Promu il y a deux saisons en NM2, le Montpellier Basket Mosson, héritier du Montpellier Paillade, ancien grand club de basketball montpelliérain, disparu en 2002, tente de maintenir son projet, tout en étant l’un des plus petits budgets du championnat. Entre jeunesse, expérience, amour et vétusté, on vous emmène à la découverte d’un club aussi attachant qu’atypique.
Niché en plein cœur du quartier de la Mosson à Montpellier, le gymnase Jean Bouin ne ressemble pas à ce que l’on imagine d’une salle abritant une équipe semi-professionnelle. Taguée, vétuste et abîmée, elle est surtout, encastrée dans la cour d’un collège. Ce jour-là, l’équipe a rendez-vous à 17 h 15. Mais c’est seulement une quinzaine de minutes plus tôt que les derniers élèves ont quitté l’enceinte. Il s’agit du cas de nombreuses équipes amateurs ou semi-professionnelles aujourd’hui. Elles ne possèdent pas d’infrastructures suffisamment développées pour assouvir leurs ambitions.
C’est sous les gouttes de pluie que la plupart des joueurs débarquent. Ensemble ou seuls, sacs sur les épaules ou à la main, tous entrent alors dans ce gymnase, d’une vétusté fortement marquée. La salle n’est pas chauffée et le froid qu’elle dégage prend directement à la gorge. L’eau de pluie, traversant la tôle, commence alors à ruisseler à travers les tribunes.
Mais à son sommet, trônent fièrement des bannières, représentant les titres glanés par les équipes jeunes. On peut facilement en décompter une dizaine. Des U-11 au U-13 en passant par les U-17…
Le Montpellier Mosson est l’un des plus grands clubs du département, en termes de licenciés, et la formation est l’une de ses grandes fiertés. Sur les petits gradins qui garnissent la tribune, se trouvent les sacs et chaussures des joueurs. Ils sont en veille de match, et l’entraînement du jour est consacré à de la vidéo.
Le club évolue aujourd’hui en NM2 et, à l’heure où nous écrivons ces lignes, comptabilise 9 victoires pour 12 défaites. Même s’il a été, pendant un moment et grâce à ses résultats, un candidat à la montée en NM1, la direction du club, par la voix de son directeur sportif, Gabriel Pantel-Jouve, a toujours assuré que l’objectif n’a jamais été de griller les étapes : “On vit ce moment avec sérénité, il n’y a pas de pression particulière, on est en avance sur notre objectif de maintien”.
Pourtant, et depuis quelques semaines déjà, le club connaît de nombreuses blessures, qui les amènent aujourd’hui à se battre pour chaque victoire. Le prochain match à domicile, contre Salon-de-Provence, est d’une importance capitale.
C’est après une trentaine de minutes que les joueurs sortent enfin de la salle de vidéo. Tous se dirigent alors vers les tribunes, où sont dispatchées leurs affaires. Ils enfilent alors leurs chaussures, puis leurs maillots, chacun à leur rythme. Certains préfèrent commencer l’entraînement par des étirements, tout en discutant, quand d’autres se trouvent déjà sur le parquet.
C’est le cas du capitaine, Xavier Gaillou, qui, à peine les sneakers enfilées, se place sur la ligne des 3-points, enchaînant panier sur panier, maillot du quai 54 sur les épaules, aux côtés de Vincent, l’entraîneur principal de l’équipe. Le rituel est toujours le même. “En veille de matchs, et après la séance vidéo, on ne va pas trop forcer. En plus de ça, j’ai des blessés…” confie Vincent, avant d’entamer la séance.
Le club n’a pas de superbes infrastructures. Le gymnase Jean Bouin ne devrait pas accueillir d’équipe de NM2. Pourtant, c’est quelque chose que l’entraîneur principal veut mettre de son côté. “C’est aussi une expérience pour les autres équipes… parce qu’ici, la salle n’est pas chauffée…” Le Montpellier Mosson Basket est l’un des clubs de NM2 avec le budget le plus faible : 215 000 €. Un budget qui ne permet au club que de n’avoir qu’un seul joueur sous contrat professionnel.
La suite de l’entraînement est bon enfant. Concours de shoot du corner et des joueurs, rugissant à chaque panier marqué. On voit ici l’importance d’un coaching souple en veille de match, et dans un contexte difficile. La cohésion de groupe est fondamentale à l’approche du sprint final pour le maintien. Et ça, le coaching staff le comprend parfaitement. Les joueurs s’amusent tout en gardant à l’esprit l’importance des matches à venir. Malgré tout, il faut continuer de stimuler l’aspect de compétition, comme le fait Thibault chambrant l’une des deux équipes : “Ils sont à 70 points, force à vous”…
La relation entre les joueurs et les coachs est bonne. Vincent n’a que 26 ans et certains joueurs de l’effectif sont donc plus âgés que lui. Pourtant, ils se vouent un respect mutuel. « Il y a une très bonne relation entre les joueurs et les coachs, ajoute Thibault, en tant qu’assistant, il y a quelques fois où l’on va être en désaccord, mais c’est ça aussi qui fait la richesse d’un club et les joueurs nous font grandir aussi. On se respecte et on s’apporte mutuellement ».
C’est après une grosse demi-heure que l’entraînement “le plus court de l’année” s’achève. Demain, il faudra cependant être sérieux durant l’entièreté de la rencontre pour l’emporter, dans une course au maintien qui s’annonce riche en rebondissements, mais “tout est possible à la Mosson” annonce Vincent. Pour les joueurs et le staff, il ne faut pas traîner puisque le gymnase est déjà pris d’assaut par les pratiquants de futsal qui entourent déjà le parquet de Jean Bouin. Aussi vite sont-ils sortis du terrain que ces derniers en prennent possession, ballon au pied. Et avec ce départ précipité, Thibault en oublie de relever les paniers.
Alors que les joueurs sortent au fur et à mesure de la salle, une personne surprend les deux entraîneurs. Junior est un ex-joueur de la Mosson. Vivant à quelques encablures du gymnase, il vient souvent rendre visite à ses “amis”, évoquant une grande proximité entre les joueurs, le staff et les supporters, sans doute inhérent à un club semi-pro. Demain, il sera là et nous prévient : “Ça gagne souvent à la Mosson”.
Jour de match à Montpellier
Samedi, c’est jour de match à la Mosson. Même si la rencontre n’est prévue qu’à 20 h, nous arrivons à 18 h 30, pour suivre la préparation complète de l’équipe. Le printemps se profile sur Montpellier, mais c’est la pluie qui joue les premiers rôles en ce début de week-end. Le gymnase Jean Bouin, à une heure et demie du coup d’envoi, n’est pour l’heure qu’un centre de loisirs pour les jeunes du quartier. “On préfère les avoir ici que dehors” nous confie le vice-président.
La Mosson est un quartier souffrant d’une mauvaise réputation et dans lequel beaucoup de jeunes sont livrés à eux-mêmes, sans être surveillés. Plongé au cœur de ce dernier, le club joue un vrai “rôle social” pour les plus jeunes. C’est ainsi que beaucoup viennent désormais chaque week-end, devenus des habitués des tribunes de Jean Bouin.
Mais c’est dès 17h30 que les affaires sont mises en place par Radouane, le vice-président et Kamil, l’intendant. Sous les chaises, faisant office de banc des remplaçants, chaque joueur à sa bouteille d’eau. Plate ou pétillante, chacun à sa préférence.
C’est aussi cette heure-là que les joueurs sont convoqués par Vincent. Dans le vestiaire, on peut alors y trouver fruits, barres, biscuits, fruits secs ou jus, mis à la disposition des joueurs sur une table placée au milieu de la pièce.
Tour à tour, chacun arrive. Seul, ou à plusieurs. En voiture, ou en tramway. C’est notamment le cas des plus jeunes, à l’instar de Léonardo, 17 ans. “Je n’ai pas encore le permis du coup, le trajet me prend un peu plus d’une heure”. Lycéen en spécialité maths, il est aussi pensionnaire de l’équipe U-18 de la Mosson. À peine son sac posé dans le vestiaire, le benjamin se change et se met instinctivement dans sa bulle. Chacun est libre de faire ce qu’il veut pendant 30 minutes.
Chaque joueur à sa routine. Pour Léo, c’est direction les chaises, installées par Radouane et Kamil, pour s’improviser une petite séance avec son pistolet à massage. Il y retrouve son pote Tyron, 21 ans, blessé depuis quelques jours après un mauvais changement de direction. Tandis que Léonardo se masse, Tyron nous raconte la saison des Phénix. “C’est très compliqué, on sait qu’il y a des hauts et des bas dans une saison, dans notre poule, c’est hyper serré. Si on gagne, on est top 5 et si on perd, on est 9 ou 10e… Il y a une vraie pression mise sur les équipes en fin de tableau, c’est clair”.
Léonardo pourrait ce soir, disputer son deuxième match avec la NM2, et son premier à domicile. “Il va très bien me remplacer” s’amuse Tyron. Les deux jeunes jouent au poste d’ailier et son ainé vante alors ses qualités “Nan, il est très fort, il est polyvalent, il peut dunker…” Léonardo réfute avec le sourire, mais Tyron reprend, “Oui tu peux, mais tu ne veux juste pas montrer ton potentiel devant tout le monde.” Lui ne vient pas en tramway, mais en voiture avec deux autres coéquipiers. “On habite dans la même résidence, près du zoo. Du coup, c’est Quentin qui nous amène avec Kylian.”
Certains joueurs restent quant à eux assis dans les vestiaires, sous le rythme de la musique émise par l’enceinte d’Eric, qui n’est cependant pas totalitaire sur le choix des sons. “Je veux mettre les jeunes à l’aise alors s’ils veulent mettre les leurs, c’est bon”. Lui, est de ceux qui préfèrent rester tranquilles. La routine pour lui, c’est massage de ses jambes avec son rouleau. Sous les yeux de Nicolas Boulard, l’un des kinés assignés au club. Les deux échangent beaucoup et lorsqu’on demande la nature de leur relation à Eric, “Si je ne suis pas meilleur pote avec eux (les kinés) je suis mort”.
Pour Nicolas, travailler avec ce genre de joueurs, ce n’est pas difficile. “C’est facile, il y a un bon esprit, une bonne ambiance”. Au club, six kinés tournent pour les matchs et comme nous l’explique Nico, “chacun à son petit préféré”, et pour lui bien sûr, “un peu Eric”. Leurs missions d’avant match consistent en quelques ajustements, vérifier que tout va bien. “Par exemple pour Eric, c’est pour sa cheville. Je lui mets un strap, ça prend entre 5 et 10 minutes.”
Le championnat de la transition
Tout le club est à mi-temps. Le coach, Vincent, est, en parallèle de ses activités d’entraîneur à la Mosson, employé à la Ligue Occitanie de Basketball et au Centres de ressources, d’expertise et de performance sportive (CREPS). L’entraîneur adjoint, Thibault, est en pleine formation pour décrocher ses diplômes d’entraîneur. “Ça reste une vraie chance pour nous d’avoir un assistant, assume Vincent, il est souvent disponible lorsque je ne le suis pas ». Même si la salle ne leur est pas souvent accessible, le club sait s’organiser. Les joueurs qui peuvent être présents ont quatre entraînements collectifs le soir à Jean Bouin, et d’autres entraînements facultatifs sont organisés cette fois, uniquement par Thibault au CREPS, avec ceux qui sont disponibles.
L’effectif est ainsi composé de quelques anciens professionnels, venu dans l’objectif de se reconvertir. C’est le cas du capitaine du club, Xavier Gaillou. Ancien professionnel, ayant notamment passé la plupart de sa carrière à Fos sur mer, avec qui il a connu la Pro A en 2018/19. Le meneur a décidé de poser ses valises à Montpellier à la fin de sa carrière professionnelle, pour y entamer sa nouvelle vie.
« Ce que je voulais éviter, c’était d’arriver à la fin de ma carrière et de me dire : qu’est-ce que je fais »
“En signant ici, j’avais mon objectif de reconversion” explique-t-il, je suis rentré en février 2023 dans l’entreprise Nicollin, qui est un sponsor du club, aujourd’hui, j’ai un CDI chez eux, je suis chef de secteur, je travaille un 35 heures chez Nicollin et un mi-temps ici au basket.” Il explique avoir arrêté assez tôt sa carrière professionnelle, pour ne pas avoir à se questionner sur son avenir. « Ce que je voulais éviter, c’était d’arriver à la fin de ma carrière et de me dire : qu’est-ce que je fais »
« Je suis un ancien pro en pleine transition” explique Eric Katenda, sa séance de massage tout juste terminée. « J’utilise la structure de la N2 pour préparer l’après basket ». A 31 ans, le pivot est au crépuscule de sa carrière. Après des expériences aux Etats-Unis puis en Suède, Suisse, Autriche, et Islande, il est revenu en France en 2022, six ans après son départ du Portel. Le club montpelliérain lui a offert l’opportunité de combiner sa passion pour la balle orange avec ses autres projets professionnels.
“Quand on est pro, on a pas trop de temps de faire autre chose, avec les entraînements, etc. Il n’y a pas de moment pour préparer la suite”. “Dans le monde du basket, on voyage énormément, constate-t-il, on peut faire une saison à droite ou deux saisons à gauche, puis on part dans un autre club…”.
C’est après une mauvaise expérience en Suisse qu’il a décidé de changer de vie. “Je me suis dit que j’avais besoin de stabilité” explique-t-il, “A 29, 30 ans, il fallait que je me pose et que je propose mon avenir et que je profite un peu de la vie”. Aujourd’hui, à côté de ses activités de basketteur, Eric monte sa propre entreprise de tech, après avoir bossé en tant que gestionnaire d’équipe de développement. “C’est un très bon compromis” conclu-t-il.
En NM2, très peu de clubs peuvent se permettre d’avoir des joueurs à temps plein. En l’occurrence, la Mosson n’en a qu’un. Shany Sanou, 24 ans. L’arrière a rejoint Montpellier il y a deux ans, lorsque le club évoluait en NM3. C’est sa première année sous contrat professionnel avec le club. “L’an passé, j’étais encore à mi-temps, à côté, je passais mon Diplôme d’Etat de la Jeunesse, de l’Éducation Populaire et du Sport (DEJEPS)”.
« Aujourd’hui, je n’ai plus besoin de me soucier de mon salaire ou de ce que je vais manger »
En quatrième division, l’avantage d’être un joueur sous-contrat, c’est la possibilité de se concentrer que sur le basket, et rien d’autre. Évidemment, ça n’est avantageux que pour les plus jeunes éléments, qui ne sont qu’à l’aube de leur carrière. “J’ai de la chance ! explique t-il, sourire aux lèvres, je peux m’entraîner deux fois tous les jours. Je sais qu’il y en a d’autres comme Xavier qui travaille, Eric qui monte son entreprise, donc eux ils ne peuvent pas être à 100%, moi, par contre, je peux m’entraîner le midi et le soir, et même faire plus si j’ai envie.”
C’est aussi l’assurance d’avoir une situation financière stable. “J’ai mon appartement, et avec mon salaire, je peux payer mon loyer sans problème. Aujourd’hui, j’ai plus besoin de me soucier de mon salaire ou de ce que je vais manger »
La contrepartie de ce championnat, c’est qu’il n’avantage en rien les joueurs sous-contrats, qui n’ont bien souvent, pas les infrastructures pour pleinement s’épanouir. “On ne peut pas être à 100% même quand on est en contrat professionnel. Je ne peux pas venir avant l’entraînement (au gymnase) parce qu’il y a parfois des cours ici, avec l’école juste à côté.”
Un problème qui devrait se régler l’an prochain, avec la fin des travaux prévus au Palais des Sports Pierre de Coubertin, qui devrait de nouveau accueillir le club de la Mosson. Lui veut “jouer en NM1, puis la Pro B et pourquoi pas Pro A. Si le projet est bien, pourquoi ne pas le faire ici ? Ça dépendra de ce qu’on me propose.”
Des sponsors vitaux
Dans un club qui se veut familial et local, l’apport des acteurs locaux est crucial. À la Mosson, plusieurs entreprises sont désormais plus que de simples sponsors. C’est le cas de GRDF, sponsor du club depuis quelques années. C’est par le biais du directeur territorial de l’entreprise, Frédéric Fort, que le club et la société de gaz ont noué un partenariat avantageux.
Fan de basket, Fort assiste à tous les matchs et tient à “payer sa place, et celle de ses enfants, ainsi que de payer leur licence” nous explique le vice-président du club, il est aussi celui qui paye pour les maillots des joueurs de la NM2″
Nicollin est un partenaire du club depuis octobre 2021. En plus de participer financièrement au développement du club, l’entreprise montpelliéraine est une actrice historique du basket héraultais. Déjà, à l’époque du Montpellier Paillade Basket, “Loulou” Nicollin avait repris en main le club en 1985, et s’en était finalement séparé dans les années 2000. Désormais, la relation entre le club et l’entreprise va bien au delà d’un simple partenariat financier. Certains joueurs de l’effectif y sont salariés à temps-plein tout en étant à côté, joueur de Montpellier, comme le capitaine Xavier Gaillou.
À la croisée des chemins
Le championnat de NM2 peut-être vu comme la réunion de l’aube et du crépuscule. Les jeunes sont là pour faire leurs gammes, et les anciens pros reviennent pour les aider et pour finir leur carrière sans trop de pression.
“La NM2, c’est un championnat parfait pour les gamins”
L’effectif de la Mosson est le plus jeune du championnat avec 23,7 ans de moyenne. Pourtant, il représente très bien la stratégie que peuvent effectuer certains clubs de NM2. Certains vont choisir de miser en priorité sur des joueurs d’expériences, quand d’autres miseront sur de la jeunesse. Les joueurs les plus âgés de l’équipe sont Xavier (35 ans), Eric (31 ans), Dorian (27 ans) et Shany (24 ans). “Le reste, c’est des 2002 et plus jeune” explique Shany.
La Mosson a une identité de club formateur. La NM2 leur permet ainsi de miser sur des joueurs à potentiels et sur lesquels ils peuvent avoir un contrôle total. “C’est un championnat parfait pour les gamins” précise Eric à la sortie des vestiaires, ça leur permet de se confronter à des personnes plus âgées pour se jauger. S’ils montrent ce qu’ils savent faire, c’est un moyen pour eux de se faire recruter par des clubs de divisions supérieures”.
« Je suis à un stade de ma carrière où l’important n’est que je brille, mais plutôt que je puisse faire briller les autres. »
Les quelques anciens du groupe ne jouent plus pour prouver. Leurs carrières sont derrière eux. En venant en NM2, le contrat était clair. Ne pas se mettre en avant, mais permettre aux jeunes de se développer dans un championnat adapté pour leur progression. « J’essaye de transmettre, je suis à un stade de ma carrière où l’important n’est que je brille, mais plutôt de faire briller les autres » explique Xavier, j’essaye de les accompagner pour qu’ils puissent ensuite rejoindre les divisions supérieures. »
Il a conscience de la jeunesse du groupe et de l’insouciance qu’il peut s’en dégager. « Je dois être un relais du coach sur le terrain. » C’est pour cela que la présence des vétérans dans un groupe est primoridial. Elle permet l’apprentissage des petites choses du monde pro.
Un jeune groupe peut avoir du mal à gérer une fin de match à enjeu. Le vétéran sait calmer son groupe quand il le faut. Il a aussi cette faculté de compréhension du jeu supérieure à ses jeunes coéquipiers. « Quand je lui explique un système, il comprend tout très vite comparé à d’autres membres du groupe » insiste Vincent.
Aujourd’hui, Xavier est blessé et n’accompagnera pas ses coéquipiers sur le terrain. Mais il sera sur le banc, comme un adjoint, à donner des consignes et encourager ses coéquipiers.
La culture d’un club de quartier
Le club est très fortement implanté dans la région montpelliéraine. Il permet l’accompagnement des enfants, des arbitres et de jeunes entraîneurs. « Pour ceux qui excellent, on les accompagne. Pour les jeunes filles, on les envoie au BLMA (Basket Lattes) et pour les garçons, dans des centres de formations ou des pôles espoirs. » explique Radouane, le vice-président.
Ainsi, le Montpellier Basket Mosson se présente comme plus qu’un simple club de basketball. La Mosson, c’est une façon d’être, une manière de vivre, inculquée dès l’obtention de sa première licence. « On a deux jeunes d’ici qui sont partis au Paris FC, révèle Radouane, des jeunes qui ont grandi au quartier et qui ont fait toute leur jeunesse ici. On sait qu’ils vont avoir en eux le savoir-vivre, le partage, et toutes les autres valeurs qu’on peut enseigner dans ce quartier. »
C’est ce que nous confirme Imene, la Community manager du club. En plus de renvoyer cette image très familiale, le club a conscience du cadre dans lequel il se trouve, et dans lequel l’aspect social est essentiel. « La Mosson est un quartier qui a une mauvaise image. Ici, on veut montrer une image de vivre ensemble, sans manque de respect. «
Alors que le temps avant le match se réduit, une petite odeur sucrée se fait sentir. La buvette est un endroit « sacré » à Jean Bouin. Tenue par Christophe, elle est un lieu privilégié. Déjà, parce qu’elle offre une vue imprenable sur le parquet. Mais aussi parce que c’est un vrai lieu de partage.
« Comme on se sent bien ici, on ne cherche pas à aller ailleurs ».
Cela fait 5 ans que Christophe est adhérent au club, et 4 ans qu’il tient cette buvette. Passionné de bénévolat, c’est à la suite d’une conversation avec une conseillère municipale qu’il décide d’inscrire ses enfants au club, qui prennent rapidement goût au basket. « Je cherchais à les occuper pendant les vacances et depuis, avec les enfants, on s’est enraciné. Et comme on se sent bien ici, on ne cherche pas à aller ailleurs ».
Christophe a désormais ses habitudes. Il installe son stand et y retrouve ses habitués. « Je suis content de ce que je fais, il y a les mêmes passionnés de basket qui reviennent souvent ». Pourtant, à la différence de ses enfants, lui n’est pas encore un grand passionné de basket, malgré ces quelques années passées au bord du parquet, assumant « l’aimer sans plus », même s’il avoue « y avoir un peu pris goût ».
Le match commence et les voix commencent à s’élever, à commencer par celle du vice-président, Radouane. Ancien joueur de la Mosson, il fait aujourd’hui parti de l’organigramme. Lui, ne va pas en tribune, mais préfère rester proche de ses joueurs, sur le banc. Dès les premières minutes de jeu, il crie et se lève à chaque action. « Ça se voit autant, demande-t-il, je suis un ancien basketteur, je suis pris par ce sport, c’est normal pour moi ».
Dans un contexte important que celui du maintien, lui, continue de donner de la voix, tout au long du match, comme c’est aussi le cas en tribune, où une supportrice attire particulièrement l’attention.
Munie de sa caisse, Pascale célèbre chaque point, chaque action des Montpelliérains. « On est là à tous les matchs du club depuis deux ans, explique-t-elle, toute la famille vient ». Montpelliéraine depuis trente ans, elle a connu l’ex-grand club masculin de Montpellier, Paillade Basket, qui a passé quelques années en Pro A, avant de disparaître en 2002. Elle se réjouit d’avoir à nouveau un club de basket dans sa ville. « C’est super important d’avoir un club à Montpellier. Le fait aussi qu’ils soient en NM2, on a de la chance d’avoir une équipe à ce niveau et de les soutenir ».
C’est donc avec son mari, Roland, et sa famille, que Pascale tape sur son tambour, « un cadeau », qu’on lui avait fait. Une amélioration, puisqu’il y a encore quelque temps, elle venait « avec une casserole » raconte-elle amusée. Pascale l’assure, ce club est une famille, que l’on soutient, surtout quand ça va moins bien. Cet aspect familial, c’est « ce qui fait la force du club » selon elle. Tout le monde ici la connaît, des dirigeants, aux joueurs. Une sorte de mascotte non-officiel peut-on dire.
Pour d’autres, ce match est une première expérience avec la balle orange. C’est le cas de Delphine, qui avec son mari, découvre ce sport.
Montpellier n’est pas une ville connue pour le basket. Cela fait bien longtemps que la Paillade a disparu et que Lattes a pris le relais. Delphine et sa famille vivent au rythme du rugby, avec le Montpellier Hérault Ruby et du handball avec le Montpellier Handball. « C’est un vrai sport populaire, on adore, c’est le top » assume-t-elle avec sa fille sur les genoux.
Elle est surtout venue supporter un joueur de la Mosson. Ahmadou Bamba, un ancien gamin de son centre aéré, et qui aujourd’hui, en plus d’être joueur à la Mosson, travaille avec elle dans une piscine de l’agglomération. Après quelques dizaines de minutes, la voilà conquise. « C’est une belle découverte, il y a du spectacle, c’est dynamique, c’est chouette et puis il y a un peu d’ambiance ».
Tension et passion
Le match se rapproche de son dénouement. La Mosson a alors les clés du match en main, avec un matelas confortable de 11 points d’avance. Mais la facilité laisse place à de la suffisance, qui permet ainsi aux Salonais de revenir dans la rencontre. Chaque tribune prend feu, tour à tour. Sur chaque point, chaque possession, le public se chambre. Entre cris, sauts et regards, il est impossible de ne pas ressentir la tension qui se dégage de chacun des acteurs. À la fois sur et en dehors du terrain.
La dernière minute de jeu est irrespirable. Personne dans le public n’ose se rasseoir. À 28 secondes de la fin du match, la Mosson est derrière de deux points, mais les salonais poussent et demandent à leurs supporters, venus en nombre, de mettre le feu dans les frêles tribunes de Jean Bouin.
À moins de 13 secondes, le stress s’empare du président, qui ne peut s’empêcher de jeter des regards furtifs à l’horloge et au score, tapant du point sur sa table pour encourager son équipe. Salon prend une nouvelle possession d’avance, qui signe la fin des espoirs montpelliérains.
Montpellier perd finalement le match 63-66. Et tandis que les Salonais jubilent, la Mosson s’écroulent et les dirigeants se pressent vers les arbitres « Ce soir, c’est du vol, j’ai jamais vu ça » s’exclame le président. Très vite, ce sont tous les émissaires montpelliérains qui entourent les officiels.
Quelques minutes, plus tard, dans le vestiaire, les mines sont déconfites. Certains ont le regard fuyant, perdu dans leurs pensées, repensant à une défaite qui leur était interdite. D’autres n’osent pas affronter la réalité, préférant cacher leur frustration la tête dans leur t-shirt, bras croisés.
Mais Vincent, ressent la peine de son groupe, et tente de se mettre à la place des joueurs. « Moi aussi, ça me frustre, c’est le genre de match qu’on doit prendre ».
La Mosson enchaîne sa huitième défaite d’affilée et plonge un peu plus vers les bas-fonds du classement, se retrouvant désormais en position de reléguable en NM3. L’heure n’est plus à la fête, mais à la prise de conscience. Pas le temps de se morfondre, il faut remobiliser le groupe. « Gardez la boule au ventre, on va montrer que c’était l’erreur de trop, faut que ça nous serve, là c’est plus possible”.
L’effervescence de la fin de match est redescendue. Les joueurs de Salon et de Montpellier sortent progressivement de leurs vestiaires respectifs. Sur le stand de Christophe, des sacs sont disposés sur une table. À l’intérieur, des encas pour les joueurs de Salon. Un geste apprécié par ces derniers, qui s’agglutinent tous autour de la buvette. Les membres éminents des deux clubs s’y sont aussi rassemblés pour discuter.
« Quand je n’ai rien à faire, je viens ici. »
Les minutes passent et les jeunes du quartier reprennent leur place sur le terrain, comme à chaque fin de match. Ils s’amusent à tirer, comme Imrane, 13 ans, licencié au club depuis deux ans. “J’ai pris ma licence ici en U-11, j’étais encore jeune, je ne me sentais pas forcément très à l’aise,” explique-t-il, mais il y a « mamie », c’est la mamie de tout le monde et quand tu prends ta licence ça devient un peu ta grand-mère” .
Le gymnase est sa deuxième maison. Le personnel du club sait mettre ses jeunes licenciés à l’aise, dans un club qui comprend que la relation sociale avec les jeunes d’un quartier défavorisé est essentielle. Au bout d’à peine six mois, Imrane allait déjà “voir tous les matchs”, lui aime cette “super ambiance” qu’il constate “tout le temps”. Ce club lui permet aujourd’hui de trouver un endroit où il peut venir quand il veut. “Quand je n’ai rien à faire, je viens ici” conclut-il.
À 23h, le gymnase s’est bien vidé. Léonardo quitte la salle, seul. Puisqu’il n’a toujours pas le permis, il doit se coltiner le tramway, où l’arrêt n’est qu’à quelques minutes à pied. La nuit est froide, mais la défaite la rend glaciale, et le jeune homme se presse pour ne pas rater le dernier de la journée. Heureusement pour lui, la rame se rapproche. Il est bien seul, dans ce wagon vide. Mais ressasser le passé ne changera pas ce qu’il s’est passé. Les têtes doivent déjà être tournées sur les prochaines échéances qui seront d’une immense importance.