Pour Le Roster, Emmanuel Lecomte revient sur son EuroBasket et partage son ressenti sur la compétition, les défis rencontrés et l’évolution du basket en Belgique.
Le meneur expérimenté de la Belgique revient sur son troisième Eurobasket : les défis rencontrés, les exploits collectifs et les jeunes talents à suivre. Il se confie aussi sur l’avenir du basket national et les enjeux à venir, entre manque de moyens, pressions et travail collectif.
Propos recueillis par Paul Candelier
Lors de l’EuroBasket, vous étiez dans une poule que l’on peut qualifier de relevée avec notamment la France, la Slovénie, mais aussi la Pologne qui était à domicile. Dans quel état d’esprit êtes vous arrivé en Pologne ?
Cet Euro était un peu différent puisqu’il y avait énormément d’absents, certains pour cause de blessures, d’autres partis au college (NCAA). On savait donc qu’on allait avec une équipe très jeune, avec très peu d’expérience, beaucoup de joueurs qui n’avaient jamais disputé d’EuroBasket et qui évoluent en Ligue belge. L’état d’esprit était clair : il fallait absolument donner le meilleur de nous-mêmes. Le groupe était très relevé, avec la France, la Slovénie, Israël, la Pologne… toutes de très bonnes équipes, souvent avec au moins un joueur NBA. On savait que sortir du groupe serait un exploit
Malgré cela, vous avez déjoué certains pronostics et effectué un plutôt bon, plutôt bon parcours avec plusieurs bonnes performances. Quel regard portez vous sur votre EuroBasket ?
Globalement, collectivement, je trouve qu’on a réussi notre Euro. On a pris deux victoires, dont une contre la Pologne à domicile, ce qui est un exploit. On était tout près contre Israël, on perd seulement de trois points contre une nation avec un joueur NBA, c’était positif aussi. Et puis il y a la grosse victoire sur l’Islande, qui était indispensable pour nous. Donc oui, c’est un Euro réussi, mais je pense que malgré ça, nous n’avons pas encore joué à notre plein potentiel
Comme vous l’avez dit, le match contre la Pologne restera marquant avec un tir complètement exceptionnel de votre part. Qu’est ce qu’on peut ressentir avant de prendre un tel shoot et surtout après ?
Avant, j’étais vraiment très excité, positivement. Je me souviens que juste avant le temps mort, deux ou trois coéquipiers sont venus me dire que ce serait mon shoot et que j’allais le mettre. Ça fait toujours plaisir d’avoir la confiance de ses coéquipiers et évidemment du coach, qui a dessiné un play pour moi, sur un tir à mi-distance, un de mes préférés. Il m’a mis dans une super position de tir. J’étais donc très excité à l’idée de le prendre. Après, c’est vraiment le soulagement, la joie de finir sur une très bonne note, et aussi un exploit.

« C’est un Euro réussi »
Sur le plan personnel, comment avez vous géré vos responsabilités de meneur dans un tournoi de ce niveau?
Comme d’habitude, ce n’est vraiment pas facile à l’Euro. On affronte de grosses équipes et de très grands meneurs, souvent en Euroleague, parfois en NBA. Mais je viens toujours avec le même mindset : prouver que j’ai ma place. Mon objectif est de performer pour l’équipe, tout en étant un leader vocal et positif.
Plus globalement, qu’est ce que cette expérience vous a apporté tant sur le plan personnel que sportif?
Sur le plan sportif, c’est simple : on progresse énormément quand on affronte plus fort que soi, collectivement ou individuellement. Pour moi, le fait d’avoir performé à l’Euro, mais aussi d’avoir joué contre des joueurs de très haut niveau, alors que je n’avais pas joué pendant la saison, m’a permis de franchir un cap et ça va m’aider pour l’avenir.
En tant que Français, on est forcément intéressés par votre vécu face à l’équipe de France. Est ce qu’il y a un joueur en particulier qui vous a marqué ou autre ?
Franchement, il y en a plusieurs. Athlétiquement, ils sont tous impressionnants, individuellement et physiquement. C’est quasiment tous des joueurs NBA ou EuroLeague, donc le niveau est vraiment très élevé. Honnêtement, plusieurs joueurs m’ont vraiment impressionné dans cette équipe.
Vous connaissez très bien Ismaël Bako, qui est votre coéquipier en sélection et qui va découvrir le championnat français avec Paris. Qu’est ce que les fans parisiens doivent savoir à son sujet ?
C’est un super gars, sur le terrain comme en dehors, et je m’entends énormément bien avec lui. Le public ne voit pas toujours cet aspect du joueur, mais il met toujours l’équipe en premier. Malgré ses performances individuelles – je suis sûr qu’il fera plusieurs doubles-doubles cette année à Paris. C’est un gars qui met toujours l’équipe en premier et qui trouve toujours des solutions pour gagner et pour mettre l’équipe en valeur, et ça, j’apprécie beaucoup.
« Athlétiquement, ils sont tous impressionnants, individuellement et physiquement. »
Cela fait maintenant presque 10 ans que vous portez le maillot des Lions. Tout d’abord, félicitations ! Et c’est sans compter vos sélections en jeunes. Comment décririez-vous votre évolution au sein de cette équipe nationale ?
Ma progression a été progressive, parfois lente, avec des moments difficiles, surtout pendant la période de Covid, qui était assez instable pour mon niveau en club. Mais à chaque Euro, j’ai trouvé que j’avais progressé dans des aspects de mon jeu. C’est toujours un énorme plaisir et une grande fierté de porter le maillot, et j’espère continuer à le faire.
Dans ces 10 ans, est-ce qu’il y a un moment en particulier qui a été plus marquant pour vous ?
Les Euro ont toujours été marquants. Les Euro parce qu’on a toujours vécu des moments intenses, des moments très très proches du but. Je dirais vraiment les Euro en général. C’était mon troisième troisième cet été et c’est toujours le même feeling intense et de suspense et de stress, mais aussi de joie.

Ce sont des moments que vous appréciez particulièrement ?
Alors oui, honnêtement, c’est pour ces moments que je vis et que je m’entraine aussi. Il n’y a rien de mieux qu’un championnat d’Europe, à part une Coupe du monde ou des Jeux Olympiques. Mais honnêtement,un Euro c’est très rare de vivre ça. Il y a des excellents joueurs en Europe qui n’ont jamais fait d’Euro. Donc c’est quand même un événement incroyable.
Plus globalement, sur la Belgique, on sait que les Cats se sont installées parmi les meilleures nations du continent. Que manque-t-il aujourd’hui, selon vous, aux Lions pour franchir un cap ?
On l’a montré cet été. Et c’est tout simplement le fait de rassembler, de réunir absolument tous les joueurs. Honnêtement, c’est ça le challenge. En fait, le puzzle manquant, c’est de pouvoir rassembler les joueurs NBA et Euroligue, les joueurs en collège (NCAA), pouvoir tous nous réunir et jouer ensemble. Honnêtement, c’est le seul challenge que je vois aujourd’hui.
Vous avez connu différents championnats européens. Qu’est-ce qui distingue le basket belge des autres ? Y en a-t-il un championnat en particulier qui vous a marqué par son niveau ?
Oui, le championnat espagnol est très relevé, très compétitif, avec une dizaine de équipes de très haut niveau. Je n’ai jamais joué dans un championnat comme ça. Le championnat belge est un peu plus faible, surtout depuis le Covid, avec des budgets réduits et donc des joueurs de moindre qualité. Le basket belge a pris un gros coup financier, ce qui affaiblit un peu la Ligue. Mais c’est tout de même un championnat de trampoline : que ce soit pour les Belges ou pour les étrangers, une bonne saison en Belgique peut permettre de se retrouver dans un meilleur championnat l’année suivante.
Plusieurs acteurs du basket belge m’ont parlé d’un manque de moyens dans les infrastructures. Qu’en est-il selon vous ?
C’est tout simplement l’argent. Je pense qu’après le Covid, beaucoup d’équipes dans le monde et en Europe, mais en Belgique aussi, ont pris un gros coup. Et je trouve qu’à la différence d’autres championnats, la Belgique a du mal à remonter la pente. Je pense que ça pourrait être le problème. Je sais que, en ayant joué dans d’autres pays, par exemple, le gouvernement met bien plus de budget dans le sport que en Belgique.Je pense qu’il y a de ça aussi un peu en Belgique. On aimerait voir l’argent qui va dans d’autres sports, par exemple. Tant mieux que l’argent aille dans d’autres sports en Belgique, c’est super, mais il faut faire la place au basket. Il faut prendre exemple sur d’autres pays qui investissent réellement dans les infrastructures, dans le développement des joueurs, le championnat domestique. Là, on a beaucoup à apprendre et on devrait prendre exemple sur certains pays.
On aimerait voir de l’argent qui va dans d’autres sports. Tant mieux que l’argent aille dans d’autres sports en Belgique, mais il faut faire la place au basket. »
À l’inverse, on évoque souvent la ferveur du public belge. Comment percevez-vous le soutien des supporters belges comparé à d’autres pays ?
Il est bien entendu moindre. Je jouais quand même dans des pays comme les Balkans, le Monténégro, la Serbie, où les fans sont complètement investis. C’est aussi une culture différente. J’ai aussi joué aux États-Unis, où le sport est une religion. Clairement, en Belgique, le sport n’est pas une religion, n’est pas une priorité, peut-être à part le foot qui est beaucoup plus grand. Mais malgré ça, il y a vraiment des supporters loyaux, toujours là. Mais ça ne me touche pas assez, Monsieur et Madame Tout-le-Monde, pour vraiment créer de grosses communautés de fans.
Vous pensez que c’est possible d’y remédier ?
Oui, tout est toujours possible d’y remédier. Pour être honnête, il y a toujours une solution à tout. Mais ça demande, comme dans toute chose, de l’investissement. Je pense que si la structure du nouveau championnat… Donc on n’est plus dans une ligue belge, mais dans la BNXT League, une ligue hybride avec les Hollandais. Je peux comprendre que pour les fans belges, ça peut être difficile de suivre, de se dire : « ce soir, je vais voir un match de mon équipe belge contre une équipe hollandaise que je ne connais même pas. » À l’époque, il y avait de beaux derbys wallons, contre Charleroi ou Mons. C’était rempli, il y avait une culture, les gens savaient pourquoi ils venaient au match. Maintenant, avec la nouvelle structure, je ne suis pas sûr que ça engendre de l’excitation de la part des fans. Et ça, c’est vraiment important.
On parle beaucoup de la nouvelle génération de joueurs belges. Quel regard portez-vous sur leur potentiel et leur avenir en sélection ?
Il y a un réel potentiel en Belgique, mais il y en a toujours eu. Une des bonnes choses, par exemple, du fait que la Ligue belge a pris un coup financièrement, c’est qu’elle donne maintenant plus de chances aux jeunes. C’est un aspect positif, car il y a toujours eu un noyau et un vivier de talents en Belgique, et je pense qu’au fur et à mesure des années, on arrive de plus en plus à l’exploiter. On comprend mieux comment développer les jeunes, même si je trouve qu’on ne le fait toujours pas assez. Je pense que nous allons dans la bonne direction, et cela produit de très bons jeunes. Après, il ne faut pas oublier que les États-Unis jouent aussi un grand rôle dans le développement de ces joueurs. Nos deux joueurs belges en NBA, Camara et Mitchell, sont tous les deux passés par l’université.
Vous allez évoluer cette saison en Roumanie, mais surtout en ABA League et EuroCup, face à de grosses équipes européennes. Qu’attendez-vous de cette expérience ?
Comme chaque année, ça va être une expérience relevée. Ce n’est jamais facile de jouer en tant qu’étranger dans un autre championnat, mais c’est un très beau challenge. Nous avons une très bonne équipe dans une ligue domestique où je n’ai encore jamais joué, et nous allons aussi disputer la Coupe d’Europe. Cela va nous donner deux matches par semaine, donc ce ne sera pas facile. Une saison en Europe est très longue, dix mois, mais c’est un bon challenge
Pour conclure : Quels sont vos objectifs personnels et collectifs pour cette saison ? Et qu’est ce que l’on peut vous souhaiter
Une saison sans blessure. J’ai toujours de grandes attentes : essayer clairement de gagner la ligue, se qualifier pour les Worlds, passer les prochains tours en Coupe d’Europe et tenter d’être la surprise.