Elvin Hayes

Elvin Hayes : une fin de carrière digne des plus grands

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En 1975, les Washington Bullets d’Elvin Hayes sont sur le déclin mais ils ne restent pas les bras croisés à attendre.

Cet article a été écrit par Axel D. Cet article est la suite d’un précédent article.

Lors de l’été 1974, les Bullets réalisent un sacré coup en s’attachant les services de Dave Bing, meneur phare des Pistons durant les années 70, 7 fois All-Star et 3 fois All-NBA. Ce qui oblige Kevin Porter à faire ses valises et à faire le même voyage dans l’autre sens. Par ce changement, les Bullets espèrent redynamiser leur attaque qui bat de l’aile depuis bien trop longtemps. Malheureusement, cela semble être un coup d’épée dans l’eau car leur attaque ne sera pas meilleure les saisons suivantes (13ème sur 18 en 1975-76 et 14ème sur 22 en 1976-77). Et surtout, en playoffs, Elvin Hayes et ses hommes n’arrivent plus à passer les demi-finales de conférence. La défaite au 1er tour en 1976 sera d’ailleurs fatale à K.C Jones qui sera remplacé par Dick Motta à la fin de la saison.

Gros coup sur la tête pour les Bullets qui semblent être arrivés au bout d’un cycle. Elvin Hayes est toujours capable de mettre des paniers sur la tête de n’importe qui, mais plus autant qu’avant. Pareil pour Dave Bing qui n’arrive plus à scorer comme il en avait l’habitude à Motown. Quant à Wes Unseld, cela fait déjà longtemps qu’il ne score plus beaucoup, mais même son impact défensif et surtout son impact au rebond diminuent. Avec leurs stars sur le déclin, difficile d’imaginer les Washington Bullets dans les favoris pour la saison qui arrive. Mais vous le savez, dans toutes les histoires qui se finissent bien, il y a toujours un moment où le héros et ses compagnons sont au fond du trou et pensent qu’il n’y a plus aucun espoir. Puis, quelque chose d’inattendu et/ou d’exceptionnel se produit et les héros finissent par gagner. Dans le cas des Bullets, cette chose qui peut changer le cours d’une histoire s’appelle Bob Dandridge.

Dernière chance pour aller chercher la bague (saison 1977-1978)

Nous sommes donc à l’aube de la saison 1977-78 et l’ailier Bob Dandridge débarque dans la capitale. Le terme de « joueur qui peut changer le cours d’une histoire » est peut-être un peu exagéré mais c’est la première fois qu’un joueur déjà champion NBA débarque à Washington. Pour une équipe ayant tendance à flancher mentalement à l’approche des moments chauds, son arrivée représente un gain d’expérience considérable pour l’équipe, car il connaît la voie pour réussir à soulever le trophée Larry O’Brien et saura certainement remobiliser ses troupes dans les moments de moins bien. Avec Elvin Hayes, Wes Unseld et Phil Chenier qui voient tous les trois leur prime dans le rétroviseur, c’est leur dernière chance d’aller décrocher cette bague tant convoitée qu’ils cherchent depuis leur arrivée en NBA.

Cependant, la saison régulière des Bullets n’est pas très rassurante. Seulement 43 victoires, 10ème rating offensif et 9ème rating défensif (sur 22 équipes), on en attend mieux de cette équipe. Point positif tout de même, un vrai collectif se dégage de cette saison. Elvin Hayes score moins (19,7 points et 13,3 rebonds de moyenne tout de même) mais il est très bien suppléé par ses coéquipiers avec 6 joueurs à plus de 10 points de moyenne. De toute façon, même si les Bullets n’ont pas forcément convaincu en saison régulière, c’est en post-season qu’ils ont des choses à prouver. Les excellentes saisons régulières qui se soldent par un échec cuisant en playoffs, ils ne les connaissent que trop bien. Désormais, il faut aller jusqu’au bout.

La campagne de playoffs de Washington commence tranquillement. Victoire 2-0 des Bullets contre les Atlanta Hawks avec notamment 41 points de Kevin Grevey lors du game 2. Quoi ? Vous ne connaissez pas Kevin Grevey ? Rassurez-vous, c’est tout à fait normal. Mais c’est ça qui est bien avec cette nouvelle équipe de Washington ; on a l’impression que n’importe qui peut prendre le jeu à son compte et faire gagner son équipe. Elvin Hayes n’est plus obligé de se la jouer Captain America pour espérer l’emporter. L’impression d’avoir un collectif réellement soudé avec des joueurs qui se soutiendront les uns les autres jusqu’au bout. La demi-finale de conférence oppose les Bullets aux San Antonio Spurs qui jouent donc… dans la conférence Est. Oui ça fait bizarre, mais passons.

Nous avons donc une équipe des Spurs qui vient d’intégrer la NBA peu après la dissolution de l’ABA. On y retrouve George Gervin, jeune joueur qui montre déjà des capacités naturelles impressionnantes au scoring, ainsi que d’anciennes gloires de l’ABA comme Louie Dampier, Larry Kenon ou James Silas. Malheureusement, pour les deux derniers, leur prime est loin derrière eux et ils ne sont plus capables d’épauler celui que l’on surnomme « The Iceman » comme il se doit. Malgré deux matchs remportés avec un George Gervin à 33,2 points de moyenne (dont un game 2 à 46 points), les Bullets se défont facilement des éperons. Elvin Hayes a retrouvé une seconde jeunesse avec 24,3 points et 13,2 rebonds de moyenne avec une meilleure sélection de tir qui lui permet de shooter à 55% de réussite, ce qui est plutôt inhabituel chez lui. Avec cinq joueurs à plus de dix points de moyenne et un nouveau gros match au scoring de Kevin Grevey à 31 points qui a décidé de mettre des paillettes dans nos vies (je crois que je me suis trompé de Kevin), Washington s’impose et passe en finale de conférence.

Les finales de conférence s’annoncent spectaculaire avec un adversaire extrêmement sérieux en face en la personne des 76ers de Philadelphie. Pas de paradoxe géographique ici : on est bien dans une confrontation 100% East Cost, tout va bien, on peut continuer. Bien installés à la première place de la conférence est, les 76ers de Julius Erving, Doug Collins, World B. Free et George McGinnis ont bien l’intention de retrouver les NBA Finals un an après leur défaite face aux Portland Trail Blazers. Pour l’anecdote, les 76ers possèdent aussi dans leur effectif Henry Bibby, père de Mike Bibby, (presque) champion avec les Kings en 2002 et Joe Bryant, père de Kobe Bryant. Bref, Julius Erving et ses hommes ne sont pas là pour rigoler.

Il faut un énorme Elvin Hayes en 28 points et 18 rebonds, qui a bel et bien l’air d’avoir trouvé la fontaine de jouvence, et un Kevin Grevey (encore lui ?) à 26 points pour calmer les ardeurs des 76ers qui perdent donc l’avantage du terrain. Un Doug Collins à 28 points, beaucoup plus adroit qu’au premier match, permet à Philadelphie de recoller à 1-1 dans la série. Au match 3, Washington reprend de l’avance grâce aux 30 points de Bob Dandridge, et ne compte pas laisser filer un match à domicile comme l’ont fait les 76ers. Alors Elvin Hayes enfile sa cape de super-héros qu’il avait laissé au placard depuis un petit moment et nous gratifie d’un de ses meilleurs matchs en carrière avec 35 points et 19 rebonds, ce qui permet aux Bullets de prendre une avance décisive 3-1 dans la série. Les 76ers gagneront le match 5 à domicile pour entretenir l’espoir mais les 28 points de Bob Dandridge et les 21 points d’Elvin Hayes mettent fin à leurs espoirs. Grâce à la série énorme d’Elvin Hayes à 23 points et 15,7 rebonds, les 22,8 points de Bob Dandridge et la force de ce collectif, avec toujours 5 joueurs à plus de 10 points, les Bullets rejoignent de nouveau les finales NBA.

Pour pouvoir atteindre le graal dont ils rêvent depuis longtemps, Elvin Hayes devront passer sur le corps des Seattle Supersonics de Jack Sikma, Dennis Johnson, Gus Williams et Fred Brown. C’est d’ailleurs ce dernier qui ouvre les festivités avec 30 points en sortie de banc pour le pyromane de l’équipe. Dans le 2ème match, ce sont les 34 points de Bob Dandridge qui permettent aux Bullets de recoller, justifiant au passage toute la confiance placée en lui avant le début de la saison. Au match 3, Elvin Hayes sort une nouvelle fois le grand jeu en compilant 29 points et 20 rebonds, et il est à deux doigts de réussir à prendre quasiment à lui tout seul ce match. Malheureusement, les 20 points et 12 rebonds du pivot Marvin Webster pris sur la tête de Wes Unseld permettent aux Sonics de gagner le match d’un petit point seulement (93-92) et donc de reprendre l’avantage dans la série. Les Bullets remportent ensuite le match 4 et les Sonics le match 5. Cela fait donc 3 victoires à 2 pour Seattle. Les Bullets sont dos au mur.

Les démons du passé seraient-ils en train de resurgir ? Les Bullets vont-ils encore flancher dans un moment crucial tel un cycliste dans les derniers mètres de l’ascension d’un col de haute montagne ? Elvin Hayes est-il condamné à rester un monstre sans bague ? En tout cas, lui ne l’entend pas de cette oreille. Comme souvent lors de ces playoffs, il hausse le ton dans les moments importants. Il inscrit 21 points et 15 rebonds dans ce game 6. Dès lors, toute l’équipe se met au diapason. En attaque, cela donne un collectif excellement huilé avec six joueurs à 10 points ou plus. Et en défense, les Supersonics sont à deux doigts de créer une entreprise dans le BTP en shootant à seulement 33% dans le match. Le match 6 est donc gagné facilement par les Bullets 117-82. Les deux équipes se retrouvent alors pour un 7ème match décisif au Seattle Center Coliseum. A l’extérieur, les Bullets ne sont pas favoris, d’autant plus que Jack Sikma (21 points, 11 rebonds) et surtout Marvin Webster (27 points 19 rebonds) font des matchs de patrons malgré la pression inhérente à un game 7.

En revanche, les autres ne suivent pas, notamment Dennis Johnson qui va définitivement créer cette fameuse entreprise de BTP en nous gratifiant d’un 0 sur 14 au shoot, une des pires performances de l’histoire des playoffs. Heureusement pour lui, il aura l’occasion de se rattraper plus tard dans sa carrière. Mais pour le moment, cette maladresse arrange bien les Bullets d’autant qu’ Elvin Hayes n’est pas dans un grand jour. Mais contrairement aux saisons précédentes, il a des coéquipiers sur lesquels compter dans les moments chauds. Les 19 points de Bob Dandridge et de Charles Johnson, les 15 points de Wes Unseld et de Tom Henderson et les 13 points de Mitch Kupchak qui s’ajoutent aux 12 points du Big E montrent la puissance de ce collectif et font énormément de bien aux Bullets qui comptent 13 points d’avance à la fin du 3ème quart-temps. Maintenant, il faut tenir face aux tentatives de retour des Supersonics. Ils tentent le tout pour le tout et ils réussissent même à revenir à 6 petits points. Mais cela ne suffira pas. Après sept matchs d’une série haletante, les Bullets parviennent à renverser les Supersonics et deviennent champion NBA 1978 !

Comme l’avait dit Dick Motta, le coach des Bullets : « The Opera isn’t over until the fat lady sings », qu’on pourrait traduire par le fameux proverbe : « C’est à la fin du bal qu’on paie les musiciens ». En effet, menés 0-1 puis 1-2 puis 2-3, les Bullets réussissent à renverser la situation et à s’adjuger le trophée Larry O’Brien. Enfin, Elvin obtient cette bague de champion qui semblait se refuser à lui. A un moment où plus grand monde ne l’attendait, il a surpris tout le monde grâce à ses performances spectaculaires. Sur cette campagne de Playoffs, il est d’ailleurs le meilleur scoreur avec un total de 457 points. C’est donc en toute logique que le trophée de MVP des Finales est attribué à… Wes Unseld. Pardon ? Loin de moi l’idée de dénigrer cette légende, d’autant qu’il fait partie de cette caste de joueurs dont l’impact va bien au-delà de ses stats. Mais donner le trophée de MVP des Finales à un gars à 9 points de moyenne… Bref, heureusement que les votants ne commettront plus jamais ce genre d’erreurs à l’avenir… (la bise à Andre Iguodala).

Mais réduire cette victoire aux exploits d’Elvin Hayes reviendrait à dénigrer le travail des Bullets pour créer un vrai collectif. Au final, sur l’ensemble des playoffs, on a 5 joueurs des à plus de 10 points de moyenne. Bob Dandridge s’est très bien fondu dans le collectif et à apporter son expérience dans les moments importants. Et même certains gars qui n’auront finalement pas une grande carrière ont été capables d’élever leur niveau de jeu. Il faut également rendre hommage au coach Dick Motta et aux dirigeants, notamment le General Manager Bob Ferry qui a réussi à transformer une équipe talentueuse mais qui se reposait trop sur ses individualités en un véritable collectif.

Un deuxième titre pour la route ? (1978-1981)

Mais pour véritablement rester dans la légende, un back-to-back peut être une bonne idée. La saison 1978-79 est placée sous le signe de la continuité. Pourquoi changer une équipe qui gagne ? D’autant que les Bullets se trouvent de mieux en mieux en attaque et finissent 2ème offensive rating de la Ligue. A 33 ans, Elvin Hayes joue encore les 82 matchs de la saison régulière à 38 minutes de moyenne par match en compilant 21,8 points et 12,1 rebonds par match. Le load management, très peu pour lui. D’ailleurs, en 16 saisons, il ne loupe que 9 petits matchs, ce qui fait de lui l’un des plus éminents représentants de la catégorie des « Ironmen », des joueurs sur lesquels on peut compter quelles que soient les circonstances. Les Bullets finissent donc la saison régulière avec 54 victoires et débarquent en playoffs avec un max de confiance.

Les Hawks sont écartés de justesse (4-3) grâce à l’expérience du champion et à un match 7 incroyable de Monsieur Elvin Hayes à 39 points et 15 rebonds. En finales de conférence, les Wizards retrouvent encore une fois une vieille connaissance avec les San Antonio Spurs de George Gervin. Malgré les 31 points de moyenne de ce dernier, les Wizards s’imposent au game 7 et vont (encore !) retrouver une vieille connaissance en finales NBA : les Seattle Supersonics. Malheureusement, ce n’est pas la même équipe qui se pointe cette année-là. Dennis Johnson a décidé de mettre la clé sous la porte de son entreprise de BTP et inscrit 22,6 points de moyenne sur la série. Mais c’est surtout Gus Williams qui est ultra chaud dans l’ensemble de ces Playoffs et qui terminera meilleur scoreur de cette campagne avec 454 points au total. Et cette série de finales NBA ne fera exception avec 29 points de moyenne. Avec en plus les 15,8 points et 14,8 rebonds de Jack Sikma, difficile de lutter pour les Bullets qui s’inclinent nettement 4-1.

La suite est beaucoup plus compliquée. Elvin Hayes score toujours mais l’équipe s’arrête au 1er tour en 1980 malgré le retour du meneur Kevin Porter. En 1981, les Bullets essaient de combler le départ de Phil Chenier en faisant venir la légende universitaire de Notre Dame, Austin Carr. Mais la sauce ne prend pas et Washington ne participe même pas aux playoffs cette année-là. Le prime des superstars qui ont fait les beaux jours des Wizards est passé depuis bien longtemps. C’est donc en toute logique qu’à l’été 1981, la plus belle page de l’histoire des Bullets/Wizards se tourne définitivement. Wes Unseld décide de prendre sa retraite. Bob Dandridge décide de revenir à Milwaukee pour passer une dernière saison tranquille à la maison. Et Elvin Hayes fait la même chose en revenant chez son premier amour, les Houston Rockets.

Retour à Houston (1981-1984)

En cet été 1981, Elvin Hayes est de retour dans la franchise qui l’a révélé en le sélectionnant en 1er choix de la Draft 1968. Et Elvin n’y vient pas pour se la couler douce. Au contraire, il arrive dans une équipe qui vient d’être finaliste NBA (alors que personne ne s’y attendait car les Rockets avaient terminé la saison régulière avec un bilan négatif), portée par les exploits titanesques du légendaire Moses Malone en plein dans son prime. Mais trop esseulé, les Rockets avaient fini par céder face au collectif des Rockets. Les fusées comptent donc sur Elvin pour soulager Moses au scoring et au rebond.

Sous la houlette du coach Del Harris, les Rockets réalisent une bonne saison avec 46 victoires pour 36 défaites. Moses Malone, de son côté, continue à enchaîner les exploits. Il réalise une saison absolument phénoménale à 31,1 points et 14,7 rebonds de moyenne et est nommé MVP pour la deuxième fois. Pourtant, les Rockets s’inclinent 2-1 face aux Supersonics (tiens, encore une vieille connaissance de notre cher Elvin). Malgré un game 2 monstrueux à 28 points et 23 rebonds de Moses Malone pour égaliser à 1 partout, Gus Williams et Jack Sikma lui répondent avec respectivement 20 points et 12 passes décisives et 30 points et 17 rebonds.

Vient alors un été délicat pour les Rockets car en 1982, Moses Malone est agent libre restreint. La situation économique de la franchise est délicate mais les Rockets proposent tout de même un contrat entre 1,5 et 2 millions de dollars par an. De l’autre côté du pays, les 76ers viennent de perdre en finale NBA pour la 3ème fois en 6 ans et se verraient bien accueillir un double MVP pour les aider à enfin gagner un titre. Les Sixers vont donc faire une offre de 2,2 millions de dollars par an pendant 6 ans. Les Rockets décident quand même de matcher l’offre… mais seulement pour organiser un sign and trade entre les deux équipes.

Visiblement, Moses Malone en avait assez de ne pas réussir à aller jusqu’au bout avec les Rockets et a donc décidé qu’il était temps pour lui de partir pour rejoindre Julius Erving, Maurice Cheeks et Bobby Jones dans la cité de l’amour fraternel. Pour ne pas se retrouver complètement à sec, les Rockets ont donc organisé un sign and trade pour récupérer quelque chose en échange de leur ancien pivot star. Malheureusement, c’est à partir de là que les choses vont se gâter. Les joueurs obtenus en échange de Moses Malone, Caldwell Jones et un pick de 1er tour de la Draft 1983, ne convainquent pas. Et sans Big Mo, les Rockets sombrent dans les profondeurs de la conférence ouest.

C’est une triste fin de carrière qui s’annonce alors Elvin Hayes. A 37 ans, le vieux briscard est fatigué, même s’il joue encore 81 matchs sans broncher cette année-là, et cela se voit dans ses statistiques (seulement 12 points de moyenne pour lui). Avec comme meilleur scoreur Allen Leavell à 14,8 points, les Rockets ne risquent pas d’aller bien loin. Les Rockets terminent la saison 1982-83 avec un bilan calamiteux de 14 victoires pour 68 défaites. Dans leur malheur, les Rockets récupèrent le first pick de la Draft 1983 qui sera nul autre que Ralph Sampson. Après cette horreur de saison régulière, le coach Del Harris est remplacé par Bill Fitch.

Pour la dernière saison en carrière d’Elvin Hayes, les Rockets décident de faire un peu mieux que la saison dernière avec 29 victoires. Ralph Sampson se développe bien avec 21 points et 11 rebonds de moyenne. Sur le plan personnel par contre, les stats du Big E baissent drastiquement, à seulement 5 points de moyenne. Cela fait peine à voir mais on sent vraiment que son physique ne suit plus. Elvin décide donc de prendre sa retraite à l’âge de 38 ans avec le sentiment du devoir accompli, même s’il aurait sûrement aimé gagner un titre ou au moins une série de playoffs avec son équipe de cœur. Le trade de Moses Malone en aura décidé autrement.

En partant, Elvin Hayes laisse quand même un beau cadeau aux Rockets puisqu’ils arrivent à obtenir une nouvelle fois le first pick de la Draft 1984. Ça tombe bien, car non loin de là, à l’université de Houston, la même que fréquenta Elvin Hayes quelques années plus tôt, un petit jeune est en train, comme son aîné, de dominer le circuit universitaire. Son nom : un certain Akeem (qui deviendra plus tard Hakeem) Olajuwon. Pas mal pour un pot de départ, non ?

Pourquoi un tel manque de reconnaissance ?

Du coup, si on fait les comptes de la carrière, on obtient quoi ? 1 fois champion NBA, 12 fois All-Star, 1 fois meilleur scoreur, 2 fois meilleur rebondeur, 3 fois dans la All-NBA first team, 3 fois dans la All-NBA second team, 2 fois dans la All-Defensive second team, 11ème meilleur scoreur de l’Histoire de la NBA avec 27313 points et 4ème meilleur rebondeur de l’Histoire de la NBA avec 16279 rebonds. De quoi recevoir un minimum de reconnaissance non ? Certes, un titre de MVP de la saison régulière et un MVP des finales n’auraient pas été de trop, bien au contraire. Mais on parle quand même d’un gars à plus de 27000 points et 16000 rebonds, un club où seuls Kareem Abdul-Jabbar, Wilt Chamberlain et Moses Malone ont pu rentrer. Alors pourquoi un tel manque de reconnaissance ? Quelques facteurs permettent de l’expliquer :

Dans l’ombre de KAJ et de Wes Unseld

Depuis leur années universitaires et le fameux « Game of the Century » qui avait opposé les Bruins de Kareem Abdul-Jabbar aux Cougars d’Elvin Hayes, une certaine rivalité sportive voit le jour entre les deux énergumènes. Les fans de basketball d’alors se demandent lequel d’entre eux aura la meilleure carrière. Malheureusement, cette rivalité va prendre du plomb dans l’aile dès le milieu des années 70. Les saisons rookie des deux hommes sont assez similaires. Mais contrairement à Elvin qui connaît son prime statistique dès sa saison rookie (en tout cas au scoring), Kareem vise toujours plus haut, jusqu’à inscrire 34,8 points et 16,6 rebonds lors de sa troisième saison.

En plus de ces stats incroyables, Kareem fait gagner son équipe et permet aux Milwaukee Bucks de glaner une bague en 1971 dès leur troisième année dans la Grande Ligue. Dès lors, le Captain n’aura de cesse de creuser l’écart avec le Big E, avec 5 titres de MVP durant les seventies. Et les années 80 ne feront que confirmer cet écart avec un autre titre de MVP et 5 autres bagues avec les Lakers à rajouter dans sa besace. Elvin Hayes était sacrément balèze mais Kareem Abdul-Jabbar était tout simplement meilleur. En même temps, comment voulez-vous lutter contre le meilleur pivot de l’histoire ?

Elvin Hayes a également eu une rivalité avec Wes Unseld qui deviendra plus tard son coéquipier aux Washington Bullets. Cette rivalité vient du fait qu’Elvin et Wes sont de la même cuvée de Draft, en 1968. Elvin Hayes est choisi en première position, Wes Unseld en deuxième position et c’est tout à fait normal car le profil et le potentiel du Big E est bien plus alléchant que celui de son compère. Pourtant, une fois arrivés en NBA, c’est Wes Unseld qui est mieux considéré dans la Grande Ligue. En effet, comme nous l’avons déjà vu, Wes Unseld n’a jamais été un monstre de scoring mais il sait faire toutes les petites choses essentielles pour fluidifier l’attaque des Bullets, tout en étant un excellent défenseur et un monstre du rebond.

L’apport de Wes Unseld est tel que les Bullets passent de 36 victoires la saison avant sa Draft à 57 victoires lors de sa saison rookie. Alors que de son côté, Elvin Hayes était vu comme un excellent scoreur, mais assez inefficace et trop perso. De plus, à cette époque, ce sont les joueurs eux-mêmes qui élisent les vainqueurs des différents trophées de fin de saison. C’est peut-être pour cela que c’est Wes Unseld, et non pas Elvin Hayes, qui a remporté le titre de Rookie de l’année et le titre de MVP en 1969 puis le MVP des Finales en 1978.

Un sacré caractère

Une autre raison pour laquelle Elvin Hayes n’a peut-être pas eu autant de reconnaissance qu’il ne le méritait est qu’il avait un tempérament assez volcanique. Ce caractère bien trempé, il le tient certainement de son père qu’il a vu travailler dans les champs de coton en Louisiane durant toute sa vie. Elvin raconte : « Mon père m’a toujours appris à être fort et à être digne, à ne jamais s’incliner ou à laisser quelqu’un vous marcher dessus ».

Dès lors, le Big E développera un jeu physique et agressif, notamment sous les cercles où c’est lui qui s’impose au rebond la plupart du temps malgré sa petite taille pour un intérieur. Attention, Elvin n’est pas qu’un bourrin en attaque ; ses 21 points de moyenne en carrière sont là pour en attester. Tout au long de sa carrière, il a développé sa palette offensive. Son turnaround jumper est très vite devenu son arme favorite car il lui permettait de shooter au-dessus de défenseurs plus grands que lui. Mais Elvin Hayes a toujours gardé en lui cette image de joueur physique et dur au mal, caractéristique du milieu dans lequel il a grandi.

Le problème, c’est que cette caractéristique de sa personnalité transparaissait également dans ses relations avec ses coéquipiers et ses coachs. Il était très dur avec lui-même et ne comprenait pas que ses coéquipiers ne le soient pas autant avec eux. Le syndrome Kobe Bryant en gros. Elvin Hayes décrit sa personnalité en ces mots : « C’est pour ça que j’ai eu pas mal de problèmes. Je dis ce que je ressens. D’autres sont plus diplomates mais si je fais ça, je n’ai pas l’impression d’être un homme ». Elvin est donc un gars entier autant sur le parquet qu’en dehors. Il n’hésite donc pas à dire ce qu’il pense quitte à en blesser certains. La diplomatie, c’est pas trop son truc.

En tout cas, un bon nombre de ses coachs et de ses coéquipiers qu’il a côtoyés se sont pleins de son caractère. Même si Ray Patterson, le président des Rockets à l’époque, réfute ce constat, c’est certainement parce que Tex Winter ne s’entend pas avec son meilleur joueur qu’il est tradé à Washington. Même son de cloche chez les Bullets, où John Lally, un des entraîneurs qui a travaillé avec lui à Washington, déclara : « Pour certains joueurs et entraîneurs, côtoyer Elvin tous les jours c’est comme être soumis au supplice de la goutte d’eau », « Au début c’est juste une goutte, rien de bien méchant, mais à la fin ça vous rend fou ».

Tout ça pour illustrer le fait qu’apparemment, Elvin usait mentalement ses entraîneurs et ses coéquipiers. Les plus indulgents diront qu’il avait un caractère compliqué à gérer, tandis que les plus véhéments diront peut-être carrément que c’était un poison dans un vestiaire. Au final, où que se situe la vérité, cela n’a pas aidé Elvin Hayes à devenir populaire au sein de la Ligue. Et donc, on le rappelle, comme c’était les joueurs qui désignaient les vainqueurs des différents trophées de fin de saison à l’époque, c’est peut-être pour cela que le Big E n’a pas remporté le titre de rookie de l’année en 1969, le titre de MVP des finales 1978 qui lui tendait pourtant les bras ou d’autres récompenses individuelles qu’il aurait pu obtenir grâce à ses performances. Et donc moins de palmarès = moins de reconnaissance. Ce n’est pas forcément vrai pour tous les joueurs mais le palmarès contribue forcément à accroitre la renommée d’un athlète.

Un manque de médiatisation

Enfin, la dernière raison d’un tel manque de reconnaissance est que finalement, peu de personnes l’ont vu jouer en direct. En effet, durant les années 70, pendant qu’Elvin Hayes cartonnait avec les Rockets et les Wizards, les américains étaient beaucoup plus intéressés par d’autres programmes plus attractifs. Ce désintérêt pour le basketball s’explique par plusieurs facteurs.

Premièrement, la télévision. A l’époque, depuis 1964, la chaîne ABC se charge des retransmissions TV et permet une amélioration de la visibilité de la Grande Ligue. Mais certains propriétaires de la Ligue n’apprécient pas que le patron d’ABC, Roone Arledge, mette bien plus d’argent sur la table pour le football américain que pour le basketball. La NBA décide donc qu’à partir de 1974, c’est désormais sur CBS que les matchs de la Grande Ligue seront diffusés. On va dire qu’ABC apprécie moyennement le mouv et va donc tout faire pour se venger en mettant des programmes très attractifs directement en concurrence avec la diffusion de la NBA. Heureusement, même si les débuts sont difficiles, les audiences vont exploser sur CBS, ce qui permettra à cette affaire de perdurer jusqu’en 1990.

Deuxièmement, de 1967 à 1976, une ligue concurrente à la NBA va faire parler d’elle : la ABA. Julius Erving, George Gervin, Connie Hawkins, Artis Gilmore ou encore David Thompson : voici une liste non exhaustive des stars ayant fait les beaux jours de cette ligue. De par leur style de jeu très athlétique et spectaculaire, ils réussissent à faire se lever les foules, bien plus que les stars de la NBA dont faisait partie Elvin Hayes. Avec un jeu plus orienté vers l’attaque, plus spectulaire et une ligne à 3 points, vous obtenez la bonne recette pour concurrencer une NBA en perte de vitesse dont les stars au style peu flashy accomplissent leurs exploits dans l’ombre. On dit souvent, à raison, que la rivalité entre Magic Johnson et Larry Bird durant les années 1980 a sauvé la NBA. Mais la fusion entre la ABA et la NBA en 1976 a vraiment fait un bien fou à cette dernière, en permettant à toutes ces stars d’apporter leur jeu spectaculaire qui donnait envie aux gens de regarder du basketball.

Troisièmement, durant les années 1970, la NBA traîne une sale réputation. Art Rust, journaliste sportif américain, déclara : « Si la coke était de l’hélium, la NBA tout entière flotterait dans les airs ». Cette citation montre bien le gros problème que représentait la drogue durant la fin des seventies au sein de la NBA. Spencer Haywood qui convulse en plein échauffement, David Thompson qui joue défoncé, Terry Furlow qui se tue dans un accident de voiture ; nombreux sont les exemples qui montrent l’ampleur qu’avait pris le phénomène au sein de la NBA.

Un ancien joueur retraité estimait même que 75% des joueurs consommaient de la coke. Rajoutez en plus de ça des bagarres courantes sur les terrains, avec en point d’orgue le coup de poing de Kermit Washington qui a failli coûter la vie à Rudy Tomjanovich le 9 décembre 1977, et vous obtenez une Ligue qui est considéré par la plupart des gens comme un repère de voyous. Forcément, tous ces problèmes de délinquance ne donnent pas envie aux chaînes de télévision de diffuser ce genre de spectacle. Et puis les américains ne veulent pas s’identifier à ce genre d’individus. Avant que le commissionner de l’époque, Larry O’Brien puis David Stern s’occupent de ces problèmes, les stars NBA de l’époque sont donc condamnés à réaliser leur exploits dans l’ombre.

Enfin, on peut également ajouter que sur la décennie des seventies, aucune équipe n’arrive à installer sa domination sur la planète NBA. 8 équipes championnes au total, pas de back-to-back. Les dynasties, ça lasse peut-être les fans de basket à la longue, mais c’est très positif pour le business car les spectateurs occasionnels ont besoin de figures familières qui reviennent régulièrement sur le devant de la scène. Comme on l’a déjà vu pour le fameux « Game of the Century », c’est bon pour les audiences car on espère secrètement que le « petit » va faire tomber celui qui est en haut de l’affiche depuis longtemps. Pas de dynastie durant cette décennie, donc moins d’audiences pour la NBA, qui aura bientôt l’occasion de se rattraper avec le retour en grâce des Lakers et des Celtics durant les années 1980 (merci encore à Tonton Magic et Tonton Larry).

Voilà, c’est fini comme dirait Jean-Louis Aubert. Je tenais vraiment à faire ce portrait car je ne vous l’ai peut-être jamais dit, mais Elvin Hayes est en fait mon grand-père maternel. Si si c’est vrai, je vous jure !

Non plus sérieusement, j’avais envie de faire le portrait d’une légende qui serait passé sous le feu des projecteurs. C’est donc chose faite à présent. Mais Elvin Hayes n’est pas seul. Pas mal de stars qu’Elvin a côtoyé durant sa carrière ont connu eux aussi ce problème de sous-médiatisation de la NBA. Walt Frazier, Willis Reed, Dave Cowens, Rick Barry, Nate Thurmond, Jack Sikma ou encore Moses Malone sont tous passés plus ou moins sous les radars malgré leur immense carrière. Mais on parlera de ces joueurs une autre fois. En attendant, ne méprisons jamais la chance que nous avons, nous spectateurs, de pouvoir regarder tous les matchs de nos équipes et de nos joueurs préférés. Car à une époque pas si lointaine que ça, certaines des plus grandes légendes du basket étaient condamnés à réaliser leurs exploits dans un anonymat quasi-total.

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