Dans quelques semaines démarrera l’EuroBasket 2025, compétition où notre Equipe de France fera tellement partie des favoris que toute autre issue qu’une médaille d’or pourrait être considéré comme un échec. Pourtant, alors que le vivier français n’a jamais été aussi fourni, une ombre revient inlassablement au tableau. Cette ombre, c’est celle du meneur de jeu qui fuit le staff des Bleus années après années, à l’approche de l’été et des fenêtres internationales.

Tony Parker, puis un vide abyssal

Avant de savoir où l’on va, il est toujours intéressant de savoir d’où l’on vient. Pour cela, retour à Rio, le 17 août 2016. Ce jour-là, après une défaite contre l’ennemi juré espagnol en quarts de finale des Jeux Olympiques, un Tony Parker en bout de course annonce sa retraite internationale.

 Ce fut une aventure incroyable. J’ai vécu des moments extraordinaires avec cette équipe. Je suis fier de ce qu’on a accompli. »

Tony Parker lors de l’annonce de sa retrait internationale, au JO de Rio 2016

C’est donc ce 17 août 2016 que les Bleus perdent celui qui est certainement le meilleur meneur de leur histoire. Et c’est aussi à cette date que commence l’interminable chantier du poste 1 de l’Equipe de France de basket.

Il y a d’abord eu Thomas Heurtel, Léo Westermann et Antoine Diot. Personne n’attendait d’eux le rendement d’un quadruple champion NBA, mais il faut avouer que la défaite en huitièmes de finale du Mondial 2017 aura sonné comme un sacré aveux d’échec. Si Thomas vivra de beaux moments sous le maillot Bleu, il aura toujours été difficile de le considérer comme un titulaire indiscutable, jusqu’à sa signature en Russie, ses divers problèmes hors terrain et à la dégradation de sa relation avec la Fédération qui l’auront poussé loin de l’Equipe de France.

C’est ensuite Andrew Albicy qui a eu sa chance. Un petit peu plus de succès que ces prédécesseurs pour Uncle Drew, avec une belle victoire contre Team USA en 2019 par exemple. Si Andrew a profité d’un groupe qui allait mieux qu’en 2017, il faut tout de même saluer tout ce que le gestionnaire a pu apporter aux Bleus, années après années, jusqu’aux derniers JO 2024 à Paris. Défenseur solide malgré sa petite taille, plutôt bon passeur au global, Albicy ne manque pas de qualité. Andrew a laissé sa marque sur l’Equipe de France et il en est un des plus beau palmarès, mais il faut bien avouer que l’on parle là d’un soldat plus que d’un général de guerre.

Commence alors la génération des faux espoirs qui, comme leur nom l’indique, ont été érigés un à un comme les sauveurs des lignes arrières françaises jusqu’à ce que la réalité ne les rattrape :

  • Frank Ntilikina : quelques apparitions en Bleu dès 2019, pour celui qui aura été quelques temps le Français le plus haut drafté de l’histoire en NBA, avec sa huitième position en 2017. Plusieurs soucis de santé, jamais capable de développer un tir fiable pour se faire une place en NBA, saluons tout de même sa défense au point d’attaque qui a le mérite d’être largement au niveau. Un retour en Europe compliqué cette année, avec de nouveaux problèmes de blessure et des difficultés à trouver son rôle dans une équipe du Partizan Belgrade qui aura trouvé son salut chez d’autre arrières que Frank, pourtant responsabilisé en début de saison.
  • Killian Hayes : gaucher d’un mètre quatre-vingt seize doté d’une excellente vision de jeu, le n°7 de la draft NBA 2020 avait tout pour réussir. Tout sauf … un tir fiable (cf. le French Prince juste au-dessus), qui empêchera le Killian préféré des Français de se faire une place en NBA et en Equipe de France, lui qui n’a jamais porté le maillot des Bleus en compétition officielle. Tout n’est pas perdu pour celui qui fêtera ses 25 ans cet été, et un retour en Europe semble l’option que beaucoup lui souhaitent tant les règles FIBA semblent mieux correspondre à son profil.
  • Nolan Traoré : bon, pour Nolan, il faut avouer qu’il est tôt … 19 ans le 28 mai prochain, même pas encore drafté, laissons le temps à Nolan de grandir avant de le juger si vite. Cependant, il est déjà possible de noter que cette saison 2024-25, sa première en pro, n’aura pas montré autant de progrès que ce que l’on imaginait. Ce qui fait de plus en plus peur dans le profil de Nolan, c’est une grosse inconsistance au shoot (37% au global, 30% à trois points et 72% aux lancers cette année). Un défaut qui n’est pas sans rappeler le profil EXACT de ses ainés mentionnés ci-dessus.

Au-delà de ces meneurs de métier, la charge de la mène s’est alors partagée entre Nando de Colo, Evan Fournier voire même Isaïa Cordinier plus récemment. Aucun meneur de métier donc, et avec des réussites variées selon le joueur, l’année et l’adversaire …

Quels noms pour l’Eurobasket 2025 ?

De retour en 2025, où les options sont tout de même nombreuses malgré le pessimisme affiché dans le paragraphe précédent.

La première chose à noter, c’est la retraite internationale de Nando de Colo. Si vous voulez l’avis d’un fan de l’ASVEL, je vous dirais qu’il aurait eu encore un peu de jus pour un dernier Euro, mais là n’est pas le sujet. Sa retraite signifie surtout qu’il y a une place de plus pour essayer des choses pour Freddy Fauthoux. Et tant mieux. Car si les arrières français ne sont pas légions en NBA, il n’y a qu’à se tourner vers l’Euroleague pour en trouver à chaque coin de rue.

Le premier joueur, qui semble faire la quasi-unanimité malgré un statut en club largement inférieur à celui de ses compatriotes, c’est Matthew Strazel. L’arrière de poche de Monaco sort d’une très belle saison dans un effectif monégasque pourtant toujours plus profond. L’aspect offensif n’est pas la raison principale pour sélectionner le numéro 32, mais avec une réussite de 41% derrière l’arc et une efficacité au scoring supérieure aux deux tiers de l’EuroLeague, Matthew est loin de faire tâche de ce côté du terrain. Sa réelle force réside plus dans sa défense au point d’attaque, où de nombreux arrières européens ont pu essayer de se défaire du très collant Strazel, très bon dans la navigation d’écrans notamment.

S’il est peu probable que Matthew soit le titulaire Bleu de cet Eurobasket, Freddy Fauthoux tient un joueur qui pourra prendre de belles minutes en sortie de banc. Un infatigable qui ne rechignera pas à la tâche et qui a déjà montré qu’il savait se donner pour le maillot français.

Restons dans l’hexagone puisque Théo Maledon devrait être de la partie cet été. De retour dans son club formateur après des années NBA en majorité décevante, Théo aura dépassé toutes les attentes que l’ASVEL avait pour lui, contribuant en grande partie à la saison positive de l’équipe. Trois MVP de la journée (aux Rounds 4, 10 et 13), MVP du mois de décembre, Maledon aura fortement marqué cette saison d’EuroLeague. En Equipe de France, il apportera une menace forte sur pick and roll, sa capacité à aller au cercle, aller chercher des fautes, ou à bien faire circuler la balle étant des points sur lesquels il a su appuyer malgré le spacing horrible que proposait l’ASVEL cette année.

Enfin, c’est Elie Okobo qui devrait compléter les lignes arrières françaises. Un autre joueur de Monaco donc, qui devrait faire son retour en Bleu après avoir manqué les JO de Paris l’année dernière. A l’instar de Théo Maledon, Okobo est une vraie menace balle en main, capable de se créer son shoot et de le mettre, quelle qu’en soit la difficulté. On peut lui accorder une adresse de loin plus stable que Maledon et une capacité à prendre feu le temps d’un match qui n’est plus à démontrer. Un point qui a toute son importance sur une compétition aussi courte.

Au-delà de ses trois là, les autres noms que l’on peut imaginer voient leurs chances de sélection bien plus incertaines, si ce n’est carrément nulles.

Si Sylvain Fransisco dispose d’un dossier très solide après une excellente saison du côté du Zalgiris Kaunas, ses lacunes défensives et son manque de régularité le font passer derrière les trois noms ci-dessus. Pour Andrew Albicy, l’âge se fait ressentir et il n’est plus au niveau de ses concurrents. Nolan Traoré est encore trop tendre. On espère le voir au plus vite mais les lacunes repérées à Saint-Quentin cette année ne lui permettent pas de postuler à une sélection. Enfin, concernant Nadir Hifi, l’EuroBasket est malheureusement une compétition où il faut par moment défendre, et ce n’est pas avec 15 points en 17 tirs à plus de 34% d’usage que la Rising Star d’EuroLeague pourra défendre sa candidature.

Les Bleus manquent-ils vraiment d’un meneur de jeu ?

Maintenant que l’on connait les différents noms à la disposition de Freddy Fauthoux et du staff de l’Equipe de France, il nous reste une dernière question : ce problème de mène, c’est vraiment un problème ?

Alors oui, en arrivant à l’EuroBasket, il faudra bien aligner un joueur sur le terrain. Il faudra que celui-ci participe au spacing de l’équipe en attaque, et sache défendre sur un extérieur adverse. Mais la réalité du basket d’aujourd’hui, c’est qu’un “poste 1” n’a pas forcément besoin de faire plus que ça, en fonction de la manière dont le reste de l’équipe travaille.

Quand on parle du meneur qu’il manque à la France, en réalité, on se remémore les énormes purges que nous avons vécues pendant la Coupe du Monde 2023. Pendant cette catastrophique phase de groupe, le jeu de notre Equipe de France était vide, très vide. Vous vous souvenez certainement d’Evan, dribblant pendant 15 secondes avant de prendre un shoot qu’on interdit à la plupart des jeunes, tellement l’équipe tournait mal. Et bien ce syndrome, ce n’est pas celui d’une équipe qui manque d’un meneur de jeu, c’est celui d’une équipe qui manque d’un porteur de balle principal.

La différence semble fine mais est pourtant d’une importance cruciale. Si la Serbie ne se pose pas la question de leur meneur de jeu, c’est tout simplement parce Nikola Jokic est leur porteur de balle principal. Si l’on regarde les Boston Celtics, le poste 1 s’appelle Jrue Holiday, mais le porteur de balle principal, c’est Jayson Tatum !

En 2025, le créateur d’une attaque n’est pas forcément un meneur gestionnaire comme nous avions l’habitude de le voir jusqu’à récemment, et c’est bien ça, le salut de notre Equipe de France. Car si l’on regarde les joueurs capables de créer pour eux et pour les autres, la liste s’allonge bien plus loin que Théo Maledon et Elie Okobo. Vous pouvez évidemment y ajouter Victor Wembanyama mais aussi Mathias Lessort et ses post-ups, Evan Fournier qui reste un excellent créateur pour lui-même à un volume moindre qu’il y a quelques années, Isaïa Cordinier par séquences, les cuts de Guerschon Yabusele et de Bilal Coulibaly

Si avoir des extérieurs capables de loin, sur pick and roll et au passing est important dans la construction d’un groupe, il ne faut pour autant pas oublier toutes les possibilités de création offensive que nous offre le basket. C’est justement là tout le travail du staff français d’ici le 28 août : trouver toutes les manières que cette génération dorée française peut utiliser pour varier son attaque avec efficacité.

La situation semble donc s’améliorer pour l’Equipe de France qui retrouve en Strazel, Maledon et Okobo trois belles options pour s’occuper du poste un cet été. Si ces joueurs ont largement les épaules pour tenir la baraque, il ne faudra en revanche pas oublier la diversité des profils dont dispose le vivier français. Freddy Fauthoux a de quoi créer de l’attaque à tous les postes avec une diversité et une qualité folle. Un problème de riche donc, mais un problème qu’il faudra gérer tout de même, si on veut revoir une médaille d’Or en France, douze ans après la première.

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