Pendant des années, le Canada était un géant endormi du basket. Une nation avec un grand potentiel, avec des joueurs très notables comme Steve Nash ou Andrew Wiggins, mais capable de faire mieux. Désormais, le Grand Nord est reconnu comme l’un des meilleurs pays du moment dans le basket, avec de jeunes talents extraordinaires. Si Xaivian Lee n’est pas un prodige comme Shai Gilgeous-Alexander or RJ Barrett, il représente plus qu’un espoir du basket canadien.
Le parcours de Xaivian Lee
Né le 12 mars 2004 à Toronto, Xaivian Lee est, sans surprise, un fan des Raptors. Son joueur préféré est d’ailleurs Fred VanVleet. Il possède la double nationalité américaine et canadienne et est d’origine sud-coréenne. Comme pour beaucoup de familles asiatiques, la priorité est dans le succès académique pour les Lee.
Cela dit, si l’amour que Xaivian Lee avait pour le basket était reconnu par ses parents, il était difficile pour un gamin maigre de 13 ans mesurant 1,70 m d’avoir un avenir sérieux dans ce sport. Cependant, en 2017, il s’est rendu à Buffalo pour assister à la rencontre entre Princeton et Notre Dame dans le cadre du tournoi March Madness. Princeton est une école de la Ivy League dotée d’un programme de basket-ball réputé, sur lequel Xaivian Lee avait des ambitions depuis son plus jeune âge. Dans une entrevue accordée à Sportsnet en 2023, sa mère a décrit l’expérience comme étant cruciale dans sa décision de poursuivre le basket-ball.
Ce qui [pourrait] être une possibilité pour lui dans l’avenir est devenu plus tangible, en étant là, en voyant cela en personne. Je pense que c’est un peu adorable de voir comment la boucle a été bouclée”.
Mais avant de rejoindre Princeton, Xaivian Lee a fréquenté l’école Crescent à Toronto, où il a joué au basket-ball et a été l’un des meilleurs joueurs de la CISAA (Conference of Independent Schools Athletic Association). Il a ensuite fréquenté la Perkiomen School à Pennsburg, en Pennsylvanie. Lee a également joué pour CIA Bounce AAU sur le circuit de la Nike Elite Youth Basketball League. S’il a été bon dans ces deux ligues, ce n’était pas assez pour obtenir l’attention des grandes universités américaines.
Le tournant s’est produit lorsque le père de l’un des coéquipiers de Xaivian Lee au sein de l’AAU a contacté Brett MacConnell, coordinateur du recrutement et entraîneur en chef adjoint à Princeton, pour lui recommander de jeter un coup d’œil sur Lee. L’équipe de Princeton a ensuite eu la chance de le voir jouer lors d’un voyage qu’il a effectué aux États-Unis avec les équipes de son lycée et de l’AAU entre ses saisons junior et senior. Lee n’a pas tardé à impressionner le recruteur.
Je me souviens d’avoir envoyé un message à Brett après le match et de m’être exclamé : « Oh mon Dieu, nous avons besoin de lui tout de suite. Nous avons besoin de lui tout de suite », a déclaré l’entraîneur principal de Princeton, Mitch Henderson. « Il avait tout ce qu’il fallait – tout ce que vous voyez aujourd’hui était là : la façon dont il évoluait dans le jeu et sa capacité à rendre les choses simples et faciles. Les passes, les tirs, tout était là ».
Lors de la saison 2022-23, Lee a eu un impact immédiat en tant que joueur de rotation sur le banc. Lors de sa première saison, il a aidé Princeton à atteindre le Sweet Sixteen pour la première fois depuis plus de 50 ans en étant un remplaçant fiable.
Pendant l’été, Xaivian Lee fait ses débuts pour l’équipe nationale du Canada en participant à la Coupe du Monde U19 de 2023 en Hongrie. Avec le Canada, il termine à la septième place tout en étant reconnu comme le meilleur joueur de l’équipe pendant la compétition.
Xaivian Lee a commencé sa deuxième saison universitaire en menant Princeton à un bilan de 9-1 lors de ses dix premiers matchs, le meilleur départ de l’école depuis un siècle, et ce en tant qu’option numéro 1. Bien qu’il n’ait pas participé à la March Madness comme l’année précédente, son jeu a eu un impact. Lee a été sélectionné à l’unanimité dans la première équipe All-Ivy la saison dernière grâce à ses performances pour les Tigers. Il s’est déclaré pour la NBA Draft 2024, mais il est revenu pour une année supplémentaire à Princeton, et Xaivian Lee est actuellement considéré comme un potentiel choix de deuxième tour.
Représenter une communauté
Mais au-delà de cela, Xaivian Lee tente de devenir le premier Canadien d’origine coréenne de l’histoire de la NBA. Si cela peut paraître insignifiant, il faut se rappeler que rares sont les joueurs nés en, ou d’origine d’Extrême-Orient, qui ont ne serait-ce que jouer en NBA. Et pour Lee, ses origines et son physique peu impressionnant ont influencé son parcours et comment les gens l’ont traité dans le monde du basket.
En ce qui concerne le circuit de recrutement, vous avez un jeune asiatique qui pèse 77 kilos. Il est donc jugé différemment dans cette petite bulle”, explique Cordell Lewellyn, un ancien basketteur canadien qui a finalement aidé Lee à entrer à Princeton.
“Je me souviens qu’il était allé jouer en AAU dans les Carolines un été et qu’il avait raconté qu’après l’un des matchs, l’entraîneur de l’équipe adverse s’était approché de lui et lui avait dit “oh, bon travail, le chintok”. Lorsqu’il a regardé autour de lui, il était la seule personne asiatique dans le gymnase.” La mère de Xaivian Lee s’est confiée à la chaîne YouTube AMAZN HQ.
“J’essaie de ne pas trop y penser. J’essaie juste d’utiliser mon avantage, parce qu’en grandissant, ils ont toujours mis le pire défenseur sur moi. Il faut jouer avec les cartes que l’on a.” a déclaré Xaivian Lee.
Quand on pense aux joueurs NBA qui viennent des pays d’Asie de l’Est, Yao Ming est le premier nom dans l’esprit de beaucoup d’observateurs, un joueur qui a pris sa retraite en 2011. D’autres noms comme Rui Hachimura et Yuta Watanabe sont également reconnaissables, mais ces exemples se font rares.
Et quand on parle d’enfants issus de la migration de ces pays, il y a de moins en moins de noms qu’on peut mentionner. L’ascension de Jeremy Lin en 2012 était spectaculaire, pas juste parce que ce joueur non drafté était d’un coup en train de jouer à un niveau all-star à New York, mais également parce que c’était un asiatique-américain, une représentation rare dans le sport de haut de niveau. Xavian Lee avait sept ans lorsque Linsanity enflammait les parquets, mais il se souvient d’être resté assis dans son salon et d’avoir regardé Lin réussir son tir victorieux emblématique contre José Calderón et les Raptors.
J’ai dit à Lin que nous étions asiatiques, mais je ne pense pas que nous jouions de la même manière”, raconte Xavian Lee au Toronto Star. “Le plus grand conseil qu’il m’ait donné, c’est probablement de rester dans le moment présent et d’en profiter… Il m’a simplement dit de m’imprégner de tout cela parce que ça ne va pas durer éternellement.”
Le manque de représentation est une réflexion d’un manque d’opportunité. Les américains d’origines asiatiques ne sont pas naturellement moins bon au basket que les afro-américains, les caucasiens ou toute personne d’une autre origine. Xaivian Lee a pu percer grâce à des connexions au sein de son programme, mais si une personne influente ne s’était pas portée garante pour lui, il est probable qu’il n’ait jamais pu jouer au March Madness et avoir une chance réaliste de jouer en NBA.
Les hommes asiatiques en particulier ont été féminisés”, explique Christina Chin, professeur de sociologie à Cal State Fullerton, à propos de la perception des Américains d’origine asiatique au milieu du XXe siècle. “Ils n’étaient pas considérés comme masculins, et ils sont souvent perçus comme plus petits et plus faibles.”
Quand on voit comment Xaivian Lee était traité au lycée, ces clichés sur le manque de talent hors de la salle de classe pour les personnes d’origines asiatiques restent encore très présent, et pas qu’en Amérique du Nord. Mais le manque d’opportunité n’est pas causé uniquement par la vision externe de la diaspora asiatique, mais par la vision interne également.
Selon Stan Thangaraj, professeur au City College de New York, qui a fait des recherches et écrit sur les Américains d’origine asiatique dans le domaine du sport, ce stéréotype a conduit les parents américains d’origine asiatique à “considérer l’incroyable excellence de nos enfants dans le domaine scolaire comme l’outil le plus important”.
“Parce que c’est ce qu’ils voient”, explique Boramey Joshua Bo Noung, un basketteur Américain d’origine cambodgienne. Ils voient des milliers de personnes qui leur ressemblent dans les domaines des STIM mais, en raison de décennies d’exclusion, ils ont toujours vu très peu de personnes qui leur ressemblent dans les sports professionnels majeurs.
C’est pourquoi Xaivian Lee, peu importe ce qu’il fait durant sa carrière professionnelle, est un joueur important. Un symbole pour beaucoup de personnes comme lui à travers le monde de qui on a douté de leurs capacités athlétiques à cause d’un test oculaire défaillant, à cause de biais qui ont du mal à disparaître. Il n’y aura peut-être jamais de “Leesanity” en NBA, mais son impact pourrait être très notable pour les années à venir.