Les juniors caribéens veulent briller - Crédit : France Antilles

Le basket caribéen : de la diaspora à l’émergence d’une nouvelle génération

Longtemps considérés comme des outsiders dans le paysage NBA, les basketteurs originaires de la Caraïbe, tels Shai Gilgeous-Alexander, Nickeil Alexander-Walker,  Jonathan Mogbo, s’affirment aujourd’hui comme des figures incontournables du basket mondial. Talent brut, identité forte, résilience familiale : zoom sur une génération multiculturelle qui peut influencer la diaspora caribéenne ainsi que les initiatives locales.

Des racines profondes et un héritage méconnu

Basketball Caraïbes. Crédit : nationwideradiojm.com
Photos d’équipes lors de la première journée de la ligue professionnelle caribéenne – Crédit : nationwideradiojm.com

Les sportifs Caribéens sont souvent plus connus par les disciplines comme le sprint, le cricket ou le football qui dominent l’imaginaire collectif. Les exploits légendaires d’Usain Bolt, de Shelly-Ann Fraser-Pryce, d’Ato Boldon ou encore des équipes de cricket des Antilles ont façonné une image bien précise de la région : celle d’un vivier d’athlètes explosifs, rapides et endurants.

En ce qui me concerne, j’ai grandi fasciné par les performances remarquées des sprinters Caribéens. Mon intérêt sportif s’est naturellement porté vers des sports comme l’athlétisme, omniprésent aux Antilles françaises, mais aussi vers le cyclisme, le football, ou encore vers le Tour des Yoles Rondes de Martinique.

Le basketball a trouvé un ancrage inattendu dans la Caraïbe grâce à des joueurs de renom comme Tim Duncan (Îles Vierges), Deandre Ayton et Buddy Hield (Bahamas), qui se sont imposés au plus haut niveau en NBA. Leur succès a changé la perception du sport dans la région: oui le basket peut s’épanouir loin de ses terres traditionnelles. Oui les joueurs caribéens peuvent eux aussi viser l’élite. Plus que de simples athlètes, ils incarnent des modèles dont les parcours inspirent une nouvelle génération. Leur réussite illustre le rôle du sport comme vecteur d’identité, de rêve et de dépassement de soi, ce qui renforce la fierté et l’ambition d’une région toute entière.

L’influence des îles dans mon jeu, c’est la discipline, la résilience et l’amour du collectif. – Buddy Hield

C’est cette dynamique que j’ai choisi d’explorer : comment le basket-ball, bien qu’historiquement moins enraciné dans la culture sportive caribéenne que d’autres disciplines, est en train d’y trouver une place grandissante. Et surtout, comment des figures emblématiques pourrait transformer l’impossible en horizon crédible pour toute une jeunesse.

Une montée en puissance grâce à la diaspora 

Nombre de jeunes issus de la diaspora caribéenne naissent et grandissent au Canada ou aux États-Unis. Mais leurs racines, transmises par la famille, façonnent leur rapport au jeu, à la compétition… et à la vie.

SGA
Shai Gilgeous-Alexander en pleine célébration – Crédit : okcthunderwire-eu.usatoday.com

Né en Ontario de parents jamaïcains, SGA est l’une des plus grandes stars de la NBA actuelle. Meneur du Thunder, All-Star et MVP candidat, il brille par son calme, sa maîtrise du tempo, et sa capacité à lire le jeu comme peu de joueurs.

Mes racines jamaïcaines m’ont appris la patience, le calme et la foi. Ce sont des valeurs qui m’aident autant dans la vie que sur le terrain. — Shai Gilgeous-Alexander

Ce qui le distingue, c’est son jeu fluide, imprévisible: ne danse t-il pas? Et puis, Shai démontre une confiance tranquille, inspirée de son éducation caribéenne, un style vestimentaire affirmé qui reflète son identité. Shai est devenu un symbole pour les jeunes de la diaspora jamaïcaine au Canada, notamment à Toronto, où son nom circule dans plusieurs gymnases.

Nickeil Alexander-Walker : la force silencieuse

Cousin de SGA, Nickeil joue un rôle clé chez les Timberwolves. Originaire lui aussi de Toronto et descendant de Jamaïcains, il incarne cette génération prête à tout pour contribuer au succès de son équipe. Excellent défenseur, intelligent, capable de scorer ou d’organiser, Nickeil incarne l’idée du joueur polyvalent, peu médiatisé mais précieux.

On ne m’a jamais dit que ce serait facile. Mais dans ma famille, on m’a appris à me battre avec humilité. — Nickeil Alexander-Walker

Nickeil est le prototype du joueur caribéen discipliné, fidèle, adaptable, capable de briller sans avoir à faire d’excès.

Jonathan Mogbo : l’étoile montante à surveiller

Drafté en 2024 par les Raptors de Toronto, Jonathan Mogbo est un joueur à part. Né aux États-Unis de parents d’origine nigériane et jamaïcaine, il représente la nouvelle vague multiculturelle et résiliente du basket nord-américain.

Agé de 23 ans, cet ailier ultra athlétique impressionne par son énergie défensive. Mogbo est capable de défendre sur plusieurs positions. De plus, il a une excellente vision du jeu et a une excellente capacité à distribuer la balle. Aussi, il met une intensité constante dans son jeu et son attitude est exemplaire.

J’ai toujours joué avec l’énergie de mes ancêtres. Mes racines sont ma force. — Jonathan Mogbo

Son arrivée à Toronto est hautement symbolique, car il y a une diaspora caribéenne importante. Les Raptors sont aussi en quête de nouveaux leaders. Selon moi, Jonathan Mogbo incarne l’union parfaite entre basket, multiculturalisme et détermination, ce qui représente parfaitement la ville de Toronto et la région de l’Ontario.

D’ailleurs, Jonathan Mogbo s’est déjà engagé dans plusieurs causes communautaires. Ainsi son but c’est de montrer  qu’il veut inspirer au-delà du sport.

Le basket caribéen se structure localement

La majorité des joueurs caribéens émergent encore à travers les structures nord-américaines, mais les choses changent. Des académies de formation se développent localement aux Bahamas, en Jamaïque, à Trinidad, et même en Haïti. Les camps d’été, les échanges culturels et les entraineurs expatriés participent à structurer un futur écosystème régional du basket.

Parmi les projets de basket éducatif à Trinidad et Tobago, il y a le Stingers Basketball Club avec son programme « No Excuses ». Ce projet, mené à Port-of-Spain, permet à des centaines de jeunes âgés de 8 à 17 ans, de découvrir et de pratiquer le basketball dans un cadre structuré. Encadré par Sharon Castanada et soutenu par la First Citizens Sports Foundation, ce programme associe la formation sportive aux fondamentaux du jeu avec un volet santé et bien-être.

Un autre projet marquant est la Stories of Success (SoS) Basketball Academy, fondée par Kern George à Maloney. Initialement destinée aux jeunes à risque, elle s’est progressivement ouverte à tous les passionnés de basket. L’académie propose un encadrement sportif quotidien, mais aussi des formations techniques dans différents métiers. L’académie accompagne également ses bénéficiaires vers des bourses académiques ou encore des opportunités professionnelles dans la Défense nationale.

Enfin, je pense également au Maloney Pacers Basketball Club and Youth Development Programme, un club communautaire créé en 1993 à Maloney D’Abadie. Son objectif est d’offrir aux jeunes un environnement sûr et structuré où ils peuvent s’entraîner, progresser et se développer grâce au sport.

Des tournois inter-îles dans la Caraïbe

Dans la Caraïbe, plusieurs tournois de basket inter-îles existent, principalement pour les plus jeunes. Le tournoi GuyMarGua, organisé au Hall Kévin Séraphin à Cayenne. Chaque année les sélections U15 de Guyane, Guadeloupe, Martinique et des Îles du Nord se réunissent pour s’affronter lors de cet événement. En 2024, la Guyane a remporté pour la quatrième fois consécutive le titre masculin, tandis que la Guadeloupe s’est imposée chez les filles.

Crédit : Emonews
Logo de la Kréyol Basketball Championship – Crédit : Emonews

En 2025, c’est une équipe de Guadeloupe, l’Etoile de l’Ouest, qui s’est imposé chez les hommes et l’US Sinnamary de la Guyane chez les femmes. Ce tournoi bénéficie d’une réelle visibilité médiatique, mais il n’existe pas encore d’édition pour les catégories U18 ou U21. Par ailleurs, Noel Nijean ancien basketteur martiniquais y avait participé.

En Guadeloupe, un autre tournoi inter-caribéen a eu lieu du 11 au 14 juillet 2025. Organisé par l’ASC Aigle Noir (équipe guadeloupéenne) avec le soutien du Baie-Mahault Basket Club, ce tournoi a réuni plusieurs clubs U15 de la région. Cela confirme l’intérêt croissant pour les compétitions inter-îles.

En 2024, la Kreyol Basket-Ball Championship a été créée, il s’agit  d’une compétition de clubs de basket-ball. Cette compétition est présentée comme la « ligue kréyol des champions », où les vainqueurs nationaux ou locaux se retrouvent pour s’affronter en plusieurs phases, grâce à un système de poules : poules Sud, Centre et Nord. Puis, il y a une finale régionale.

Il y a également le Kréyol Basketball Championship, qui réunit 17 pays de la Caraïbe.  Cette année, le tournoi central a eu lieu du 26 au 29 juin en Martinique. 

Demain se construit aujourd’hui

Avec des figures inspirantes comme Shai Gilgeous-AlexanderNickeil Alexander-Walker ou Jonathan Mogbo, les jeunes caribéens peuvent aujourd’hui se projeter dans une carrière NBA sans renier leurs origines. Le défi reste la structuration locale : former sur place, éviter l’exil trop précoce, créer une identité de jeu propre aux Caraïbes.

En Afrique, la NBA a déjà implanté une NBA Academy, avec des centres de formation d’élite au Sénégal : comme la NBA Academy Africa, en lien avec la Basketball Africa League. Alors, pourquoi pas une NBA Academy Carribean ? Les talents sont là, la passion aussi. Il manque seulement un vrai centre fédérateur, soutenu par les institutions locales, les sponsors régionaux… et la NBA elle-même.

Et pourquoi pas : une ligue caribéenne semi-pro ? Une franchise G League basée à Porto Rico, en Martinique ou aux Bahamas ? Un All-Star caribéen annuel pour valoriser les diasporas issues de la Jamaïque, Haïti, la Trinité, la Dominique, les Antilles françaises, Cuba…

La Caraïbe, riche de sa diversité, de sa diaspora et de son lien étroit avec l’Amérique du Nord, est un terrain fertile pour bâtir une structure ambitieuse, au croisement du sport, de l’éducation et de la culture. 

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