Kevin Garnett. Crédit : Nathaniel S. Butler
Kevin Garnett. Crédit : Nathaniel S. Butler

Kevin Garnett, un loup parmi les loups

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Au cours de la grande histoire de la NBA, de nombreux joueurs ayant porté le numéro 21 ont marqué la Grande Ligue. Tim Duncan, Dominique Wilkins, Michael Cooper ou plus récemment Joël Embiid sont des noms qu’on associe au numéro 21. Aujourd’hui, nous allons nous pencher sur la carrière d’un loup parmi les loups, Kevin Garnett. L’histoire d’un lycéen qui s’engage à la draft,  qui devient le héros de toute une franchise, et qui a contribué à la plus belle période de l’histoire des Wolves du Minnesota, tout en révolutionnant la NBA sur les terrains comme en dehors.

L’apprentissage

Tout commence au milieu des années 90, et plus précisément l’année 1995, qui voit Kevin Garnett, 19 ans seulement, se présenter à la draft NBA à l’issue de son cursus au lycée. Dans une classe pas des plus talentueuses, comparés aux drafts avoisinantes (1994 : Jason Kidd, Grant Hill ; 1996 : Kobe Bryant, Allen Iverson, Ray Allen, Steve Nash), il est sélectionné par la jeune franchise des Minnesota Timberwolves, présente dans la Ligue depuis 6 ans. Il rejoint donc un effectif jeune en pleine formation. Parfait pour lui laisser le temps de s’adapter et de faire la transition entre le lycée et la NBA, là où beaucoup d’autres ont échoué. Néanmoins peu de joueurs qui se sont engagés en NBA directement après le lycée ont réellement réussi dans la Grande Ligue. Moses Malone a réussi, Dawkins aussi mais de nombreux joueurs ont échoués. Bill Willoughby en est l’exemple parfait.

C’est donc dans une équipe de jeunes loups qu’atterrit « The Kid ». Il débute d’ailleurs sa carrière en sortie de banc, bouché par la paire de forwards Christian LaettnerTom Gugliotta. Après 20 matchs joués dans cette saison 1995-1996, Bill Blair est viré et laisse sa place au nouveau head coach Flip Saunders. Après quelques match, Saunders décide d’intervertir Mitchell et Garnett et d’introduire ce dernier dans le 5 majeur.

S’en suivra une série de plus de 30 matchs où le rookie inscrit 10 points ou plus, avec une pointe à 33 points face à Boston. Cette grosse fin de saison permettra à KG d’être nommé dans la All-Rookie Second Team. On peut dire que l’adaptation s’est bien passée. Le bilan collectif est lui bien moins clinquant (26-56) mais l’avenir s’annonce prometteur. Sa progression n’est pas passée inaperçue, lui qui a doublé ses stats après le All-Star Break. De nombreux dirigeants et observateurs le considèrent comme un des futurs visages de la NBA.

Kevin Garnett a de grandes chances de devenir le meilleur joueur de la Ligue un jour. – Donnie Walsh, Président des Indiana Pacers

Malgré tout, au cours de l’année, des tensions sont apparues dans le groupe. En particulier avec Christian Laettner, irrité par le choix de Saunders d’accorder la place de titulaire à Garnett. Ce dernier avait plusieurs fois critiqué certaines pratiques des vétérans NBA, notamment leur traitement envers les jeunes joueurs. Dans une interview accordée à USA Today, il révèle que s’il avait pu, il aurait été à l’université, et déconseille aux lycéens de la classe de 1996 (Kobe Bryant, Jermaine O’Neal) de se présenter à la draft. Cette expérience lui a permis de se construire face à une adversité des plus rudes.

J’ai entendu que certains lycéens pensent aller en NBA directement comme je l’ai fait. Ils sont fous.  – Kevin Garnett pour le Los Angeles Times

À l’intersaison 1996, les Wolves décident de réaliser quelques mouvements. Ils se séparent ainsi de Christian Laettner, Isiah Rider ou encore de Spud Webb. Le jeune Stephon Marbury arrive dans le Minnesota en échange de Ray Allen, recruté en 5ème position à la draft et envoyé à Milwaukee. L’objectif est clair : capitaliser sur « Da Kid » et construire intelligemment autour de lui avec le très bon Gugliotta, compère de Garnett sur les postes forward, ainsi que le jeune Marbury pour dynamiter le backcourt.

Cette saison voit Garnett s’imposer comme un des joueurs sur lesquels il faut compter à l’ouest, lui qui décroche sa première étoile de All-Star, tout comme Tom Gugliotta. Sous la houlette de Flip Saunders, les Wolves s’avancent vers les playoffs avec un bilan de 45 victoires pour 37 défaites. KG augmente toutes ses statistiques, notamment sa moyenne de points, qui passe de 10,4 à 17. Il figure dans le top 10 des meilleurs conteurs, même s’il évolue au poste 3.

Une belle progression, qui mérite une extension digne de ce nom. Mais les Timberwolves, un des plus petits marché de la Ligue, arriveront-ils à conserver leur joyau ?

Tom Gugliotta Shares Funny Story About KG From Rookie Season | NBA.com
Tom Gugliotta et Kevin Garnett face aux Lakers par Andy Hayt

Une extension record qui suscite des débats au sein de la Ligue

En effet, à l’issue de sa saison sophomore, « The Big Ticket » se voit proposer un nouveau contrat, à hauteur de 126 millions sur 6 ans, une somme record pour l’époque. Le natif de Caroline du Sud accepte évidemment cette extension sans aucune hésitation. Elle amène de nombreux débats dans les sphères dirigeantes de la NBA, qui redoutent une hausse exponentielle irréversible des salaires. Elle est notamment au coeur des discussions qui conduisent au lock-out de la saison 1998-1999. Les propriétaires voient d’un mauvais oeil la proposition de tels contrats à de jeunes joueurs comme KG. Pour se prémunir d’une telle inflation salariale, les dirigeants se montrent favorables à l’adoption d’un contrat max.

À lui de prouver qu’il mérite cette extension, et cela passe par les terrains. Si en terme d’efficacité, la saison 1998-1999 n’est vraiment pas la meilleure, il atteint pour la première fois de sa carrière le double-double de moyenne, avec plus de 20 points par match dans une saison raccourcie à cause du lock-out. Les années suivantes, Garnett se stabilise autour des 22 points et 12 rebonds de moyenne. Néanmoins, les saisons s’enchaînent mais se ressemblent toutes. Les Wolves n’arrivent pas à passer un tour (poke Anthony Edwards) et restent bloqués dans une conférence dominée par les Lakers de Shaq et Kobe, ou les Spurs de Tim Duncan.

2003-2004, le pic individuel et collectif de Garnett à Minnesota

Après plusieurs campagnes de haut vol où il termine deux fois deuxième au classement du MVP derrière Shaquille O’Neal puis Tim Duncan, Garnett compte bien se battre pour décrocher ce trophée. En dernière année de contrat, il doit mener son équipe plus haut que ce premier tour si frustrant. Ce dernier vient de terminer l’exercice 2002-2003 en étant le leader de toutes les catégories statistiques de son équipe (points, rebonds, passes décisives, interception et contres), signe d’une importance capitale de l’ailier fort.

L’arrivée de Sam Cassell est dans la lignée d’une volonté commune d’entourer KG pour qu’il ait l’opportunité de passer un tour de playoffs. L’expérimenté meneur réalise une des, si ce n’est sa, meilleure saison en carrière, qui le voit être couronné d’une étoile All-Star. Avec l’arrivée de Latrell Sprewell, en provenance des Knicks pour compenser l’absence longue durée de Wally Szczerbiak, les Wolves terminent premier de la conférence Ouest avec un bilan de 58 victoires pour 24 défaites.

Sur le plan individuel, Garnett est injouable cette saison là. Il est en mission. 24,2 points, 13,9 rebonds, 5 passes décisives, 1,5 interceptions et 2,2 contres de moyenne, le tout en 82 matchs évidemment. Il est élu dans les All-NBA et les All-Defensive First Team, et empoche le trophée de MVP. 71 double-doubles, 2 triples-doubles, 5 matchs à plus de 20 rebonds, « Da Kid » est tout simplement injouable. Et avec la réussite collective, son trophée de MVP apparait comme totalement mérité.

Kevin Garnett is underrated: Here are the stats and facts why
Kevin Garnett MVP 2004 par Jesse D. Garrabrant

La régulière c’est bien mais les playoffs c’est mieux. C’est dans les joutes printanières que les grands construisent leur légende. KG va-t-il enfin réussir à briser ce plafond de verre du premier tour ?

Au premier tour, les Nuggets du rookie Carmelo Anthony s’avancent. Les Wolves n’en font qu’une bouchée : 4-1. Garnett nous offre du très sale. 30 points et 20 rebonds au Game 1, puis un triple-double en 20-20-10 au match suivant. Mais c’est maintenant que les choses sérieuses commencent. puisque c’est Sacramento qui s’avance. Des Kings robustes, qui ont l’expérience des séries tendues, et qui amène la série jusqu’en 7 matchs. C’est dans cette ultime rencontre que KG nous offre son plus gros match de la série : 32 points, 21 rebonds, 4 interceptions et 5 contres. Il n’est pas MVP pour rien.

Les portes des finales de conférence s’ouvrent, et l’ogre angelino se présente, fort de 3 titres en 4 ans, et qui a éliminé le champion en titre au tour précédent. Kobe et Shaq face à Sam Cassell et Kevin Garnett. Les Lakers face à leurs origines. Gros marché face à petit marché. Dans cette série où tout s’oppose, un seul pourra atteindre les finales. Si Garnett a remporté son duel face au « Big Diesel », ce sont bien les Lakers qui iront en finale.

À la fois si près mais si loin. Même si à ce jour, cette finale de conférence reste le meilleur résultat des Wolves en playoffs, une certaine amertume est toujours présente. Et si Garnett avait eu une autre star à côté de lui, comme Shaq avec Kobe, les choses auraient-elles été différentes ?

La saison suivante annonce la lente mort de ces Wolves, qui, malgré un bilan de 44 victoires pour 38 défaites, terminent à la neuvième place de l’Ouest. C’est aussi la fin de l’ère Flip Saunders, qui laisse sa place à Kevin McHale. Dernière saison à Minnesota pour Cassell et Sprewell, ainsi que la dernière saison complète de Wally Szczerbiak à Minneapolis.

Nouveau départ à Boston, puis une dernière danse à Minneapolis

À l’été 2007, la nouvelle a fait le tour de la Ligue : Kevin Garnett s’engage à Boston et rejoint Paul Pierce ainsi que Ray Allen, formant ainsi le big three qui conduit les Celtics vers leur 17ème titre. Au cours de cette saison 2007-2008, sous la houlette de Doc Rivers, KG devient Défenseur de l’année et champion NBA. « Anything is possible »

5 Moments that Defined No. 5's Legacy in Boston | NBA.com
Anything is possible ! par Brian Babineau

Après cette année enchantée, les blessures se font plus nombreuses et « The Big Ticket » commence à se rapprocher de la fin de sa carrière. S’il engrange encore 4 sélection au All-Star Game jusqu’en 2012-2013, Garnett n’est plus aussi impactant. L’heure de raccrocher les sneakers se profile. Après une pige à Brooklyn, il est tradé au cours de la saison 2014-2015 à Minnesota, à la maison.

Il arrive dans une équipe en totale reconstruction, avec Andrew Wiggins et Zach LaVine en pleine saison rookie. À la draft, les Wolves obtiennent le premier choix et sélectionnent Karl-Anthony Towns. Ce dernier aura la chance d’être encadré par le meilleur joueur de l’histoire de la franchise, en espérant marcher dans ses pas, pour sa dernière danse. Il revient dans une équipe entrainé par son coach de toujours : Flip Saunders, revenu à Minneapolis précédemment.

Malheureusement, le 25 octobre 2015, Saunders, atteint d’un cancer, décède à l’âge de 60 ans. Cet évènement marque profondément « Da Kid », qui lui rend hommage à de nombreuses reprises. Lors du match d’ouverture de la saison opposant les Wolves aux Lakers de Kobe, les deux équipes l’honore à l’échauffement. La mort de son mentor marque le début d’un divorce mal digéré entre Garnett et les dirigeants de la franchise.

Flip Saunders: Timberwolves' Kevin Garnett pays tribute to coach - Sports Illustrated
Flip Saunders et Kevin Garnett par Associated Press

Epilogue

Garnett tire sa révérence à l’issue de cette saison 2015-2016, qui aura vu Kobe Bryant ou Tim Duncan prendre leur retraite également. Après 21 saisons dans la Grande Ligue, KG se place comme un des tous meilleurs ailiers forts de l’histoire. Il est logiquement introduit au Hall of Fame en même temps que ces deux légendes. Il a un palmarès à en faire rêver plus d’un : 15x All-Star, 9x All-NBA, 12x All-Défensive, MVP 2004, DPOY 2008, Champion NBA en 2008, 4x meilleur rebondir d’affilée.

« The Big Ticket » a définitivement marqué la ligue de son empreinte. Il aura été au coeur de plusieurs révolutions dans l’histoire de la NBA. Il a permis aux lycéens de reconsidérer l’idée de s’engager à la draft. Un précurseur pour des joueurs comme Kobe Bryant, Tracy McGrady, Dwight Howard ou LeBron James.

De surcroit, sa prolongation de contrat fortement controversée de 126 millions de Dollars sur 6 ans a été instigatrice du contrat max. En formant finalement un big three à Boston avec Paul Pierce et Ray Allen, il a ouvert la porte à la révolution des années 2010 avec la formation de nouveaux big three. Les Heatles, la signature de KD à Golden State, le big three des Nets, désormais celui des Clippers ou des Suns, tous sont affiliés à la formation du big three des Celtics en 2007. Ce modèle a d’ailleurs fait ses preuves, à son origine tout du moins.

Kevin Garnett est joueur intemporel, qui aurait pu réussir en NBA à n’importe quelle époque, un monstre de détermination, un loup parmi les loups. Le meilleur joueur de l’histoire des Minnesota Timberwolves.

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