La NBA des années 90

« We done with the 90s », la NBA des années 90 était-elle moins forte qu’aujourd’hui ?

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Avec l’avènement du mouvement « We done with the 90s », un nouveau fléau a débarqué sur la planète NBA. Sur les réseaux sociaux, des milliers de fans publient des actions ratées (mauvaise sélection de tirs, passes envoyées en touche, airballs…) en clamant que la NBA des années 90 avait un niveau pitoyable. À tel point qu’elle ne vaudrait même plus la peine d’être prise en compte. Certains vont carrément jusqu’à dire que Michael Jordan ne savait pas se servir de sa main gauche…

Ce mouvement est né dans le seul et unique but de décrédibiliser la NBA d’antan, pour promouvoir celle d’aujourd’hui, et mettre en avant les joueurs préférés des jeunes fans de NBA. La logique est que, si des joueurs comme Jordan ou Magic jouaient à une époque où le niveau étaient faibles, et bien leurs exploits ne vaudraient plus rien. Alors qu’aujourd’hui, le niveau serait bien plus élevé et les joueurs seraient bien plus méritants dans leurs performances. Donc LeBron James est forcément le meilleur joueur de l’histoire, et Stephen Curry est le meilleur meneur de tous les temps.

Une NBA moins forte et une défense surcotée ?

On ne peut pas sérieusement dire que la NBA était moins forte dans les années 90 qu’aujourd’hui. Néanmoins, il est clair qu’elle a changé dans bien des aspects.

Tout d’abord, avec le temps, on a acquis une meilleure connaissance du jeu, de ce qui marche, et de ce qui ne marche pas pour réussir. Les athlètes NBA d’aujourd’hui sont probablement capables de plus sur un terrain de basket que ceux des années 90, tout simplement car on a une meilleure idée de comment les mettre dans les meilleures dispositions. Que ça soit dans les compétences qu’ils doivent développer, de la manière dont ils doivent s’entraîner, ou encore ce qu’ils doivent manger.

Et puis de toute manière, publier des vidéos en montrant des lowlights sans réel contexte est un procédé assez minable, auquel on peut d’ailleurs toujours s’adonner avec les joueurs actuels. Les joueurs continuent et continueront de faire des erreurs. On assiste encore à des sélections de tirs douteuses, des passes complètement manquées, des défenses approximatives et autres, et ce, même de la part des meilleurs joueurs de la ligue. Ces moments font tout simplement partie du jeu. Sur YouTube, on trouve plusieurs compilations de ce genre d’actions, qui se sont produites lors de la dernière décennie.

Poster ce genre de vidéos sans contexte permet de manipuler le public, de le pousser à croire que ce genre de bourdes sont récurrentes. Mais en réalité, cette technique futile n’apporte rien au débat. Il vaut mieux parler du jeu en tant que tel.

Et justement, au niveau du jeu, l’un des principaux arguments des détracteurs de la NBA des 90s, est que l’on surcote énormément la défense de cette époque. Sur les vidéos en question, on voit des défenses qui attendent les attaquants à l’intérieur de la ligne à 3 points. Or, c’est tout à fait normal quand on connaît le style de jeu des années 90.

En effet, à l’époque, les attaquants avaient beaucoup plus tendance à driver au panier ou à s’arrêter pour shooter à mi-distance. Coller son adversaire lui aurait juste permis de plus facilement effacer son défenseur pour se créer une fenêtre de tir. Les shoots à 3 points étaient plutôt rare, la NBA de l’époque étant dominée par les big men et le jeu intérieur.

Avec ces défenses resserrées, la vitesse du jeu a progressivement baissé. La saison 1998-99 est d’ailleurs celle avec la vitesse de jeu la plus basse jamais mesurée. Et quand la vitesse du jeu baisse, moins de points sont marqués. La défense prend alors le pas sur l’attaque. C’est notamment pourquoi les meilleures équipes de cette époque étaient avant tout des excellentes défenses (les Bad Boys Pistons, les Rockets d’Olajuwon, les Bulls de 96).

Le changement de règle qui a marqué un tournant

Cette vitesse de jeu qui baissait d’années en années a fini par agacer les hautes instances de la NBA. Pour influer sur le jeu, la ligue a décidé de modifier certaines règles, dont une en particulier : le hand-checking. Le hand-checking permettait aux défenseurs de poser la main sur l’attaquant, lorsque celui-ci est à portée de tirs ou de drive, sans que cela ne soit considéré comme une faute. Ce qui rendait la tâche de se démarquer bien plus dure pour les joueurs extérieurs, et a mené à la domination des joueurs intérieurs sur cette période (Hakeem Olajuwon, David Robinson, Shaquille O’Neal, Charles Barkley…).

Mais en 1994, avec la première retraite de Michael Jordan, la NBA a changé cette règle une première fois, dans le but de limiter son impact. Mais il n’en fût rien, les joueurs continuaient de défendre de cette manière, et la vitesse du jeu n’augmentait toujours pas. C’est seulement après la troisième et dernière retraite de sa majesté Jordan, que la ligue a finalement décidé de complètement bannir le hand-checking en 2004.

La suppression de cette règle a directement influé sur le jeu, passant le jeu extérieur au premier plan. Pour illustrer cela , les deux MVP précédents, Tim Duncan et Kevin Garnett, étaient des intérieurs et surtout d’excellents défenseurs. Tandis que les deux titres de MVP suivants ont été remportés par le meneur des Suns, Steve Nash. Un attaquant génial, à la passe comme au shoot, mais dont la défense ne faisait pas vraiment rêver.

D’autres règles ont été instaurées pour faciliter le travail des attaquants en NBA. Par exemple, l’instauration du « pas zéro », permet au joueur d’effectuer 3 pas, sans que son action soit considérée comme un marcher. Les joueurs ont plus de libertés qu’avant en attaque, les arbitres sont plus cléments sur les porter de balles et les reprises de dribbles. Permettant alors aux joueurs d’utiliser des moves que l’on aurait jamais vu dans la NBA d’auparavant.

Par exemple, ici, Danny Ainge fait une simple hésitation face à son coéquipier Kevin McHale. Ce dernier s’arrête immédiatement de jouer, persuadé qu’Ainge vient de faire une reprise de dribble.

Aujourd’hui, l’attaque a pris le pas sur la défense, permettant aux équipes NBA de scorer davantage. En effet, lors des années 90, la saison la plus prolifique étaient celle de 1990-91, où les équipes marquaient en moyenne 106 points tous les soirs. De nos jours, la saison actuelle et la précédente voyaient toutes deux les écuries de NBA scorer en moyenne 114 points par match.

« Si vous voulez voir plus de scoring, c’est la bonne période. Mais si vous voulez de la défense, c’était très dur de marquer des points lors de mes premières années dans la ligue. »

Vince Carter, drafté en 1998.

Vince Carter avec Michael Jordan. Crédit : Getty Images

Une évolution rendue possible grâce, entre autres, à une prise de tir à 3 points qui ne cesse d’augmenter. Il est vrai que les joueurs actuels ont des pourcentages un peu plus élevés que leurs prédécesseurs, mais chaque période en NBA a ses points forts et ses points faibles. Si de nos jours, les joueurs shootent mieux, et bien les pensionnaires de la grande ligue étaient bien plus dominants au poste dans les années 90 qu’aujourd’hui.

L’arrivée en masse des Européens dans la NBA des années 90

Alors que les joueurs étaient pour la grande majorité Américains lors des années 90, la ligue a progressivement accueilli de plus en plus de joueurs étrangers, en particulier des Européens. Un des tout premiers étant Drazen Petrovic. Ce dernier débarque en NBA en 1989, et se démarque directement à travers son jeu atypique. Drazen était un vrai monstre qui shootait à 44% derrière l’arc, mais qui savait tout faire en attaque, bien qu’il n’était pas le plus athlétique. Lui qui n’a pas pu aller jusqu’au bout de sa carrière, représente un vrai avant-goût du joueur Européen pour la NBA.

Aujourd’hui, les 5 derniers titres de MVP ont été remportés par des joueurs étrangers (si l’on considère le naturalisé Joel Embiid comme Camerounais), dont 4 par des Européens. Ce qui démontre bien l’arrivée en force des joueurs du vieux continent. Avec un style plus offensif, plus cérébral et axé sur les fondamentaux, ils ont indéniablement contribué aux changements que la NBA a rencontrés dans le jeu.

Effectivement, les joueurs Européens sont éduqués à la dure. Directement jetés dans le monde pro dès le plus jeune âge (16 ans pour Luka Doncic), ils arrivent en NBA avec la maturité nécessaire pour dominer immédiatement. Pendant que les prospects Américains font leurs armes à l’université ou autres ligues, où l’attaque repose plutôt sur des individualités et où ils affrontent d’autres jeunes inexpérimentés.

Le basket en Europe repose sur le collectif, les 5 joueurs de l’équipe sont constamment en mouvement. Un style qui sera repris par une équipe bien connue outre-Atlantique : les San Antonio Spurs. Disposant d’un effectif garni par de nombreux joueurs internationaux et Européens, Gregg Popovich va mettre en place un jeu ultra collectif qui prendra le surnom de « Spurs Basketball ». Mais en réalité, si on regarde des matchs d’EuroLeague, c’est la manière dont toutes les équipes jouent là-bas, une façon de jouer qui est devenue un vrai exemple de « winning basketball » en NBA.

On assiste aujourd’hui à un consensus général : les meilleurs joueurs de la planète (Giannis Antetokounmpo, Nikola Jokic, Luka Doncic), sont tous Européens. Ces derniers ont débarqués en NBA avec leur style bien à eux et ont changé la face de la ligue. A la manière d’un Dirk Nowitzki avant eux, qui était le premier big man à axer son jeu sur le tir extérieur.

Michael Jordan n’avait pas de main gauche ?

Cette phrase est si absurde, qu’il est difficile de croire que certaines personnes sont capables de la prononcer ou de l’écrire. Malheureusement, tous les moyens sont bons pour descendre les grands joueurs du passé. Mais on ne va pas s’attarder longtemps sur la question, Michael Jordan avait bel et bien une main gauche, et peut-être même une des meilleures de tous les temps.

Voici une compilation de highlights de MJ où il ne se sert que de sa main gauche, ça dure 8 minutes, c’est issu d’une seule saison, et ça devrait suffire pour mettre fin aux avis désastreux de certains.

En résumé, la NBA des années 90 n’était pas une NBA moins forte que celle d’aujourd’hui, mais elle était bien différente. Avec le temps, des règles et les mœurs ont changés. Les joueurs tirent plus à 3 points, et ont une liberté accrue en attaque, leur permettant de développer des moves qui jadis, aurait été vus comme illégaux.

La NBA et le basket, pour notre grand plaisir, ne cesseront d’évoluer avec le temps. Ce qui créera des débats, encore et encore. Mais les gens préfèrent cracher sur l’ancien temps que de profiter des nouveaux talents qui illuminent les parquets NBA. Et, il est sûr qu’en 2050, des jeunes fans diront qu’ils sont « done with the 2010s », plutôt que de perpétrer l’héritage de Stephen Curry, LeBron James, Kevin Durant, etc.

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Damian Lillard indique l'heure

19 ans - Celtics/Spurs (Wemby oblige) - rédac'
Grand fan de sport (foot et basket en particulier) et étudiant dans le management sportif. Je suis tombé dans le basket en regardant les vidéos de CodJordan23 sur 2K15 et de The Ball Never Lies. Admirateur des anciens comme Rodman, KG ou encore Gary Payton. Et amoureux de Tatum depuis son arrivée dans la ligue.
Parfois je dis et retweete des conneries sur Twitter aussi (@_n_bc__).

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