En Pologne pour la phase de poules de l’Eurobasket 2025, Théo Bourgeois nous accorde un moment pour nous parler de sa passion pour le basket, pour la création de contenu et de ses missions sur place. Vidéographe freelance avec HoopsMakers en missions pour le compte de la FIBA, Théo nous raconte l’envers du décors, et ce qu’il se passe pour que nos actions préférées aillent du terrain jusqu’aux réseaux sociaux.
Quand tu étais plus jeune, tu as beaucoup joué au basket, en passant notamment deux ans en JUCO (Junior College, deuxième division universitaire américaine derrière la NCAA). Qu’est ce qui à fait que tu es passé à la création de contenu ?
Tout simplement parce que je me suis rendu compte que la carrière professionnelle, c’était pas forcément ce que je voulais dans le basket. Je ne sais pas quel niveau j’aurais pu atteindre, mais une blessure a fait que je me suis beaucoup remis en question. En plus de ça, j’avais pas beaucoup de diplômes. J’ai eu celui de ma fac aux États-Unis, mais en soi, ça n’était pas très qualifiant. Je n’ai pas appris un métier ou une compétence en particulier. Donc à part jouer au basket, je n’avais pas grand-chose dans ma vie.
À partir de là, je me suis beaucoup éloigné des terrains. En rentrant en France, j’ai joué en National 3, pour avoir moins d’entraînements et passer moins de temps sur le parquet. Pendant ce temps-là, j’ai pu me former à la vidéo. Ça commençait déjà à prendre pas mal d’ampleur, et moi je voulais pas trop m’éloigner du basket, donc la création de contenu autour de ce monde là, c’est vraiment ce qui me faisait kiffer.
Je me suis aussi rendu compte que la vidéo c’était vraiment monétisable quand tu sais te servir d’une caméra. C’est ce qui m’a amené là, ce qui m’a amené à vraiment me former, à acheter ma première caméra et à me lancer, à me créer des expériences.
J’ai toujours fait un peu de montage pour moi, des petites vidéos YouTube et tout, rien de très sérieux. Et donc à ce moment-là je me suis dit que j’avais appris une compétence de fou, celle d’apprendre à utiliser une caméra. Et donc, vu que je kiffe la création de contenu, je me suis dit que j’allais en faire pour moi en parallèle aussi.
En tant que freelance, quand j’avais du travail pour mes clients, j’avais toujours un peu de temps libre. Je me suis dit : « Ce temps libre-là, je vais le consacrer à créer du contenu pour moi-même ». Voilà, c’est un peu comme ça que je me suis lancé.
Et tu t’es formé seul, en autonomie ?
Autodidacte complet. Franchement, pendant 3 mois, j’ai passé mes journées de 9h à 21h, 23h, minuit, 1h du matin… sur YouTube. On se perd vite, et c’est la première fois que ça m’est arrivé ! D’habitude, je suis un gros mangeur. Mais là, je me rendais compte que j’avais pas mangé le midi, tu vois. Je passais la journée à me former, tellement j’étais dans mon truc. Quand je regardais l’heure, il était genre 20h, et j’avais pas mangé le midi. Ça m’était jamais arrivé de ma vie. Donc c’était bon signe : je kiffais ! Et puis YouTube, pour moi, c’est le meilleur endroit pour apprendre.
Une fois ta formation suffisante, comment tu commences à avoir tes premières missions officielles ?
Le tout premier, je ne le remercierai jamais assez, c’était un coach sportif. J’étais dans une salle de sport parce qu’un de mes cousins s’entraînait là-bas et il voulait une petite vidéo. Je me suis dit : « Pour m’entraîner, c’est pas mal ». J’y vais, je m’entraîne, je fais une vidéo et le coach sportif aussi a voulu du contenu. C’est avec lui que j’ai eu mon premier contrat, j’ai travaillé avec lui pendant deux ans.
À partir de ce jour-là, il m’a pris du contenu tous les mois. Donc en gros, c’est lui qui a fait que j’avais un revenu ! Pas conséquent, mais pour une personne, c’était très bien : ça prenait en charge une partie de mon loyer. À l’époque, c’était incroyable !
Ça a duré deux ans avec lui et grâce à ça, aux réseaux sociaux et au bouche à oreille, plusieurs personnes du Havre ont vu le contenu et ont voulu essayer pour leur commerce. Alors je me suis lancé, j’ai fait quelques contenus pour eux. Et au final, c’est vraiment le bouche à oreille qui m’a lancé dans le game. C’est allé très vite. Franchement, c’est pas bien de se comparer, mais je me suis comparé un peu aux gens qui faisaient de la vidéo dans ma région. Et en vrai, c’est allé assez vite comparé aux autres.
Tu vas continuer de te développer de ton côté, jusqu’à rencontrer Valentin Turgot d’Hoopsidia, comment ça fonctionne entre vous ?
Hoospidia, c’est son nom d’influenceur, sur les réseaux. En plus de ça, Valentin a ouvert sa boîte de production vidéo, qui s’appelle HoopsMakers. Il a lancé ça en 2022, pour l’Eurobasket, lorsqu’il a été pris en contrat d’influence avec la FIBA. Lui, il aimait déjà beaucoup la création vidéo, donc en plus de son job d’influenceur, il a proposé à la FIBA de filmer un match, pour faire des highlights pour les réseaux.
Il a fait exactement ce que je fais aujourd’hui, mais il y a 3 ans, et la FIBA a adoré ! Depuis ça, on bosse régulièrement avec eux et il a monté HoopsMakers. Il a développé beaucoup d’opportunités dans d’autres sports aussi, avec le Top 14, le foot et la Ligue 1 par exemple.
Et toi, tu es en Pologne en tant que freelance HoopMakers pour travailler avec la FIBA. Ca n’est pas votre première collaboration ensemble, qu’est-ce que tu fais pour eux ?
J’ai commencé avec les TQO à Athènes en amont des Jeux Olympiques de Paris, avec notamment la Grèce et la Slovénie, donc avec les deux grosses superstars que sont Giannis Antetokounmpo et Luka Dončić. Premier événement assez stressant pour moi, c’est la FIBA, une grosse enseigne, avec des superstars comme ça, c’est beaucoup de responsabilités !
Mon objectif sur la compétition se décomposait en deux parties. D’abord le content day, ou media day, où je devais créer du contenu spécial pour les joueurs plébiscités de certaines équipes. Ensuite, sur les matchs de la compétition, chaque bonne action qui mérite d’être mise en valeur sur les réseaux doit être visionnée. Donc moi je vais filmer tout le match, à la mi-temps je dois avoir envoyé une ou deux actions et, à la fin du match, je dois monter toutes les bonnes actions et tout envoyer à la FIBA pour qu’ils s’occupent de poster ce qui les intéresse sur leurs réseaux.
Donc sur le temps d’un match, tu dois tout filmer, trier tes images et monter celles intéressantes pendant les temps faibles.
C’est ça ! Ce qui est bien chez HoopsMakers, c’est qu’on a un process qui nous démarque sur le marché, on est super efficaces, super rapides ! Sur une action qui vient de se passer, si je pouvais m’arrêter de filmer pour la monter directement, on peut la poster sur les réseaux en 5-10 minutes, en qualité premium, avec la musique et tout. Donc moi je filme l’entièreté du match, je sélectionne mes vidéos – ce qu’on appelle le dérush – pendant les temps morts et la mi-temps et maximum une heure après le match, il faut que j’ai tout envoyé. Le process est assez stressant au début, mais une fois que tu y es habitué ça devient la routine !
Typiquement sur une journée d’Eurobasket il y a trois matchs en une après-midi, tu commences à 13h pour aller jusqu’à minuit. Ça doit être éprouvant, non ?
Oui, t’es complètement épuisé ! Déjà parce que tu dois filmer entièrement les matchs. Moi je filme debout, parce que je suis plus à l’aise, mais du coup j’ai mal au dos et à la nuque parce que je garde la tête constamment baissée sur la caméra. En plus de ça, t’es tout le temps focus, de l’échauffement du premier match jusqu’à une heure après le dernier match. Il n’y a pas vraiment un moment de détente.
Par exemple hier, j’ai mangé en 10 minutes parce que l’autre match allait reprendre, donc même là tu profites pas, t’es concentré sur le fait qu’il faille manger vite pour pas être en retard … C’est épuisant, heureusement qu’on a des jours de repos entre les deux matchs pour pas avoir à enchaîner toute la compétition !
Concernant la manière dont tu filmes, on peut te voir avec une caméra et un écran qui ressemble à un téléphone par dessus, comment ça marche ?
La manière dont on filme est aussi assez spécifique à HoopsMakers, on est pas beaucoup à filmer comme ça. Aujourd’hui ça se fait pas mal de filmer en vertical mais quand Valentin a commencé, c’était un des premiers ! Étant donné qu’il voulait tout faire pour les réseaux sociaux, il n’avait aucun intérêt à filmer à l’horizontale.
Donc nous, sur le terrain, on tourne directement notre caméra à la verticale et on ajoute un écran externe, ça n’est pas un téléphone, simplement un écran branché en HDMI à la caméra, pour avoir le retour en direct et en plus gros pendant que tu filmes.
On filme également uniquement en focus manuel, c’est devenu la norme dans le sport. Au basket, tu as 4-5 joueurs devant la balle, donc un focus automatique va avoir du mal. Nous, on veut centrer sur le ballon. Donc j’ai toujours les deux mains sur l’objectif et je gère mon focus en zoomant/dézoomant pour être au bon endroit. Si t’es bon, tu perds jamais la balle, mais c’est pas toujours évident, sur les feintes de passe, de tir, on voit parfois la caméra partir parce que les joueurs nous prennent aussi dans leurs feintes !
Tu as aussi pu t’occuper du media day, quelles étaient tes missions sur cet EuroBasket ?
Ici en Pologne, on avait le groupe D avec 6 équipes, j’ai pu toutes les faire. Forcément, la FIBA met la priorité sur certaines équipes pour plus communiquer dessus, donc ils nous demandent plus d’images.
Pendant cet événement, ils m’ont donné leurs besoins de contenu spécifique. Par exemple, pour l’équipe de France, c’était Guerschon Yabusele qui jouait le président de l’Europe sur une journée. Avec la Pologne c’était un “devine le joueur” avec Jordan Loyd et Mateusz Ponitka, et chaque équipe avait son contenu spécifique comme ça. Moi mon but, c’était de filmer et monter ça le plus vite possible parce que la compétition commence le lendemain, donc il fallait tout poster avant le premier match de la compèt’, autrement c’est périmé !
Il fallait que je monte le contenu d’une équipe en attendant la prochaine pour que tout soit prêt, et c’est ça qui est un peu sport le jour du media day, sinon ce n’est rien de très compliqué techniquement.
En tant que fan de basket, vivre ces moments-là proche du terrain et des joueurs qu’on voit toute l’année à la télévision, c’est une expérience dingue. Tu as le temps d’en profiter ?
C’est sûr que c’est fou ! Après j’ai l’avantage et l’inconvénient d’être assez détaché de tout ça, des statuts de stars et des joueurs. C’est peut-être parce que j’ai joué à des niveaux suffisants pour côtoyer des joueurs comme ça, ou même dans la vie de tous les jours, je côtoie des créateurs de contenus du milieu, donc j’arrive à me détacher. Je pense que c’est bénéfique pour mon métier, j’ai besoin d’être réactif et efficace, je peux pas m’arrêter pour prendre un selfie et rater une action, je peux pas me le permettre !
Après, sur un media day, être avec ces joueurs là c’est super cool comme expérience, t’es moins dans le rush du match, tu as le temps de réaliser et de kiffer le moment.
En plus de ça, je me suis rendu compte que j’avais des liens avec certains joueurs des Bleus. Pour l’anecdote, quand la France arrive et rentre dans la pièce, quand je me lève et que je prends ma caméra, Théo Maledon se retourne vers moi. Au premier regard, il me dit “oh gros ça va ?” et il vient me checker ! Je lui demande s’il se rappelle de moi et il me dit qu’on avait joué l’un contre l’autre au Havre quand on avait 15 ans ! J’étais hyper surpris, Théo a une carrière de dingue, il a croisé énormément de personnes, c’est pas quand tu as 15 piges que tu te rappelles de toutes les têtes !
L’autre français que je connaissais, c’est Sylvain Fransisco, que j’ai déjà croisé sur d’autres événements sans forcément interagir avec lui. Il faut savoir que ma femme a grandi avec lui, donc je vais lui demander s’il me reconnaît et je lui explique que je suis le mari de Sharon ! Donc on discute bien, échange de numéros et tout, c’est super agréable !
Donc finalement le fait d’être un peu détaché du fait que ce soit des stars, c’est super bénéfique pour la relation que j’ai avec les joueurs. Je pense qu’ils réalisent que je m’en fiche qu’ils soient connus, moi la relation avec les joueurs, j’adore ! C’est super intéressant de discuter avec Théo Maledon, il est super chill, posé, c’est agréable d’avoir une discussion avec lui. Isaïa Cordinier pareil, je connais bien sa sœur et la première chose que je lui ai dit c’est qu’il est hyper solaire !
Toutes ces personnalités qu’on voit à la télé et sur les terrains, on se dit qu’ils sont arrogants, qu’ils manquent pas de confiance en eux, on entend beaucoup ça, mais quand tu rencontres les gens, c’est pas du tout la même chose ! Au final, c’est une très très bonne expérience de côtoyer les joueurs. Je fais le mec détaché mais ça a beaucoup de valeurs, que ça soit pour un CV ou en tant qu’experience de vie !
Pour en revenir à ta carrière, quel serait ton objectif final, ton rêve à accomplir ?
Pour être très honnête, moi c’est Youtube ! Depuis petit, j’ai toujours voulu faire ça. Je postais déjà du gaming quand j’avais dix ans, avec des montages sur Call of Duty ! J’ai eu ma période basket où je voulais devenir pro, mais une fois que je me suis rendu compte que c’était pas vraiment mon rêve, j’ai compris que la création de contenu, c’est vraiment ce qui m’a toujours fait kiffer à 100%. Surtout Youtube, c’est ça l’objectif ultime ! Finalement, apprendre la vidéo c’était peut-être un chemin inconscient pour apprendre à faire du montage pour ça.
Si demain certains lecteurs veulent se lancer dans le monde de la vidéo, comment faire pour en faire son métier, pour se faire repérer ?
Avant quoi que ce soit il faut se former bien sûr, et ça Youtube est super efficace pour ça !
Après, ça se fait en plusieurs étapes. La première c’est de faire tout type de contenus pour prendre le maximum d’expérience possible. Personnellement au début, j’ai fait du contenu sportif mais aussi beaucoup d’entreprises et de création pour moi-même. C’est comme ça que j’ai progressé vite, en filmant un peu tous les jours pour les autres et pour moi.
Si tu veux vraiment en faire ton activité, il faut commencer par proposer à n’importe quel business ou sportif du contenu gratuit. Ça n’engage en rien ni toi ni ton client, ça enlève les contraintes. Grâce à ça, tu te crées ton portfolio, tu postes tout ça sur les réseaux en respectant les codes de chacun d’entre eux, parce que c’est très différent de poster sur Instagram, TikTok ou LinkedIn, il ne faut pas l’oublier.
Après ça, normalement le bouche a oreille doit travailler un petit peu de lui-même !
Merci beaucoup pour tous ces conseils Théo ! On arrive au bout de notre discussion, voilà ta carte joker, si tu veux nous parler d’un dernier sujet.
Je suis très ouvert à répondre aux questions des personnes qui s’en posent. Ça me fait hyper plaisir de pouvoir accompagner ou donner des conseils aux personnes qui veulent se lancer. Ça m’arrive souvent sur Instagram et je suis très ouvert à tout ça, j’adore aider les gens. Donc si jamais certaines personnes ont un intérêt pour la vidéo, surtout n’hésitez pas à m’envoyer un message !
Encore un grand merci à Théo Bourgeois pour son temps, on invite évidemment tous les lecteurs à le retrouver sur tous les réseaux, comme Instagram, Youtube – où il vient d’y poster un vlog sur son aventure EuroBasket – ou partout ailleurs !