Tyler Herro est devenu l'option numéro une du Heat. Crédit : Carmen Mandato-Getty Images

Quand la parole publique des joueurs NBA devient un problème de société

Récemment sur le stream de Adin Ross, Tyler Herro a déclaré ne pas croire en l’histoire avant 1950, que rien de ce qui s’est passé avant 1950 n’existe.  Ces thèses complotistes et extrêmes sont la tasse de thé de beaucoup de joueurs NBA ces dernières années. Et étant donné la violence de certaines opinions, et également compte tenue de la responsabilité des joueurs vis-à-vis de leur fans, c’est important. C’est pour cela qu’au Roster, on a décidé d’en parler. 

Il est important de préciser que tous ces joueurs sont libres d’avoir leurs avis. Toutefois, les fans et observateurs que nous sommes sont en droit d’être déçus ainsi que de faire remarquer le caractère dangereux et la radicalisation de certains propos. Certaines idées sont acceptées, tolérées par la société et les gens. Mais toute opinion n’est pas acceptable. En tant que fan, il me semblait important de parler de sujets aussi majeurs.

On parle de quoi quand on dit « radicalisation » ?

On va commencer par expliquer ce mot. Dans sa définition littérale : La radicalisation se définit par trois caractéristiques cumulatives : 1. un processus progressif 2. l’adhésion à une idéologie extrémiste 3. l’adoption de la violence.

Voilà ce qu’est la radicalisation. Dans le cadre de la NBA, on parlera surtout du côté progressif et de l’adhésion aux idées extrêmes. Xénophobie, transphobie, négationnisme, théorie du complot, antivax, soutien aux idées d’extrême droite et bien d’autres. Voilà quelques-unes des problématiques de la sphère (joueurs et fans) NBA d’aujourd’hui et même d’avant. 

NBA et progressisme

La NBA est généralement considérée comme une ligue progressiste. Des stars comme Stephen Curry, LeBron James ou encore Kevin Durant (récent) se sont opposées à des figures de l’extrême droite comme Trump. Et si l’on remonte à des années en arrière, des gens comme Bill Russell sont considérés comme de véritables piliers du progressisme en NBA. 

La NBA a toujours été en avance sur les causes sociales. Des matchs pour le Martin Luther King Day afin de célébrer cet homme et d’honorer ses travaux, un hommage mis en place par David Stern après la mort du pasteur en 1968. 

On peut également parler de la relocalisation du All-Star Game 2017. Ce dernier devait se dérouler à Charlotte, en Caroline du Nord, mais une loi entrée en vigueur en mars 2017 a changé la donne. Cette loi comportait une obligation pour les communautés de Caroline du Nord, celle d’interdire la mise en place d’ordonnances pour protéger les personnes de la communauté LGBTQIA+.

Une telle loi discriminatoire a donc fait réagir la NBA, qui, au terme de longs débats, a décidé de déplacer le All-Star Game à la Nouvelle-Orléans, privant donc Charlotte de cet événement en raison de cette loi qui est contre les valeurs qui sont défendues par la NBA. 

Le mouvement Black Lives Matter est aussi présent en NBA, en 2020 notamment. Joueurs, coach et arbitres ont tous posé un genou au sol, en guise de soutien envers les victimes de violences policières.

crédit : france 24
Joueurs et coach posant genou au sol, en soutien aux victimes.

On peut aussi noter des sanctions à l’encontre de joueurs qui ont des comportements problématiques. En 2011, c’est la superstar des Lakers : Kobe Bryant, qui a écopé d’une amende de 100 000 dollars pour avoir insulté un arbitre de « fucking faggots » (« putain de pédé » en français). Une insulte qui lui a donc valu une punition de la part de la ligue. 

On pourrait continuer pendant longtemps sur le sujet, la NBA est une ligue connue pour son progressisme. Toutefois, on remarque récemment des joueurs qui sortent du lot. Des avis étranges, souvent vers l’extrême, mais surtout des avis très dangereux. 

La montée de l’extrêmisme

Mais comment on en arrive là ? La NBA, une ligue pourtant réputée pour son progressisme, est pleine de joueurs qui sont à l’opposés de ces idées. La réponse est complexe, mais pour commencer, la montée de l’extrême droite dans le monde et surtout aux Etats-Unis est une des premières réponses possibles. 

Donald Trump, président des USA, figure de l’extrême droite actuelle. Andrew Tate, figure masculiniste, Elon Musk, figure masculiniste et d’extrême droite. Eh bien d’autres. L’extrême droite est sur beaucoup de plateformes aujourd’hui : twitch, plateformes de podcast, youtube, à la télé. Partout. Et dans l’idée du débat démocratique, cela devrait être normal.

Toutefois, cette grande représentation de l’extrême droite partout dans les médias participe à la banalisation de ces idées. Aujourd’hui, ces opinions sont considérées comme plus acceptables socialement. Voilà l’une des réponses possibles à cette question, mais les réponses sont multiples et complexes et elles ne seront pas toutes traitées dans cet article. Si une chose est sûre, c’est bien que ces idées se propagent énormément et que certains joueurs et fans NBA y adhèrent.  

Aujourd’hui, les cas se multiplient. On peut même se demander s’il n’y a pas un concours de celui qui tiendra le propos le plus fasciste possible. Pour les concurrents, on est servi. Entre Rudy Gobert, Tyler Herro, Enes Kanter, Jonathan Isaac, Kyrie Irving, Michael Porter Jr et bien d’autres. La compétition est rude. 

Le cas Kyrie Irving. Kyrie est décrié depuis maintenant quelques années pour ses opinions assez décalées. Mais ce qui a vraiment marqué les gens, c’est la promotion sur son compte Instagram d’un film antisémite. Ce dernier a fait la publicité du film Hebrews to Negroes: Wake Up Black America. 

Postant également des liens Amazon pour acheter ou louer le film en question. Un événement qui a fait réagir les fans, beaucoup de soutien, mais également un bashing médiatique impressionnant. Une rupture de contrat avec Nike et même une mise à l’écart de la part de son équipe de l’époque, les Nets de Brooklyn. L’Australien s’était excusé auprès des familles juives qu’il aurait pu blesser.

Mais l’arrière des Mavs n’en était pas à son coup d’essai. Entre opinion antivax, platisme, complotisme sur l’assassinat de JFK et encore d’autres théories fumeuses, Kyrie est coutumier des dramas en tout genre.

Bien évidemment il n’est pas nécessaire d’expliquer pourquoi ces théories sont dangereuses, elles vont soit à l’encontre la science et sont basées sur du vide ou bien elles sont tout simplement infondée (comme celle sur JFK ou encore Bob Marley) et ne servent qu’à créer la polémique rien de plus. 

Aujourd’hui chez les Dallas Mavericks, Kyrie ne fait plus de vague. Il continue d’afficher ses opinions, notamment son soutien total au peuple Palestinien mais sans promouvoir pour autant du contenu ouvertement antisémite. Ce dernier s’était également excusé il y a quelques années pour ses propos platistes, expliquant que ses théories viennent de recherches instagram qu’il a réalisé… 

Et c’est bien là toute la dangerosité. La source de ces idées. En faisant quelques recherches rapides sur Instagram, Kyrie fut convaincu que la Terre était plate. Les théories du complot et les idées d’extrême droite sont aujourd’hui partout sur les réseaux. Des jeunes influençables peuvent tomber sur des propos misogynes, racistes, transphobes, homophobes et j’en passe.

Ces propos sont complètement normalisés sur les réseaux, notamment X (anciennement Twitter), où l’on peut tout simplement y trouver des comptes ouvertement nazis. Voilà aujourd’hui le danger du radicalisme. Et si des jeunes ou bien même des joueurs peuvent être influencés par des vidéos Instagram, ils peuvent également l’être si leur idole et joueur de basketball préféré déclare que la Terre est plate. 

Le complot attire, l’idée qu’on ne sait pas toujours tout sur tout. C’est sur cela que le doute se crée et que l’extrême droite s’infiltre. À l’image de Tyler Herro également, est-on vraiment sûr que le monde est comme les scientifiques le décrivent ? Ce scepticisme est dangereux, car cette façon de penser permet donc de tout remettre en question, même des choses prouvées scientifiquement depuis des années (Terre ronde, héliocentrisme, et bien d’autres). 

 

Passons désormais au cas Michael Porter Jr. Dans son podcast Michael Porter Jr avait invité la star du monde du X, Lana Rhoades. Ces derniers discutaient des fantasmes des stars NBA et que ces derniers avaient beaucoup de possibilités au niveau des femmes attirantes et que certains d’entre eux auraient eu des aventures avec des femmes transgenres. Jusque là rien de vraiment alarmant, toutefois, le mot que ce dernier a utilisé pour parler des femmes transgenres est le mot « tranny » qui est un mot très péjoratif pour décrire les personnes transgenres. Encore une fois, des propos extremistes tenus sur un podcast d’un joueur qui va être écouter par des milliers de personnes. 

Cas suivant, pas facile, polémique et avec des avis très divisés : le cas Rudy Gobert. 

Ces derniers temps, le pivot français est dans une tempête médiatique. Des problèmes conjugaux, un like sur un tweet transphobe de Elon Musk, un soutien à Robert Francis Kennedy Jr, un homme proche de Trump et membre de son gouvernement (secrétaire à la santé et aux services sociaux).

Ce dernier a des positions antivax mais également complotistes. A côté de ça, le pivot des Timberwolves est également un fan de crypto monnaie et il soutien aussi Elon musk. Des opinions et des positions politiques très à droite de la part du français. 

En somme, Rudy a tout du parfait mascu. Réactionnaire, transphobe, soutien à l’extrême droite et à Elon Musk, pense être « incompris » des autres. L’étendard parfait du masculinisme, un mouvement dangereux, misogine et qui invisibilise tous les jours les femmes. 

Des soutiens envers des gens plus que douteux : le multiple DPOY ne s’arrête pas là, il est également un soutien de Tucker Carlson, homme connu pour sa misogynie et son racisme aux USA. Ce dernier avait notamment déclaré être en accord avec la possible élimination de la loi sur la protection des victimes de viol. Un chic type. 

Pour rappel pour ceux qui ne sont pas au courant, Elon Musk, c’est ça, par exemple : un tweet dégueulasse et misogyne après que Taylor Swift ait annoncé son soutien à Kamala Harris.

Dans une société américaine ou le fascisme monte en flèche et où des personnes comme Andrew Tate ont des plateformes pour cracher leur haine immonde des femmes et des minorités. Une société qui transpire le masculinisme et le patriarcat où les victimes sont sans cesses décrédibilisées et invisibilisées. Ces opinions sont dangereuses, très dangereuses surtout lorsqu’on a autant d’influence auprès des jeunes en tant que sportif professionnel. 

Le cas Tyler Herro. Ce dernier était récemment sur le stream de Adin Ross, un streamer connu pour être proche de la droite américaine et qui à déjà stream avec Donald Trump. Sur le stream de ce dernier, il a déclaré ne pas croire en l’Histoire avant 1950. Au delà de la stupidité absolue de cette déclaration. C’est un propos extrêmement dangereux et radical.

Petit rapide rappel, ne pas croire en l’Histoire avant 1950 c’est : Nier le génocide Juif qui a eu lieu pendant la seconde guerre mondiale, nier également les guerres qui ont existés et donc des millions de morts, nier d’autres génocides tel que celui des arméniens par les turc, c’est également nier la colonisation et la traite négrière et bien d’autres événements historiques majeurs qui ont fondés la société dans laquelle nous vivont aujourd’hui. 

Ces propos complotistes ne viennent pas de nulle part, on aimerait bien savoir où est-ce que l’arrière du Heat a pu trouver une idée pareille. Pourquoi remettre en question le travail scientifique (car, oui, l’histoire, ou du moins le travail de recherche historique, est une science avec des méthodes scientifiques) et dire que tout ce qui a façonné notre monde actuel est en vérité qu’un mensonge ? 

Et en effet ça ne vient pas forcément de nulle part, ce courant de pensée s’appelle le recentisme, alors Tyler ne connait probablement pas ce courant de penser mais c’est important de le connaître. C’est une thèse negationniste et considérée comme de la pseudohistoire. En gros : une thèse assez ridicule mais qui se propage aujourd’hui. 

Le masculinisme et le supporterisme aveuglant.

Les fans de NBA défendent souvent leurs joueurs préférés. Que ce soit sur les sujets comme celui de Rudy Gobert ou bien Michael Porter Jr. Mais également sur un sujet important : Les VSS (violences sexistes et sexuelles). Ron Artest, Kevin Porter Jr, Miles Brigdes, Derrick Rose, Kobe Bryant et bien d’autres. Tous ces joueurs sont accusés de violences, agressions ou viol. Pourtant certains sont encore des légendes à l’image incroyable (Kobe, Derrick Rose) et d’autres sont encore aujourd’hui en NBA (Kevin Porter Jr et Miles Bridges). 

Les Athlètes NBA se retrouvent parfois dans des accusations d’agressions, et quelles sont les réactions des fans ? Certains sont sous le choc, déçu du joueur et arrêteront de le soutenir. D’autres en revanches crieront immédiatemment au fake. « Elle veut juste de l’argent », « elle veut juste du buzz », « elle décridibilise les vraies victimes ». Ce sont des commentaires que l’ont peut régulièrement lire sous les post qui parlent d’agressions sur des femmes de la part de star. 

Une invisibilisation claire des victimes, un soutien inconditionnel à la star qui « n’aurait jamais pu faire ça », des propos mysogines et masculinistes. Chacun et libre de croire qui il veut, mais il est important de rappeler quelques statistiques. 

Pour rappel : environ 2-3% des accusations sont rapportées comme fausses (source : FBI, l’ONU, études universitaires, Crown Prosecution service UK). 

Aux Etats-Unis, selon le RAIIN (Rape, Abuse & Incest National Network) on a sur 1000 viols  : 310 sont rapportés à la police, 50 mènes à une arrestation, 28 mène à une condamnation. C’est à dire 2,8% de condamnations, soit environ le même pourcentage que des fausses accusations. 

Pour continuer : les fausses accusations ne ruinent pas la vie des stars, en revanche les viols, eux, ruinent la vie des gens qui en sont victimes. On peut parler du cas Benjamin Mendy, le procès arrêté par manque de preuve pour l’inculper (il n’a pas été déclaré innocent, c’est important de le mentionner), et ce dernier, ruiné par les accusations de viols, a retrouvé un club quelques temps après. Une carrière en effet totalement ruinée par ces accusations… 

Voilà pourquoi ces propos masculinistes qui se développent en NBA sont si dangereux. Ils participent à une invisibilisation des victimes et des femmes en générale, et c’est inacceptable. 

Conclusion

La montée de l’extrême droite est aujourd’hui indéniable. Les joueurs NBA ont des responsabilités, ils ont un impact sur les fans et sur la société dans laquelle nous vivons. C’est pourquoi, en tant que fans, nous avons le droit d’être déçus et nous avons le droit d’exprimer notre désaccord et notre déception. Le respect de l’autre est une valeur importante à avoir. Il ne faut donc pas de taire lorsque nous voyons des comportements et des propos qui ne sont pas en accords avec nos valeurs et expliquer pourquoi. Avoir conscience du problème est une chose, toutefois il faut trouver, collectivement des solutions à ce problème de société. Sans ça, les problèmes se développeront éternellement. 

Et si on avait un conseil a donné à ces joueurs NBA qui propagent des idées dangereuses et abjectes. Je pense que le slogan utilisé par la chaîne d’extrême droite Fox New est assez adapté : Please, shut up and dribble. 

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