Dans “Welcome to Road 66“, on va faire une petite traversée des USA. Se baladant d’État en État, on va découvrir chaque coin étatsunien par ses légendes basketballistiques. Le menu est simple : 10 noms historiques de l’État dont on parle. Aujourd’hui, direction l’état dit des marronniers, l’Ohio.
Les grands débuts du Ohio Basketball : Honey Russell
Honey Russell est probablement un des, si ce n’est le, meilleur joueur de basketball de l’ère pré-NBA. En effet, le monsieur a 3200 matchs joués entre 1920 et 1945 en sortant du lycée. Evidemment, John « Honey » Russell a joué un peu partout sur la côté est: on l’a vu en Pennsylvanie, du côté de New York, à Chicago, à Brooklyn, etc. Le basketball de l’époque était très instable et les joueurs jouaient dans 2 à 3 équipes différentes par an. Si Honey nous intéresse ici, c’est car il est un joueur plus qu’important des Cleveland Rosenblums, une équipe qui tire son nom de Max Rosenblum, l’homme d’affaire qui dirige l’équipe. Cleveland se présentait comme une belle équipe tournée autour d’ancienne star universitaire comme Kelly McBride avant que le propriétaire se mette à réfléchir à la création d’une ligue: la ABL. C’est là que Cleveleand est devenu une des meilleures équipes du pays avec Honey Russell en leader mais aussi Nat Hickman ou Carl Husta (deux autres légendes de l’équipe qui resteront en 1929 puis 1930 pour Husta). Cependant, cette équipe qui a gagné 3 titres en 6 saisons disparait en 1931 car le propriétaire n’arrive plus à payer les joueurs comme beaucoup d’autres. En effet, le capitalisme étatsunien a sombré dans la « Grande Dépression ».
Les grandes équipes industrielles : Paul Sheeks
Paul Sheeks est un individu issu des Dakotas qui grandit surtout dans le football. D’ailleurs, il est le directeur des loisirs de la compagnie de Firestone Tire and Rubber Company et il coach donc l’équipe de football de l’entreprise. Une méthode typique de l’époque qui a inspiré même certaines franchises NBA comme les Detroit Pistons qui sont, à la base, les Fort Wayne Zollner Pistons pour faire la pub de Fred Zollner et son entreprise. En 1935, Paul Sheeks participe à créer la National Basketball League (qui fusionnera avec la BAA pour devenir la NBA) et forcément, Firestone sera de la partie sous le nom des Akron Firestone Non-Skids. Cette équipe, dirigée par Paul Sheeks avec Soup Cable et Jack Ozburn, a été vers 2 titres en battant par 2 fois les Oshkosh All-Stars. Une performance historique dans une ère incroyable du basketball dans l’Ohio entre les Akron Goodyear Wingfoots champions en 1938, les Toledo Jim White Chevrolets avec le scoreur fou Chuck Chuckovits ou l’incroyable Mel Riebe qui pond des classiques du côté de Cleveland entre la NBL et la BAA.
Le roi du triple-double : Oscar Robertson
Après une fantastique carrière au niveau High School dans l’Indiana, Oscar Robertson se dirige vers la fac de Cincinnati. Sous les ordres de George Smith pour prendre la suite des années Jack Twyman, Oscar domine dès les débuts. Sur ses 3 années de NCAA, Robertson envoie 34 points, 15 rebonds et 7 assists de moyenne, il est triple meilleur scoreur de la NCAA et double meilleur rebondeur de la conférence MVC. Multiple joueur de l’année, Oscar est clairement le meilleur joueur de son temps et ce, même si il n’aura jamais le titre national et malgré le fait que sa carrière universitaire fut été jonché de racisme. Suite à ça, il reste dans la région aux Cincinnati Royals en NBA. 10 années durant laquelle Oscar fait des énormes performances: il obtient le MVP en 1964, le titre de meilleur marqueur en 1968, 6 titres de meilleur passeur, 10 présences au All-Star Game et dans les All-NBA Teams. Tout cela, Oscar l’a fait malgré une relation fortement conflictuel entre le joueur et la franchise et notamment son coach Bob Cousy et les résultats décevants de l’équipe malgré beaucoup de bons joueurs comme Jerry Lucas, Jack Twyman ou Wayne Embry.
Le baseballer devenu coach de basket : Fred Taylor
Natif de l’Ohio et universitaire des Buckeyes de Ohio State, Fred Taylor a continué sa carrière dans le baseball amateur du côté de Washington; Chattanooga et Beaumont. Après ça, il passe un an en assistant de Floyd Stahl avant de prendre sa place. Et si l’année 1 ne sera pas une franche réussite, dès l’année 2, Fred va se retrouver avec un effectif incroyable: à l’arrière Larry Siegfried se rajoute l’ailier John Havlicek, le meneur Mel Nowell et surtout un intérieur monstrueux du nom de Jerry Lucas, qui tourne à 24 points et 17 rebonds de moyenne, remporte 2 titres de joueurs de l’année et c’est avec cette équipe que Ohio State ira en finale trois années consécutives et remportera la première. Même si Fred Taylor ne fera pas grand chose d’autre dans sa carrière (il mènera quand même l’équipe à nouveau en Final Four en 1968), l’épopée de l’ère Taylor-Lucas sera une ère de quasi-domination. Mais quelle équipe a pu faire tomber 2 fois cette monstrueuse team autour du meilleur joueur NCAA, d’un très bon coach et de très bons role players?
Le maitre du « percentage basketball » : Ed Jucker
Dans un basketball qui a connu les années Harden-d’Antoni et la recrudescence des analytics, l’idée de jouer le basket le plus efficace nous semble logique. Pourtant quand Ed Jucker arrive à la tête de Cincinnati après des années en tant qu’assistant, ce n’est pas si évident. Ed coach la première année post-Oscar et doit construire un jeu moins héliocentrique autour de nombreux joueurs moins connus comme Paul Hogue, Bob Wiesenhahn, Tom Thacker, Ron Bonham ou George Wilson. Pour cela, il met en place une attaque dite de « percentage basketball » dont le concept est simple: prendre les tirs statistiquement les plus efficaces. Une performance qui lui permettra de réaliser l’impensable: Oscar Robertson est parti mais les résultats sont éminemment meilleurs avec 3 finales dont 2 gagnées contre Ohio State. Ed était un avant gardiste du basketball même si la mise en place de son style a mis du temps, il a fini par marcher et porter largement ses fruits en gagnant contre l’ogre Jerry Lucas. Le passage en NBA du côté des Royals n’aura pas été grandiose mais il se note.
Akron au sommet : Calvin Fowler
On a déjà un peu parlé des Akron Goodyear Wingfoots ici. En effet, elle a été une très bonne équipe de la NBL et est, aujourd’hui, une des plus vieilles équipes des USA qui a plus de 100 ans. Après avoir gagné des titres dans les années 30 avant de vivre une période un peu plus creuse. Cependant, dans les années 60, l’équipe revient en force: elle remporte 2 trophées de champion en AAU pour mettre définitivement fin à la dynastie des 66ers et domine aussi dans la fin des années 60 et dominait le basketball amateur dans la fin des années 60 en NIBL (ce qui a permis à l’équipe de faire un three-peat en FIBA Intercontinental Cup au passage). 3 ans après le titre AAU des Cleveland Pipers de Dan Swartz et Ben Warley, c’est notamment le meneur Calvin Fowler qui permet à Akron de dominer. Meneur scoreur issus des playgrounds de Pennsylvanie, Calvin va devenir un personnage marquant de Akron qui fait la légende de la région avec d’autres grands joueurs des Goodyear Wingfoots comme Bill Reigel, Pete McCaffrey, Larry Brown ou encore Vern Benson.
Le Huggy Bear : Bob Huggins
Bob Huggins prend son premier poste de Head Coach, après avoir trainé du côté de Ohio State en tant qu’assistant, du côté de Walsh. Quelques années intéressantes en NAIA qui verront Huggins reprendre un poste d’assistant en Floride avant d’entamer vraiment sa carrière un an après à Akron. Pendant ces quelques années, on découvre le profil de « Huggy Bear »: un coach qui sait s’adapter à son roster pour proposer une attaque collective au style agressif et ainsi, Bob va mener les Zips à leur première participation en March Madness. En 1989, il rejoint Cincinnati pour les aider à retrouver leurs grandeurs perdues depuis les années Jucker. Directement, c’est très fort: Huggins enchaine les March Madness entre 1992 et son départ en 2005 avec une première année en Final Four. Malgré la très mauvaise réputation vis-à-vis de l’obtention des diplômes de ces joueurs et d’un comportement parfois borderline, voir out of line, les résultats sont là et les joueurs viennent et sont très forts. Danny Fortson, Steve Logan ou encore le joueur de l’année Kenyon Martin marquent leur temps. L’histoire de Huggins se termine en 2005 quand ce dernier se fait arrêté pour conduite en état d’ivresse et que Cincinnati décide de se débarasser de lui.
Ohio au féminin : Katie Smith
Les femmes dans l’Ohio, c’est un peu plus compliquée en terme historique dans le basketball. Cependant, certaines ont marqué leur époque: Katie Smith est de cette trempe. Née à Logan, elle est élue meilleure joueuse nationale alors qu’elle lead le lycée local au titre de championnes de l’Ohio. En 1992, elle décide de continuer dans son état local en choisissant la fac de Ohio State. Après les années Frani Washington ou Nikita Lowry, les joueuses menées par Nancy Darsh au coaching iront en finale NCAA dès la première année autour de la freshman Katie Smith. Arrière offensive incroyable, elle se démarque par ses qualités de sniper et de provocatrice de lancers avec de belles performances défensives. Avec les Buckeyes, elles ont battu l’incroyable Virginia sur une fin de match chaotique suivi de Iowa en overtime. En finale, malheureusement, Ohio State craque de pas grand chose contre le Texas Tech de Sheryl Swoopes. Cependant, cette belle épopée autour de la freshman ne permettra pas de construire une suite plus belle avec 2 années sans March Madness puis une année 1996 qui s’arrête au second tour. Katie quitte la NCAA avec un sentiment de déception direction la ABL (ligue féminine qui a disparu avec l’arrivée de la WNBA en 1997), au Quest de Colombus. Sous les ordres de Brian Agler avec des joueuses comme Nikki McCray ou Valerie Still, le Quest va s’affirmer comme l’équipe la plus dominante de la très brève ABL mais qui offre 2 titres de championne à Katie Smith avant qu’elle ne s’envole vers la WNBA, dans le Minnesota.
Les Buckeyes dominent : Thad Matta
L’Ohio découvre Thad Matta quand il se met à coacher les Musketeers de Xavier. L’équipe tournée autour du joueur de l’année 2003 David West et de l’ailier centrafricain future légende d’EuroLeague Romain Sato va faire de belles performances. En 2004, avec Sato et Chalmers, ils sont même à 1 match de rentrer en Final Four mais tomberont face à Duke. C’est cette même année que Thad rejoint les Buckeyes et va former une grande génération de joueurs de Ohio State: Greg Oden, Michael Conley, Evan Turner, Jared Sullinger ou encore D’Angelo Russell. Autour de la doublette Mike Conley et Greg Oden, Ohio State créé une année folle autour du meneur polyvalent et du monstre athlétique mais qui s’arrête en finale contre les Gators légendaire avec Noah, Horford, Brewer et autres. Thad Matta retournera en Final Four avec un autre phénomène intérieur: Jared Sullinger, géant technique au dessus de la moyenne avec le scoreur DeShaun Thomas ou le meneur défensif Aaron Craft.
Le King : LeBron James
Comment ne pas parler de LeBron James ici. Evidemment, les Cavs ont connu des belles années. On aurait pu mentionner ici le Miracle de Richfield de 1976 ou de l’ère magnifique avec Mark Price et Brad Daugherty, c’est certain. Mais jamais les Cavaliers n’ont été aussi incroyable qu’avec LeBron James. En sortie de St Vincent St Mary’s en HS, c’est un phénomène déjà bien connu qui fait des couvertures de Sports Illustrated et des grandes performances. Précocité, longévité, 2 titres de MVP, 1 titre mythique en 2016 sur une action légendaire. Une première partie en tant que jeune LeBron qui découvre la NBA avec Zydrunas Ilgauskas et Mike Brown et qui montre le phénomène qu’il est mais bute en play-offs (même si il va en finale en 2007), faute à un supporting cast insuffisant que le management a refusé d’améliorer (Amar’e Stoudemire, Michael Redd, etc). Puis le retour: 4 années, 4 finales. Avec ces compères Kyrie Irving et Kevin Love, LeBron fait une masterclass collective en dominant outrageusement l’est contre DeRozan, Isaiah Thomas, Paul George et autres. LeBron, c’est l’Ohio et l’Ohio, c’est LeBron et ça va être très dure de trouver quelqu’un plus attaché à son état que lui.