Dennis Rodman, le rebondeur le plus iconique de l’histoire, marque les esprits avec une performance hors norme en novembre 1993 :49 rebonds en seulement deux matchs… sans inscrire un seul petit point. Un exploit jamais égalé qui demeure, encore aujourd’hui invraisemblable. Retour sur cette performance de l’un des joueurs les plus extravagants qu’ait connu la NBA.
Le contexte de son arrivée aux Spurs
Lors de la saison 1993-1994 Dennis Rodman vient tout juste d’arriver dans le Texas, à San-Antonio après un trade en provenance de Détroit. En échange, la franchise du Michigan a récupéré Sean Elliott, un shooteur, joueur iconique des Spurs qui ne reste qu’un an là-bas avant de retourner au bercail.
Après deux titres de champions avec les Bad Boys en 1989 et 1990 le coach Chuck Daily décide de partir, la fin d’un cycle du côté des Pistons. Rodman tombe en dépression au même moment, tentant même de mettre fin à ses jours. Détroit l’envoie donc ailleurs afin de lui faire changer d’air pour qu’il retrouve son meilleur niveau et son envie de jouer.
À ce moment-là il n’a plus grand chose à prouver : défenseur de l’année en 1990 et 1991, All-Star en 1990 et 1992, All-Defensive First Team depuis 1989, meilleur rebondeur de la NBA depuis 1992. Un sacré beau palmarès qui s’ajoute à ses deux bagues de champion. En récupérant Rodman, les Spurs s’assurent un défenseur d’élite dans leurs rangs.
L’histoire de Dennis Rodman à San Antonio est considérée comme ratée pour beaucoup qui retiennent surtout ses passages aux Pistons et aux Bulls. Lui-même n’a pas de bons souvenirs de cette période : “La seule raison pour laquelle ils m’ont gardé, c’est parce qu’on gagnait des matchs, n’est-ce pas ? […] Puis, une fois la saison 1994-95 terminée, ils m’ont immédiatement transféré à Chicago.” confie t-il sur Gote Sole Podcast.
Une période mouvementée marquée par des tensions entre staff et coéquipiers : “Cette ville m’a en quelque sorte adopté mais, quel est son nom déjà ? Ah oui… Popovich… Il me détestait […] Il ne pouvait pas me blairer car je n’étais pas croyant. Il me regardait comme si j’étais le démon !” explique ironiquement le défenseur d’élite au San Antonio Express News.

David Robinson, son coéquipier, n’a pas tenu sa langue sur sa relation avec l’ancien des Bad Boys après son passage : “ Dennis est un gars compliqué. Je pense qu’en raison de son passé, il ne sait pas toujours comment s’exprimer. C’est un gars facile à apprécier, parce qu’il a bon cœur. Il veut jouer dur, faire les bonnes choses. Mais d’un point de vue collectif, d’équipe, il était tellement destructeur. Tu ne pouvais rien faire pour le sortir de sa zone de confort.” explique l’ancien militaire sur Air Alamo.
Pourtant lors de cette parenthèse de deux saisons, The Worm a continué à écrire sa légende, réalisant plusieurs records de franchise avec les Spurs : 32 rebonds en 1994, 12 rebonds offensifs en playoffs en 1995. Il bat même son propre record avec 28 rebonds pour 0 point quelques semaines plus tard contre les Hornets.
En sa présence, pourtant, l’équipe est poussée vers le haut d’un point de vue sportif. Lors de la saison 1994-1995, les texans réalisent un bilan de 62-20 record de la franchise pour l’époque. David Robinson est même élu MVP cette saison et Rodman n’est évidemment pas anodin à cela.
Mais revenons aux deux matchs en question. Rodzilla débarque donc dans une belle équipe de San Antonio qui, a cette époque-là joue les hauts de tableaux, menée par l’amiral David Robinson. Cette saison 1993-1994 démarre tranquillement avec deux victoires (Warriors, Minnesota) pour une défaite (Nets), avant que l’improbable se produise.
L’exploit réalisé
Arrive le 10 novembre et ce fameux match contre les rivaux de Phoenix, avec leur star, Charles Barkley. Rodman plante une première performance invraisemblable attrapant 25 rebonds avec 0 point lors de cette rencontre, battant de quatre unités le record de l’époque de Happy Hairston avec 20 rebonds en 1973 égalé plus tard par Clyde Lee en 1974.
Lors de cette confrontation un vrai duel a lieu, opposant Rodman et Robinson contre Barkley. L’ancien de Détroit, comme à son habitude, s’occupe de la défense avec ses rebonds et The Amiral du scoring. Sir Charles de son côté allie les deux et sort une performance XXL afin de faire gagner son équipe. Score final : 93 à 101 pour les Suns. 35 points et 20 rebonds pour Charles Barkley, 32 points pour David Robinson.
Mais on retiendra surtout la folie de Rodman et son record, lors de son quatrième match seulement sous ses nouvelles couleurs texanes malgré la défaite de son équipe. Deux jours plus tard pourtant, arrive la rencontre face aux Sacramento Kings et rebelote.
Durant cette confrontation, The Worm réitère : 24 rebonds mais toujours… 0 point. Rodman fait ce qu’il sait faire de mieux, chiper le ballon dans les airs après un tir raté. Mais lui-même ne tire pas, même s’il se retrouve ouvert, il préfère ressortir pour ses coéquipiers. Malgré son apport défensif majeur, là encore, c’est une nouvelle défaite pour San Antonio : 91-93.
Sur l’ensemble des deux rencontres, il tente simplement deux tirs. Le numéro 10 se retrouve pourtant sur la ligne des lancers francs à la toute fin du match contre les Kings mais rate ses deux tentatives. 49 rebonds sur les 89 rattrapés par son équipe au cumul des rencontres contre Phoenix et Sacramento, soit 55% d’entre eux. Un record encore inégalé qui paraît toujours aussi insensé, surtout aujourd’hui.
Les secrets de Rodman pour dominer au rebond
Si Dennis Rodman a pu réaliser de tels exploits, c’est avant tout grâce à une science du rebond unique, fruit d’un mélange de travail acharné, d’intelligence de jeu et d’instinct. Bien qu’il n’ait jamais été un grand scoreur en NBA, Dennis compensait par sa défense reconnue par ses pairs comme James Worthy, Isiah Thomas ou encore Kevin Garnett.
Là où la plupart des joueurs tirent dès leur arrivée à l’entraînement, The Worm préférait observer ses coéquipiers, la trajectoire de la balle, ses mouvements dans les airs afin de prévoir comment elle allait rebondir.
“Je n’ai jamais vu quelqu’un décomposer scientifiquement le rebond comme l’a fait Dennis Rodman […] ce gars comptait les rotations de la balle sur les tirs de chaque joueur. Il savait combien de temps elle allait rester en l’air, combien de fois elle allait tourner, où elle allait toucher, comment elle allait rebondir.” raconte son ancien coéquipier aux Pistons pour le podcast ALL THE SMOKE.
Contrairement à beaucoup d’intérieurs qui misaient sur leur taille ou leur puissance, Rodman compensait par une lecture exceptionnelle des trajectoires de tir. Avec ses 2m01 pour 95kg l’ancien des Bulls n’était pas avantagé par son physique, pourtant il excellait dans l’art du “box-out” c’est-à-dire bloquer l’accès au panier pour ses adversaires.
A force d’étudier chaque tir, il a appris comment se positionner parfaitement pour anticiper la trajectoire de la balle lui donnant une longueur d’avance sur ses opposants. Sa plus petite taille que les autres lui donnait quand même un avantage, la mobilité.
Mais l’un de ses atouts majeurs restait sa détermination. Rodman ne lâchait jamais un rebond, se jetant littéralement sur chaque ballon comme si sa vie en dépendait. Il n’hésitait pas à plonger au sol, à se battre dans la peinture, à provoquer des fautes pour obtenir la meilleure position.
Dennis Rodman a fait du “sale boulot” sa marque de fabrique, à une époque où la NBA ne jurait que par le scoring et le spectacle offensif. Là où les stars brillaient par leurs points, Rodzilla s’est imposé en allant à contre-courant, devenant une légende grâce à son obsession pour la défense et les rebonds.
Sur le terrain comme en dehors, il ne ressemblait à personne : ses cheveux multicolores qui ont commencé à San Antonio, ses histoires d’amour et sa personnalité excentrique faisaient autant parler que ses exploits sportifs. Mais c’est surtout par son engagement total et ses performances hors normes qu’il a marqué les esprits, ne laissant jamais personne indifférent, partout où il est passé.
Son exploit de 49 rebonds, 0 point en deux matchs reste un symbole fort de l’importance du collectif et de la défense dans le basket moderne, et une performance qui, aujourd’hui encore, paraît presque impossible à égaler.