Tout le monde connaît Kyle Korver. Le scoreur a voyagé dans pas mal de franchise (Sixers, Jazz, Bulls, Hawks, Cavs et Bucks). Mais la chose que l’on connaît moins, c’est son engagement dans la lutte contre le racisme et la suprématie blanche. Mettons un peu de contexte, on remonte le temps en 2019 il joue pour le Jazz d’Utah et rencontre le Thunder de Russell Westbrook.
Pendant la rencontre, le meneur d’OKC reçoit des insultes racistes de la part d’un fan NBA. À la fin du match, les joueurs de Salt Lake City ont eu un entretien avec le propriétaire pour parler de l’évènement.
Kyle Korver a pu parler d’un événement qui lui était arrivé plus tôt dans sa carrière lorsqu’il jouait pour les Hawks. En déplacement à New York, son coéquipier Thabo Sefolosha en profite pour aller en boite de nuit. Pendant sa sortie, le joueur fut arrêté par la police et blessé au genou. L’effectif des Hawks s’empresse de demander des nouvelles de l’ailier suisse. Mais Kyle n’avait qu’une seule idée en tête.
« Mais que faisait il en boite de nuit la vieille d’un match ». Il était à des années lumières de penser à l’état de santé de son coéquipier. « Je me suis dit que si j’avais été à la place de Thabo, en boîte de nuit, la police ne m’aurait pas arrêté, à moins que j’ai fait quelque chose de mal. Ce n’était pas comme si c’était une réaction réfléchie. C’était un pur réflexe, la première chose qui m’est venue en tête. »
Des mois plus tard, un jury a déclaré Thabo non coupable des charges portées contre lui. Il a passé un arrangement avec la ville concernant l’usage de la force de la part de la police de New York. Puis l’histoire à disparue.
L’histoire entre Westbrook et un fan
Un journaliste pose la question à Kyle Korver pour savoir ce qu’il s’était passé.
Voici ce qu’a répondu le joueur du Jazz : « ‘Vous connaissez Russ. Il se prend souvent la tête avec les spectateurs ». Il n’était pas au courant des propos racistes que le fan a tenus. Lors de la réunion avec le propriétaire, les joueurs du Jazz ont immédiatement montré leur soutien à Russ mais aucun d’entre eux n’étaient satisfaits.
« Il y a un sujet tabou auquel je pense beaucoup ces derniers temps. Il s’agit du fait que démographiquement, si je dois être réaliste, j’ai plus en commun avec les fans que l’on trouve en tribunes dans un match NBA lambda, qu’avec les autres joueurs sur le terrain. Je suis l’ami de Thabo, le coéquipier d’Ekpe Udoh ou le collègue de Russ. Je travaille avec ces gars et je les soutiens. Mais physiquement, je ressemble à l’autre gars. »
« Je réalise que peu importe à quel point je peux m’impliquer pour être un allié de cette cause et peu importe à quel point je soutiens les joueurs de couleur en NBA ou WNBA, je peux toujours aborder ça du point de vue de quelqu’un qui a le choix de s’en préoccuper ou pas. Cela veut dire que je pourrais parfaitement m’en désengager. Tous les jours, j’ai cette possibilité. J’ai ce privilège, basé simplement sur la couleur de ma peau. »
« Comment puis-je, en tant qu’homme blanc qui fait partie de ce problème systémique, faire partie de la solution en ce qui concerne le racisme dans le milieu dans lequel je travaille ? Et dans ce pays ? »
« Je ne pense pas avoir toutes les réponses, mais voilà celles qui me semblent être les plus solides : Je dois continuer de m’éduquer sur l’histoire du racisme aux États-Unis. Je dois écouter. On le répète parce que c’est important. Je dois soutenir des leaders qui considèrent que l’injustice raciale est une question fondamentale, quelque chose qui est au cœur de presque tous les problèmes majeurs de notre pays aujourd’hui. Je dois soutenir des programmes politiques qui vont dans ce sens. Je dois faire de mon mieux pour me mettre en retrait lorsque cela peut permettre à des groupes marginalisés de se faire entendre. »
Kyle Korver le sait, il est blanc et ne sera jamais confronté au racisme comme un homme noir, que ce soit par la police, l’Etat ou la justice. La NBA n’en fait malheureusement pas l’exception.
Le racisme est présent partout. D’après lui, en tant que blancs, sommes-nous coupables des péchés de nos ancêtres ? Non. Mais sommes-nous responsables ? Oui.
« Les noirs et les blancs n’ont toujours pas la même vie aux États-Unis. Et cette différence résulte d’une histoire horrible, pas d’une simple division. Black Lives Matter et des mouvements comme celui-là sont importants pour la bonne et simple raison que j’aurais probablement été en sécurité ce soir-là à New York. Thabo ne l’était pas. J’étais en sécurité sur le terrain l’autre soir contre OKC. Russell ne l’était pas. »
« Aussi honteux qu’il soit, le racisme que l’on retrouve dans ces salles NBA en 2019 semble être le plus facile à gérer parce qu’il est bruyant et clair. Il n’y a pas d’ambiguïté et dieu merci, on expulse le type de la salle et on le bannit à vie. Mais malheureusement, le racisme le plus dangereux n’est pas celui-là, stupide et bruyant. Pas celui qui ne se cache pas en arrivant à la salle. C’est le racisme silencieux et subtil. Qui se cache en plein jour. »
« Une dernière chose. La NBA est composée à 75% de joueurs de couleur. 75%. Les gens de couleur ont bâti cette ligue. Ils l’ont fait grandir et ont fait de la NBA ce qu’elle est aujourd’hui. Si vous ne pouvez pas trouver dans votre cœur l’envie de les soutenir, activement, de ne pas vous contenter d’être passifs en tolérant ce qui se passe, et bien ce n’est pas suffisant. »
« Ce qui arrive aux gens de couleur dans notre pays en 2019 est injuste. Que des Américains noirs aient cinq fois plus de chances d’être incarcérés que les blancs est injuste. Que les Américains noirs aient deux fois plus de chances d’être pauvres est injuste. Le chômage chez les noirs équivaut au double du chômage chez les blancs est injuste. Que le taux d’emprisonnement pour des délits liés à la drogue soit 6 fois supérieur chez les noirs est injuste. Que les Américains noirs possèdent un dixième de la richesse des Américains blancs est injuste. Le fait que l’inégalité soit si profondément ancrée dans les institutions auxquelles on fait le plus confiance est injuste. »
« Je crois que toute personne qui se trouve du bon côté du privilège et des inégalités se doit d’aider à rendre les choses justes. Si vous ne voulez rien connaître de moi en dehors du basket, pas de problème. Mais si vous voulez porter mon maillot, en acheter un pour un proche, me suivre sur les réseaux sociaux, me soutenir lors des matches, scander mon nom, vous devez être au courant de ça. Je crois en ce dont j’ai parlé. »
« Merci de m’avoir lu. Il est temps pour moi de la fermer et d’écouter ».
Les mots forts d’un homme blanc qui milite pour le droit des hommes et femmes de couleurs, pour le droit à un avenir égalitaire, voila la lutte de Kyle Korver.