En moins d’un an, les Bulls ont tourné la page sur LaVine, DeRozan et Caruso. Des années de promesses non tenues s’achève dans l’indifférence, laissant place à un nouveau chapitre incertain. Mais cette fois, plus qu’un simple changement de visages, c’est toute la direction sportive qui doit faire preuve de clarté : quel est vraiment le cap à suivre pour sortir enfin du ventre mou ?

La fin d’une ère tiède à Chicago

On pourrait presque parler de soulagement. Depuis le début du projet porté par Arturas Karnisovas en 2021, les Bulls semblaient coincés entre deux eaux : trop ambitieux pour tout reconstruire, trop moyens pour exister vraiment. Il aura fallu attendre l’intersaison 2024 pour que les lignes bougent enfin.

Le premier domino tombe fin juin : Alex Caruso est envoyé à Oklahoma City contre Josh Giddey. Puis DeMar DeRozan est transféré aux Kings dans un sign-and-trade qui rapporte des miettes : deux seconds tours, Chris Duarte, et du cash. Mieux qu’un départ agent libre tout de même vous me direz. En février 2025, à la deadline, Zach LaVine suit le mouvement dans un deal avec Sacramento et San Antonio. Le retour ? Kevin Huerter, Zach Collins, Tre Jones et leur propre tour de Draft 2025.

À première vue, aucun de ces échanges ne paraît spectaculaire. Mais dans le détail, ils sont révélateurs d’une tendance : le marché n’était pas friand des vétérans de Chicago. LaVine, freiné par ses blessures et un contrat lourd (environ 140 M$ sur trois ans), a été cédé avec peu d’enthousiasme. DeRozan, lui, part pour une compensation très faible. Quant à Caruso, malgré sa valeur défensive incontestable, il n’a rapporté qu’un jeune pas vraiment désiré dans une équipe prétendante au titre. 

Les Bulls ont enfin décider et réussi à se séparer de leurs deux « stars » encombrantes, DeMar DeRozan et Zack LaVine. Crédit : NBA.com

Le timing n’a rien d’anodin. Avec un bilan de 39 victoires pour 43 defaites en 2023-2024, et une élimination au play-in face au Heat, la direction n’avait plus d’alibi. L’effectif coûtait cher, stagnait sportivement, et les blessures de LaVine et Lonzo Ball avaient fini d’épuiser la patience des fans. Karnisovas l’a reconnu : « Ce groupe avait atteint son plafond. Il était temps d’ouvrir un nouveau chapitre » (NBC Sports Chicago, avril 2025).

Les chiffres donnent raison à cette rupture. Depuis 2022, et le Match 2 remporté face aux Bucks (série perdue 4-1), Chicago n’a remporté aucun match de playoff. Leur net rating collectif était à peine positif si on prend toutes les saisons de cet effectif, et leur offensive rating est resté en fond de classement NBA (21e en 2023-24). En somme, l’illusion d’un projet compétitif qui n’a jamais résisté aux faits.

Historiquement, la franchise n’en est pas à sa première transition douloureuse. Après l’ère Thibodeau (2010–2015) et les blessures de Derrick Rose, les Bulls avaient tenté un reboot immédiat avec Dwyane Wade et Rajon Rondo. Échec. Vient ensuite une reconstruction plus jeune autour de Zach LaVine, Lauri Markkanen et Kris Dunn, avant que l’arrivée de Billy Donovan en 2020 ne précipite un nouveau virage compétitif. Chaque tentative s’est heurtée à une absence de vision cohérente, entre vétérans imposés et jeunes mal développés. Ce passif pèse lourd au moment  de démarrer un nouveau cycle.

L’ébauche d’un nouveau noyau

Le départ des cadres a laissé la place à un groupe jeune, malléable, mais encore flou. Trois noms émergent cependant comme des piliers potentiels : Coby White, Josh Giddey et Matas Buzelis.

Coby White d’abord, a surpris tout le monde. Propulsé titulaire en raison des absences de LaVine, il a réalisé la meilleure saison de sa carrière : 20,5 points, 3,7 passes, 4,5 rebonds par match, à 45% au tir. Il a gagné en régularité, en lecture et en leadership. Surtout, il a montré qu’il pouvait être bien plus qu’un simple scoreur intermittent. Son usage rate a grimpé à 24,8%, son offensive rating à 112, et son impact global n’est plus à démontrer. Il a assumé le rôle de leader offensif et de finisseur de match avec une sérénité nouvelle.

À ses côtés, Josh Giddey est le joueur au profil le plus polarisant. Grand meneur créatif, mais sans tir fiable, il a obligé les Bulls à repenser leur hiérarchie. Titulaire à la mène, il a tourné à 18 points, 9 passes et 7 rebonds de moyenne sur les deux derniers mois de saison régulière. Son taux d’usage (24,8%) témoigne d’une montée en responsabilité. Giddey reste un passeur hors pair (7,2 passes de moyenne), capable de manipuler les défenses en demi-terrain. Son tir à trois points reste encore un frein à son développement, bien qu’une certaine amélioration soit visible (33% en carrière, 37,8% cette saison). Pourtant, son entente avec White, plus incisif, plus vertical, a donné lieu à des séquences intéressantes.

Le troisième homme, c’est Matas Buzelis. Drafté en 11e position en 2024, l’ailier longiligne (2,08 m) a séduit dès ses premiers mois en NBA. Encore irrégulier, il a alterné éclairs de génie et passages à vide, mais son potentiel est indiscutable : 8,6 points, 3,5 rebonds, 1,0 passes en 19 minutes, avec une belle activité défensive. Sa mécanique de tir demande cependant encore du travail (36% à 3pts). Parfois comparé à Franz Wagner, Buzelis est encore brut, mais Chicago croit en son potentiel à long terme. Il a notamment montré de belles dispositions dans les lineups rapides et,switchables, où il peut occuper le poste 3 ou 4 selon les besoins.

Le trio Buzelis-Giddey-White émerge comme les potentiels piliers de la reconstruction des Bulls. Crédit : NBA.com

Ce trio présente des complémentarités prometteuses : White comme scoreur et playmaker secondaire, Giddey comme gestionnaire et créateur principal, et Buzelis comme électron libre à développer à côté. Autour d’eux, Patrick Williams, Zach Collins, Julian Phillips ou Lonzo Ball (de retour après deux ans) devront trouver leur place. Ball s’est d’ailleurs exprimé sur son nouveau rôle : « Je ne suis plus le même joueur, mais je comprends mieux le jeu maintenant » (ESPN, mai 2025). Son expérience peut servir de socle défensif et de liant collectif.

D’un point de vue analytique, le cinq Giddey–White–Buzelis–Williams–Collins affiche un net rating de -2,1, trop juste pour viser les playoffs, mais suffisamment compétitif pour développer des automatismes. Le spacing reste un point faible, tout comme la protection du cercle. Mais plusieurs compositions alternatives, notamment avec Ball ou Huerter, montrent de meilleurs indicateurs en turnover ratio et rating defensif.

Mais malgré ces tentatives, cet équipe des Bulls stagne : 20e rating offensif, 19e rating defensif,. La moyenne d’âge est encourageante (24,2 ans), mais l’absence d’un vrai lead scorer reste criante. Reste a voir si Coby White a les épaules pour endosser ce rôle la saison prochaine. 

Un avenir incertain mais ouvert

La reconstruction est lancée, mais le plus dur commence : bâtir un vrai projet autour du noyau jeune identifié, trancher sur les dossiers sensibles, et envoyer un message clair. Pour la première fois depuis des années, les Bulls semblent avoir un cap , encore faut-il s’y tenir.

L’un des enjeux majeurs de cet été porte évidemment sur Josh Giddey. L’ancien meneur du Thunder a montré des choses intéressantes en fin de saison, mais reste un profil atypique, difficile à évaluer. D’autant qu’il est free agent restreint. Selon le journaliste Jake Fischer, Giddey cherche un contrat autour de 120 millions sur cinq ans, un pari coûteux pour un joueur en difficulté au niveau du tir lointain, dont la complémentarité avec White reste à affiner.

Du côté de la direction, la réflexion est simple : miser gros sur Giddey, c’est parier sur un meneur-passeur à l’ancienne, capable de bonifier ses coéquipiers, mais qui impose des contraintes structurelles. Le manque de spacing, déjà problématique, serait encore plus flagrant si l’Australien ne confirme pas sa progression au tir. En revanche, son volume de jeu et sa création permettent à Chicago de jouer à contre-courant, en s’appuyant sur de la taille, du rebond, et une attaque en mouvement (2e pace de la ligue cette saison).

À l’inverse, si les négociations s’enveniment, les Bulls pourraient laisser le marché fixer la valeur de Giddey. Des équipes comme Orlando, San Antonio ou Brooklyn seraient susceptibles de lui proposer une offre. Dans ce cas, Chicago devra décider s’il veut s’aligner, ou couper court et ouvrir la voie à un développement plus centré sur White, le développement progressif de Buzelis, el leur éventuel Pick 12 de la Draft, si ils ne décident pas de monter par un trade.

La prolongation de Josh Giddey sera un des plus gros sujet à surveiller cette offseason chez les Bulls. Crédit :  Bill Streicher-Imagn Images

Un autre dossier brûlant reste celui de Nikola Vucevic. Encore sous contrat jusqu’en 2026 pour 21 millions annuels, le pivot monténégrin ne correspond plus aux ambitions actuelles de la franchise. Trop lent, trop coûteux, trop déconnecté du style du noyau jeune, il pourrait faire l’objet d’un transfert, même à perte, pour libérer du cap ou récupérer un profil plus défensif. Le nom de Wendell Carter Jr. (Orlando) circule officieusement dans certains cercles internes, selon Bulls Talk Podcast .

Un point concerne aussi Billy Donovan. Selon The Stein Line , la franchise envisagerait de prolonger son coach, malgré trois saisons sans playoffs. L’idée ? Valoriser la stabilité autour du nouveau noyau, et capitaliser sur la relation de Donovan avec White et Giddey, qu’il a activement soutenus dans leur progression. Une décision qui divise : certains fans réclament du renouveau sur le banc, tandis que d’autres louent sa pédagogie et sa capacité à développer les jeunes. Selon Shams Charania, les Bulls ont été approché par les Knicks pour pouvoir interviewer Donovan pour leur poste de coach. Demande déclinée par Chicago. 

Enfin, les Bulls disposent de tous leurs picks de draft jusqu’en 2031, ainsi que celui de 2026 des Blazers (protégé 1-14), de plusieurs seconds tours, et d’un contrat expirant intéressant (Kevin Huerter, 17 M$). L’été 2025 pourrait donc aussi être celui d’un coup tactique : aller chercher un jeune pivot défensif, ou parier sur un ailier 3&D, si ce n’est monter à la draft comme évoqué précédemment.

L’objectif ne sera pas le classement, mais la progression collective : en 2025-26, il s’agira de poser les bases d’un groupe capable de jouer le Top 6 d’ici deux-trois ans peut-être. Côté salaire, l’équipe de la « Windy City » dispose de d’avantage de flexibilité grâce aux derniers changements. Pour en savoir-plus, je vous invite à lire l’article détaillé du Roster sur ce sujet. 

Depuis la fin du cycle DeRozan–LaVine, la direction a changé de discours. Plus question de vendre du « win now » bancal, ni de bricoler sur le fil. Pour que ce virage ne soit pas une énième transition sans lendemain, les Bulls devront trancher, assumer, construire. Quitte peut-être même à avoir l’idée de trader Coby White, pourtant leur meilleur joueur, histoire de vraiment repartir de zéro. Et surtout, ne pas céder à la tentation de l’entre-deux, ce territoire flou dans lequel ils se sont trop souvent perdus. L’heure est venue de choisir une direction, et de s’y tenir pour de bon.

En vérité, les Bulls n’ont pas le luxe d’un énième faux départ. La franchise reste l’une des plus puissantes en termes de notoriété, six titres, une ville de basket, une fanbase mondiale, mais elle ne fait plus rêver personne. Si Karnisovas veut inscrire ce projet dans le temps, il devra assumer des choix clairs, des paris audacieux, et construire une vraie philosophie. La reconstruction est lancée. Maintenant, il faut lui donner un sens.

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