais il finit par conclure qu’on ne peut rien tirer de Walt Bellamy. Voilà les deux hommes réunis pour le meilleur et surtout le pire.

Lorsque Bellamy est à New York, un de ses partenaires dit de lui qu’il n’a aucun amour propre. Un autre affirme que Bellamy aurait été ravi de passer sa saison assis sur le banc à ne rien faire. Il semble bien que la NBA tout entière sait que Detroit a commis une erreur. De leur côté les Knicks se frottent les mains et l’histoire retient qu’ils viennent de signer la pièce manquante capable de les mener au succès.

La saison se termine avec seulement 32 victoires, l’ajout de Bellamy semble bien avoir affaibli l’équipe. Les Pistons ratent les playoffs avec un exercice marqué par ce transfert peu inspiré qui freine un club qu’on pensait en pleine progression. La campagne se termine avec des rumeurs de vente de la franchise, Zollner a plusieurs prétendants pour une reprise, mais il reste finalement toujours le propriétaire.

Stats sur 100 possessions.

Saison 1969/70

Les Pistons ont encore la possibilité de se renforcer avec un haut choix de loterie et un quatrième pick qui devient l’ailier fort Terry Driscoll. Il terminera sa carrière après 274 rencontres, 4 points et 4 rebonds de moyenne. La draft n’apporte rien d’extraordinaire et de toute façon la grosse actualité de cette intersaison et le départ de Paul Seymour. Peu enclin à se coltiner Walt Bellamy une année de plus, il préfère en rester là. Il est remplacé par l’ancien coach des Lakers, Butch Van Breda Kolff.

Comme pour Seymour l’an passé, alors qu’il vient à peine de prendre le poste, il doit déjà faire face à un problème qui semble insoluble. La star de l’équipe, Dave Bing, vient de signer un deal avec la franchise d’ABA des Washington Capitols. Bing est toujours sous contrat, mais il promet aux Capitols de les rejoindre à la fin de celui-ci. Cela veut dire que dans deux ans, Bing s’envole pour la capitale sans que son équipe reçoive de contre partie.

La seule solution pour le conserver et de lui proposer un accord au moins aussi énorme que celui offert par Washington, soit environ 500 000 dollars. Mais cela semble être insuffisant, Dave Bing est originaire de Washington et il rêve d’évoluer dans sa ville. Walter Kennedy, le commissaire de la NBA voit dans cette opération agressive un moyen de forcer une fusion avec l’ABA, mais ce n’est pas encore à l’ordre du jour.

Dave Bing pose fièrement ballon de ABA à la main après l’annonce de sa signature prochaine avec les Washington Capitols.

Que serait une saison des Pistons sans choix douteux ? Tout commence en février quand ils décident d’envoyer Happy Hairston à Los Angeles contre le médiocre Bill Hewitt. Puis c’est au tour de Eddie Miles, un des piliers de la franchise échangés contre le tout aussi modeste Bob Quick de Baltimore. Miles regrette juste de ne pas avoir été transféré trois ans plus tôt. Le même jour Walt Bellamy prépare ses valises en direction d’Atlanta contre l’anonyme joueur de banc à la carrière éphémère, John Arthurs.

La NBA semble faire payer à Bing ses envies d’ABA puisqu’il n’est pas convié à l’All Star Game au profit de son partenaire Jimmy Walker qui réalise une belle progression au milieu de ce marasme. L’année se termine avec un bilan de 31 victoires et encore une fois sans playoff. Seulement quatre jours après la fin de saison, on apprend le recrutement du rookie de St Bonaventure, le pivot Bob Lanier. Il est signé au nez et à la barbe des New York Nets pour la somme de 1,5 million de dollars alors que l’équipe de la concurrence en proposait deux.

Bob Lanier estime que la sécurité financière se trouve en NBA ainsi qu’une meilleure compétition avec la présence de Nate Thurmond, Willis Reed ou encore Kareem Abdul-Jabbar. Dave Bing, de son côté, réalise que les promesses des Capitols ne sont que de la poudre aux yeux. Le départ en ABA n’est plus d’actualité et les Pistons peuvent croire en un avenir radieux avec ce duo qui laisse rêveur.

Bilan

Le parcours des Pistons lors de ces années 60 est parsemé d’un nombre incalculable de mauvais choix. Que ce soit à la draft où il rate l’occasion de recruter des joueurs comme Willis Reed ou encore Rick Barry. Que ce soit lors de transfert, où il sacrifie des talents pour Terry Dischinger qui ne devient pas la star souhaitée. Rudy LaRusso, qui ne rejoint pas l’équipe ou Walt Bellamy qu’on colle dans les pattes du pauvre Paul Seymour.

Detroit ne participe qu’à quatre campagnes de playoffs en dix ans. Des huit franchises présentes lors de la saison 1960/61, seuls les New York Knicks ont aussi peu d’apparitions en phases finales. Seule différence, ils terminent la décennie en tant que champion grâce notamment à l’arrivée de Dave DeBusschere offert sur un plateau par… Detroit.

Il est difficile de trouver des circonstances atténuantes aux échecs répétés des Pistons tant ils ont tout fait pour se tirer des balles dans le pied. Reste alors la consolation de l’arrivée de Bob Lanier et de la conservation de Dave Bing. L’association des deux talents semble être sur le papier un gage de jours heureux, jusqu’à preuve du contraire.

Timeline Detroit Pistons, année 60