Dans l’univers impitoyable qu’est la NBA pour les petits gabarits, Gary Payton a su s’imposer durablement dans la Grande Ligue, tout en révolutionnant et transformant la défense en un véritable art. Retraçons ensemble la carrière d’un joueur que beaucoup considèrent comme le meilleur défenseur extérieur de tous les temps.
« Get Someone Out Here Who Can Guard Me »
Après de très bonnes années lycée à la Skyline High School d’Oakland, Gary Payton fait ses valises dans l’Oregon pour le prestigieux programme d’Oregon State en 1986. Comme toute bonne légende qui se respecte, il aura été un grand nom de son université. Durant ses quatre années universitaires, il y apprendra auprès de son coach Ralph Miller tous les principes composants son jeu défensif : robustesse et agilité.

Il fera beaucoup de bruit dès sa première saison universitaire, en terminant « Freshman of the Year », tout en affichant des moyennes de 12.5 PPG, 7.6 AST et 1.9 STL à 46% au shoots en 30 matchs joués.
En 4 ans, il aura marqué de son empreinte l’OSU en étant nommé 3x d’affilée dans la ALL-PAC Team et en atteignant 3x le tournoi NCAA. En 1996, année de son introduction au Hall Of Fame d’Oregon State et du retrait de son maillot, Gary, même 6 ans plus tard, menait toujours les records de l’école aux points (2172), au nombre de paniers et de 3 points (178) inscrits, aux passes (938) et aux interceptions (321), en tout juste 120 matchs avec l’équipe.

En 1990, après une couverture Sports Illustrated où le magazine le qualifie de meilleur prospect du pays, Gary Payton fait cap vers la Draft NBA 1990, où il y rejoindra les Seattle SuperSonics.
« The Glove”
La faute à un management fébrile, Gary Payton vit une saison rookie et sophomore compliquées offensivement, il n’a pas l’occasion de montrer tout son potentiel offensif. Bien loin de la sensation qui était attendu, Gary s’est livré sur ses deux premières saisons NBA :
La meilleure chose qui soit arrivée à ma carrière professionnelle est lorsque j’ai passé mes deux premières saisons en étant médiocre, je jouais des minutes sans importance, je m’étais vu plus beau que ce que j’étais vraiment.
Cependant, il arrive à faire étalage de tout son talent sur le plan défensif, avant son arrivée à Seattle, l’équipe se classait 15e en nombre d’interceptions réussies par match et comme la 13e équipe qui récupérait le plus de ballons sur turnover, avec Gary dans sa simple saison rookie ils grimpèrent à la 2e et 4e place, démontrant déjà l’impact énorme qu’avait le meneur sur l’équipe.
Ce n’est est qu’à partir de la saison 92-93 que Gary Payton et les Sonics vont passer dans une autre dimension. Avec l’arrivée de Georges Karl en tant que Head Coach cette année-la, la hargne et l’explosivité ne feront plus qu’un à Seattle. Une ville qui, grâce à son duo magique composé du meneur et Shawn Kemp, va se transformer en « Lob Fortress ».
Avec l’arrivée d’un nouveau coach et les deux têtes d’affiche qui ne faisaient que de se pousser toujours plus vers le haut, il était donc normal de voir les SuperSonics terminer l’exercice 92-93 avec un bilan de 55 victoires pour 27 défaites, et ainsi se hisser à la 3e place de la conférence Ouest. C’est cette saison-là que Kemp et Payton trouveront leurs surnoms devenus mythique, « Rainman » pour le premier, en référence à sa domination sous le panier. Et quoi de mieux que le second pour raconter les origines de son surnom légendaire :
En 1993, nous affrontions Phoenix qui était mené par Kevin Johnson, je ne le laissais pas bouger d’une semelle ! Mon cousin est venu me voir en me surnommant « The Glove ».
J’ai dit « The Glove ? C’est qui ce mec !?”
Il m’a alors répondu « Tu retiens Kevin Johnson comme une balle de baseball dans un gant… »
Gary Payton terminera cette saison avec des moyennes de 13.5 points, 4.9 passes et 2.2 interceptions. Malheureusement les SuperSonics s’arrêteront aux portes des finales NBA suite à leur défaite 4-3 en finale de conférence face à ces mêmes Phoenix Suns. Une fin de saison frustrante certes, mais une fin de saison qui va être le moteur d’un joueur et d’une équipe qui vont toujours en vouloir plus, jeu après jeu, match après match, saison après saison.
« You’re Paying to See me »
De retour dans les tranchés NBA lors des saisons 93-94 et 94-95, les Sonics étaient les grands favoris pour le titre, d’autant qu’un certain natif de New-York avait plié bagage pour la ligue mineure de baseball. Mais malheureusement, Gary Payton et ses hommes subissent deux revers étonnants au premier tour, par les Denver Nuggets de Dikembe Mutombo puis par des Los Angeles Lakers l’année d’après, très largement diminués depuis la retraite de Magic Johnson quelques années auparavant. Pour beaucoup, Seattle avait laissé filer sa chance de titre, car dès 1995, le plus grand joueur de tous les temps était de retour pour terroriser une nouvelle fois la NBA.

Mais « The Glove » n’est pas du genre à se laisser intimider et à baisser les bras, la preuve en est avec cette fameuse saison 95-96. Pas nécessairement sa meilleure année statistiquement parlant malgré de très bons chiffres : 19.3 PPG/ 4.2 RPG/ 7.5 APG/ 2.9 SPG à 48% de réussite au tir en 82 matchs. Avec ses statistiques Gary Payton permet à Seattle de finir 1er de la conférence Ouest et d’obtenir un bilan de 64 victoires pour 18 défaites (un record pour la franchise, qui est d’ailleurs encore d’actualité). Il permet également à son équipe d’avoir la 2e meilleure attaque et la 8e meilleure défense de la ligue.
En résumé, Gary Payton n’a jamais aussi bien porté son surnom que cette saison où il remportera le Défensives Player Of The Year (L’unique meneur à avoir remporté le trophée à l’époque), il sera également sélectionné dans la All-Defensive 1st Team, la All-NBA 2nd Team, et sélectionné pour participer au match des étoiles qui se déroulait à San Antonio. Au-delà de toutes ses prouesses, le plus impressionnant c’est qu’il a réussi tout ça dans l’âge d’or défensif de la NBA. Dans une NBA ou la défense individuelle était obligatoire et dans une ligue qui, un an plus tôt, avait autorisé le Hand-Checking.
De retour en playoffs, Seattle se glisse pour la troisième fois d’affilée comme la grande favorite de la conférence Ouest. Et cette fois si ils vont faire honneur à leur statut, ni les Kings de Mitch Richmond, ni les Rockets tenants du titre et ni le Jazz de son duo composé de John Stockton et Karl Malone ne vont empêcher la ville de l’Etat de Washington d’aller en finale NBA.
L’affiche de la finale s’annonce passionnante, d’un côté les SuperSonics menés par le défenseur de l’année Gary Payton et leur dynamite sur pattes Shawn Kemp, de l’autre les Chicago Bulls qui ont terminé la saison régulière avec 72 victoires et seulement 10 petites défaites. Une équipe qui est composée de l’un des meilleurs Big 3 de l’histoire : Michael Jordan, Scottie Pippen et Dennis Rodman.
Malheureusement pour notre protagoniste et malgré un sursaut d’orgueil qui aura duré deux matchs, la marche était trop haute, Seattle s’incline 4-2 au terme d’une finale pleine d’émotions et de tensions. Cependant Gary Payton n’a pas à rougir, il a respecté son titre de meilleur défenseur de ligue en limitant Michael Jordan à « seulement » 27,3 points, 5,3 rebonds et 4,2 passes, le tout avec une petite réussite au tir de 41,5%, les pires totaux sur une finale NBA pour His Airness.
Mais après cette défaite relativement frustrante, « The Glove » a l’occasion de rebondir avec Team USA lors des Jeux Olympiques d’Atlanta en 1996. Au sein d’une équipe ultra dominante, composée des meilleurs joueurs du pays, Gary Payton se démarque par son intensité défensive, son leadership et son implication dans la vie collective de l’équipe. Les Américains décrocheront sans trop de difficultés la médaille d’or devant leur public, nul doute que cette victoire efface un peu la déception des finales NBA quelques mois plus tôt.
« I’m a Hall of Famer, I’m First Ballot »
Gary Payton laisse une marque indélébile dans le grand livre de la NBA et du basket international. Rares sont les joueurs à avoir un impact aussi conséquent sur une défense, jamais un meneur n’a eu un aussi gros instinct et un aussi gros sens de l’anticipation pour chiper des ballons. Sa simple présence permettait à Seattle, Los Angeles ou encore Miami d’avoir une défense élite.
En plus de son jeu rugueux et rapide, les mots, les insultes, et les provocations faisaient partie intégrante de son jeu. Encore aujourd’hui, Gary Payton à la langue bien pendue, à l’image de son duel avec Kevin Durant il y a quelques temps. Des anecdotes de trashtalking impliquant le meneur, on en compte par centaines, si ce n’est plus, chaque joueur de la décennie 90′ et début 00′ a son histoire à raconter sur Gary, qu’elle soit bonne ou mauvaise… S’il y a bien une référence dans la maîtrise des joutes verbales, c’est bien lui !
Il n’aura pas été qu’un simple défenseur ou beau parleur tout au long de sa carrière. Il n’y a que très peu de joueurs à avoir 10 saisons d’affilée à +19 points et +7 passes de moyenne, dont un énorme pic pour 3 catégories statistiques lors de la saison 99-00, ou il finira à 24.2 points, 6.5 rebonds et 9 passes de moyennes, en 82 matchs bien évidemment. Parce que oui, Gary Payton fait partie des Iron Man de la NBA, au cours de sa longue carrière de 17 saisons, il ne manquera que 27 matchs (dont 14 lors de sa 17e et dernière à Miami).
À terme, Gary Payton se retrouve avec une liste d’accomplissements et de récompenses aussi longue que la dernière Gumball 3000. Ses faits les plus notables sont par exemples ses 9 sélections consécutives en All-Defensive First Team, un record qu’il partage avec Kevin Garnett, Michael Jordan et Kobe Bryant.
Il termine également à la 39e position des meilleur scoreurs de l’histoire de la NBA, il se classe 6e parmi les meneurs, derrière des légendes de la balle orange comme Jerry West, Stephen Curry ou Oscar Robertson. Il est aussi le 11e meilleur passeur de tous les temps et, sans surprise, le 5e meilleur intercepteur, derrière John Stockton, Jason Kidd, Chris Paul et Michael Jordan.
En 2006, à 37 ans, il décroche enfin le titre NBA tant espéré avec le Miami Heat, apportant son expérience et son leadership dans les moments cruciaux. Une consécration tardive mais méritée pour une carrière marquée par le talent, la hargne et une mentalité de gagnant absolu, le point final d’une carrière légendaire.

Peu importe la valeur que l’on accorde à la défense dans le basket, on est obligé d’admettre que Gary Payton était tout simplement la définition de l’excellence défensive. Bien qu’il était aussi capable de scorer ou de passer, « The Glove » est facilement le meilleur meneur de tous les temps sur cette moitié du terrain.